Luc 23, 47
À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »
À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »
Dans sa personne, il recommande à son Père tous les hommes auxquels il a rendu la vie, car nous sommes ses membres, selon ces paroles de l'apôtre saint Paul aux Galates: «Vous n'êtes tous qu'un en Jésus-Christ». ( Ga 4, 28).
Il convient ici d'examiner comment Jésus-Christ a pu dans le même temps se diviser en trois et aller dans les entrailles de la terre, comme il l'avait prédit aux pharisiens ( Mt 12, 4), dans le paradis, comme il l'a dit au bon larron, et dans les mains de son Père, d'après ses dernières paroles. Or, cette difficulté ne forme même pas une question pour ceux qui veulent tant soi peu réfléchir, car celui qui est partout, est à la fois présent en tout lieu par sa divine puissance.
On peut encore répondre qu'au temps de la passion, la divinité n'abandonna aucune partie de l'humanité à laquelle elle s'était unie, et qu'elle sépara volontairement l'âme du corps en restant elle-même unie à l'une et à l'autre. C'est ainsi qu'il détruit la puissance de la mort par son corps qu'il livre à la mort, tandis que par son âme, il ouvre au bon larron l'entrée du paradis. Or, le prophète Isaïe, en décrivant la céleste Jérusalem, qui n'est autre que le paradis, fait ainsi parler Dieu: «Je vous porte gravée sur ma main, vos murailles sont sans cesse devant mes yeux»; ( Is 49, 16) paroles qui prouvent que la main de Dieu le Père est dans le paradis.
Le voile du temple se déchira encore pour figurer la division des deux peuples, et la profanation de la synagogue. Le voile ancien se déchire pour laisser l'Eglise déployer et suspendre les voiles nouveaux de la foi chrétienne. Le voile de la synagogue disparaît, pour nous permettre de voir des yeux de nôtre âme les profonds mystères de la religion.
Le soleil se voile aux yeux de ces sacrilèges, pour ne pas éclairer le triste spectacle de ce crime affreux, et les ténèbres se répandent sur les yeux de ces perfides pour rendre plus éclatante la lumière de la foi.
Dès que Jésus eut bu le vinaigre qu'on lui présentait, tous les mystères de sa vie mortelle furent accomplis et l'immortalité seule demeura: «Alors Jésus s'écria d'une voix forte: Mon Père, je remets mon âme entre vos mains».
Le corps du Sauveur ne meurt que pour ressusciter, et il remet son esprit à son Père, afin que toutes les créatures qui habitent les cieux soient affranchies des liens de l'iniquité, et que la paix commence par le ciel pour servir de modèle à celle qui doit se faire sur la terre.
Il recommande son âme à son Père, mais tout en étant dans le ciel, il éclaire les enfers (les limbes) et étend à toute créature les effets de la rédemption, car le Christ est en toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. ( Col 1, 17).
Paroles dont voici le sens: Il rendit l'âme, il ne perdit point la vie malgré lui, car ce qu'on rend est volontaire, mais ce qu'on perd est forcé,
Ce prodige eut lieu pour montrer jusqu'à l'évidence que celui qui se soumettait à la mort, était le Seigneur et le maître de toutes les créatures.
Saint Matthieu et saint Marc rapportent également que les ténèbres couvrirent toute la terre, mais saint Luc en indique la cause en ajoutant: «Et le soleil s'obscurcit».
Une preuve évidente que cet obscurcissement du soleil n'était pas le résultat du cours régulier des astres, c'est que c'était la Pâque des Juifs qui se célébrait à la pleine lune; or, les éclipses ordinaires de soleil n'ont lieu que lorsque la lune est en pleine décroissance.
Aussitôt que les Juifs eurent crucifié le Seigneur de toutes choses, l'univers tout entier pleura son Créateur et son Maître, et la lumière s'obscurcit en plein midi selon la prédiction du prophète Amos (Am 8, 9): «Il était environ la sixième heure», etc. Cette profonde obscurité était la figure manifeste des ténèbres qui devaient se répandre dans l'âme de ceux qui avaient crucifié le Fils de Dieu.
Ces paroles du Sauveur nous apprennent que les âmes des saints ne sont plus retenues captives dans les enfers, comme auparavant, mais qu'elles sont avec Dieu, depuis que Jésus-Christ les a délivrées.
