Marc 1, 8

Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Origène
Examinons comment l'avènement du Christ est proclamé, et d'abord ce qui est écrit au sujet de Jean: A travers le désert une voix crie: Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Ce qui suit concerne en propre le Seigneur notre Sauveur, car ce n'est pas par Jean Baptiste que tout ravin sera comblé, mais par le Seigneur notre Sauveur. Que chacun se considère soi-même, ce qu'il était avant de croire, et il découvrira qu'il a été une vallée basse, une vallée en pente rapide, plongeant vers les bas-fonds. Mais le Seigneur Jésus a envoyé l'Esprit Saint, son remplaçant. Alors toute vallée a été comblée, par les bonnes oeuvres et les fruits de l'Esprit Saint.

La charité ne laisse pas subsister en vous de vallée, si bien que, si vous possédez la paix, la patience et la bonté, non seulement vous cesserez d'être vallée, mais vous commencerez à être montagne de Dieu. Nous voyons se produire et s'accomplir chaque jour pour les païens cette parole: Tout ravin sera comblé, et pour le peuple d'Israël, qui est tombé de si haut: Toute colline et toute montagne seront abaissées (Lc 3,4-5).

C'est à la faute des fils d'Israël que les païens doivent le salut: Dieu voulait les rendre jaloux (Rm 11,11). Si vous dites que ces montagnes et ces collines qui ont été abattues sont les puissances ennemies qui se dressaient contre les hommes, vous ne vous tromperez pas. En effet, pour que les vallées en question soient comblées, il faut que les puissances ennemies, montagnes et collines, soient abaissées.

Mais voyons si une autre prophétie s'est accomplie à l'avènement du Christ. Car le texte poursuit: Les passages tortueux deviennent droits. Chacun de nous était tortueux, du moins s'il l'était et ne le reste plus aujourd'hui, car, par l'avènement du Christ qui s'est réalisé pour notre âme, tout ce qui était tortueux a été redressé. A quoi peut-il nous se rvir en effet, que le Christ soit venu jadis dans la chair, s'il n'est pas venu aussi jusqu'à notre âme? Prions pour que son avènement s'accomplisse chaque jour en nous, et que nous puissions dire: Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).

Donc Jésus mon Seigneur est venu; il a égalisé nos aspérités et converti en routes unies tout ce qui était chaotique, pour faire de nous un chemin sans danger de chute, un chemin facile et très pur, pour que Dieu le Père puisse progresser en nous et que le Seigneur Jésus Christ fasse en nous sa demeure et dise: Mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. (Jn 14,23).
Saint Jean Chrysostome
Jean qui prêchait le baptême de la pénitence, en portait les signes dans son vêtement comme dans sa nourriture. «Et Jean était vêtu de poils de chameau». Il était vêtu de poils de chameau et non de laine. Les poils de chameau sont la marque de l'austérité du vêtement, la laine signifie plutôt une vie molle et sensuelle. La ceinture de cuir qu'il portait comm e Elie, est le symbole de la mortification (cf. 4 R 1). Et ce qui suit: «Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage», annonce un habitant du désert, qui ne recherche pas les mets délicieux, mais qui satisfait simplement aux nécessités de la vie matérielle.

On aurait pu le soupçonner en parlant ainsi de vouloir se comparer à Jésus-Christ, il ajoute donc: «Lui dont je ne suis pas digne, etc». Or, délier sa chaussure comme le dit ici saint Marc, n'est pas la même chose que de porter sa chaussure, selon l'expression de saint Matthieu. Et, en effet, les Évangélistes suivant le cours de leur récit, et sans se tromper en quoique ce soit, disent que saint Jean a employé ces deux termes qui ont un sens différent. Les commentateurs l'expliquent l'un et l'autre de plusieurs manières: la courroie ce sont les cordons qui retiennent la chaussure; il use de cette expression pour faire ressortir l'excellence du pouvoir du Christ, et la grandeur de sa divinité comme s'il disait: «Je ne suis pas digne d'être rangé au nombre de ses serviteurs». C'est une grande faveur, en effet, de se prosterner en quelque sorte aux pieds du Christ, pour étudier ce qui a rapport à sa nature corporelle, pour considérer ici-bas l'image de ses perfections divines, et dénouer (pour ainsi dire), chacune des merveilles inexplicables du mystère de l'Incarnation.
Saint Jérôme
Quel est celui qui est plus puissant que la grâce qui lave et efface les péchés (et dont Jean est le symbole), celui qui remet les péchés septante fois

