Luc 3, 17
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Il était juste que Jean fût environné de plus d'honneurs que les autres hommes, lui dont la vie était plus parfaite que celle de tous les autres mortels. Aussi les Juifs avaient-ils pour lui une bien légitime prédilection, mais qui cependant était par trop exagérée: « Or, comme tout le peuple flottait dans ses pensées, et que tous se demandaient dans leurs coeurs s'il ne serait pas le Christ ».
L'affection a ses périls, si elle franchit les justes bornes. Quand on aime quelqu'un, on doit considérer attentivement la nature et les motifs de son affection, et la proportionner au mérite de celui qu'on aime, car si l'on dépasse la mesure et les limites de la charité, celui qui aime comme celui qui est aimé se rendent coupables.
Aussi Jean ne pensa pas à se glorifier de l'opinion que tous avaient de lui, et ne parut jamais désirer d'être le premier; loin de là, il fit toujours profession de l'humilité la plus profonde: « Mais Jean répondit », etc.
De même encore que Jean-Baptiste attendait sur les bords du fleuve du Jourdain ceux qui venaient demander son baptême, qu'il repoussait les uns, en les appelant: « Race de vipères », et recevait les autres qui faisaient l'aveu sincère de leurs péchés, ainsi le Seigneur Jésus se tiendra sur les bords du fleuve de feu près du glaive flamboyant. Tout homme qui, au sortir de cette vie voudra entrer dans le paradis et aura besoin d'être purifié, sera baptisé dans ce bain de feu avant d'être introduit dans le paradis. Quant à celui qui ne portera point le signe des premiers baptêmes, il ne pourra être baptisé dans ce baptême de feu.
Comme le blé ne peut être séparé de la paille que par le mouvement de l'air, le juste juge est représenté tenant à la main un van, qui fait connaître que les uns sont de la paille et les autres du froment. En effet, lorsque vous n'étiez qu'une paille légère (c'est-à-dire incrédule), la tentation vous a fait voir ce que vous étiez sans le savoir, mais lorsque vous avez supporté courageusement les épreuves, la tentation ne vous rend pas fidèle et patient, mais elle fait éclater la vertu qui était au dedans de votre âme.
Il est utile de se rappeler que les biens qui nous sont promis et que Dieu tient en réserve pour ceux qui vivent saintement, dépassent de beaucoup toutes les explications que nous pouvons en donner; car ni l'oeil de l'homme n'a vu, ni son oreille n'a entendu, ni son coeur n'a compris l'excellence de ces biens. Il en est de même des châtiments réservés aux pécheurs, ils n'ont aucune proportion avec les peines sensibles de cette vie. Nous les exprimons sans doute par les noms dont nous faisons usage dans notre langue, mais quelle distance les sépare de nos peines ordinaires ! car lorsque vous entendez parler de feu, et que l'Évangéliste ajoute: « inextinguible », aussitôt votre attention se porte sur un feu tout différent du nôtre, auquel ne convient point cette expression.
De ces paroles de Jean-Baptiste: « Il vous baptisera dans l'Esprit saint ». N'allez pas conclure que la seule invocation de l'Esprit saint rend le baptême parfait, car pour les signes sacrés qui nous confèrent la grâce, nous devons suivre dans toute leur intégrité les règles de la tradition. Vouloir y ajouter ou en retrancher quelque chose, c'est se retrancher de la vie éternelle, car nous baptisons au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour conformer notre baptême à notre croyance. Ch. des Pèr. gr. Ces paroles: « Il vous bapti sera dans l'Esprit saint », signifient donc l'abondance de la grâce et la richesse du bienfait. Mais parce qu'on pourrait croire que c'est le propre de la puissance et de la volonté du Créateur de répandre ses bienfaits, tandis qu'il n'entre nullement dans ses attributs de punir les rebelles; Jean-Baptiste ajoute: « Il tient le van en sa main », nous enseignant ainsi qu'il est aussi sévère pour venger les prévaricateurs qu'il est magnifique pour récompenser la vertu. Le van signifie la promptitude dans l'exécution du jugement, car en un instant, sans aucun débat, sans acun délai, il séparera les damnés de la société des élus.