Nous étions alors à Héliopolis, et nous vîmes que la lune était venue inopinément se placer devant le soleil (car ce n'était pas l'époque de sa conjonction), et qu'ensuite, depuis la neuvième heure jusqu'au soir, elle revint miraculeusement en opposition directe avec le soleil. Nous vîmes aussi cette éclipse commencer du côté de l'Orient, et elle atteignit jusqu'au bord occidental du soleil. Ensuite elle rebroussa chemin, de sorte que la disparition et le retour de la lumière ne se firent point par le même côté, mais par le côté opposé. Tels sont les phénomènes surnaturels qui parurent alors et qui n'ont pu avoir pour auteur que le Christ, créateur de toutes choses.
A ce miracle, saint Luc en ajoute un autre: «Et le voile du temple se déchira par le milieu». C'est au moment même où Jésus expira que ce prodige eut lieu, comme le rapportent saint Matthieu et saint Marc; saint Luc le place ici par anticipation.
En invoquant Dieu comme son Père, il déclare qu'il est le Fils de Dieu, et en remettant son esprit entre ses mains, il ne révèle point un défaut de puissance, mais la confiance qu'il possède une seule et même puissance avec son Père.
Ou encore pour être plus précis: il était dans le tombeau quant à son corps; quant à son âme, à la fois dans les enfers et dans le paradis avec le bon larron, et comme Dieu sur son trône avec le Père et l'Esprit saint.
Le Seigneur annonçait ainsi que désormais le saint des sai nts ne serait plus inaccessible, qu'il serait livré aux profanations des Romains, et que l'entrée en serait ouverte à tous.
C'est encore une figure que le voile qui nous séparait des mystères du ciel est déchiré, c'est-à-dire, que l'inimitié de Dieu et le péché sont détruits.
Il expire en poussant un grand cri, parce qu'il avait le pouvoir de quitter la vie et de la reprendre ( Jn 10, 18): «Et en prononçant ces mots il expira».
Le centurion : c'est-à-dire, le capitaine romain qui avait été préposé
au triple crucifiement. S. Luc mentionne dans ses écrits plusieurs bons centurions. Comparez, outre ce
passage, 7, 2 ; Act. 10, 1 ; 22, 26 ; 27, 43. - Ce qui était arrivé. S. Matthieu et S. Marc précisent davantage.
« A la vue du tremblement de terre... », dit le premier ; « voyant comment il avait expiré », écrit le second. -
Glorifia Dieu est un trait spécial. Le centurion rendit gloire à Dieu par la confession toute chrétienne que
nous allons entendre. - Certainement cet homme était juste. Dans les deux autres récits, il attribue
formellement à Jésus le titre de Fils de Dieu. On fait la conciliation tantôt en supposant qu'il prononça tour à
tour ces deux jugements, tantôt en admettant, à la suite de S. Augustin, de Consens. Evangel. l. 1, c. 20, que
S. Luc aurait transformé la phrase pour interpréter à ses lecteurs dans quel sens un païen pouvait affirmer que
Jésus était vraiment le Fils de Dieu. D'après l'Évangile de Nicodème, c. 11, le centurion aurait porté le nom de Longinus. Une tradition que S. Jean Chrysostome citait déjà, mais sans en garantir la vérité, le fait mourir
martyr du Christ. Il serait devenu évêque de Cappadoce d'après d'autres documents. Voyez les Acta
Sanctorum au 15 mars ; Baronius, Annal. ad ann. 34, p. 127, 187 ; Cornel. a Lap. h. l.
Fils de Dieu, dans l’Ancien Testament, est un titre donné aux anges (cf. Dt 32, 8 ; Jb 1, 6), au peuple de l’Élection (cf. Ex 4, 22 ; Os 11, 1 ; Jr 3, 19 ; Si 36, 11 ; Sg 18, 13), aux enfants d’Israël (cf. Dt 14, 1 ; Os 2, 1) et à leurs rois (cf. 2 S 7, 14 ; Ps 82, 6). Il signifie alors une filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa créature des relations d’une intimité particulière. Quand le Roi-Messie promis est dit " fils de Dieu " (cf. 1 Ch 17, 13 ; Ps 2, 7), cela n’implique pas nécessairement, selon le sens littéral de ces textes, qu’il soit plus qu’humain. Ceux qui ont désigné ainsi Jésus en tant que Messie d’Israël (cf. Mt 27, 54) n’ont peut-être pas voulu dire davantage (cf. Lc 23, 47).