Luc 6, 37
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
C'est-à-dire que la considération des bienfaits qu'il répand sur les hommes, doit nous porter à leur faire du bien, non point en vue des hommes, mais en vue de Dieu, afin d'obtenir de lui seul, et non pas des hommes, la récompense de nos oeuvres de charité.
Dans la langue grecque, ce genre d'avarice est justement appelé t üïò, enfantement, a cause de sa malheureuse et coupable fécondité. En effet, ce n'est qu'avec le temps que les animaux grandissent et se reproduisent, mais à peine l'usure a pris naissance, qu'elle devient féconde. Les animaux les plus précoces à se reproduire, cessent aussi plutôt d'engendrer; mais l'argent des avares ne fait que se multiplier d'années en années. Les animaux, en transmettant à leurs petits la faculté d'engendrer, cessent eux-mêmes d'engendrer, mais l'argent des avares produit continuellement de nouveaux fruits, et renouvelle les premiers. Ne vous exposez donc point aux mortelles atteintes de ce monstre cruel. Que vous servirait-il, en effet, d'éviter l'indigence actuelle, si elle doit revenir bientôt fondre sur vous, plus grande et plus écrasante? Demandez-vous comment vous pourrez rendre ce que vous empruntez; comment l'argent pourra se multiplier assez dans vos mains, pour qu'une partie vous soulage de votre indigence, qu'une autre représente et conserve le capital, et qu'une troisième produise l'intérêt. Mais me direz-vous, comment faire pour vivre? Travaillez, mettez-vous en service, mendiez enfin s'il le faut, tout est préférable à un emprunt usuraire. Vous me direz encore: Qu'est-ce que le prêt sans espérance d'intérêt? Méditez la vertu de la parole divine, et vous admirerez la miséricorde de son auteur. Lorsque vous donnez au pauvre pour l'amour de Dieu, vous faites à la fois un prêt et un don; un don, car vous n'espérez point d'intérêt; un prêt, parce que la bonté de Dieu se charge de vous rendre ce que vous donnez au pauvre, comme le Sauveur vous en assure: «Car votre récompense sera grande». Est-ce que vous refuseriez d'avoir le Tout-Puissant pour caution et pour débiteur? Quoi ! vous acceptez la caution d'un homme riche, et vous refuseriez la caution que Dieu vous donne pour le pauvre?
L'homme doit éviter cette damnable cupidité qui lui fait demander à l'indigent un produit de l'or ou de l'argent qu'il lui prête, et exiger les fruits d'un métal stérile, c'est le sens de cette recommandation: «Prêtez sans en espérer rien», etc. Celui qui traitera de vol et d'homicide la funeste invention de l'usure, ne se trompera pas; car quelle différence entre celui qui perce les murs pour s'emparer du bien qui ne lui appartient pas, et celui qui s'approprie le gain illicite, produit par l'argent qu'il a prêté?
La philosophie divise la justice en trois parties, l'une qui a Dieu pour objet et qu'on appelle religion; la seconde, qui comprend les devoirs envers les parents et le reste du genre humain; la troisième, qui s'étend aux morts, et nous oblige de leur rendre convenablement les derniers devoirs. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ, s'élevant au-dessus des prescriptions de la loi et des oracles des prophètes, étend l'obligation de faire du bien jusqu'à ceux qui nous ont fait tort: «Pour vous, aimez vos ennemis», etc.
Quelle est grande la récompense de la miséricorde, puisqu'elle nous donne droit à l'adoption divine: «Et vous serez les enfants du Très-Haut». Pratiquez donc la miséricorde, pour mériter la grâce qui lui est promise. La bonté de Dieu s'étend sur tous les hommes, il fait tomber la pluie sur les ingrats, la terre féconde ne refuse pas ses fruits aux méchants: «Car il est bon aux ingrats et aux méchants».
Considérez l'admirable nature du prêt: L'un reçoit, et c'est un autre qui s'oblige à payer ce qu'il doit, c'est-à-dire le centuple dans le temps présent, et après cette vie, la vie éternelle.
Le Seigneur venait de commander l'amour des ennemis, mais n'allez pas croire qu'il parle ici hyperboliquement et pour inspirer un sentiment de crainte; car écoutez la raison de ce commandement: «Et si vous aimez ceux qui vous aiment, quel est votre mérite ?»Plusieurs causes concourent à former les affections, mais l'affection spirituelle est supérieure à toutes les autres, elle ne reconnaît pour principe et pour cause, rien de terrestre, ni les bienfaits, ni la nature, ni le temps, mais elle descend directement du ciel. Quoi d'étonnant qu'elle se forme indépendamment de tout bienfait, puisqu'elle ne peut être ébranlée par les mauvais traitements? Un père outragé, rompt les liens d'amour qui l'attachaient à son épouse; une femme se sépare de son mari à la suite de querelles domestiques; un enfant regarde comme un fardeau un père dont les jours se prolongent dans un âge avancé; mais, au contraire, saint Paul allait vers ceux qui voulaient le lapider pour leur faire du bien ( Ac 14); Moïse tourmenté, et comme lapidé par les Juifs, se venge en priant pour eux ( Ex 17). Ayons donc une profonde vénération pour les amitiés spirituelles, parce qu'elles sont indissolubles. Notre-Seigneur ajoute, pour stimuler les indifférents: «Les pécheurs aiment aussi ceux qui les aiment», comme s'il disait: Je veux que vous vous éleviez à une vertu plus éminente, voilà pourquoi je vous commande d'aimer non seulement vos amis; mais même vos ennemis; car il est naturel à tous les hommes de faire du bien à ceux qui leur en font. Il leur apprend donc qu'il exige d'eux plus qu'il n'est ordinaire aux pécheurs de faire, quand ils se montrent bienfaisants pour leurs amis: «Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quel est votre mérite ?
En agissant ainsi, vous ferez beaucoup plus pour vous que pour eux-mêmes; quant à eux, ils ont l'affection de leur semblable, mais pour vous, vous devenez semblable à Dieu. Or, c'est un acte de grande puissance, que de combler de nos bienfaits ceux qui cherchent à nous faire du mal, comme Notre-Seigneur nous le recommande; car, comme l'eau jetée sur une fournaise ardente, suffit pour l'éteindre, tel est l'effet de la raison jointe à la douceur; en effet l'humilité et la douceur sont à la colère, ce que l'eau est au feu, et de même que le feu ne peut éteindre le feu, ainsi la colère ne peut apaiser la colère.
Quelles sont donc grandes les prérogatives de la miséricorde ! elle nous rend semblables à Dieu, elle imprime dans notre âme comme le sceau de la nature divine: « Soyez donc miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux », etc.
Soit qu'il leur donne les biens temporels, soit qu'il inspire, par sa grâce, le goût des biens célestes.
Ce n'est pas seulement l'affection et les bienfaits des pécheurs qu'il déclare sans mérite et sans fruit, mais aussi le prêt fait dans les mêmes conditions. «Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel est votre mérite? Car les pécheurs eux-mêmes prêtent à leurs semblables, pour en recevoir l'équivalent».