Luc 24, 40

Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.

Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.
Eusèbe de Césarée
En effet, si deux évangélistes, saint Luc et saint Jean, ont écrit que Notre-Seigneur est apparu aux onze dans la ville de Jérusalem, les deux autres rapportent que l'ange aussi bien que le Sauveur commandèrent de se rendre en Galilée, non seulement aux onze, mais à tous les disciples et aux frères dont parle saint Paul, quand il dit: «Ensuite il apparut à plus de cinq cents frères réunis». ( 1Co 15 ). Mais la solution la plus vraisemblable de cette difficulté, est que Jésus apparut d'abord une ou deux fois pour la consolation des Apôtres qui se tenaient cachés dans Jérusalem, et qu'il se manifesta ensuite dans la Galilée, non plus une fois ou deux, comme dans le cénacle, mais dans tout l'éclat de sa puissance, et en faisant voir à ses Apôtres par beaucoup de preuves qu'il était vivant, comme l'atteste saint Luc dans le livre des Actes (Ac 1, 3).
Saint Gregoire de Nazianze
Rougissons de renoncer si facilement à ce don de la paix, que Jésus-Christ nous a laissé en quittant la terre. La paix, cette chose et ce nom si doux, a Dieu pour auteur, selon ces paroles: «La paix de Dieu», ( Ph 4) et elle est aussi le principal attr ibut de Dieu, selon ces autres paroles de saint Paul: «Il est lui-même notre paix». La paix est un bien dont tout le monde fait l'éloge, mais que très-peu de personnes savent conserver. Quelle en est la cause? Peut-être l'ambition du pouvoir et des richesses, l'envie, la haine ou le mépris du prochain, ou quelqu'autre vice de ce genre où fait tomber l'ignorance de Dieu. En effet, le principe est la source de la paix, c'est Dieu qui établit l'union en toutes choses, et dont l'attribut principal est l'unité de nature et une pacifique immutabilité. Cette paix se communique aux anges et aux puissances célestes qui sont en paix avec Dieu et entre elles; elle se répand sur toutes les créatures, dont la beauté consiste dans la tranquillité; enfin elle demeure dans notre âme par l'amour et la pratique des vertus, et dans notre corps, par la juste proportion qui règne dans nos membres, et l'équilibre des éléments dont il est composé; la première de ces choses constitue la beauté de nos corps, et l'autre la santé.
Saint Ambroise
L'opinion qui me paraît la plus probable est que Notre-Seigneur avait annoncé en effet à ses disciples qu'ils le verraient en Galilée, mais qu'il crut ensuite devoir leur apparaîtra dans le cénacle, où la crainte les tenait renfermés. Le Sauveur ne manque pas ici à sa promesse, mais au contraire, il se hâte de l'accomplir par un sentiment de bonté pour ses disciples encore faibles et pusillanimes.

Lorsqu'il eut ainsi ranimé leur courage, les onze Apôtres se rendirent en Galilée. Rien n'empêche encore de dire qu'ils étaient peu nombreux dans le cénacle, tandis qu'ils furent en très-grand nombre sur la montagne de Galilée.

Nous ne pouvons concevoir que saint Pierre et saint Jean aient pu douter de la résurrection après les faits prodigieux dont ils avaient été les témoins. Pourquoi donc saint Luc nous dit-il qu'ils furent troublés? premièrement, parce qu'il confond leurs sentiments particuliers avec ceux du plus grand nombre; secondement, parce que Pierre, tout certain qu'il était de la résurrection du Sauveur, a pu néanmoins être troublé, en le voyant tout à coup traverser avec son corps les portes qui étaient fermées.

Examinons maintenant comment d'après saint Jean, les Apôtres crurent et furent dans la joie, tandis que d'après saint Luc, le Sauveur leur reproche leur incrédulité. Saint Jean, en sa qualité d'apôtre, me paraît n'avoir voulu traiter que les vérités les plus importantes et les plus élevées, tandis que saint Luc suit les évènements en se maintenant dans une sphère plus rapprochée de nous; l'un s'est attaché à l'ordre historique, l'autre a voulu abréger. On ne peut douter de la véracité du témoignage de celui qui raconte ce qu'il a vu de ses yeux. La conclusion est donc que le récit des deux Évangélistes est vrai, car bien que saint Luc fasse observer qu'ils ne crurent point tout d'abord, il déclare positivement qu'ils finirent par croire.

