Luc 23, 33
Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche.
Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche.
Si au contraire, après avoir vécu sur la terre au milieu des hommes, il eût disparu subitement sans passer par la mort, on l'eût regardé comme un fantôme. De même donc que pour prouver qu'un vase quelconque est à l'épreuve du feu, et d'une nature incombustible, on le jette dans les flammes pour l'en retirer complètement intact; ainsi le Verbe de Dieu, voulant prouver que le corps dont il s'est servi pour le salut du genre humain est supérieur à la mort, l'a livré à la mort pour montrer sa nature, puis, presque aussitôt, l'a délivré de la mort par la vertu de sa divine puissance. Telle est la première raison de la mort de Jésus-Christ; la seconde est de faire ressortir la puissance divine qui habite dans son corps comme dans un temple. Dans l'antiquité, on déifiait les hommes qui avaient subi la loi commune de la mort, et on leur décernait le nom de héros et de dieux; mais Jésus a voulu nous enseigner que celui-là seul méritait d'être proclamé vrai Dieu après sa mort, qui avait triomphé de la mort, et s'était revêtu des glorieux trophées de sa victoire. La troisième raison de sa mort, a été d'immoler une victime digne pour le salut du genre humain tout entier, une victime dont l'immolation détruisit la puissance des démons et anéantit toutes les erreurs. Une quatrième raison enfin, était de rendre ses disciples témoins de sa résurrection, de ranimer ainsi leur foi, de relever leur espérance, et de les préparer à marcher avec joie au combat contre toutes les erreurs, sans craindre la mort.
Notre-Seigneur a livré son corps aux souffrances et à la mort, là où le genre humain a perdu son intégrité première, afin que l'incorruptibilité prit naissance là où la corruption avait comme été semée, et c'est pour cette raison qu'il veut être crucifié sur le mont du Calvaire: «Et lorsqu'ils furent arrivés au lieu qui est appelé Calvaire, ils le crucifièrent».Les docteurs des Juifs disent que c'est sur cette montagne que se trouvait le tombeau d'Adam.
La forme de la croix, dont les quatre extrémités partent d'un même centre, signifie que la vertu et la puissance de celui qui y est attaché s'étendent partout.
Ce n'est point sa propre mort que le Sauveur est venu détruire (puisque étant la vie il ne pouvait être soumis à la mort), mais il est venu détruire la mort à laquelle l'homme était condamné; aussi la séparation de son âme d'avec son corps a été l'effet, non d'une mort qui lui fut propre, mais du supplice cruel que les hommes lui ont fait souffrir. Si son corps eût été en proie aux maladies, et qu'on l'eût vu se dissoudre et se détruire comme dans les autres hommes, on eût, trouvé étrange que celui qui guérissait les infirmités des autres, ne pût en garantir son propre corps. Si au contraire il eût quitté secrètement son corps sans être atteint d'aucune maladie, et l'eût fait venir ensuite de nouveau, on n'eût pas voulu croire aux preuves de sa résurrection, car la résurrection doit nécessairement être précédée de la mort. Pourquoi d'ailleurs prêcher publiquement sa résurrection, après qu'il aurait tenu sa mort secrète? Si les circonstances de sa passion s'étaient passées dans l'ombre, que de calomnies l'incrédulité n'eût-elle pas inventées? Comment aurait-on pu savoir la victoire de Jésus-Christ sur la mort, s'il ne l'avait soufferte au grand jour, et s'il n'eût ainsi rendu publique sa défaite par l'incorruptibilité de son corps? Mais, me direz-vous, il aurait dû au moins trouver une mort glorieuse pour échapper aux ignominies de la croix. S'il eût agi ainsi, il aurait excité les justes soupçons que sa puissance ne s'étendait pas sur toute espèce de mort. De même donc qu'un athlète qui terrasse l'adversaire que lui oppose son ennemi, fait ressortir la supériorité incontestable de sa force sur tous les autres; ainsi celui qui est la vie de tous les hommes, a voulu souffrir la mort ignominieuse de la croix, que ses ennemis lui ont fait souffrir comme la plus cruelle et la plus infâme, pour détruire complètement, par le triomphe de sa résurrection l'empire universel de la mort. On ne lui coupe point la tête comme à Jean-Baptiste, son corps n'est pas scié comme celui d'Isaïe, mais il veut que ce corps reste entier et indivisible jusque dans la mort, pour ne point donner un prétexte à ceux qui voudraient un jour mettre la division dans l'Église. Il voulait encore porter la malédiction que nos péchés avaient attirée sur nous, en subissant une mort qui était maudite, la mort de la croix, selon cette parole: «Maudit de Dieu est l'homme qui est suspendu au bois». ( Dt 21, 23) Il meurt aussi les bras étendus sur la croix, pour attirer d'une main le peuple ancien, et de l'autre le peuple des Gentils, et ne plus faire des deux qu'un seul peuple. Il meurt encore sur la croix pour purifier l'air souillé par la présence des démons, et nous ouvrir la voie qui conduit au ciel.
