Luc 2, 52

Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.
Origène
Nous voyons que Jésus descendait fréquemment avec ses disciples, et qu'il ne restait pas toujours sur la montagne; car ceux qui étaient travaillés de diverses maladies ne pouvaient le suivre sur la montagne. C'est pour le même motif qu'il descend aujourd'hui vers ceux qui habitent une région inférieure à la sienne.

Apprenons donc nous aussi à être soumis à nos parents; si nous avons eu le malheur de les perdre, soyons soumis à ceux qui, par leur âge, nous tiennent leur place. Jésus, le Fils de Dieu, se soumet à Joseph et à Marie, je me soumettrai à l'évêque que Dieu m'a donné pour père. Sans doute, Joseph devait comprendre que Jésus était au-dessus de lui, et n'exercer qu'en tremblant son autorité sur ce divin enfant. Que chacun donc réfléchisse aussi que souvent il est bien inférieur à celui qui lui obéit; cette pensée le défendra contre tout sentiment d'orgueil, lorsqu'il verra que celui au-dessus duquel il est placé par sa dignité lui est de beaucoup supérieur en vertu.

Comme il avait douze ans, il demeure à Jérusalem. Ne sachant où il est, ses parents le cherchent avec inquiétude et ne le trouvent pas. Ils le cherchent parmi leurs parents, ils le cherchent parmi leurs compagnons de route, ils le cherchent parmi leurs connaissances (Lc 2,44), et ils ne le trouvent pas. Jésus est donc recherché par ses parents, par son père nourricier qui l'avait accompagné dans sa descente en Égypte, et pourtant ils ne le trouvent pas aussitôt qu'ils le cherchent. Car on ne trouve pas Jésus parmi les parents et parmi les proches selon la chair, parmi ceux qui lui sont unis par le corps. Mon Jésus ne peut être trouvé dans la foule.

Apprenez-donc où l'ont découvert ceux qui le cherchaient, afin que vous aussi, en le cherchant avec Marie et Joseph, vous puissiez le découvrir. A force de le chercher, dit l'évangéliste, ils le trouvèrent dans le Temple (Lc 2,46). Non pas n'importe où, mais dans le Temple, et là, en outre, au milieu des docteurs de la Loi qu'il écoutait et interrogeait (Lc 2,46-47). Vous aussi, cherchez Jésus dans le Temple de Dieu, cherchez-le dans l'Église, cherchez-le auprès des maîtres qui sont dans le Temple et n'en sortent jamais. Si vous cherchez ainsi, vous le trouverez. Mais si quelqu'un se dit un maître, et ne possède pas Jésus, il n'est maître que de nom, et on ne peut trouver auprès de lui Jésus, qui est le Verbe et la Sagesse de Dieu.

Ils le trouvent assis au milieu des docteurs, et non seulement assis, mais les interrogeant et les écoutant. Maintenant encore Jésus est ici: il nous interroge et il nous écoute parler. Et tous étaient dans l'admiration (Lc 2,48). A propos de quoi? Non de ses interrogations, bien qu'elles fussent admirables, mais de ses réponses (Lc 2,47).

Dans la sainte Écriture, "répondre" ne désigne pas un simple dialogue, mais un enseignement. Que la loi divine te l'apprenne: Moïse parlait, et Dieu lui répondait par sa voix (cf. Ex 19,19). Tantôt Jésus interroge, tantôt il répond et, nous l'avons dit, bien que son interrogation soit admirable, sa réponse l'est bien davantage. Pour que nous puissions l'entendre, nous aussi, et qu'il nous propose des questions qu'il résoudra lui-même, supplions-le et cherchons-le avec beaucoup d'efforts et de douleur, et alors nous pourrons trouver celui que nous cherchons. Ce n'est pas pour rien qu'il est écrit: Moi et ton père, nous te cherchions tout affligés (cf. Lc 2,49). Celui qui cherche Jésus ne doit pas chercher avec négligence, mollement, par intermittence, ainsi que certains le cherchent et qui, à cause de cela, ne peuvent le trouver. Quant à nous, disons: Nous te cherchons tout affligés.