Notre-Seigneur s'exprime de la sorte pour nous donner une image de la résurrection; en effet, ce qui peut se toucher, est nécessairement un corps, nous ressusciterons donc dans notre corps, la seule différence est qu'il sera subtil, tandis qu'il est maintenant épais et grossier, parce qu'il est composé d'éléments infirmes et terrestres. Ce n'est donc point en vertu de sa nature incorporelle et divine, mais par suite des propriétés de son corps ressuscité, que Jésus-Christ a pénétré dans le cénacle, les portes demeurant fermées.
Saint Augustin
Saint Jean rapporte aussi cette apparition du Seigneur après sa résurrection, mais en faisant remarquer que Thomas n'était pas alors avec les autres Apôtres; tandis que d'après saint Luc, les deux disciples d'Emmaüs étant rentrés dans Jérusalem, trouvèrent les onze assemblés: il faut donc admettre que Thomas sortit avant que le Seigneur parut aux Apôtres qui s'entretenaient de sa résurrections En effet, le récit de saint Luc autorise cette supposition, que Thomas sortit pendant l'entretien des autres Apôtres, et que ce ne fut qu'après son départ que le Seigneur entra dans le cénacle. On pourrait peut-être dire encore que ces onze n'étaient pas ceux qui dès-lors portaient le nom d'Apôtres, mais qu'ils faisaient partie du grand nombre des disciples de Jésus. Cependant comme saint Luc ajoute: «Et ceux qui étaient avec eux», il indique assez clairement que les onze avec lesquels les autres se trouvaient réunis, devaient être les onze Apôtres.

Mais examinons la signification mystérieuse de ces paroles que Jésus, d'après saint Matthieu et saint Marc, adresse à ses disciples après sa résurrection: «Je vous précéderai en Galilée». Si ces paroles se sont accomplies, ce n'est qu'après beaucoup d'autres faits racontés dans l'Évangile, et cependant Notre-Seigneur semble dire que c'est la seule chose ou au moins la première que les disciples devaient attendre.

Ou bien encore: les paroles que l'ange adresse aux disciples au nom du Seigneur, doivent s'entendre dans un sens prophétique. En effet, Jésus les précède en Galilée, qui veut dire transmigration, parce que les Apôtres devaient quitter le peuple d'Israël pour aller prêcher l'Évangile aux Gentils, mais les Gentils n'auraient pas cru à leurs prédications, si le Seigneur lui-même ne leur eût préparé la voie dans les coeurs des hommes. Tel est donc le sens de ces paroles: «Il vous précédera en Galilée». Si au contraire, on prend la Galilée dans le sens de révélation, nous devons entendre que le Sauveur ne se révélera plus sous la forme d'esclave, mais dans l'éclat qui convient au Fils de Dieu égal à son Père, comme il l'a promis à ses élus. Cette révélation sera pour nous comme une véritable Galilée, alors que nous le verrons tel qu'il est. Ce sera aussi notre, bienheureuse transmigration de ce monde dans cette vie éternelle, qu'il n'a point quittée en venant parmi nous, et où il nous précède sans nous abandonner.
Saint Cyrille d'Alexandrie
Les Apôtres ayant répandu partout la nouvelle de la résurrection, et les disciples étant pleins d'une sainte impatience de voir leur divin Maître, il se rend à leurs désirs, il se révèle à eux pendant qu'ils le cherchent et qu'ils l'attendent, et leur apparaît clairement et sans qu'il y ait lieu à contestation: «Pendant qu'ils s'entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d'eux», etc.

La preuve la plus évidente qu'il était vraiment celui qu'ils avaient vu mort sur la croix et déposé dans le sépulcre, c'est qu'aucune des pensées du coeur de l'homme ne lui était cachée.

