Luc 2, 7
Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
En effet, en se revêtant de notre humanité, il n'est point soumis en tout aux lois de la nature humaine. Il naît d'une femme, il est vrai, et c'est la part de l'humanité; mais la virginité qui lui a donné naissance, montre qu'il est supérieur à l'homme. Cette divine Vierge l'a porté sans souffrance, sa conception est sans tache, son enfantement sans difficulté, sa naissance sans souillure, sans déchirement et sans douleurs. Celle qui a déposé dans notre nature le germe de la mort par sa désobéissance, a été condamnée à enfanter dans la douleur; la mère de celui qui est la vie devait enfanter dans la joie. Il entre dans cette vie mortelle par la pureté incorruptible d'une vierge, à l'époque de l'année où les ténèbres commencent à diminuer, et où la longueur des nuits cède nécessairement devant les flots de lumière que répand l'astre du jour. En effet, la mort du péché avait atteint le terme de sa gravité, dès lors elle allait disparaître devant la clarté de la vraie lumière qui allait répandre sur tout l'univers les rayons éclatants de la prédication évangélique.
Saint Luc rapporte en très peu de mots la manière dont le Christ est né, le temps et le lieu de sa naissance selon la chair: « Pendant qu'ils étaient là, il arriva que le temps où elle devait enfanter s'accomplit », etc. Le mode de sa naissance, c'est qu'une femme qui était mariée l'a conçu, et qu'elle l'a engendré en demeurant vierge.
C'est pour vous qu'il s'abaisse à cet état d'infirmité, lui qui est en lui-même toute puissance; pour vous, qu'il se réduit à cette pauvreté, lui qui possède toute richesse. Ne vous arrêtez point à ce que vous voyez, mais considérez que c'est par là que vous êtes racheté. Seigneur Jésus, je dois plus à vos humiliations qui m'ont racheté, qu'aux oeuv res de votre puissance qui m'ont créé. Que m'eût-il servi de naître sans le bienfait inestimable de la rédemption ?
Sans doute, s'il eût voulu, il pouvait venir en ébranlant les cieux, en faisant trembler la terre, en lançant la foudre; il a rejeté tout cet appareil, car il venait, non pour perdre, mais pour sauver l'homme, et, dès sa naissance, fouler aux pieds son orgueil. Il ne lui suffit donc pas de se faire homme, il se fait homme pauvre, et il choisit une mère pauvre, qui n'a point même de berceau pour y déposer son enfant nouveau né: « Et elle le coucha dans une crèche .
Helvidius s'efforce de prouver par ce passage qu'on ne peut donner le nom de premier né qu'à celui qui a des frères; de même qu'on appelle fils unique celui qui est le seul enfant de ses parents. Pour nous, voici notre explication: Tout fils unique est premier né, mais tout premier né n'est pas fils unique. Nous appelons premier né, non pas celui après lequel naissent d'autres enfants, mais celui qui est né le premier de tous (cf. Nb 18,15 ). En effet, si on n'est le premier né qu'autant qu'on aura des frères après soi, les prêtres n'auront aucun droit sur les premiers nés, avant la naissance d'autres enfants; car alors au défaut de ces autres enfants, il y aurait un fils unique, il n'y aurait point de premier né.
Personne ne reçut l'enfant à sa naissance, aucune femme ne donna à Marie les soins ordinaires, elle seule enveloppa son enfant de langes, elle fut à la fois la mère et celle qui reçut l'enfant: « Et elle l'enveloppa de langes ».
Il a trouvé l'homme devenu charnel et animal jusque dans son âme, et il se place dans la crèche comme nourriture, afin que nous changions cette vie tout animale pour arriver au discernement et à l'intelligence dignes de l'homme, nourris que nous sommes, non de l'herbe des champs, mais du pain céleste, du corps de vie.
Car Bethléem veut dire maison du pain; c'est lui, en effet, qui a dit: « Je suis le pain vivant descendu du ciel ». Le lieu donc où naquit le Sauveur était appelé maison du pain, parce qu'on devait y voir apparaître dans une chair mortelle, celui qui rassasie intérieurement les âmes des élus.
C'est auss i pour nous enseigner qu'en prenant notre humanité, il naissait comme dans un lieu étranger, non à sa puissance, mais à la nature dont il se revêtait.
Le Christ a daigné s'incarner encore à cette époque, afin qu'aussitôt sa naissance, il fût compris dans le dénombrement commandé par César Auguste, et soumis lui-même à la servitude pour nous délivrer. Il naît à Bethléem, non seulement pour prouver sa descendance royale, mais à cause de la signification mystérieuse de ce nom.