Et quand nous lui aurons parlé ainsi, il répondra à notre âme qui se fatigue à le chercher dans la douleur: Ne le saviez-vous pas? C'est chez mon Père que je dois être (Lc 2,49-50).
Saint Basile le Grand
Par cette obéissance parfaite qu'il professe à l'égard de ses parents dès sa première enfance, Jésus accepte humblement, et avec respect, tous les pénibles travaux de leur condition. Car bien qu'ils fussent vertueux, honorés, ils étaient pauvres cependant, et dans la gène (comme le prouve la crèche qui reçut l'enfant divin à sa naissance), et ils devaient pourvoir à leur existence par un travail assidu et à la sueur de leur front. Or, Jésus qui leur obéissait (comme le déclare l'Écriture), devait partager tous ces travaux avec une entière soumission.
Saint Grégoire de Nysse
Disons encore que l'esprit de discernement et la raison sont très imparfaits dans les enfants, et qu'ils ont besoin d'être développés par ceux qui sont plus âgés, ou si l'on veut, d'être conduits par des mains sages et expérimentées à un degré plus éminent de vertu. Or, c'est pour confirmer cette vérité que Jésus, parvenu à l'âge de douze ans, nous donne l'exemple de l'obéissance à ses parents; et il nous apprend ainsi que tout ce qui ne peut s'élever à la perfection que par degrés successifs, pour arriver à cette fin désirée, doit embrasser la pratique de l'obéissance, comme une des voies les plus sûres qui puisse l'y conduire.

Le Verbe ne croît point de la même manière dans ceux qui le reçoivent, ruais il apparaît dans les divers degrés par lesquels il a passé de l'enfance, de l'âge adulte et de la perfection.
Saint Ambroise
Vous êtes surpris qu'il puisse être soumis à son Père céleste, tout en obéissant à sa mère? Rappelez-vous que cette obéissance n'est pas chez lui la suite de la faiblesse, mais un acte de piété filiale. Les hérétiques ont beau lever ici la tête, et prétendre que celui qui est envoyé par son Père a besoin d'un secours étranger. Avait-il besoin du secours des hommes, parce qu'il était soumis à l'autorité de sa mère? Il était soumis à l'humble servante de Dieu, il était soumis à celui qui n'était son père que de nom, et vous êtes étonné qu'il soit soumis à Dieu? C'est un devoir de piété filiale, que d'obéir à l'homme, serait-ce un acte de faiblesse que d'obéir à Dieu ?
Saint Cyrille d'Alexandrie
Mais, disent les Eunomiens, comment pouvait-il être égal et consubstantiel à son Père, lui que nous voyons soumis à un accroissement successif comme une créature imparfaite? Nous répondons que ce n'est pas en tant que Verbe, mais en tant qu'il s'était fait homme, que l'Évangéliste dit: «Il croissait en sagesse», etc. Car si après son incarnation, il a véritablement acquis une nouvelle perfection qu'il n'avait pas auparavant, quelle reconnaissance lui devrions-nous de ce qu'il s'est incarné pour nous? D'ailleurs s'il est la véritable sagesse, de quel accroissement était-il susceptible? et comment celui qui est le principe et la source de la grâce pour tous les hommes, aurait-il pu croître lui-même en grâce? Disons plus; est-on scandalisé d'entendre dire que le Verbe s'est humilié, et en conçoit-on des idées peu favorables à la divinité; et n'admire-t-on pas bien plutôt la grandeur de sa miséricorde? Pourquoi donc serait-on scandalisé de ses progrès dans la sagesse? C'est pour nous qu'il a daigné s'humilier, c'est pour nous aussi qu'il s'est soumis à ce progrès successif, et pour nous faire avancer dans sa personne, nous, que le péché avait fait tomber si bas; car il s'est soumis, en réalité, à toutes les conditions de notre nature, pour les réformer et leur imprimer un nouveau caractère de perfection. Et remarquez encore que l'Évangéliste ne dit pas: Le Verbe croissait, mais: «Jésus croissait», il veut nous faire comprendre que ce n'est point le Verbe considéré comme Verbe, mais le Verbe fait chair qui s'est soumis à cet accroissement. Bien que la chair seule ait été sujette à la souffrance, nous disons que le Verbe a souffert dans la chair dont il s'est revêtu, parce que c'était la chair du Verbe qui souffrait, ainsi disons-nous que le Verbe croissait, parce que l'humanité qui lui était unie était soumise à cet accroissement. Et encore, nous disons qu'il croissait en tant qu'homme, non pas que son humanité, qui était parfaite dès le premier moment de l'incarnation, pût recevoir quelque nouvel accroissement, mais parce qu'elle se développait progressivement. L'ordre naturel s'oppose à ce que l'homme fasse paraître une intelligence supérieure à son âge. Le Verbe (fait homme) avait donc toute perfection, puisqu'il est la puissance et la sagesse du Père; mais pour se conformer aux conditions de notre nature, et ne point donner un spectacle extraordinaire à ceux qui en seraient témoins, il passait par tous les degrés du développement naturel de l'homme aux divers âges de sa vie, et ceux qui le voyaient, qui l'entendaient, trouvaient que sa sagesse s'accroissait de jour en jour.
Saint Bède le Vénérable
Comment, en effet, celui qui venait nous enseigner toute vertu aurait-il pu ne pas remplir ce devoir de piété filiale? Que pourrait-il faire parmi nous, que ce qu'il veut que nous fassions nous-mêmes?