Les chrétiens de cette espèce ne laissent pas d'être utiles à ceux qui sont jugés dignes du royaume des cieux, soit en leur communiquant les dons spirituels, soit en leur donnant des secours extérieurs, bien qu'ils ne le fassent point par un motif d'amour de Dieu ou de charité du prochain.
Quoi de plus insensé que de refuser de croire, lorsqu'il vint lui-même en personne, celui qu'ils voulaient reconnaître dans la personne d'un autre? Ils pensaient que le Messie devait naître d'une femme, et ils ne veulent pas croire qu'il ait pu naître d'une Vierge, et cependant le signe que Dieu avait donné de l'avènement du Sauveur, c'était l'enfantement d'une Vierge et non celui d'une femme.
Ou bien, c'est que Jean lisait dans le secret des coeurs, mais considérez de qui lui venait cette prérogative, car la grâce de Dieu seule peut révéler ce qu'il y a de plus caché dans le fond des coeurs, et non la puissance de l'homme qui reçoit bien plus de lumières du secours d'en haut, que de ses facultés naturelles. Or, il répondit aussitôt et sans hésiter qu'il n'était pas le Christ, lui qui n'exerçait qu'un ministère extérieur et visible. L'homme, en effet, est un composé de deux natures, c'est-à-dire, de l'âme et du corps; la partie visible est consacrée par une action visible, la partie invisible reçoit une consécration intérieure et invisible. Ainsi l'eau lave le corps et le purifie, mais l'Esprit purifie l'âme de ses fautes, quoique l'eau elle-même soit comme pénétrée du souffle de la grâce divine. Le baptême de la pénitence est donc différent du baptême de la grâce, celui-ci opère par ces deux choses réunies, l'eau et l'Esprit; celui-là par l'eau seulement: l'oeuvre de l'homme c'est de faire pénitence de ses fautes, c'est la part exclusive de Dieu de réaliser la grâce du mystère. Aussi Jean-Baptiste repoussant tout désir ambitieux de grandeur, déclare, non par ses paroles, mais par ses oeuvres, qu'il n'est pas le Christ, c'est pour cela qu'il ajoute: « Un autre va venir plus puissant que moi », etc. En disant: « Plus puissant que moi », il n'établit point une comparaison, car aucune comparaison n'est possible entre le Fils de Dieu et un homme, mais il veut simplement dire que s'il y en a beaucoup parmi les anges et les hommes qui aient de la puissance, le Christ seul est plus puissant qu'eux tous. Enfin, il est si loin de vouloir faire une comparaison, qu'il ajoute: « Dont je ne suis pas digne de dénouer la courroie de la chaussure ».
Ces paroles: « Je ne suis pas digne de porter sa chaussure », signifient encore que le ministère et la grâce de la prédication ont été confiés aux Apôtres qui ont aux pieds la chaussure de l'Évangile ( Ep 6, 15). Cependant on peut dire que Jean-Baptiste s'exprime de la sorte, parce qu'il représente la personne du peuple juif.
Il venait de déclarer que son baptême n'était qu'un baptême d'eau, il montre maintenant l'excellence du baptême institué par le Christ: « Pour lui, il vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu , exprimant ainsi par cette métaphore l'abondance de la grâce, car il ne dit pas: Il vous donnera l'Esprit saint, mais: « Il vous baptisera dans l'Esprit saint ». Il ajoute: « Et dans le feu », pour montrer toute la puissance de la grâce. Et de même que Jésus-Christ exprime sous la figure de l'eau (cf. Jn 4,14 ) la grâce de l'Esprit saint, c'est-à-dire, la pureté qu'elle produit et l'ineffable consolation dont elle inonde les âmes qui en sont dignes; ainsi Jean-Baptiste, sous l'image du feu, veut exprimer la ferveur et la pureté que la grâce produit dans l'âme avec la destruction complète du péché.
