Luc 21, 24
Ils tomberont sous le tranchant de l’épée, ils seront emmenés en captivité dans toutes les nations ; Jérusalem sera foulée aux pieds par des païens, jusqu’à ce que leur temps soit accompli.
Ils tomberont sous le tranchant de l’épée, ils seront emmenés en captivité dans toutes les nations ; Jérusalem sera foulée aux pieds par des païens, jusqu’à ce que leur temps soit accompli.
Il appelle cette ruine la désolation de Jérusalem, parce qu'elle ne sera plus rebâtie par ses habitants, ni reconstituée selon les prescriptions de la loi, et que personne, après le siège et la désolation qui doivent avoir lieu, ne doit espérer ion rétablissement, comme au temps du roi des Perses, d'Antiochus le Grand, et aussi comme au temps de Pompée.
Or, le Seigneur, prévoyant que la ville devait être désolée par la famine, avertissait ses disciples de ne point s'y réfugier lors du siége, comme dans un lieu sûr et protégé de Dieu, mais de s'en éloigner bien plutôt, et de s'enfuir vers les montagnes: «Alors que ceux qui sont dans la Judée, s'enfuient vers les montagnes».
Lorsque les Romains arrivèrent et s'emparèrent de Jérusalem, une multitude innombrable de Juifs périrent par le glaive, selon la prédiction du Sauveur: «Ils tomberont sous le tranchant du glaive». Néanmoins, un plus grand nombre furent victimes de la famine. Ces tristes événements arrivèrent d'abord sous Tite et Vespasien, et ensuite sous le règne de l'empereur Adrien, quand il fut interdit aux Juifs de rentrer dans leur patrie: «Ils seront emmenés captifs dans toutes les nations». En effet, les Juifs furent dispersés dans tout l'univers, et se répandirent jusqu'aux extrémités de la terre, et tandis que la Judée est habitée par des étrangers, ils sont les seuls qui ne puissent remettre le pied dans leur patrie: «Et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils, jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli».
Dans le sens figuré, l'abomination de la désolation est l'avènement de l'Antéchrist, parce qu'il doit souiller l'intérieur des âmes par ses abominations sacrilèges, et selon la prédiction littérale de l'Écriture (2 Th 2 , 3, 4), s'asseoir dans le temple pour usurper le trône de la divine majesté. Il est aussi l'objet du sens spirituel de ces paroles, parce qu'il voudra imprimer dans les âmes les traces profondes de sa perfidie, en cherchant à prouver par les Écritures qu'il est le Christ. Alors approchera la désolation, parce que la plupart succomberont honteusement, et abandonneront la véritable religion. Alors aussi ce sera le jour du Seigneur; car de même que son premier avènement a eu pour objet de nous racheter de nos iniquités, le second aura pour fin de réprimer les coupables efforts de ceux qui voudraient entraîner les fidèles dans l'erreur et l'infidélité. Il y a encore un autre Antéchrist, c'est le démon qui s'efforce d'assiéger Jérusalem (c'est-à-dire l'âme pacifique), avec l'armée de sa loi tyrannique. Or, quand le démon se trouve au milieu du temple, c'est l'abomination de la désolation. Mais lorsque la présence spirituelle du Christ vient à nous éclairer de sa lumière au milieu de nos tentations, le démon s'éloigne, et la justice commence à régner. Il y a encore un troisième Antéchrist, c'est Arius et Sabellius, et tous ceux qui cherchent à nous séduire pour nous perdre. Les femmes qui sont enceintes, dont le Sauveur déplore le triste sort, sont les chrétiens qui flattent les instincts de la chair, dont la marche est ralentie et entravée par la mollesse, qui sont stériles pour la vertu, et n'ont de fécondité que pour le vice. Ceux mêmes qui sont pour ainsi dire comme en travail de bonnes oeuvres, et qui n'eu ont encore produit aucune, ne sont pas à l'abri de cet anathème. Il en est, en effet, qui conçoivent par un sentiment de crainte de Dieu, mais tous n'enfantent pas; quelques-uns font, pour ainsi parler, comme avorter la parole de Dieu, et la rejettent avant de l'enfanter; d'autres portent le Christ dans leur sein, mais il n'est pas encore formé. Ainsi l'âme qui enfante la justice, enfante le Christ. Hâtons-nous aussi d'allaiter nos enfants, pour n'être pas surpris par l e jour du jugement ou de la mort. Il en sera ainsi, si vous conservez dans votre coeur toutes les paroles de la justice, sans attendre le temps de la vieillesse, et si dès votre premier âge vous vous hâtez de concevoir la sagesse et de la nourrir, en la préservant de la corruption des sens. A la fin du monde, les nations qui auront embrassé la foi, soumettront toute la Judée par le glaive de la parole spirituelle, qui est comme un glaive à deux tranchants. ( Ap 1, 16 ; 19, 15).