Cependant l'auguste Vierge renfermait toutes ces choses dans son coeur pour les repasser, pour les méditer avec soin, soit qu'elle les comprit dans toute leur étendue, soit que leur sens mystérieux demeurât encore voilé pour elle: «Et sa mère conservait toutes ces choses en son coeur».

Considérez l'admirable prudence de Marie, cette mère de la vraie sagesse, com me elle se rend le disciple, l'élève de son divin enfant. Car ses leçons n'étaient point pour elle les leçons d'un enfant, ni d'un homme ordinaire, mais les leçons d'un Dieu. Elle repassait ensuite dans son âme ses paroles et les actions dont elle était témoin, elle n'en laissait perdre aucune; et de même qu'elle avait autrefois conçu le Verbe lui-même dans son chaste sein, ainsi elle concevait pour ainsi dire ses paroles et ses actions, et les fécondait dans son coeur par une pieuse méditation. Elle contemplait avec bonheur ce qu'elle pouvait en comprendre, et elle attendait la révélation plus claire que l'avenir lui en réservait. Telle fut la règle dont elle se fit comme une loi dans tout le cours de sa vie.

La lecture du saint Évangile qu'on vient de proclamer, frères très chers, est limpide et n'a pas besoin que nous y ajoutions un commentaire. Elle englobe le bas âge et l'enfance de notre Rédempteur, par lequel il a daigné se faire participant de notre humanité; et elle rappelle l'éternité de la Majesté divine, par laquelle il est demeuré et demeure toujours égal au Père. C'est afin que nous-mêmes, rappelant à notre souvenir l'abaissement de l'Incarnation, nous nous efforcions de lutter contre toutes les blessures du péché en les guérissant par une sincère humilité. Nous qui sommes poussière et cendre, nous devrions toujours nous rappeler affectueusement combien, pour reconnaître l'amour divin aussi bien que pour assurer notre salut, nous devons nous humilier, puisque cette puissance souveraine n'a pas dédaigné de s'abaisser pour nous, au point de rejoindre les derniers degrés de notre faiblesse.

Que Jésus lui-même, à douze ans, soit assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant, c'est un témoignage de son humilité d'homme, et en outre un exemple éclatant qui nous enseigne à pratiquer cette vertu.

Ce que dit le Seigneur assis dans le Temple: C'est chez mon Père que je dois être (Lc 2,50), met en lumière que sa puissance et sa gloire sont coéternelles à celles du Père. Mais que, revenant à Nazareth, il était soumis (Lc 2,51) à ses parents, c'est à la fois un indice de vérité et un exemple d'humilité. Car il était soumis aux hommes selon cette nature qui le rend "inférieur au Père" (cf. Jn 14,28).