Notre-Seigneur, voulant démontrer à ses Apôtres qu'il a triomphé de la mort, et que la nature humaine du Christ est désormais affranchie de la corruption, leur montre ses mains, ses pieds et les trous des clous: «Voyez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c'est bien moi».
Saint Grégoire le Grand
Lorsque notre corps aura part à la gloire de la résurrection, il ne sera pas impalpable, ni plus subtil et plus délié que le vent ou l'air (comme le prétend Eutychius); mais il sera tout à la fois subtil en vertu de sa nouvelle puissance spirituelle, et palpable par une conséquence de la nature corporelle.
Saint Bède le Vénérable
Les disciples qui avaient vécu si longtemps avec Jésus-Christ, ne doutaient point qu'il fût véritablement homme; mais lorsqu'il fut mort, ils ne croyaient pas qu'il pût ressusciter avec un corps véritable. Aussi croient-ils voir l'esprit qu'il avait rendu au moment de sa mort Sur la croix: «Dans leur trouble et leur saisissement, ils croyaient voir un esprit». Cette erreur des Apôtres est devenue celle des Manichéens.

Quelles pouvaient être ces pensées? des pensées fausses et dangereuses; car Jésus-Christ eût perdu tout le fruit de sa passion, s'il n'était vraiment ressuscité. Il est semblable ici à un laboureur habile qui dirait: Je dois trouver ce que j'ai planté (c'est-à-dire la foi qui. descend dans le coeur, parce qu'elle vient du ciel); or, ces pensées ne sont point descendues du ciel, mais elles sont montées de la terre dans le coeur, comme de mauvaises herbes.

Ses mains et ses pieds qui avaient conservé la trace des clous qui les avaient transpercés. D'après saint Jean, il leur montra aussi son côté que le fer de la lance avait ouvert, afin que la vue des cicatrices de ses plaies guérît la blessure de leurs doutes. Les infidèles soulèvent ici une difficulté, et accusent le Seigneur de n'avoir pu guérir les blessures qui lui ont été faites. Nous leur répondons qu'il n'est pas logique d'admettre que celui qui a fait évidemment des miracles beaucoup plus grands n'ait pu en faire de moindre s. C'est donc par un dessein plein de miséricorde, que celui qui a triomphé de la mort n'a point voulu détruire les signes que la mort avait imprimés sur son corps: premièrement pour rendre plus ferme dans ses disciples la foi à sa résurrection; secondement, afin qu'en intercédant pour nous près de son Père, il pût lui montrer toujours le genre de mort qu'il avait souffert pour le salut des hommes; troisièmement, pour rappeler à ceux qu'il a rachetés par sa mort, quels secours miséricordieux il leur aménagés en leur mettant sous les yeux les signes visibles de sa mort; quatrièmement enfin, pour faire comprendre aux impies, au jour du jugement, la justice de leur condamnation.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Notre-Seigneur, apparaissant pour la première fois au milieu de ses disciples, calme l'agitation de leur âme par. le salut de paix accoutumé, il leur. montre ainsi qu'il est ce même Maître qui aimait à leur répéter cette parole de paix, qu'il leur a tant recommandée lorsqu'il les envoya prêcher l'Évangile: «Et il leur dit: La paix soit avec vous; c'est moi, ne craignez point».

Le salut de paix que Jésus adresse à ses disciples, n'ayant pu calmer l'agitation de leur âme, il leur prouve d'une autre manière qu'il est le Fils de Dieu qui pénètre le secret des coeurs: «Et il leur dit: Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi ces pensées s'élèvent-elles dans vos coeurs ?»

Il fait plus encore, il leur donne à toucher ses pieds et ses mains en leur disant: «Touchez et voyez, un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai», c'est-à-dire: Vous me prenez pour un esprit, ou un de ces fantômes qu'on voit souvent errer autour des tombeaux, mais sachez qu'un esprit n'a ni chair ni os, tandis que j'ai une chair et des os.
Louis-Claude Fillion
Le Sauveur joint aussitôt l'acte à la parole et montre, c'est-à-dire fait voir et fait toucher aux disciples ses mains et ses pieds. De Wette est-il de bonne foi quand il prétend que les apparitions de Jésus ressuscité ont, dans les récits de S. Luc et de S. Jean, « un caractère qui sent le spectre » ? Nous l'excuserions si les Évangiles contenaient des fables analogues à la suivante, citée par Clément d'Alexandrie : S. Jean ayant voulu profiter de la permission que lui donnait le divin Maître, sa main passa à travers le corps de Jésus sans rencontrer la moindre résistance ! - L'omission de ce verset par le Cod. D. et par quelques copies de l'Itala n'est pas une raison suffisante pour douter de son authenticité.