Les Juifs crurent que cette abomination de la désolation s'était alors vérifiée, parce que les Romains avaient jeté une tête de porc dans le temple, pour insulter aux observances judaïques.
Le Sauveur donne la raison de ce qu'il vient de dire: «Car la terre sera accablée de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple». En effet, les Juifs virent fondre sur eux un si grand déluge de maux, qu'aucun désastre ne pourra jamais être comparé aux calamités qu'ils éprouvèrent alors, au témoignage du même historien.
Saint Luc rapporte ici ces paroles du Seigneur, pour nous faire comprendre que ce fut lors du siége de Jérusalem qu'eut lieu l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, et dont saint Matthieu ( Mt 24) et saint Marc ( Mc 13) ont parlé.
Au lieu de ces paroles, nous lisons dans saint Matthieu et dans saint Marc: «Que celui qui sera sur le toit, ne descende pas dans sa maison»; salut Marc ajoute: «Et n'y entre point pour en emporter quelque chose». Saint Luc, au contraire: «Et que ceux qui sont au milieu d'elle s'en retirent».
Saint Matthieu et saint Marc disent: «Et que celui qui sera dans les champs, n'en revienne pas pour prendre son vêtement». Saint Luc est plus explicite: «Et que ceux qui sont dans les régions voisines n'y entrent point; car ce sont les jours de la vengeance dans lesquels doivent s'accomplir toutes les prédictions qui ont été faites».
Saint Luc continue ensuite comme les deux autres Évangélistes: « Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là» . C'est ainsi que cet Évangéliste fait disparaître toute ambiguïté, et nous rend certains que ce que le Sauveur a dit de l'abomination de la désolation, doit se rapporter non pas à la fin du monde, mais au temps du siége de Jérusalem.
Mais comment ceux qui sont au milieu de Jérusalem pourront-ils en sortir lorsqu'elle sera investie par une armée? Pour résoudre ces difficultés, il faut rapporter ces paroles, non pas au temps même du siége, mais à celui qui le précéda immédiatement, lorsque les soldats romains commencèrent à se répandre sur les frontières de la Galilée ou de la Samarie.
C'est ce mystère dont veut parler l'Apôtre, lorsqu'il dit: «Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la multitude des nations soit entrée, et que tout le peuple d'Israël fût ainsi sauvé». Lorsqu'il aura enfin obtenu le salut qui lui a été promis, il pourra légitimement espérer de rentrer dans sa patrie.
Ces jours de la vengeance sont les jours où Dieu vengera le sang du Seigneur que les Juifs ont répandu.
Notre-Seigneur dit: «Malheur aux femmes qui seront grosses (aux, approches de la captivité), ou à celles qui nourriront ou qui allaiteront, parce qu'il leur sera bien difficile de fuir avec ce précieux, mais lourd fardeau, qu'elles porteront dans leur sein ou dans leurs bras».
Eusèbe rapporte qu'aux approches de la ruine de Jérusalem, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée en sortirent, sur l'avis qu'ils avaient reçu du Seigneur, et allèrent habiter au delà du Jourdain, la ville de Pella, jusqu'à ce que la désolation de la Judée fût consommée.
Jusqu'ici Notre-Seigneur a prédit les événements qui arriveraient pendant les quarante années qui devaient suivre, mais sans qu'il fût question de la ruine définitive des Juifs, il en vient maintenant à la destruction de cette malheureuse nation, et aux ruines qu'amoncellera l'armée romaine: «Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que la désolation est proche».
Quelques-uns pensent que Notre-Seigneur fait ici allusion aux mères qui allèrent jusqu'à manger leurs enfants, selon le récit de l'historien Josèphe.