Et sa mère, dit l'Évangile, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur (Lc 2,19 Lc 2,51). Toutes les paroles dites au sujet du Seigneur, toutes les actions accomplies par lui, la Vierge Mère les gardait attentivement dans son coeur et les confiait soigneusement à sa mémoire.

Frères très chers, si nous désirons, dans la béatitude du siècle futur, habiter la maison du Seigneur pour le louer éternellement, il faut sans nul doute, dès ce siècle, montrer activement par avance ce que nous cherchons pour ce siècle futur. Il faut visiter les églises, non seulement en y chantant les louanges du Seigneur, mais encore en montrant, aussi bien par nos actes que par nos paroles, ce qui contribue à la louange et à la gloire de notre Créateur sur toute l'étendue de so n empire (Ps 102,22).

Après avoir dit que Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce, on a bien fait d'ajouter: sous le regard de Dieu et des hommes (Lc 2,52), parce que, en révélant aux hommes, avec les progrès en taille et en âge, les dons de sagesse et de grâce qui étaient en lui, il n'avait pas d'autre souci que de les exciter sans cesse à louer Dieu le Père. Ainsi accomplissait-il lui-même ce qu'il avait prescrit aux autres de faire: Que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16).
Commentaire grec
Notre-Seigneur suit tour à tour ces deux méthodes: Tantôt il commence par établir la loi, et puis il la confirme par ses oeuvres, comme lorsque ayant dit: «Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis», lui-même, quelque temps après, sacrifia sa propre vie pour notre salut. Quelquefois, au contraire, il donne tout d'abord l'exemple, et trace ensuite dans ses enseignements la règle qu'il faut suivre. C'est ce qu'il fait ici en nous apprenant, par sa conduite, ces trois principaux devoirs: Aimer Dieu, honorer ses parents, et savoir leur préférer Dieu quand il le faut. En effet, au reproche que lui font ses parents, il répond en mettant au premier rang, et avant tout, le service de Dieu; puis il rend ensuite à ses parents l'obéissance qui leur est due.

