Marc 15, 34
Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Et à
la neuvième heure. À trois heures de l’après-midi. C’est alors qu’on offrait dans le temple le sacrifice du soir.
À ce moment suprême, l’agonie de Jésus expirant atteignit son plus haut degré. Délaissé de son Père céleste,
de même qu’il était délaissé des hommes, Notre-Seigneur prononça d’une voix forte ce texte des Psaumes :
Eloï, Eloï, lamma sabacthani ! Cf. Matth. 27, 46 et l’explication. Dans le premier Évangile, nous lisions
« Eli » (אלי) au lieu de « Eloï » (אלהי). S. Marc a conservé la forme araméenne, qui fut vraisemblablement
celle dont le divin Maître se servit. Quelles angoisses dans cette exclamation déchirante ! « C’est un prodige
inouï qu’un Dieu persécute un Dieu, qu’un Dieu abandonne un Dieu, qu’un Dieu délaissé se plaigne, et
qu’un Dieu délaissant soit inexorable : c’est ce qui se voit sur la croix. La sainte âme de mon Sauveur est
remplie de la sainte horreur d’un Dieu tonnant ; et comme elle se veut rejeter entre les bras de ce Dieu pour y
chercher son soutien, elle voit qu’il tourne la face,… qu’il la livre tout entière en proie aux fureurs de sa
justice irritée. Où sera votre recours, ô Jésus ? Poussé à bout par les hommes avec la dernière violence, vous
vous jetez entre les bras de votre Père ; et vous vous sentez repoussé, et vous voyez que c’est lui-même qui
vous persécute… lui-même qui vous accable par le poids intolérable de ses vengeances » [569].
A la neuvième heure ; c’est-à-dire à trois heures de l’après-midi. ― Eloï, Eloï, etc. Ces paroles sont prises de Psaumes, 21, 2. Dieu abandonne le Christ non parce que la divinité se sépara de l’humanité, mais parce qu’il le livra à la douleur.
Jésus n’a pas connu la réprobation comme s’il avait lui-même péché (cf. Jn 8, 46). Mais dans l’amour rédempteur qui l’unissait toujours au Père (cf. Jn 8, 29), il nous a assumé dans l’égarement de notre péché par rapport à Dieu au point de pouvoir dire en notre nom sur la croix : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné " (Mc 15, 34 ; Ps 22, 1). L’ayant rendu ainsi solidaire de nous pécheurs, " Dieu n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous tous " (Rm 8, 32) pour que nous soyons " réconciliés avec Lui par la mort de son Fils " (Rm 5, 10).
Quand l’Heure est venue où Il accomplit le Dessein d’amour du Père, Jésus laisse entrevoir la profondeur insondable de sa prière filiale, non seulement avant de se livrer librement (" Abba... non pas ma volonté, mais la tienne " : Lc 22, 42), mais jusque dans ses dernières paroles sur la Croix, là où prier et se donner ne font qu’un : " Mon Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font " (Lc 23, 34) ; " En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis " (Lc 24, 43) ; " Femme, voici ton fils " – " Voici ta mère " (Jn 19, 26-27) ; " J’ai soif ! " (Jn 19, 28) ; " Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? " (Mc 15, 34 ; cf. Ps 22, 2) ; " Tout est achevé " (Jn 19, 30) ; " Père, je remets mon esprit entre tes mains " (Lc 23, 46), jusqu’à ce " grand cri " où il expire en livrant l’esprit (cf. Mc 15, 37 ; Jn 19, 30b).
En écrivant aux chrétiens de Corinthe sur ses tribulations et ses souffrances, saint Paul met en relation sa foi avec la prédication de l’Évangile. Il dit, en effet, que s’accomplit le passage de l’Écriture : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » (2 Co 4, 13). L’Apôtre se réfère à une expression du Psaume 116, où le psalmiste s’exclame : « Je crois lors même que je dis : je suis trop malheureux » (v. 10). Parler de la foi amène à parler aussi des épreuves douloureuses, mais justement Paul voit en elles l’annonce la plus convaincante de l’Évangile ; parce que c’est dans la faiblesse et dans la souffrance qu’émerge et se découvre la puissance de Dieu qui dépasse notre faiblesse et notre souffrance. L’Apôtre même se trouve dans une situation de mort, qui deviendra vie pour les chrétiens (cf. 2 Co 4, 7-12). À l’heure de l’épreuve, la foi nous éclaire, et dans la souffrance et dans la faiblesse nous apparaît clairement que « (…) ce n’est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur » (2 Co 4, 5). Le chapitre 11 de la Lettre aux Hébreux se conclut par la référence à ceux qui ont souffert pour la foi (cf. 11, 35-38), parmi lesquels une place particulière est attribuée à Moïse, qui a pris sur lui l’opprobre du Christ (cf. v. 26). Le chrétien sait que la souffrance ne peut être éliminée, mais qu’elle peut recevoir un sens, devenir acte d’amour, confiance entre les mains de Dieu qui ne nous abandonne pas et, de cette manière, être une étape de croissance de la foi et de l’amour. En contemplant l’union du Christ avec le Père, même au moment de la souffrance la plus grande sur la croix (cf. Mc 15, 34), le chrétien apprend à participer au regard même de Jésus. Par conséquent la mort est éclairée et peut être vécue comme l’ultime appel de la foi, l’ultime « Sors de la terre », l’ultime « Viens ! » prononcé par le Père, à qui nous nous remettons dans la confiance qu’il nous rendra forts aussi dans le passage définitif.
45. L’Évangile ne cache pas les sentiments de Jésus à l’égard de Jérusalem, la ville bien-aimée : « Quand Il fut proche, à la vue de la ville, Il pleura sur elle » (Lc 19, 41) et exprima son plus grand regret : « Si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! » (19, 42). Les évangélistes, tout en le montrant parfois puissant ou glorieux, ne manquent pas de révéler ses sentiments face à la mort et à la souffrance des amis. Avant de raconter que « Jésus pleura » (Jn 11, 35) sur le tombeau de Lazare, l’Évangile explique qu’« Il aimait Marthe et sa sœur et Lazare » (Jn 11, 5) et que, voyant Marie et ses compagnes pleurer, « Il frémit en son esprit et se troubla » (Jn 11, 33). Le récit ne laisse aucun doute sur le fait qu’il s’agit de pleurs sincères provenant d’un trouble intérieur. Enfin, l’angoisse de Jésus face à sa mort violente de la main de ceux qu’Il aime tant n’est pas non plus cachée : « Il commença à ressentir effroi et angoisse » (Mc 14, 33), au point de dire : « Mon âme est triste à en mourir » (Mc 14, 34). Ce trouble intérieur s’exprime avec toute sa force dans le cri du Crucifié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15, 34).