Luc 7, 10

Revenus à la maison, les envoyés trouvèrent l’esclave en bonne santé.

Revenus à la maison, les envoyés trouvèrent l’esclave en bonne santé.
Eusèbe de Césarée
Le Centurion était renommé par sa bravoure dans les combats, et commandait une compagnie de soldats romains. Un de ses serviteurs, attaché spécialement à sa personne, était tombé malade; ce centurion, considérant la puissance que Jésus déployait pour guérir d'autres maladies, et jugeant bien que ces miracles étaient supérieurs aux forces de la nature humaine, envoie vers lui quelques-uns des anciens des Juifs comme à un Dieu, sans être arrêté par les dehors de l'humanité dont le Sauveur s'était revêtu pour entrer en communication avec les hommes: «Ayant entendu parler de Jésus, il envoya vers lui quelques-uns des anciens», etc.

Les anciens des Juifs demandent cette grâce pour le centurion, en reconnaissance des sommes modiques qu'il avait pu donner pour la construction de la synagogue; mais le Seigneur se rend à des motifs d'un ordre plus élevé, il veut engendrer la foi dans le coeur des hommes par la manifestation de sa puissance: «Jésus s'en alla donc avec eux».
Saint Ambroise
En même temps que le Sauveur donne des éloges à la foi du maître, il rend la santé au serviteur: «De retour à la maison, ceux que le centurion avait envoyés, trouvèrent le serviteur qui avait été malade, guéri». Le mérite du maître peut donc profiter aux serviteurs, non seulement le mérite de la foi, mais encore le zèle pour la vertu.

Si vous lisez: «Je n'ai trouvé chez personne autant de foi dans Israël», le sens est simple et facile, mais si vous lisez selon le texte grec: «Je n'ai pas trouvé une si grande foi, même dans Israël», la foi de cet homme est mise au-dessus même des élus et de ceux qui voient Dieu.

Par un admirable rapprochement, Notre-Seigneur, après avoir fait connaître les obligations de la vie chrétienne, enseigne la manière de les accomplir; en effet, on vient aussitôt lui demander la guérison du serviteur d'un centurion: «Or, un centurion avait un serviteur malade», etc. L'Évangéliste ne s'est pas trompé, en disant qu'il allait mourir; il serait mort en effet, si Jésus ne l'avait guéri.

Saint Luc rapporte que le centurion envoya ses amis à la rencontre de Jésus, pour ne point paraître blesser par sa présence la modestie du Sauveur, et provoquer sa bonté par cette démarche: «C'est pourquoi, dit-il, je ne me suis pas cru digne d'aller moi-même vous trouver, mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri».

S'il agit de la sorte, ce n'est point qu'il ne pût guérir cet homme sans aller le trouver, mais parce qu'il voulait nous donner un exemple d'humilité. Il ne voulut point aller dans la maison de l'officier du roi qui l'en priait po ur son fils, afin de ne point paraître céder à l'influence de sa position et de ses richesses; il consent ici à se rendre dans la maison du centurion, pour qu'on ne prit supposer qu'il méprisait l'humble condition de son serviteur. Le centurion, de son côté, dépose toute fierté militaire, plein de respect et de foi, il s'empresse de rendre au Sauveur l'honneur qui lui est dû: «Il n'était plus loin de la maison, lorsque le centurion envoya lui dire: Ne prenez pas tant de peine, car je ne suis pas digne», etc. Il savait, en effet, que ce n'était point par une puissance naturelle, mais par la toute-puissance de Dieu que Jésus-Christ guérissait les hommes. Les Juifs, en pressant Jésus de venir, avaient donné pour motif qu'il était digne de cette grâce; le centurion se reconnaît indigne, non-seulement du bienfait qu'il sollicite, mais encore de recevoir le Seigneur: «Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit».

Dans le sens mystique, le serviteur du centurion représente le peuple des nations qui, enchaîné dans les liens de la servitude du monde, en proie à la maladie mortelle de ses passions, attend sa guérison de la miséricorde du Seigneur.

Le centurion ne veut pas qu'on tourmente Jésus par des instances, parce que le peuple des nations désire préserver de tout mal celui que le peuple juif a crucifié. Enfin (dans un sens mystérieux), il vit que le Christ ne pouvait encore pénétrer dans le coeur des Gentils.
Saint Jean Chrysostome
Considérez quelle idée juste et convenable le Centurion a du Seigneur, il ne lui dit pas: Priez, mais: «Ordonnez», et dans la crainte qu'il ne refusât par un sentiment d'humilité, il ajoute: «Car moi qui suis soumis à la puissance d'un autre», etc.