Il croissait en âge, parce que son corps atteignait successivement la virilité; il croissait en sagesse dans les divines leçons qu'il donnait à ceux qu'il instruisait; il croissait dans cette grâce qui nous fait nous - même croître et avancer avec joie dans l'espérance d'obtenir à la fin les biens qui nous sont promis. Il croissait devant Dieu, parce qu'il accomplissait l'oeuvre de son Père dans la chair qu'il avait prise; il croissait devant les hommes en les retirant du culte des idoles pour les élever à la connaissance de la divine Trinité. - Théoph. L'Évangéliste dit qu'il croissait devant Dieu et devant les hommes, parce qu'il faut plaire à Dieu, avant de plaire aux hommes.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Jésus n'est pas devenu sage progressivement, mais la sagesse qui était en lui se déclarait successivement et par degrés, comme par exemple, lorsque discutant avec les scribes, la prudence et la haute portée de ses questions jetaient dans l'étonnement tous ceux qui l'entendaient. Il croissait donc en sagesse, en ce sens qu'il se révélait en présence d'un plus grand nombre et les ravissait d'admiration; la manifestation de sa sagesse en était chez lui comme le progrès. Considérez comment l'Évangéliste, expliquant ce qu'était pour Jésus ce progrès dans la sagesse, ajoute aussitôt: «Et en âge». Il veut par là nous faire entendre que l'accroissement de l'âge était la mesure de l'accroissement extérieur de la sagesse.
Louis-Claude Fillion
S. Luc avait signalé plus haut, v. 40, l'enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ comme un temps de développement universel. Avant de quitter la Vie cachée pour passer à la Vie publique, il fait une réflexion identique à propos de l'adolescence du Messie. - Jésus croissait ; l'expression latine est moins pittoresque que le grec (littéralement : poussait en avant). Cette croissance avait un triple objet : l'esprit, le corps, et l'âme. - 1° L'esprit. Dès les premiers siècles de l'Église, on a soulevé sur ce point une grave discussion. Dans quel sens, s'est-on demandé, peut-on parler de développement intellectuel pour Notre-Seigneur Jésus-Christ ? L'accord n'a pas toujours régné à ce sujet parmi les théologiens. Plusieurs Pères, et spécialement S. Athanase, Orat. 3 contr. Arian. c. 51 et ss., n'ont pas craint d'admettre un véritable progrès dans les connaissances du Christ. En tant que Dieu, disaient-ils, Jésus savait toutes choses de toute éternité ; mais, en tant qu'homme, il croissait en sagesse, au fur et à mesure que son intelligence était illuminée par les splendeurs du Verbe. Il avait semblé à S. Athanase et à d'autres saints Docteurs que cette interprétation des paroles de S. Luc permettait de réfuter plus clairement et plus aisément les Ariens, qui en abusaient pour prétendre que Jésus-Christ n'était pas Dieu, puisque son être avait été borné. Mais d'autres Pères affirmaient en même temps qu'en Jésus il n'y avait pas eu de développement intellectuel proprement dit. D'après S. Cyrille, Thesaur. Assert., l. 10, c. 7, s'il croissait, « ce n'est pas que son humanité, qui fut parfaite dès le début, pût s'accroître, mais elle se manifestait progressivement ». La croissance avait donc lieu seulement par rapport aux hommes. Au moyen âge, la question fut reprise et précisée de la façon la plus heureuse. Les théologiens scolastiques établirent une distinction entre la science divine ou incréée de Notre-Seigneur, laquelle ne diffère pas de la science de la sainte Trinité, et la science humaine ou créée que le Christ possède en tant qu'homme. Ils divisèrent encore cette science humaine en trois branches, la science béatifique (ou de vision), la science infuse, et la science acquise (résultant de l'expérience). Par science de vison, ils entendent les connaissances que l'âme du Christ puisait, à la façon des anges et des bienheureux, dans la contemplation intuitive de la divine essence ; par science infuse, les lumières que Dieu lui transmettait sans cesse directement ; par science acquise, les notions qui lui provenaient du raisonnement, de l'expérience, etc. Or, d'après l'opinion commune, la science béatifique et la science infuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ ont été parfaites dès le premier instant de sa conception ; elles n'ont donc pu recevoir aucun accroissement. Seulement, elles émettaient chaque jour de plus brillants rayons, « comme le soleil qui, de son lever à son zénith, devient de plus en plus lumineux est dit progresser, non parce qu’en lui il y a une croissance, mais dans l’effet seulement, parce qu’il répand sur nous