Jusqu'à la consommation des siècles, le Seigneur ne cesse point d'être conçu à Nazareth, de naître à Bethléem; en effet, chacun de ses disciples qui reçoit en lui la fleur du Verbe, devient la maison du pain éternel; chaque jour encore, il est conçu par la foi dans un sein virginal, (c'est-à-dire dans l'âme des croyants), et il est engendré par le baptême.
Jésus est aussi fils unique dans sa nature divine, premier né dans son union avec l'humanité; premier né dans la grâce, unique dans sa nature.
Celui qui revêt la nature de sa parure si variée, est enveloppé dans de pauvres langes, afin que nous puissions recouvrir la robe première de notre innocence; celui par qui tout a été fait, voit ses mains et ses pieds comme enchaînés, afin que nos mains soient libres pour toute sorte de bonnes oeuvres, et que nos pieds soient dirigés dans la voie de la paix.
Celui qui a le ciel pour trône, se renferme dans une crèche étroite et dure pour dilater nos coeurs par les joies du royaume des cieux; celui qui est le pain des anges est déposé dans une crèche, pour nous nourrir comme un troupeau sanctifié du pur froment de sa chair divine.
Celui qui est assis à la droite de Dieu le Père, manque de tout dans une pauvre retraite, pour nous préparer plusieurs demeures dans la maison de son Père ( Jn 14, 2): « Car il n'y avait point de place pour eux dans les hôtelleries ». Il naît, non dans la maison de ses parents, mais dans un lieu étranger, et en voyage, parce que dans le mystère de son incarnation, il est devenu la voie qui nous conduit à la patrie (où nous jouirons pleinement de la vérité et de la vie) ( Jn 14).
A quels admirables abaissements se réduit, à quels voyages lointains s'assujettit celui qui contient le monde entier dans son immensité ! Dès son entrée dans le monde, il recherche la pauvreté et la rend honorable dans sa personne.
L'antiquité est unanime à
le dire, la naissance de Jésus fut prodigieuse et surnaturelle comme sa conception. Marie le mit au monde
sans douleur et sans cesser d'être vierge. « Vierge avant l’enfantement, pendant l’enfantement et après
l’enfantement. » St. Augustin Serm. 123. Sur le mot « premier-né » voyez l'Évangile selon S. Matthieu, p.
47. Ainsi que l'a remarqué S. Cyrille, édit. Mai, p. 123, Jésus est nommé premier-né à deux points de vue,
comme fils de Dieu et comme fils de Marie ; il est donc fils unique dans le second cas tout aussi bien que
dans le premier. - Elle l'enveloppa de langes. Avant de quitter Nazareth, Marie s'était munie de tout ce qui
devait lui être nécessaire pour le divin Enfant qu'elle attendait. - Et le coucha dans une crèche. Dans les soins
que la Vierge-Mère rendit elle-même à son fils, avec un mélange inénarrable de respect et de tendresse, nous
aimons à voir, à la suite des anciens exégètes catholiques, une preuve de son enfantement miraculeux. « On
tire de ce texte un argument non de peu de poids pour confirmer l’enseignement de l’église catholique à
savoir que Marie a enfanté sans pratiquer une ouverture et sans douleur ». Maldonat. Il résulte en toute
hypothèse de ce passage que le Christ est né dans une étable. Quel lieu d'origine et quel berceau ! Mais,
remarque Bossuet, 6è Élévation de la 17è semaine, « digne retraite pour celui qui dans le progrès de son âge
devait dire : Les renards ont leurs trous, et les oiseaux du ciel, qui sont les familles les plus vagabondes du
monde, ont leurs nids, tandis que le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête… Et à la lettre, dès sa
naissance, il n'eut pas où reposer sa tête. ». Digne berceau, ajouterons-nous, pour Celui qui devait mourir sur
une croix ! Jésus entre au monde comme il en sortira, dans la pauvreté et dans l'humiliation. Le « textus
receptus » emploie l'article défini la crèche (au lieu de une), on a souvent conclu que Jésus était né dans une
étable déterminée par le contexte, c'est-à-dire dans celle qui appartenait à l'hôtellerie mentionnée plus bas,
conjecture en effet très plausible. Nous devons toutefois observer que l'article est omis par des manuscrits
importants, tels que A, B, D, L, Z, Sinait., etc. Aujourd'hui, c'est dans une grotte (surmontée d'une riche
basilique que Sainte Hélène construisit en 327) qu'on montre au pèlerin ému le lieu consacré par la naissance
de l'Homme-Dieu ; et les écrivains protestants, d'ordinaire si peu respectueux pour ce qu'ils appellent des
« traditions monacales », sont obligés de reconnaître que la crypte dite de la Nativité a des titres réels à notre
vénération. Voyez Thomson, the Land and the Book, p. 645 ; Geikie, Life and Words of Christ, 9è éd., t . 1,
p. 558 ; Farrar, Life of Christ, 23è éd. t. 1 p. 5 ; etc. Cette grotte est mentionnée dès le second siècle par S.