Saint Matthieu dit au contraire: « Dont je ne suis pas digne de porter la chaussure ». S'il y a quelque intérêt à donner un sens différent à ces deux locutions: « Porter la chaussure »,ou: « Dénouer les cordons de la chaussure »,de manière qu'un Évangéliste ait rapporté la première de ces deux locutions, et l'autre la seconde, il faut admettre que tous deux ont dit la vérité. Si au contraire, en parlant de la chaussure du Seigneur, Jean-Baptiste ne s'est proposé que de faire ressortir la supériorité du Christ et son humble dépendance, ces deux locutions figurées, rapportées l'une par saint Matthieu et l'autre par saint Luc, expriment la même vérité, et ont pour but de faire ressortir la profonde humilité du saint Précurseur.
Le van, que le Seigneur tient en sa main, signifie qu'à lui seul appartient le droit de discerner les mérites des hommes, parce qu'en effet, lorsqu'on vanne le blé dans l'aire, le souffle de l'air fait comme une espèce de discernement du bon grain d'avec le mauvais: « Et il amassera le froment dans son grenier », etc. Par cette comparaison, le Seigneur nous enseigne qu'au jour du jugement, il fera le discernement des mérites solides et des véritables fruits de vertu d'avec la légèreté stérile de toutes ces actions vaines, aussi chétives que présomptueuses, et placera dans la demeure des cieux les hommes d'une vertu parfaite. Or, les hommes qui sont des fruits parfaits sont ceux qui ont été jugés dignes de ressembler à celui qui a été semé comme un grain de blé pour produire ensuite des fruits plus abondants ( Jn 12).
En ajoutant: « Et il nettoiera son aire », Jean-Baptiste nous apprend que Jésus-Christ est le souverain Maître de l'Église.
La paille, au contraire, est l'emblème des âmes indolentes et vaines, et dont la mobilité flotte à tout vent de péché.
Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la courroie de sa chaussure, comme s'il disait: Je ne puis découvrir les pieds du Rédempteur puisque je ne puis prendre le nom d'époux qui ne m'appartient pas. C'était la coutume, en effet, chez les anciens, que lorsqu'un homme ne voulait point prendre la femme qu'il devait épouser, celui qui devenait alors son époux ôtait la chaussure du premier qui l'avait refusée (cf. Dt 25 ); ou bien encore, comme les chaussures sont faites avec la peau des animaux qui sont morts, Notre-Seigneur, par son incarnation, est venu dans le monde portant aux pieds les dépouilles mortelles de notre nature corruptible. La courroie de la chaussure est comme le noeud du mystère. Jean-Baptiste ne peut donc dénouer la courroie de la chaussure du Sauveur, parce qu'il est incapable de pénétrer le mystère de l'incarnation que l'esprit prophétique seul lui a fait connaître.
Expression merveilleuse et étonnante pour désigner le feu de l'enfer. En effet, notre feu matériel ne peut être entretenu que par la quantité de bois qu'on y jette, et il ne dure qu'à la condition d'être toujours alimenté; au contraire, le feu de l'enfer, quoiqu'il soit matériel et qu'il brûle corporellement les réprouvés qui y sont précipités, n'est point alimenté par le bois, mais une fois créé, il dure toujours et ne s'éteint jamais.
Comment put-il répondre à ceux qui pensaient dans leurs coeurs qu'il pouvait être le Christ? C'est que non seulement telle était leur pensée, mais qu'ils lui avaient député des prêtres et des lévites pour lui demander s'il était le Christ, comme le raconte un autre Évangéliste.
Sous la figure du feu, on peut encore entendre l'Esprit saint qui embrase par l'amour et tout à la fois éclaire par la sagesse les coeurs qu'il remplit de sa présence, et c'est pour exprimer cette vérité que les Apôtres ont reçu le baptême de l'Esprit sous l'image d'un feu visible. Il en est qui expliquent ce passage en disant que le baptême de l'Esprit est pour le temps présent, et le baptême du feu pour la vie à venir; en ce sens que de même que nous puisons une nouvelle naissance dans l'eau et l'Esprit saint pour la rémission de tous nos péchés, de même nous serons purifiés de nos fautes plus légères par le baptême de feu du purgatoire.