Ils crucifièrent aussi avec lui deux voleurs, pour l'associer à leurs crimes dans l'opinion publique: «Ils le crucifièrent, et les voleurs aussi, l'un à sa droite et l'autre à sa gauche; mais il en fut tout autrement; ces voleurs sont maintenant oubliés, tandis que la croix de Jésus reçoit partout des honneurs. Les rois déposent leurs couronnes et mettent la croix sur leur pourpre royale, sur leurs diadèmes, sur leurs armes, la croix brille sur les saints autels dans tout l'univers. Il n'en est pas ainsi des choses humaines, tant que vivent ceux qui ont fait des actions d'éclat, leurs oeuvres sont exaltées, mais à peine sont-ils morts, que le souvenir en périt avec eux. Pour Jésus-Christ, c'est tout le contraire; avant sa croix, ce n'est que tristesse profonde, mais après sa croix tout est tri omphe, tout est gloire, pour vous apprendre que ce crucifié n'était pas seulement un homme.
Ce n'est pas sans raison que Jésus a choisi ce genre de mort; il a voulu nous enseigner quelle est cette largeur, cette longueur, cette hauteur, cette profondeur dont parle l'Apôtre. ( Ep 3, 18). La largeur est dans la partie de la croix qui est en travers, elle désigne les bonnes oeuvres, parce que les mains y sont attachées; la longueur est dans la partie du bois qui descend du haut jusqu'à terre, c'est là qu'elle trouve son point d'appui, c'est-à-dire, sa fermeté et de sa persévérance, qui sont le fruit de la patience; la hauteur est cette partie de la croix qui part du centre et s'étend vers le haut, c'est-à-dire, vers la tête du crucifié, parce que la véritable espérance tend vers le ciel; enfin la partie du bois de la croix qui, enfoncée dans la terre, ne paraît point et soutient tout le reste, représente la profondeur de la grâce que Dieu nous donne gratuitement.
Ce n'est point dans sa nature divine et en tant que Dieu, mais dans sa nature humaine et en tant qu'homme, que le Fils unique de Dieu a souffert ces tourments corporels, car tel est le langage qu'il convient de tenir à l'égard de la personne du Fils de Dieu, c'est qu'il n'a pas souffert comme Dieu, mais qu'il a souffert comme homme.
Ou encore, il y avait hors des portes de la ville, des lieux affectés au supplice des criminels, qui devaient avoir la tête tranchée, d'où leur venait le nom de lieu du Calvaire , et le Sauveur a voulu être crucifié comme un coupable au milieu des coupables, pour le salut de tous les hommes, afin que la grâce surabondât là où le péché avait abondé. ( Rm 5, 20).
Les deux voleurs crucifiés avec Jésus-Christ figurent les chrétiens qui soutiennent les combats sanglants du martyre, ou ceux qui embrassent les obligations d'une chasteté plus parfaite; ceux qui pratiquent cette perfection en vue de la gloire éternelle, sont représentés par le voleur de droite, et ceux qui n'agissent que par un motif de vaine gloire, imitent la conduite du voleur de gauche.
C'est par le bois que la mort était entrée dans le monde, c'est par le bois qu'elle devait en être chassée, et le Seigneur devait passer, sans en être victime par les douleurs du bois de la croix pour expier la volupté produite par le fruit de l'arbre du paradis.
Les trois autres évangélistes donnent le nom hébreu du
célèbre monticule (Golgotha) ; S. Luc se borne à le traduire en grec (Crâne). Sur cette dénomination voyez
l'Evang. selon S. Matth. p. 545. - Ils l'y crucifièrent. D'après une fable talmudique (Gem. Bab., Sanh. 6),
Jésus aurait été d'abord lapidé suivant les prescriptions de la loi juive, et les Romains n'auraient attaché à la
croix qu'un corps sans vie. Le supplice subi par le divin Maître passait pour si humiliant que les Pères eurent
plus d'une fois à répondre à des objections que les Juifs et les païens en tiraient contre sa dignité messianique
ou sa nature divine. « Quelqu’un dira peut-être : S’il était Dieu et s’il a voulu mourir, pourquoi n’a-t-il pas au
moins choisi un genre de mort honorable ? Pourquoi de préférence la croix ? Pourquoi un supplice infâme
indigne d’un honnête homme, même coupable ? », Lactant. Inst. 4, 26. Mais, selon la belle parole de S.
Ambroise (citée par Wordsworth, h. l.) : « Nous avons déjà vu le trophée de la croix. Que le triomphateur
monte sur son char, et sur la croix triomphale qu’il suspende les dépouilles des captifs du siècle ». La croix
si méprisée est devenue un ornement glorieux, dont les rois eux-mêmes veulent parer leur diadème, et que les
braves portent sur leur poitrine comme un signe d'honneur. - Ainsi que des voleurs… Les quatre évangélistes
ont relevé ce trait, dont nous avons indiqué ailleurs le caractère ignominieux (Evang. selon S. Marc, p. 216).
Une antique tradition attribue au bon larron la place de droite et celle de gauche au mauvais. - « Trois croix,
l'une près de l'autre, écrivait S. Augustin, Epist. 93, alias 48 ; sur la première nous voyons le malfaiteur qui
fut sauvé, sur la seconde le malfaiteur qui fut réprouvé, sur celle du milieu le Christ qui absout l'un et qui
condamne l'autre. En apparence, qu'y a-t-il de plus semblable que ces trois croix ? Mais qu'y a-t-il de plus
dissemblable que les hommes attachés à leurs bras ? »