Luc 22, 43
Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait.
Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait.
Tout est nouveau dans ce verset et dans le suivant : les faits qu'ils exposent
appartiennent aux particularités les plus précieuses dont S. Luc a enrichi la biographie du Sauveur. Il est vrai
qu'on a formulé des doutes sur leur authenticité, 1° parce qu'ils sont omis par d'importants manuscrits (A, B,
R, T. De plus, E, G, V, Δ, qui les ont, les notent d'astérisques), 2° parce que cette omission est déjà signalée
par S. Hilaire et S. Jérôme. Néanmoins, il est à peine croyable qu'ils aient été insérés frauduleusement dans le
texte primitif du troisième Évangile. En effet, nous les trouvons dans l'immense majorité des manuscrits (en
particulier dans le Cod. Sinaïticus, qui est peut-être le Nestor en ce genre), dans les versions les plus
anciennes et les plus célèbres, à part de rares exceptions (un seul manuscrit de l'Itala, quelques manuscrits de
la traduction arménienne, etc.), dans les écrits des premiers Pères, notamment de S. Justin (Dial. c. Tryph,
103), de S. Irénée (3, 22, 2), de S. Hippolyte, etc. Voilà pour les preuves extrinsèques. Intrinsèquement, il n'y
a rien, soit dans le style, soit dans les faits, qui s'oppose à l'authenticité du récit. De plus, on ne peut assigner
aucun motif d'expliquer une aussi grave interpolation, tandis qu'il est aisé de concevoir que des préjugés
dogmatiques aient été assez puissants en divers lieux pour faire omettre nos deux versets. On a cru
l'apparition de l'ange et la sueur de sang inconciliables avec la divinité de Jésus, et l'on ne craignit pas de
supprimer comme apocryphe le passage qui en renferme la narration. Voyez Galland, t. 3, p. 250 ; Bellarmin,
De verbo Dei, 1, 16 ; Langen, Die letzten Lebenstage Jesu, p. 210 et s. ; Trollope et Rowlandson, The Gospel
according to S. Luke, p. 164 et ss. Déjà Nicon reprochait aux Arméniens, et Photius aux Syriens, d'avoir
enlevé les vv. 43 et 44 de leurs traductions. - Un ange lui apparut. Le verbe grec dénote le caractère extérieur
de l'apparition : ce ne fut pas un fait purement interne, comme le prétend Olshausen. - Les anges avaient pour ainsi dire introduit Notre-Seigneur sur cette terre (Cfr. 1, 26 et ss., 2, 9-13 ; Matth. 2, 13, 19) ; ils l'avaient
assisté aux premiers jours de sa vie publique (Marc. 1, 13) ; ils se feront les témoins de sa Résurrection et de
son Ascension : n'est-il pas naturel que nous les trouvions auprès de lui au moment de ses plus cruelles
souffrances ? Mais quel indice d'une angoisse indescriptible, intolérable pour la nature humaine abandonnée
à ses propres forces ! En même temps, quelle humiliation pour le Verbe incarné : Toutefois, il pouvait bien
« recevoir la consolation d'un ange, lui qui par son humanité s'était rendu inférieur aux anges » (D. Calmet). -
Pour le fortifier. Ce mot indique la nature de la consolation apportée du ciel à Jésus : elle consista dans une
effusion de mâle courage pour qu'il ne pliât pas sous son épouvantable fardeau. Plusieurs interprètes ont
supposé que cet épisode n'eut lieu qu'à la fin de l'agonie du Sauveur, comme si ce n'était pas précisément en
vue de cette agonie même qu'il avait reçu d'en haut un surcroît de forces ; d'autres ont affirmé d'une manière
encore plus arbitraire que l'apparition s'était renouvelée trois fois, c'est-à-dire, après chacune des prières de
Jésus. - Étant tombé en agonie. Le mot grec correspondant à agonie n'est employé qu'en cet endroit du
Nouveau Testament : il indique une lutte violente, suprême, et peint sous une vive couleur les souffrances de
Jésus en ce moment terrible. Mais le Sauveur, réconforté par la céleste apparition, opposait aux assauts
réitérés de son agonie des élans toujours plus sublimes de prière et de résignation : il priait plus instamment.
Le comparatif se rapporte soit à l'apparition de l'ange (à sa suite, la prière de Jésus fut plus fervente encore
qu'auparavant), soit à chaque transe nouvelle de l'agonie (plus elles avaient de violence, plus le Seigneur
priait). Voyez dans l’Épître aux Hébreux, 5, 7 et ss., un beau développement de ce trait incomparable.
153. Le Pape Pie XI a voulu justifier cela en nous invitant à reconnaître que le mystère de la Rédemption par la Passion du Christ transcende, par la grâce de Dieu, toutes les distances de temps et d’espace. S’Il s’est donné sur la croix pour les péchés à venir, les nôtres ; de la même manière nos actes offerts aujourd’hui pour sa consolation parviennent, par-delà le temps, jusqu’à son cœur blessé : « Si, à cause de nos péchés futurs, mais prévus, l’âme du Christ devint triste jusqu’à la mort, elle a, sans nul doute, recueilli quelque consolation, prévue elle aussi, de nos actes de réparation, alors qu’un ange venant du ciel ( Lc 22, 43) lui apparut, pour consoler son cœur accablé de dégoût et d’angoisse. Ainsi donc, ce cœur sacré incessamment blessé par les péchés d’hommes ingrats, nous pouvons maintenant, et même nous devons, le consoler d’une manière mystérieuse, mais réelle ».