L'aire est en effet la figure de l'Église de la terre, où il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. Cette aire se nettoie en partie dans la vie présente, lorsqu'un mauvais chrétien est retranché de l'Église par le jugement sacerdotal, en punition de ses fautes publiques et scandaleuses; ou bien lorsque après sa mort il est condamné au tribunal de Dieu pour des crimes secrets; et elle sera nettoyée entièrement à la fin du monde, quand le Fils de l'homme enverra ses anges pour faire disparaître de son royaume tous les scandales.
Jean répond de façon aussi solennelle que possible. « Au premier indice des sentiments qui se dessinent,
Jean-Baptiste prend l'offensive. Il va au-devant de l'estime exagérée qu'on s'apprête à faire de lui, il se dérobe
aux acclamations qui se préparent, il s'efface devant Celui qu'il est chargé d'annoncer au monde : en quels
termes, avec quelle énergie et quelle soudaineté » ! M. Planus, ibid., p. 181. « Elle ne montre pas de zèle
pour elle-même, mais pour l’époux; il déteste être aimé pour lui-même ». St Augustin. - Dans les
circonstances solennelles, les Orientaux donnent volontiers à leurs paroles une forme poétique,
non-seulement par le choix d'expressions plus relevées, plus imagées, mais aussi par la coupe et la structure
des phrases. Le présent témoignage du Précurseur en est un frappant exemple. Nous y découvrons sans peine un véritable rythme, qui s'est conservé même dans le texte grec, et qui consiste en trois périodes ou strophes
bien marquées les deux premières à trois membres et corrélatives, la troisième à deux membres seulement,
comme il suit :
Moi, je vous baptise dans l’eau
mais il viendra quelqu’un de plus puissant que moi
et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales.
C’est lui qui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et dans le feu.
Le van est dans sa main
et il nettoiera son aire.
Et il amassera le blé dans son grenier,
mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas.
Cette division rend beaucoup plus palpable le rapprochement que Jean-Baptiste établit entre sa propre
personne et celle du Messie. Voyez Schegg, Evang. Nach Lukas, h. l. 1° Le baptême de S. Jean et celui du
Christ sont comparés l'un à l'autre au moyen d'une forte antithèse. Ce sont les premiers vers des deux
strophes à trois membres. Moi… est opposé à il…, baptise dans l'eau à baptisera dans l'Esprit-Saint et dans
le feu. Ce que le feu est à l'eau, le baptême du Christ le sera à l'égard du baptême de S. Jean. L'eau ne lave
qu'au dehors, le feu purifie au dedans, lavant pour ainsi dire jusqu'à la moelle, et cela est vrai surtout au
moral, à propos du feu de l'Esprit-Saint dont il est ici question. Voir, pour l'explication détaillée, l'Evang.
selon S. Matth., p. 79 et ss., et Patrizi, de Evangel. Lib. 3, dissert. 43, § 52. 2° La dignité de S. Jean et celle
du Christ : autre antithèse, qui comprend le second et le troisième vers des deux premières strophes. La
figure si pittoresque et si modeste par laquelle Jean-Baptiste exprime son infériorité personnelle relativement
au Messie est vraiment admirable. Le Précurseur ne se croit pas même digne de rendre au Christ le plus
humble service ! Au contraire, continue-t-il en employant une autre image toute majestueuse (cfr. 22, 11 et
Jer. 15, 7), le Messie se manifestera comme un juge souverain, auquel personne ne pourra résister. Pour les
détails nous renvoyons encore le lecteur à l'Evang. selon S. Matth. , pp. 74 et 75. - La troisième strophe
décrit le sort opposé qui attend dans l'autre vie les justes et les pécheurs. - C'est en ces termes que S. Jean au
faîte de sa popularité, rejeta énergiquement l'honneur indu qu'on voulait lui attribuer. Rien ne put le faire
sortir de son rôle de Précurseur.