Justin Mart., adv. Tryph. 78. Origène la signale également, contr. Cels. 1, 51 ; de même Eusèbe, Demonstr.
Evang. 7, 2, Vita Const. 3, 43 ; de même S. Jérôme, Epist. 49 ad Paul., qui passa dans une grotte voisine les
dernières années de sa vie ; de même le Protévangile de S. Jacques, ch. 18. En effet, de nos jours encore on
utilise à Bethléem plusieurs grottes en guise d'étables. La petite chapelle de la nativité a environ 15 pieds de
long, 5 de large et 10 de haut : elle va en se rétrécissant vers le fond. Elle est toute entière revêtue de marbres
précieux. En avant de l'autel, on lit sur une dalle blanche, ornée d'une étoile d'argent et surmontée de lampes
nombreuses qui brûlent constamment, ces paroles bien éloquentes dans leur simplicité : « Ici est né Jésus
Christ de la Vierge Marie ». Heureux ceux qui se sont agenouillés en cet endroit béni ! (voir le plan et la
description des sanctuaires de Bethléem dans Baedeker, Palaestina und Syrien, pp. 255 et ss. ; Sepp,
Jerusalem u. das h. Land, t. 2, p. 436 et ss. ; Mgr Mislin, les Saints Lieux, 2è éd. t. 3, pp. 313 et ss. ; Tobler,
Bethlehem in Palaestina, S. Gall 1849). Quant au bœuf et à l'âne si souvent représentés auprès de la crèche
de Jésus, il est sans doute permis de ne voir en eux, à la suite de graves auteurs, qu'une application
allégorique de divers passages des prophètes, notamment d'Isaïe, 1, 3, et d'Habacuc, 3, 2 d'après les Septante
et l'Itala : « Tu seras connu au milieu de deux animaux »), par conséquent qu'une pieuse et naïve légende.
Néanmoins il est remarquable 1° que plusieurs Pères, et des plus autorisés, affirment en termes formels la
présence de ces deux animaux, par exemple S. Pierre Chrysolog., serm. 156, 159 ; s. Jérôme, Ep. ad Eustoch.
108, al. 27, 10 ; S. Paulin de Nole, Ep. 31, al. 11, ad Sever., etc. (comp. L'Evang. Apocr. de Nativ. Mariae, c.
14) ; 2° que le bœuf et l'âne apparaissent sur les monuments les plus antiques de l'art chrétien. Comp. Bottari,
Roma sotterran. 22, 85, 86, 143. « On n’a pas pu jusqu’à présent repérer aucune de ces effigies antérieures au
deuxième siècle, de laquelle les deux animaux auraient été absents ». A coup sûr une tradition si ancienne et
si constante n'est pas sans valeur. Voyez Curci. Lezioni esegetiche e morali sopra i quattro Evangeli, 1874, t.
1, p. 274 et s. ; Baronius, ad ann. Chr. 1, n. 3 ; Benedict. 14, de Festis J. Chr., lib. 1, c. 17, nn. 36 et 37. Rien
n'était plus naturel que la présence d'un bœuf et d'un âne dans une étable. - Sur la crèche conservée à Rome
dans l'église de sainte Marie-Majeure, voyez Rohault de Fleury, Mémoire sur les Instruments de la Passion
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pp. 278 et ss. - Parce qu'il n'y avait pas de place pour eux… L'évangéliste
indique par cette réflexion, à la fois si simple et si pathétique, pourquoi Marie et Joseph durent se réfugier
dans une étable. Pour des personnes de distinction on se serait peut-être gêné afin de leur faire de la place ; mais aucun des premiers occupants ne voulut sacrifier de ses aises en faveur d'étrangers d'aussi pauvre
apparence, et c'est ainsi que Jésus ne trouva en naissant d'autre abri qu'une étable, même dans le pays de ses
royaux ancêtres. Du reste, dans cette même contrée, Ruth et David n'avaient-ils pas mené la vie la plus
humble, celle-là glanant son pain dans les champs de Booz, Ruth, 2, 2 et ss., celui-ci faisant paître les
troupeaux de sa famille, 1 Reg. 16, 11 ? Voyez Marche, Walks and Homes of Jesus, pp. 9 et ss. - Dans
l'hôtellerie. Sous cette expression, une imagination d'Occidental voit une hôtellerie proprement dite, avec le
confort plus ou moins grand qu'on y peut obtenir pour son argent ; mais nous sommes en Orient, et l'Orient,
surtout alors, ne connaissait guère ce genre d'établissement. Il s'agit donc ici du kahn ou caravansérail que le