Pour vous rendre plus certain que Notre-Seigneur, en parlant de la sorte, voulait instruire ceux qui étaient présents, l'Évangéliste exprime clairement ce but en ajoutant; «Je vous le dis en vérité, je n'ai pas trouvé une si grande foi, même en Israël».

Aussitôt qu'il fut délivré de l'ennuyeuse importunité des Juifs, il envoie dire à Jésus: Ce n'est point par négligence que je ne suis pas venu vous trouver moi-même, mais parce que je me suis cru indigne de vous recevoir dans ma maison.

Comment concilier encore le récit de saint Matthieu, où le centurion dit lui-même à Jésus: «Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit», avec le récit de saint Luc, où il prie Jésus de venir chez lui? Je réponds que saint Luc, à mon avis, a voulu nous représenter les flatteries des Juifs. Il est probable, en effet, que le centurion voulait aller lui-même trouver Jésus, et qu'il en fut détourné par le langage flatteur des Juifs qui lui dirent: «Nous irons et nous vous l'amènerons chez vous». Voyez, en effet, comme ils mêlent à la prière qu'ils font à Jésus, l'éloge du centurion: «Et étant venus trouver Jésus, ils le prièrent avec grande instance en disant: il mérite que vous lui fassiez cette grâce». Ils auraient dû bien plutôt dire: Il voulait venir vous trouver et vous prier lui-même, mais nous l'en avons détourné en voyant son affliction et ce pauvre malade étendu chez lui sur son lit de douleur; ils auraient ainsi fait ressortir la grandeur de sa foi. Mais ils se gardent bien de tenir un pareil langage, ils ne voulaient pas faire connaître la foi de cet homme, retenus par l'envie qui les dévorait, dans la crainte de faire éclater la grandeur de celui à qui une semblable prière était adressée. Il n'y a du reste auc une contradiction entre ce que rapporte saint Matthieu, que ce Centurion n'était point Israélite, et ce que disent ici les anciens des Juifs d'après saint Luc: «Il nous a bâti une synagogue», car il pouvait bâtir une synagogue sans être du peuple juif.

Remarquons encore que cette parole «Faites», exprime un ordre donné à un serviteur; aussi, lorsque Dieu voulut créer l'homme, il ne dit point à son Fils unique: Faites l'homme, mais: «Faisons l'homme», indiquant ainsi l'égalité de rang et d'honneur par cette parole de conseil et d'accord mutuel. C'est donc parce qu'il reconnaissait dans Jésus-Christ la souveraine puissance, qu'il s'exprime de la sorte: «Dites seulement une parole, car moi, je dis à mon serviteur», etc. Aussi Jésus, loin de le reprendre, le confirme dans cette pensée: «Ce qu'ayant entendu, Jésus fut dans l'admiration».
Tite de Bostra
Après avoir nourri ses disciples des leçons de la perfection chrétienne, Notre-Seigneur vient à Capharnaüm pour y opérer des prodiges: «Après qu'il eut achevé tout ce discours, il vint à Capharnaüm».
Saint Augustin
Nous voyons ici que le Sauveur n'entra dans Capharnaüm qu'après avoir terminé son discours, mais l'Évangéliste ne dit pas quel temps s'est écoulé entre la fin du discours et l'entrée de Jésus dans la ville, car c'est dans cet intervalle que fut guéri le lépreux, dont saint Matthieu place ici la guérison.

Mais comment concilier ces paroles avec le récit de saint Matthieu, où nous lisons «Un centurion s'approcha de lui», puisqu'en réalité il ne vint point le trouver? En examinant sérieusement cette difficulté, nous sommes amenés à conclure que saint Matthieu s'est conformé ici au langage ordinaire; si, en effet, on peut dire qu'on parvient jusqu'à quelqu'un par le moyen d'autres personnes, à plus forte raison, on peut dire qu'on s'en approche par l'intermédiaire de ces mêmes personnes. Ainsi, quoique le centurion ait député vers Jésus quel ques-uns des anciens des Juifs, saint Matthieu a pu dire, pour abréger, que le centurion s'était plus approché lui-même de Jésus-Christ, que ceux qu'il avait chargés de sa requête, car plus sa foi fut vive, plus aussi il s'approcha de Jésus.