Selon la prophétie d'Isaïe qui précède, Jean prépare la voie du Seigneur par la foi, le baptême et la pénitence. Il r end droits les sentiers, par cet extérieur austère, ce vêtement de poils de chameau, cette ceinture de cuir, ces sauterelles et ce miel sauvage et ce langage plein d'humilité. Aussi, est-il écrit: «Jean parut dans le désert», car Jean, aussi bien que Jésus cherche ce qui a été perdu dans le désert, lui-même, où Satan a remporté la victoire, il est vaincu à son tour; l'homme se relève là où il est tombé. Jean signifie grâce de Dieu, or, c'est par la grâce que commence ce récit évangélique. En effet, le mot qui suit est celui-ci: baptisant; et c'est par le baptême que la grâce nous est donnée, puisqu'il remet gratuitement les péchés. Mais ce qui est consommé par l'Epoux c'est le paranymphe de l'Epoux qui le commence. Ainsi les catéchumènes, c'est-à-dire, ceux que l'on instruit, reçoivent-ils du prêtre les premiers éléments de la foi, et de l'évêque l'onction du saint-chrême, et c'est là ce qu'expriment les paroles suivantes: «Il prêchait le baptême de la pénitence».

C'est par Jean, en sa qualité d'ami de l'époux que l'épouse est présentée à Jésus-Christ comme autrefois Rébecca fut présentée à Isaac par Eliézer, son intendant (Gn 24): «Et toute la Judée, continue l'Évangéliste, sortait pour venir à lui», car la gloire et la louange marchent devant lui ( Ps 95, 6), c'est-à-dire, devant l'Epoux. Celle en effet qui se hâte de descendre de son chameau, c'est l'Eglise qui maintenant s'abaisse et s'humilie à la vue du véritable Isaac, Jésus-Christ son époux. Le mot Jourdain, signifie descente étrangère, parce que étrangers à l'égard de Dieu, éloignés de lui par l'orgueil, mais humiliés dans les eaux du baptême, nous sommes relevés jusqu'aux cieux.

Le vêtement de Jean, sa nourriture, tout son genre de vie représente la vie austère des prédicateurs, et la vocation future des nations au bienfait de la grâce divine dont Jean est le symbole par son nom aussi bien que leur union intérieure et extérieure avec Jésus-Christ, car les poils de chameau signifient les riches parmi les nations; et la ceinture de cuir, les pauvres qui sont morts au monde; les sauterelles vagabondes, ce sont les vrais sages du siècle qui, abandonnant aux Jui fs leurs pailles arides, emportent comme sur leurs chars, le froment mystérieux, et, dans l'ardeur de leur foi, s'élancent vers les hauteurs. Par le miel sauvage, il faut entendre les fidèles saintement inspires qui s'engraissent du produit d'une forêt inculte.

sept fois ( Mt 18, 21; 3; Ap 7, 4; 14, 1). La grâce du baptême apparaît la première, il est vrai, mais elle ne remet les péchés qu'une fois, tandis que la miséricorde s'exerce à l'égard des pécheurs depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ pendant soixante-dix-sept générations et sur cent quarante-quatre mille personnes.

La chaussure se place à l'extrémité du corps: ainsi le Sauveur s'est incarné pour accomplir toute justice, à l'extrémité des temps. C'est pour cela que le Prophète dit ( Ps. 49; 107): «J'étendrai mes pas jusqu'à l'Idumée».