Jésus indique maintenant de quelle manière se manifestera la colère divine. - Ils
tomberont sous le tranchant du glaive. Belle et forte figure, employée fréquemment dans les littératures
sémitiques. Cfr. Gen. 34, 26 ; Deut. 13, 15 ; Jos. 8, 24 ; Hebr. 11, 34. - Et ils seront emmenés captifs. D'après
l'historien Josèphe, Bell. Jud. 6, 9, 2, le nombre des Juifs qui périrent à Jérusalem fut de 1.000.000 ; celui des
captifs, de 97000. « Après que le soldat fut las de tuer, Titus ordonna qu'on gardât les jeunes hommes les plus
robustes et les mieux faits, pour orner son triomphe. Pour les autres qui étaient au-dessus de l'âge de 17 ans,
il les envoya en Égypte pour y travailler au mines. Titus en distribua un grand nombre d'autres dans les
provinces, pour servir dans les théâtres aux spectacles du peuple, pour être exposés aux bêtes, etc. Ceux qui
n'avaient pas 17 ans furent vendus et menés pour esclaves en divers endroits ». D. Calmet, h. l. La prédiction
se réalisa donc à la lettre. On eût dit que la nation entière s'était donnée rendez-vous dans sa capitale pour s'y
faire égorger ou charger de chaînes. - Et Jérusalem sera foulée aux pieds… La tournure grecque
(littéralement : sera étant foulée aux pieds) est plus expressive que le simple futur et dénote un fait
permanent. Ici encore la prophétie s'est accomplie en toute rigueur : Jérusalem a été prise, saccagée, foulée
aux pieds tout à tour par les Romains, par les Perses, par les Sarrasins, par les Francs, par les Turcs. Les
Juifs, ses anciens maîtres, y sont simplement tolérés, moyennant une redevance qu'ils paient au sultan. Et
cependant, après l'exil de Babylone, ils l'avaient précisément fortifiée « on édifia tout autour de la montagne
de Sion un rempart élevé, avec de puissantes tours, de peur que les païens ne viennent piétiner ces lieux
comme auparavant », 1 Mach. 4, 60. Cruelle ironie du sort ! - Jusqu'à ce que le temps des nations soit
accompli. Ces derniers mots présentent quelque obscurité. Les exégètes ne sont pas d'accord sur ce qu'il faut
entendre par les « temps des nations », dont l'accomplissement mettra un terme au châtiment d’Israël. Il est
peu probable que ce soit « jusqu'à la fin du monde », comme l'ont pensé Euthymius, F. Luc, etc. Le délai
ainsi accordé aux Gentils doit avoir des limites plus précises. Peut-être les temps en question
représenteraient-ils l'époque où les peuples non-juifs seront à leur tour mûrs pour le jugement, ou bien celle
durant laquelle ils continueront à être les exécuteurs des vengeances divines, ou mieux encore, croyons-nous,
les jours qui leur seront accordés à eux-mêmes pour se convertir. Telle était déjà l'opinion du V. Bède :
« Jusqu’à ce que la plénitude des Gentils entre dans l’Église du Christ », et un passage de l'épître aux
Romains, 11, 25, « La cécité frappera en partie Israël jusqu’à ce que la plénitude des Gentils entre », semble
la favoriser singulièrement. Mais l'expression demeure en partie mystérieuse, et il est difficile de la préciser
davantage.
L’alliance avec Noé est en vigueur tant que dure le temps des nations (cf. Lc 21, 24), jusqu’à la proclamation universelle de l’Évangile. La Bible vénère quelques grandes figures des " nations ", tels qu’ " Abel le juste ", le roi-prêtre Melchisédech (cf. Gn 14, 18), figure du Christ (cf. He 7, 3) ou les justes " Noé, Daniel et Job " (Ez 14, 14). Ainsi, l’Écriture exprime quelle hauteur de sainteté peuvent atteindre ceux qui vivent selon l’alliance de Noé dans l’attente que le Christ " rassemble dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés " (Jn 11, 52)
La venue du Messie glorieux est suspendue à tout moment de l’histoire (cf. Rm 11, 31) à sa reconnaissance par " tout Israël " (Rm 11, 26 ; Mt 23, 39) dont " une partie s’est endurcie " (Rm 11, 25) dans " l’incrédulité " (Rm 11, 20) envers Jésus. S. Pierre le dit aux juifs de Jérusalem après la Pentecôte : " Repentez-vous et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés et qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps de répit. Il enverra alors le Christ qui vous est destiné, Jésus, celui que le Ciel doit garder jusqu’au temps de la restauration universelle dont Dieu a parlé dans la bouche de ses saints prophètes " (Ac 3, 19-21). Et S. Paul lui fait écho : " Si leur mise à l’écart fut une réconciliation pour le monde, que sera leur assomption, sinon la vie sortant des morts ? " (Rm 11, 15). L’entrée de " la plénitude des juifs " (Rm 11, 12) dans le salut messianique, à la suite de " la plénitude des païens " (Rm 11, 25 ; cf. Lc 21, 24), donnera au Peuple de Dieu de " réaliser la plénitude du Christ " (Ep 4, 13) dans laquelle " Dieu sera tout en tous " (1 Co 15, 28).