Luc 23, 46
Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.
Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.
Passant sous silence divers incidents rapportés par les autres évangélistes,
S. Luc nous conduit droit au fatal dénouement. Le grand cri de Jésus, qu'il signale de concert avec S.
Matthieu et S. Marc, fut distinct de la parole « Père, je remets mon esprit... », acte de filiale confiance par
lequel le Sauveur termina sa vie mortelle. Il en emprunta l'expression au Ps. 30, v. 6, à part le doux nom de
Père qu'il ajouté au texte sacré. - Il expira. Il est remarquable qu'aucun des évangélistes n'emploie la locution
vulgaire : Il mourut. Tous, ils ont voulu faire ressortir la liberté entière avec laquelle le divin agonisant exhala
son âme. La manière dont S. Luc rattache la locution « disant cela » à « il expira » prouve qu'il n'y eut pas
d'intervalle notable entre le « Père, je remets... » et le dernier soupir de Jésus. - C'est ici le lieu de rappeler
une étonnante réflexion de Platon. Dans sa République, 2, il fait dire par Socrate à Glaucus que le juste
parfait, s'il apparaissait jamais parmi les hommes, serait à coup sûr chargé de chaînes, flagellé, torturé, et
finalement crucifié. Voilà que Jésus, le véritable homme parfait, a réalisé ce vague pressentiment du
paganisme, de même qu'il a totalement accompli les lumineux oracles des prophètes juifs.
Enfin vient l’Heure de Jésus (cf. Jn 13, 1 ; 17, 1) : Jésus remet son esprit entre les mains du Père (cf. Lc 23, 46 ; Jn 19, 30) au moment où par sa Mort il est vainqueur de la mort, de sorte que, " ressuscité des morts par la Gloire du Père " (Rm 6, 4), il donne aussitôt l’Esprit Saint en " soufflant " sur ses disciples (cf. Jn 20, 22). A partir de cette Heure, la mission du Christ et de l’Esprit devient la mission de l’Église : " Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ; cf. Mt 28, 19 ; Lc 24, 47-48 ; Ac 1, 8).
Dans la mort, Dieu appelle l’homme vers Lui. C’est pourquoi le chrétien peut éprouver envers la mort un désir semblable à celui de S. Paul : " J’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ " (Ph 1, 23) ; et il peut transformer sa propre mort en un acte d’obéissance et d’amour envers le Père, à l’exemple du Christ (cf. Lc 23, 46) :
Les contradictions et les risques de la vie sont pleinement assumés par Jésus: « De riche qu'il était, il s'est fait pauvre pour vous, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). La pauvreté dont parle saint Paul n'est pas seulement le dépouillement des privilèges divins; c'est aussi le partage des conditions de vie les plus humbles et les plus précaires de la vie humaine (cf. Ph 2, 6-7). Jésus vit cette pauvreté pendant toute son existence, jusqu'au moment suprême de la Croix: « Il s'humilia lui-même en se faisant obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix. Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2, 8-9). C'est précisément dans sa mort que Jésus révèle toute la grandeur et la valeur de la vie, car son offrande sur la Croix devient source de vie nouvelle pour tous les hommes (cf. Jn 12, 32). Quand il affronte les contradictions et l'anéantissement de sa vie, Jésus est guidé par la certitude qu'elle est dans les mains du Père. C'est pourquoi, sur la Croix, il peut lui dire: « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46), c'est-à-dire ma vie. Grande, en vérité, est la valeur de la vie humaine, puisque le Fils de Dieu l'a prise et en a fait l'instrument du salut pour l'humanité entière!
74. Le quatrième Évangile dit que le Fils éternel est tourné vers « le sein du Père » (1, 18) depuis toujours. Saint Irénée affirme que « le Fils de Dieu existe depuis toujours auprès du Père ». Et Origène soutient que le Fils demeure « dans la contemplation ininterrompue de l’abysse paternelle ». C’est pourquoi, lorsque le Fils se fait homme, il passe des nuits entières à converser avec le Père bien-aimé sur le sommet de la montagne (cf. Lc 6, 12). Il dit : « Je dois être dans la maison de mon Père ? » ( Lc 2, 49). Regardons sa louange : « Il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et dit : “Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre” » ( Lc 10, 21). Et ses dernières paroles, pleines de confiance, sont : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » ( Lc 23, 46).