Quel rapport y a-t-il donc entre l'eau et le Saint-Esprit qui était porté sur les eaux? ( Gn 1) L'eau, c'est le signe mystérieux de l'homme; l'Esprit, c'est le signe mystérieux de Dieu.
Saint Grégoire le Grand
Ou bien, par ce genre de nourriture, Jean-Baptiste figurait le Seigneur dont il était le précurseur. En effet, lorsqu'il est venu p our nous racheter, la gentilité stérile jusqu'alors, fut à sa bouche comme un miel sauvage, et lorsqu'il s'est incorporé la nation juive, il s'est nourri en quelque sorte de sauterelles qui s'élancent par bonds subits et retombent soudain à terre. Les Juifs, en effet, semblaient vouloir s'élancer lorsqu'ils promettaient d'accomplir les préceptes du Seigneur, mais ils retombaient à terre, lorsque par leurs oeuvres, ils reniaient ces divins oracles, c'est-à-dire qu'ils bondissaient en paroles, et qu'ils retombaient à terre par leurs oeuvres.

La chaussure se fait avec la dépouille d'animaux morts: ainsi le Seigneur venant dans le monde, par son incarnation, apparaît pour ainsi dire avec cette chaussure, Lui qui a élevé jusqu'à sa divinité la dépouille de notre nature mortelle corruptible. Dans un autre sens: c'était un usage chez les anciens que lorsqu'un homme refusait de recevoir pour épouse celle qui lui revenait de droit, son plus proche parent l'épousait alors par droit de parenté, et lui déliait la chaussure. Jean-Baptiste se déclare donc à juste titre indigne de dénouer le s cordons de la chaussure du Sauveur, comme s'il disait ouvertement: Je ne puis délier la chaussure du Christ, parce que je me reconnais indigne de prendre le titre d'époux.
Saint Bède le Vénérable
Il est évident que Jean n'a pas seulement prêché le baptême de la pénitence, mais qu'il l'a administré à un certain nombre; mais il n'a pu donner le baptême pour la rémission des péchés, car la rémission des péchés ne nous est accordée que dans le baptême de Jésus-Christ. Il est donc écrit: «Il prêchait le baptême de la pénitence» pour la rémission des péchés, parce que ne pouvant donner le baptême qui remet véritablement les péchés, il en était du moins le prédicateur; et de même qu'il était le précurseur du Verbe incarné par sa prédication, ainsi il précédait et figurait par son baptême, qui ne pouvait remettre le péché, le baptême de la pénitence où les péchés nous sont pleinement remis.

Ce qui suit: «Confessant leurs péchés», enseigne clairement, à ceux qui désirent le baptême, l'obligation de confesser leurs péchés, et de promettre de mener une vie plus sainte.

Le vêtement et la nourriture de Jean peuvent aussi exprimer la nature de sa vie intérieure. Il portait des vêtements grossiers et austères parce qu'il ne flattait pas les pécheurs dans leur conduite déréglée, mais le s reprenait par de rigoureuses invectives; il portait une ceinture de cuir autour des reins parce qu'il crucifia sa chair avec ses vices et ses convoitises (Ga 5, 24). Il mangeait du miel sauvage, parce que sa prédication respirait je ne sais quelle douceur qui ravissait la multitude, et lui faisait croire qu'il était peut-être le Christ (Lc 3); mais cette prédication eut un résultat plus désirable et le peuple finit par comprendre qu'il n'était pas le Christ, mais le précurseur et le prophète du Christ. Et, en effet, la qualité du miel, c'est la douceur, le propre des sauterelles, c'est un vol rapide. L'Évangéliste ajoute: «Et il prêchait ainsi: Il en vient un après moi qui est plus puissant que moi».

Saint Jean ne proclame point encore la divinité, la filiation divine du Seigneur, mais il le présente seulement comme un homme plus puissant que lui; car ses auditeurs, encore gr ossiers, ne pouvaient pénétrer les profondeurs d'un si grand mystère et comprendre que le Fils éternel de Dieu eût daigné se faire homme dans le sein d'une vierge, et prendre une seconde naissance pour venir dans le monde; mais il fallait les initier peu à peu, par la connaissance de son humanité glorifiée, à la foi de son éternelle divinité. Néanmoins, il leur déclare en termes voilés que celui qu'il annonce est véritablement Dieu, en leur disant: «Je vous baptise dans l'eau; mais lui vous baptisera dans le Saint-Esprit», car qui peut douter qu'un autre que Dieu puisse donner la grâce de l'Esprit saint.