voyageur trouve presque toujours dans les bourgades orientales, et où on lui fournit gratuitement, non pas les
vivres dont il doit lui-même s'occuper, mais le couvert, c'est-à-dire un simple abri. Un caravansérail consiste
d'ordinaire en un bâtiment assez vaste, peu élevé, sans étages, grossièrement construit, qui devient bientôt
très malpropre. Voyez une intéressante description de M. Dixon, Holy Land, t. 1, ch. 13. Chaque voyageur
s'y installe à son gré ; en cas de presse les derniers venus s'arrangent comme ils peuvent, et l'on comprend
sans peine qu'à la veille d'un recensement l'hôtellerie publique de Bethléem regorgeât d'étrangers. -
Admirons, avant d'aller plus loin, la simplicité du récit de S. Luc. Quelques lignes seulement pour raconter la
naissance du Messie ! Est-ce ainsi qu'on aurait écrit un mythe ou une légende ? Lisez les Évangiles
apocryphes et vous verrez la différence. (Voyez Hoffmann, Leben Jesu nach den Apokryphen). « C'est
comme si l'on comparait à une belle nuit d'été, doucement éclairée par la lune, une décoration théâtrale
illuminée à la chinoise », van Oosterzee, h. l. Et pourtant, malgré cette extrême concision, quelle beauté,
quelle fraîcheur, quel pittoresque, quel charme vraiment divin ! Il y a là, on l'a dit bien souvent, une preuve
évidente d'authenticité et de véracité.
Son fils premier-né. Cela ne veut pas dire que plus tard la sainte Vierge ait eu d’autres enfants. Les Hébreux appelaient premiers-nés les enfants uniques aussi bien que ceux qui avaient des frères ou des sœurs. Voir le verset 23. ― Dans l’hôtellerie. Ce mot ne doit pas être entendu dans le sens moderne. « L’hôtellerie, l’auberge n’existait pas en Orient. Par la loi de l’hospitalité, l’étranger était reçu dans chaque maison où il se présentait. A défaut de cette hospitalité, ou s’il ne voulait pas y recourir, il pouvait se retirer dans une hôtellerie commune, appelée aujourd’hui khan, où hommes et bêtes trouvent un abri. Quand l’hôtellerie commune était occupée, force était à l’étranger de chercher ailleurs un abri. En général, la chose est facile en Palestine, où le terrain montagneux et calcaire offre partout des grottes [naturelles ou] taillées de main d’homme, soit pour servir d’habitation, soit comme chambres sépulcrales. La plupart de ces excavations remontent à des époques très reculées. » (J.-H. MICHON.)
Les Évangiles sont écrits par des hommes qui ont été parmi les premiers à avoir la foi (cf. Mc 1, 1 ; Jn 21, 24) et qui veulent la faire partager à d’autres. Ayant connu dans la foi qui est Jésus, ils ont pu voir et faire voir les traces de son mystère dans toute sa vie terrestre. Des langes de sa nativité (cf. Lc 2, 7) jusqu’au vinaigre de sa passion (cf. Mt 27, 48) et au suaire de sa Résurrection (cf. Jn 20, 7), tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère. A travers ses gestes, ses miracles, ses paroles, il a été révélé qu’" en Lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). Son humanité apparaît ainsi comme le " sacrement ", c’est-à-dire le signe et l’instrument de sa divinité et du salut qu’il apporte : ce qu’il y avait de visible dans sa vie terrestre conduisit au mystère invisible de sa filiation divine et de sa mission rédemptrice.
Toujours sur cette route de l'«obéissance de la foi», Marie entend peu après d'autres paroles, celles que prononce Syméon au temple de Jérusalem. On était déjà au quarantième jour après la naissance de Jésus, lorsque, suivant la prescription de la Loi de Moïse, Marie et Joseph «emmenèrent l'enfant à Jérusalem pour le présenter au Seigneur» (Lc 2, 22). La naissance avait eu lieu dans des conditions de pauvreté extrême. Luc nous apprend en effet que lorsque Marie se rendit à Bethléem avec Joseph à l'occasion du recensement de la population ordonné par les autorités romaines, n'ayant pas trouvé de «place à l'auberge», elle enfanta son Fils dans une étable et «le coucha dans une crèche» (cf. Lc 2, 7).