Luc 20, 26
Ils furent incapables de le prendre en défaut devant le peuple en le faisant parler et, tout étonnés de sa réponse, ils gardèrent le silence.
Ils furent incapables de le prendre en défaut devant le peuple en le faisant parler et, tout étonnés de sa réponse, ils gardèrent le silence.
Ce passage a aussi un sens mystique. En effet, il y a deux images dans l'homme, l'une qu'il a reçue de Dieu, comme il est écrit dans la Genèse: «Faisons l'homme à notre image», l'autre qui est l'image de son ennemi, et que le péché et la désobéissance ont comme gravée sur son âme, lorsqu'il s'est laissé gagner et entraîner par les séductions du prince de ce monde. Car de même qu'une pièce de monnaie porte l'image du roi de la terre, ainsi celui qui fait les oeuvres du prince des ténèbres, porte en lui l'image de celui dont il fait les oeuvres. Le Sauveur dit donc: «Rendez à César ce qui est à César»,c'est-à-dire: Effacez cette image terrestre, afin que, retraçant en vous l'image céleste, vous puissiez rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c'est-à-dire, l'aimer de tout votre coeur, car c'est là ce que Dieu demande de vous, comme Moïse le disait à son peuple ( Dt 10, 12). Or, Dieu nous le demande, ce n'est pas qu'il en ait besoin, mais parce qu'il veut rendre profitable à notre salut ce que nous lui avons donné.
Notre-Seigneur nous apprend ici avec quelle circonspection nous devons répondre aux hérétiques ou aux Juifs, comme il nous l'a recommandé ailleurs: «Soyez prudents comme des serpents» ( Mt 10).
Si donc vous ne voulez point vous rendre tributaire de César, ne désirez posséder aucune chose du monde. C'est avec raison qu'il veut qu'on rende d'abord à César ce qui lui appartient; car on ne peut se donner au Seigneur sans avoir tout d'abord renoncé au monde. Quelle grave responsabilité de promettre à Dieu et de ne rien donner ! Les obligations souscrites par la foi, sont plus pressantes que les obligations qui ont pour objet une somme d'argent.
Comme s'il leur disait: Vous me tentez par vos paroles, conformez votre conduite à vos oeuvres; vous avez accepté la domination de César, vous jouissez des avantages qu'elle vous procure, rendez-lui donc le tribut, et à Dieu la crainte qui lui est due; car Dieu ne vous demande point votre argent, mais votre foi.
Les princes des prêtres, comprenant que cette parabole s'appliquait à eux, et instruits de ce qui devait leur arriver, auraient dû renoncer à leurs mauvais desseins; mais loin de là, ils cherchent l'occasion de les mettre à exécution: «Les princes des prêtres cherchaient à se saisir de lui», etc. Ils ne sont point retenus par ce commandement de la loi: «Tu ne feras périr ni l'innocent ni le juste» ( Ex 23). Et s'ils ajournent l'accomplissement de leurs criminels desseins, c'est par crainte du peuple: «Mais ils craignaient le peuple». Ils mettent la crainte des hommes au-dessus de la crainte de Dieu. Or, quel motif leur fit concevoir ce coupable projet? le voici: «Car ils compri rent que cette parabole s'appliquait à eux».
Ils paraissaient agir avec légèreté, mais au fond ils agissaient avec une malice réfléchie, ils oubliaient que Dieu a dit: «Qui est celui-là qui prétend dérober à Dieu le secret de ses desseins ?» ( Jb 42). Ils viennent trouver le Sauveur comme un homme ordinaire: «Pour le surprendre dans ses paroles».
En cherchant à faire mourir le Sauveur, ils confirmaient la vérité de ce qu'il avait dit dans cette parabole, car il était l'héritier dont la mort injuste devait être vengée par le châtiment des meurtriers, et ils étaient eux-mêmes ces méchants vignerons, qui cherchaient à faire mourir le Fils de Dieu. La même chose se renouvelle encore tous les jours dans l'Église, lorsqu'un chrétien qui ne l'est que de nom, n'a aucune affection pour l'unité de la foi et de la paix dans l'Église, quoiqu'il rougisse ou qu'il craigne de la combattre, à cause de la multitude des fidèles dont il est environné. Les princes des prêtres voulaient se saisir de la personne de Jésus et ne pouvant le faire par eux-mêmes, ils cherchaient à le livrer aux mains du gouverneur: «C'est pourquoi l'épiant, ils lui envoyèrent des gens apostés», etc.