Dans l'évangile qui vient d'être lu, nous avons entendu Jésus faire l'éloge de notre foi vécue dans l'humilité. Quand le Seigneur lui eut promis de se rendre chez lui pour y guérir son serviteur, le centurion répondit: Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri (Mt 8,8). En faisant l'aveu de son indignité, il s'est rendu digne de la visite du Christ dans son coeur plutôt que dans sa demeure.

Ces paroles, si pleines de foi et d'humilité, le centurion ne les aurait pas prononcées s'il n'avait pas déjà accueilli dans son coeur celui qu'il craignait de laisser entrer dans sa maison. D'ailleurs, aurait-il été tellement heureux d'accueillir le Seigneur dans son habitation, sans l'avoir en même temps dans son coeur? Celui qui nous a enseigné l'humilité par sa parole et son exemple est allé manger, il est vrai, chez un pharisien orgueilleux appelé Simon. Le Fils de l'homme s'est bien attablé chez lui, mais il n'a trouvé dans son coeur aucune place où reposer la tête (cf. Lc 7,36).

Pourtant, sans entrer dans la maison du centurion, il a pris possession de son coeur. <> A celui qui a dit: Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, le Seigneur a répondu: Amen, je vous le déclare, je n'ai trouvé une telle foi chez personne en Israël (Mt 8,10), c'est-à-dire dans l'Israël terrestre; cet homme, en effet, appartenait déjà à l'Israël spirituel. Le Seigneur était venu chez les Juifs, l'Israël selon la chair, pour chercher d'abord les brebis perdues de ce peuple, dans lequel et duquel il avait pris corps. Or, il dit lui-même: Je n'y ai pas trouvé une telle foi.

Nous pouvons évaluer la foi des hommes dans la mesure du possible. Mais celui qui voit le fond des coeurs et que personne ne peut tromper, a rendu témoignage aux dispositions intérieures d'un homme qui lui avait manifesté son humilité, et il a prononcé une sentence de guérison.

Comment donc cette confiance est-elle venue au centurion? "Ainsi, dit-il, moi qui suis soumis à une autorité, j'ai des soldats sous mes ordres. Je dis à l'un: 'Va', et il va. A un autre 'Viens', et il vient, et à mon esclave: 'Fais ceci', et il le fait (Mt 8,9). J'exerce un pouvoir sur mes subordonnés et je suis moi-même soumis à une autorité supérieure. Si donc moi, un subordonné, j'ai le pouvoir de donner des ordres, que ne pourras-tu pas faire, toi, de qui dépendent toutes les puissances?"

Cet homme, venu de chez les païens, était centurion. <> Ce soldat de métier réglait sa conduite dans les limites de son pouvoir de centurion. Soumis à une autorité, il exerçait également l'autorité. Il obéissait en tant que subordonné et il commandait à ses subordonnés. Le Seigneur, lui, <> appartenait au peuple juif. Mais il proclamait déjà qu'il enverrait ses Apôtres dans le monde entier pour y établir l'Église. Sans le voir, les païens ont cru en lui, tandis que les Juifs, qui l'avaient vu, l'ont mis à mort.

Le Seigneur n'est donc pas allé chez le centurion, mais il a fortifié sa foi. Sans y entrer, il a fait sentir sa divine présence dans cette maison et lui a apporté la guérison. De la même manière, le Seigneur n'est apparu visiblement que dans le peuple juif. Aucun autre peuple ne l'a vu naître d'une vierge, souffrir, marcher, supporter toutes les vicissitudes de l'existence humaine, ni accomplir des merveilles divines. Il n'a fait aucune de ces choses parmi les autres peuples, et pourtant ce qui avait été prophétisé de lui s'est accompli: Un peuple d'inconnus m'est asservi. Comment était-ce possible, puisque ces hommes ne l'ont pas connu? Au premier mot ils m'obéissent (Ps 17,44-45). C'est le monde entier qui a entendu et qui a cru.
Saint Bède le Vénérable
Notre-Seigneur ne veut point parler ici de tous les patriarches et des prophètes des siècles passés, mais des hommes du temps présent, dont la foi est mise bien au-dessous de celle du centurion, parce qu'ils avaient reçu les enseignements de la loi et des prophètes, tandis que cet homme avait cru spontanément, et sans avoir aucun maître.