Nous sommes baptisés dans l'Esprit saint, non seulement lorsqu'au jour du baptême nous sommes purifiés de nos péchés dans cette source, de vie, mais chaque jour, lorsque, parla grâce de ce même Esprit, nous sommes enflammés d'un saint zèle pour l'accomplissement de la volonté de Dieu.
La Glose
Il tient ce langage pour combattre l'opinion de la foule qui croyait qu'il était le Christ, et il annonce que le Christ est plus puissant que lui, parce qu'il remettrait les pêches, ce qu'il ne pouvait faire lui-même.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Ou bien encore: Quoique le baptême de Jean ne pût remettre les péchés, cependant il les conduisait à la pénitence. Il prêchait donc son baptême de pénitence, et cette prédication conduisait à la rémission des péchés. En d'autres termes, ceux qui recevaient Jésus-Christ avec des sentiments de pénitence, le recevaient pour la rémission de leurs péchés.

Ou bien: Le vêtement de poils de chameau était le signe extérieur de la douleur qui, comme l'insinue Jean-Baptiste, doit pénétrer un coeur pénitent, car le sac ou le cilice est le symbole de la douleur. La ceinture signifiait la mortification du peuple juif. La nourriture de Jean n'est pas seulement la preuve de son abstinence, mais encore de l'aliment spirituel dont le peuple se nourrissait alors, non qu'il pût encore élever bien haut ses pensées, mais il essayait de s'élever et il retombait bien vite à terre. Ainsi en est-il de la sauterelle qui saute et retombe aussitôt. Le peuple se nourrissait à ta vérité d'un miel composé par les abeilles, c'est-à-dire, par les prophètes, mais sans être préparé et à l'état sauvage, car les Juifs avaient bien les Écritures, comme un miel précieux, mais ils n'en avaient qu'une faible intelligence.

On peut encore l'entendre ainsi: Tous ceux qui venaient trouver Jean-Baptiste et qui recevaient son baptême, étaient délivrés des liens de leurs péchés par la pénitence, et en vertu de leur foi en Jésus-Christ. Jean-Baptiste dénouait donc les cordons, c'est-à-dire les liens du péché» mais il ne put dénouer la chaussure de Jésus-Christ parce qu'il ne trouva pas en lui l'ombre même du péché.
Louis-Claude Fillion
Moi, je vous ai baptisés... Troisième idée, qui établit une comparaison entre les deux baptêmes, pour relever celui du Christ aux dépens de celui du Précurseur. Les particules μὲν, δὲ (« moi, lui ») du texte grec rendent l’antithèse plus frappante : il est vrai qu’elles manquent dans les manuscrits B, L, Sinait. — Dans l’Esprit-Saint. Le Saint-Esprit est comme le fleuve mystique et vivifiant dans lequel les chrétiens sont plongés au moment de leur baptême. S. Matthieu et S. Luc ajoutent « et dans le feu », mot important qui sert à mieux déterminer les effets supérieurs du baptême de Jésus. Ainsi donc, le Christ apportera au monde des bienfaits spirituels que le Précurseur était incapable de lui donner. — Quelle humilité dans S. Jean ! Elle est au niveau de sa mortification. Rien de semblable n’avait été entendu depuis l’époque des Prophètes. Qui méritait mieux d’être, selon le langage de Tertullien, « le prédécesseur et le préparateur des voies du Seigneur » [148] ? Il est intéressant de rapprocher de la narration évangélique les lignes bien connues dans lesquelles l’historien Josèphe, décrit le portrait moral et le ministère de S. Jean-Baptiste : « C’était un homme parfait, qui ordonnait aux Juifs de s’exercer à la vertu, à la justice les uns à l’égard des autres, à la piété envers Dieu, et de se réunir afin de recevoir le baptême. En effet, disait-il, le baptême ne saurait être agréable à Dieu qu’à la condition qu’on évitera soigneusement tous les péchés. À quoi servirait-il de purifier le corps, si l’âme n’était auparavant purifiée elle-même par la justice ? Un immense concours se faisait autour de lui et la foule était avide de l’entendre » [149].