progressivement une plus abondante lumière ». Corn. Jansénius, Comm. in Luc. 2, 52. Au contraire, sa science expérimentale grandissait constamment. Non toutefois qu'elle apprît à Jésus des choses entièrement nouvelles ; mais elle lui montrait sous un aspect nouveau des idées qu'il connaissait déjà en vertu de sa science infuse. C'est ainsi que, d'après l'Épître aux Hébreux, 5, 8, « Il a appris l’obéissance de ce qu’il a souffert ». Ces distinctions nous paraissent élucider parfaitement ce point délicat : elles rétablissent d'ailleurs l'harmonie entre les Pères, car elles expliquent comment les uns ont pu admettre un progrès dans la sagesse du Sauveur tandis que les autres le rejetaient. Sur cette question importante, voyez Suarez, Comment. ac disputat. in tertiam partem D. Thomae, édit. Vivès, 1860, t. 18, pp. 1-89 ; De Lugo, de Mysterio Incarnat., disput. 19-21 ; Franzelin, l.c., thesis 42 ; Jungmann, Tract. de Verbo incarnato, ed. 2A, n. 241-250 ; J. Pra, L'Hypothèse du développement progressif dans le Christ (études religieuses, par des Pères de la Comp. de Jésus, 22è année, 6è série, t. 2, p. 205 et ss.) Voir aussi dans Bisping, Erklaerung des Evang. Nach Lukas, 2è édit., p. 208-212, une savante exposition, dont nous avons largement profité. - 2° Le corps. Le terme grec est amphibologique, et peut signifier tout aussi bien « taille » que « âge ». Comp. Bretschneider, Lex. Man., s. v . Nous préférons, à la suite de nombreux exégètes, le premier de ces deux sens. D'ailleurs la différence n'est pas grande, puisque, durant une partie notable de la vie humaine, le développement de la taille et de la vigueur physique accompagne la croissance en âge. - 3° L'âme, ou le développement moral. Nous retrouvons ici la même difficulté que pour le progrès intellectuel de Jésus. Elle se résout d'une manière analogue. Nous distinguons encore, à la suite des théologiens, « les habitudes et les actes surnaturels, les principes et les effets. Les œuvres de grâce ou les actes de vertu croissaient et se multipliaient sans cesse ; mais les habitudes infuses, les dispositions vertueuses, la grâce sanctifiante, tout ce qu'exigeait en son âme sa qualité d'Homme-dieu, ne pouvait croître. Le Sauveur a toujours possédé ces dons au degré le plus élevé ». Bacuez, Manuel biblique, t. 3, Nouveau Testament, Paris 1878, p. 171. Telle est bien la doctrine de S. Thomas, p. 3, q. 7 à 12 : « Dans le Christ, il ne pouvait pas y avoir d’augmentation de la grâce comme dans les bienheureux…si ce n’est selon l’effet, c’est-à-dire, dans la mesure où quelqu’un opère des œuvres plus vertueuses ». Comp. Franzelin, l. c., thesis 41, p. 409. On conçoit, d'après cela, comment la croissance de Jésus, soit en sagesse, soit en grâce, avait lieu non-seulement parmi les hommes, mais aussi auprès de Dieu. Cfr. 1 Reg. 2, 26, où une réflexion semblable est faite à propos du jeune Samuel. Désormais le silence le plus complet se fait autour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Les premiers événements de sa vie paraissaient annoncer une série non-interrompue de prodiges ; mais voici que la chronique sacrée nous le montre vivant dans une profonde obscurité, comme un pauvre artisan (comp. Marc. 6, 3) qui gagne sa pain à la sueur de son front. Toutefois, dit S. Bonaventure, Vita Christi, c. 15, « en ne faisant rien de merveilleux il accomplissait précisément une sorte de prodige ». Si l'on voulait maintenant comparer entre eux les récits de la Sainte Enfance d'après S. Matthieu et d'après S. Luc, on pourrait dire que, tout en s'harmonisant fort bien, ainsi qu'il a été démontré plus haut (voir la note du v. 39), ils diffèrent néanmoins beaucoup l'un de l'autre et pour le fond et pour la forme. 1° Quant au fond, ils n'ont que trois points identiques, la conception virginale de l'Homme-Dieu, sa naissance à Bethléem, sa vie cachée à Nazareth. Dans l'Évangile selon S. Matthieu, S. Joseph paraît être le personnage principal ; dans le récit de S. Luc, c'est au contraire Marie qui est généralement à l'avant-scène. S. Luc raconte un plus grand nombre d'événements ; sa narration nous fait mieux connaître les trente premières années de Jésus. On dirait, suivant une gracieuse fiction du P. Faber, Bethlehem, p. 239 et ss., qu'il était auprès de la crèche parmi les premiers adorateurs de Jésus, qu'il assista de même aux mystères de la Présentation, de Nazareth, etc., tant ses peintures sont détaillées et vivantes. Il est par excellence l'évangéliste de la Sainte Enfance, de même que S. Jean est l'évangéliste de la divinité du Verbe. 2° La forme est simple, populaire, dans le premier Évangile ; dramatique et tenant parfois de l'idylle dans le troisième.