Nous voyons ici que les Juifs appelaient synagogue, comme nous appelons Église, non seulement l'assemblée des fidèles, mais encore le lieu où ils se réunissaient.

Il déclare qu'il n'est qu'un homme soumis à l'autorité du tribun ou du gouverneur, et que cependant il commande à d'autres qui sont au-dessous de lui; donc, à plus forte raison, celui qui est Dieu, peut faire ce qu'il veut, non seulement par sa présence corporelle, mais encore par le ministère des anges; car c'est par la parole du Seigneur et par le ministère des anges, que les maladies du corps devaient être guéries, et les puissances ennemies mises en fuite.

Qui donc avait produit dans le centurion cette foi vive, si ce n'est celui-là même qui l'admirait; et quand un autre en eût été l'auteur, pourquoi cette admiration dans celui qui connaissait par avance la foi de cet homme? Si donc le Seigneur se laisse aller à l'admiration, c'est pour nous faire partager le même sentiment, car toutes ces émotions de l'âme, lorsqu'on les attribue à Dieu, ne sont point un signe de trouble intérieur, mais une leçon salutaire qu'il nous donne.

Saint Matthieu s'étend davantage sur les circonstances de la guérison de ce serviteur, au moment même où Jésus dit à son maître: «Allez, qu'il vous soit fait selon ce que vous avez cru»; mais saint Luc a pour habitude d'abréger ou même d'omettre entièrement ce qu'il trouve suffisamment exposé par les autres Évangélistes, et de développer lui-même avec plus de soin ce qu'ils ont omis ou ce qu'ils n'ont fait qu'indiquer.

Le centurion, dont la foi est mise au-dessus de la foi d'Israël, représente les élus d'entre les Gentils, qui, entourés des vertus spirituelles comme d'une cohorte de cent soldats, s'élèvent à une perfection sublime, car le nombre cent, qui s'écrit de gauche à droite, figure ordinairement la vie céleste. Il faut de semblables intercesseurs à ceux que l'esprit de servitude tient courbés sous le joug de la crainte ( Rm 8); pour nous qui avons embrassé la foi parmi les Gentils, nous ne pouvons aller nous-mêmes au Seigneur, que nous ne pouvons voir dans sa chair, mais nous devons nous approcher de lui par la foi. Députer vers Jésus les anciens des Juifs, c'est conjurer les saints personnages de l'Église qui nous ont précédés de vouloir bien être nos patrons, et d'intercéder pour nos péchés, en nous rendant le témoignage que nous prenons soin d'édifier l'Église. L'Évangéliste fait remarquer que Jésus n'était pas loin de la maison, parce que son salut est près de ceux qui le craignent, et le fidèle observateur de la loi naturelle s'approche d'autant plus de celui qui est bon par essence, qu'il pratique plus exactement le bien qu'il connaît.

Les soldats et les serviteurs qui obéissent au centurion, sont les vertus naturelles dont un grand nombre de ceux qui viennent trouver le Seigneur, portent avec eux la riche abondance.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Ou bien encore, ce centurion représente l'intelligence, qui est comme le chef d'une foule d'actions mauvaises, chargée qu'elle est en cette vie d'une multitude de choses et d'affaires qui l'absorbent tout entier. Elle a pour serviteur la partie de l'âme qui est dépourvue de raison (c'est-à-dire, la partie irascible et concupiscible). Elle envoie vers Jésus des Juifs comme médiateur, c'est-à-dire, des pensées et des paroles de confession et de louange, et elle obtient aussitôt la guérison de son serviteur.
Louis-Claude Fillion
Le premier Évangile mentionne simplement le miracle : « Et, à l’heure même, le serviteur fut guéri ». S. Luc le fait constater par les délégués du centurion. - Il est plus que probable que le centurion devint dès lors l'ami et le fervent disciple de Jésus, comme l'insinue délicatement S. Augustin : « En se disant indigne, il se rendit digne de recevoir le Christ, non dans sa demeure, mais dans son cœur; il n’eût même pas parlé avec tant d'humilité et de foi, s'il n'eût porté dans son âme Celui qu'il redoutait devoir entrer dans son habitation ». Serm. 62, 1. Et ailleurs, Serm. 77, 12 : « Je ne suis pas digne de vous recevoir dans ma demeure, et déjà il l'avait reçu dans son cœur. Plus il était humble, plus aussi il avait de capacité et plus il était rempli. L'eau tombe des collines et remplit les vallées. »