Par cette flatterie mensongère et cette question insidieuse, ils veulent le forcer à déclarer qu'il craint plus Dieu que César: «Et vous ne faites acception de personne, mais vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité».En parlant ainsi, ils veulent l'amener à dire qu'on ne doit pas payer le tribut, afin que les satellites du gouverneur, qui étaient présents, selon les autres Évangélistes, se saisissent de lui, comme cherchant à soulever le peuple contre les Romains. C'est pour cela qu'ils lui font cette question: «Nous est-il permis de payer le tribut à César, ou non ?» Il y avait, en effet, une grande division d'opinions parmi le peuple, les uns soutenaient qu'à raison de la paix et de la sécurité, dont toute la nation jouissait sous les Romains, on devait leur payer le tribut; les pharisiens, au contraire, prétendaient que le peuple de Dieu, qui donnait déjà la dîme et les prémices, ne devait pas être soumis à des lois qui venaient des hommes.
Rendez aussi à Dieu ce qui appartient à Dieu, c'est-à-dire les dîmes, les prémices, les offrandes et les victimes.
Une réponse aussi sage aurait dû les déterminer à croire en lui; ils se contentent d'admirer comment leur ruse n'avait pu réussir à le faire tomber dans le piége: «Et ils ne purent reprendre aucune de ses paroles devant le peuple, et ayant admiré sa réponse, ils se turent».
Ceux qui pensent que le Seigneur interrogeait par ignorance, doivent reconnaître ici que Jésus pouvait parfaitement savoir de qui cette monnaie portait l'image, cependant il interroge les Juifs pour leur répondre d'après leurs propres paroles: «Ils lui répondirent: De César». Ce César n'est pas César Auguste, mais Tibère; car tous les empereurs romains, depuis le premier, Caius César, ont porté le nom de César. Notre-Seigneur résoud la difficulté qu'ils lui ont proposée, d'après leur réponse: «Et il leur dit :Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu».
Ils voulurent tendre un piége au Seigneur, et ils y tombèrent eux-mêmes les premiers. Écoutez, en effet, leur question astucieuse: «Et ils vinrent donc ainsi l'interroger: Maître, nous savons que vous parlez et que vous enseignez avec droiture».
Le but principal qu'ils se proposaient était de le prendre en défaut en présence du peuple, mais ils ne purent y parvenir, tant sa réponse était pleine de sagesse.
Ils épiaient donc la réponse qu'il allait faire: s'il faisait une obligation de payer le tribut à César, le peuple l'accuserait de vouloir réduire la nation en servitude; s'il défendait, au contraire, de le payer, on le dénoncerait au gouverneur comme rebelle. Mais Jésus échappe au piége qu'ils lui tendent: «Considérant leur démarche astucieuse, il leur dit: Pourquoi me tentez-vous? Montrez-moi un denier, quelle image et quel nom porte-t-il ?»
Et remarquez qu'il ne dit pas: «Donnez», mais: «Rendez», parce que c'est une dette qu'il nous faut payer. Le prince vous protège contre vos ennemis, il assure la tranquillité de votre vie, vous lui devez donc en retour le tribut qu'il exige de vous. Cette pièce de monnaie, même que vous lui payez, c'est de lui que vous la tenez, rendez donc au roi, la monnaie qui vient du roi. Dieu vous a donné aussi l'intelligence et la raison, rendez-lui ces biens, en vous gardant de devenir rendre semblable aux animaux (cf. Ps 49,12-13 Ps 49,21 ), et en prenant, au contraire, la raison pour guide dans toutes vos actions.
Et ils ne purent rien reprendre dans ses paroles… Cette première
réflexion est propre à S. Luc. Elle contient une nouvelle indication du but que s'étaient proposés les
adversaires de Notre-Seigneur, qui voulaient le surprendre dans ses paroles (v. 20). - Devant le peuple est
emphatique : en face de la foule, qui se montrait en masse favorable à Jésus, et qu'on espérait détacher de sa
personne en le déconsidérant. - Ayant admiré sa réponse… Autrefois, les Docteurs de Jérusalem avaient
admiré la sagesse du divin Enfant (2, 47) ; maintenant ils admirent malgré eux celle de l'homme mûr. - Ils se
turent est une autre particularité de S. Luc. « Que dire contre Jésus après une parole si sage, si simple, si
précise ? A quel tribunal l'accuser ? César est satisfait, Dieu est glorifié, ses ennemis sont pris par leurs
propres paroles et réduits à se taire. Il déjoue tous leurs vains artifices avec une sagesse qu'on ne peut assez
admirer, avec une douceur inaltérable et une majesté toute divine » (Dehaut, l'Évangile expliqué, défendu,
médité, 5è éd. t. 4, P. 4 et 5).