Fulcran Vigouroux
« Comment faut-il entendre ce verset de saint Luc : Jésus avançait en sagesse, en âge et en grâce ? Pour ce qui est de l’intelligence, nous entendons saint Luc en ce sens qu’ayant, comme homme, les mêmes facultés que nous et se trouvant ici-bas dans des conditions analogues aux nôtres, le Sauveur éprouvait des impressions de même genre, voyait les mêmes objets, se formait les mêmes idées, acquérait la même science ; et que laissant paraître cette science au dehors selon qu’il l’acquérait et n’en faisant pas paraître d’autre, il donnait de jour en jour à ceux qui l’observaient de nouvelles preuves de ses connaissances et de sa sagesse. Les Docteurs donnent à cette science le nom d’expérimentale, à cause de la manière dont on l’acquiert pour l’ordinaire. Elle était pour Notre Seigneur la conséquence naturelle de la condition où il s’était mis, et elle rend compte de ce qu’ont dit l’Ecriture et les Pères sur son enfance et sur le développement graduel de son intelligence. Puisqu’il acquérait réellement cette sorte de science, il devait aussi en donner des marques, y faire des progrès, apprendre certaines choses, y appliquer son esprit, interroger, admirer, s’étonner, etc. Cela n’empêche pas de reconnaître en son âme dès le premier moment de l’Incarnation une science surhumaine et des lumières d’un ordre supérieur. Les principaux Docteurs et tous les théologiens enseignent qu’il avait reçu par infusion, à la manière des prophètes et des saints, mais dans un degré incomparablement plus élevé, un degré de science proportionné à sa dignité et à sa mission. De plus, ils s’accordent à dire que son âme jouissait de la vision intuitive de l’essence divine, d’une manière plus parfaite et plus pleine que tous les esprits du ciel. Ils regardent ces privilèges comme une conséquence naturelle de l’union hypostatique, et par conséquent ils ne sauraient admettre qu’il ait dû les mériter par ses œuvres, ni qu’il en ait été un seul instant privé. A plus forte raison n’admettraient-ils pas que son esprit partageât à son entrée dans le monde l’ignorance commune à tous les enfants d’Adam. Dans l’Apocalypse, on entend les élus du ciel célébrer sa sagesse et ses lumières en même temps que sa divinité. Quant à la grâce dont l’âme de Notre Seigneur a été ornée, nous distinguons de même, avec les théologiens, les habitudes et les actes surnaturels, les principes et les effets. Les œuvres de grâce ou les actes de vertus croissaient et se multipliaient sans cesse ; mais les habitudes infuses, les dispositions vertueuses, la grâce sanctifiante, tout ce qu’exigeait en son âme sa dignité d’Homme-Dieu, ne pouvait croître. Le Sauveur a toujours possédé ces dons au degré le plus élevé. » (L. BACUEZ.)
Catéchisme de l'Église catholique
Cette âme humaine que le Fils de Dieu a assumée est douée d’une vraie connaissance humaine. En tant que telle celle-ci ne pouvait pas être de soi illimitée : elle était exercée dans les conditions historiques de son existence dans l’espace et le temps. C’est pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant homme " croître en sagesse, en taille et en grâce " (Lc 2, 52) et de même avoir à s’enquérir sur ce que dans la condition humaine on doit apprendre de manière expérimentale (cf. Mc 6, 38 ; Mc 8, 27 ; Jn 11, 34 ; etc.). Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire dans " la condition d’esclave " (Ph 2,7).
Pape Saint Jean-Paul II
Ainsi la Mère de ce Fils, gardant la mémoire de ce qui a été dit à l'Annonciation et au cours des événements suivants, porte en elle la «nouveauté» radicale de la foi, le commencement de la Nouvelle Alliance. C'est là le commencement de l'Evangile, c'est-à-dire de la bonne nouvelle, de la joyeuse nouvelle. Il n'est cependant pas difficile d'observer en ce commencement une certaine peine du cœur, rejoignant une sorte de «nuit de la foi» - pour reprendre l'expression de saint Jean de la Croix-, comme un «voile» à travers lequel il faut approcher l'Invisible et vivre dans l'intimité du mystère. C'est de cette manière, en effet, que Marie, pendant de nombreuses années, demeura dans l'intimité du mystère de son Fils et avança dans son itinéraire de foi, au fur et à mesure que Jésus «croissait en sagesse ... et en grâce devant Dieu et devant les hommes» (Lc 2, 52). La prédilection que Dieu avait pour lui se manifestait toujours plus aux yeux des hommes. La première des créatures humaines admises à la découverte du Christ fut Marie qui vivait avec Joseph dans la même maison à Nazareth.