Marc 4, 34

Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.

Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.
Saint Jean Chrysostome
Après avoir exposé, dans les paraboles précédentes, comment la semence de l'Évangile fructifie, le Sauveur en ajoute une autre pour faire ressortir la supériorité de la doctrine évangélique sur toutes les autres doctrines. Il disait encore: «A quoi comparerons-nous le royaume de Dieu ?»

Comme cet enseignement si concis est ce que les parfaits appellent la vraie sagesse, il a eu plus de succès que tout autre enseignement, parce que rien n'est comparable à cette parole de vérité.

Saint Marc, qui aime à abréger son récit, ajoute ensuite pour montrer la nature et le but des paraboles: «Il les enseignait ainsi sous diverses paraboles».

Qu'y a-t-il de plus grand que le Royaume des cieux et de plus petit qu'un grain de moutarde? Comment Jésus peut-il comparer ce Royaume infini à un minuscule grain de moutarde, qui occupe une si petite place? Pourtant, quand nous examinons attentivement le Royaume des cieux et le grain de moutarde, nous découvrons combien la comparaison est juste et naturelle.

Le Royaume des cieux n'est évidemment rien d'autre que le Christ, puisque celui-ci dit de lui-même: Voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous (Lc 17,21). Or, rien n'est plus grand que le Christ dans sa divinité, comme la parole du prophète peut nous l'apprendre: C'est lui qui est notre Dieu: aucun autre ne lui est comparable. Il a découvert les chemins de la connaissance, et il les a confiés à Jacob, son serviteur, à Israël, son bien-aimé. Ainsi la Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes (Ba 3,36-38).

Par ailleurs, qu'y a-t-il de plus petit que le Christ dans son incarnation, puisqu'il est devenu moindre que les anges et que les hommes? Apprends-le de la bouche de David: Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci? Tu l'as voulu un peu moindre que les anges (Ps 8,5-6). L'interprétation qu'en donne Paul montre qu'il s'agit bien du Christ: Nous voyons Jésus abaissé un peu en-dessous des anges à cause de sa passion et de sa mort (He 2,9).

Comment se fait-il que le Christ soit en même temps le Royaume des cieux et le grain, qu'il soit à la fois grand et petit par rapport au Royaume? Voici: sa miséricorde pour ceux qu'il a créés est si grande qu'il s'est fait tout à tous pour les gagner tous. Du fait de sa nature, il était Dieu comme il l'est encore et le sera toujours. Il est devenu homme en vue de notre salut. Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables (Rm 11,33)!

O grain, par lequel le monde a été fait, les ténèbres dispersées, l'Église renouvelée! Qu'elle est grande la force de ce grain suspendu à la croix! Alors qu'il y était cloué, il a, par une simple parole, détaché du bois le larron pour le plonger dans les délices du paradis. De son flanc percé par la lance, ce grain a laissé couler une boisson d'immortalité pour les assoiffés. Ce grain, après qu'on l'eut descendu du bois et planté dans le jardin, a couvert toute la terre de ses branches. Ce grain, semé dans le jardin, a plongé ses racines jusqu'aux enfers. Il en a fait sortir les âmes et, en trois jours, les a emmenées au ciel. <> Le Royaume des cieux est comparable à un grain de moutarde qu'un homme a semé dans son champ (Mt 13,31). Sème ce grain de moutarde dans le jardin de ton âme <> et la parole du prophète vaudra aussi pour toi: Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais (Is 58,11).
Saint Jérôme
Ou bien cette semence, petite dans le coeur où règne la crainte, se développe dans la charité qui est la plus grande de toutes les plantes; car Dieu est charité (I Jn 4), et toute chair est comme l'herbe des champs ( Is 4). Cet arbre a étendu les rameaux de la compassion et de la miséricorde, lorsqu'il a offert aux pauvres de Jésus-Christ, figurés par les oiseaux du ciel, un abri et un doux lieu de repos.

Ils étaient dignes d'entendre en particulier l'explication des mystères dans la retraite profonde de leur amour de la sagesse, eux qui, loin du tumulte des pensées mauvaises, vivaient habituellement dans la solitude silencieuse des vertus; car c'est dans le repos et le calme du coeur que la sagesse fait entendre ses leçons.
Saint Pierre Chrysologue
Mes frères, vous avez appris aujourd'hui comment le Royaume des cieux, dans toute sa grandeur, est comparé à une graine de moutarde. <> Le Royaume des cieux, dit le Seigneur, est comparable à une graine de moutarde (Mt 13,31). Est-ce là tout ce que les croyants espèrent? Est-ce là tout ce que les fidèles attendent? Est-ce là le bonheur auquel les vierges parviennent après une longue pratique de la virginité? Est-ce là la gloire à laquelle aspirent les martyrs, lorsqu'ils versent jusqu'à la dernière goutte de leur sang? Est-ce là ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme (1Co 2,9)? Est-ce là ce que promet l'Apôtre et qui est tenu en réserve dans l'ineffable mystère du salut, pour ceux qui aiment?

Mes frères, ne nous laissons pas facilement déconcerter par les paroles du Seigneur. Si, en effet, la faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme, et si la folie de Dieu est plus sage que l'homme (1Co 1,25), cette toute petite chose, qui est le bien de Dieu, est plus splendide que toute l'immensité du monde.

Puissions-nous seulement semer dans notre coeur cette graine de moutarde, de sorte qu'elle devienne le grand arbre de la connaissance, s'élevant de toute sa hauteur pour élever notre pensée jusqu'au ciel, et déployant toutes les branches de la science. Son fruit brûlant réchaufferait notre bouche de son goût vivifiant, son grain allumerait en nous un feu qui enflammerait notre coeur et, en savourant le fruit de cet arbre, nous cesserions de dédaigner ce qui nous était inconnu.

Comme le dit le Christ, le Royaume de Dieu est semblable à la graine de moutarde. <> Le Christ est le Royaume. A la manière d'une graine de moutarde, il a été jeté dans un jardin, le corps de la Vierge. Il a grandi et il est devenu l'arbre de la croix qui couvre la terre entière.

Après qu'il eut été broyé par la Passion, son fruit a produit assez de saveur pour donner du bon goût et de l'arôme, d'une manière égale, à tous les êtres vivants qui le touchent. Car, tant que la graine de moutarde demeure intacte, ses vertus restent cachées, mais elles déploient toute leur puissance quand la graine est broyée. De même le Christ a-t-il voulu que son corps fut broyé pour que sa force ne reste pas cachée.

Mes frères, il nous faut broyer cette graine de moutarde pour éprouver toute la force, figurée dans cette parabole. Le Christ est roi, car il est le principe de toute autorité. Le Christ est le Royaume, car en lui réside toute la gloire de son royaume. Le Christ est homme, car l'homme tout entier est renouvelé en lui. Le Christ est la graine de moutarde, l'instrument dont Dieu se sert pour faire descendre toute sa grandeur dans toute la petitesse de l'homme.

Que dirai-je encore? Lui-même est devenu toute chose pour renouveler tous les hommes en lui. Le Christ homme a reçu la graine de moutarde qui est le Royaume de Dieu. Le Christ homme l'a reçue, alors que le Christ Dieu la possédait depuis toujours. Il a jeté la semence dans son jardin.

Le jardin est la terre cultivée qui s'est étendue au monde entier, labouré par la charrue de la Bonne Nouvelle. Il est clôturé par les bornes de la sagesse. Les Apôtres ont peiné pour en arracher toutes les mauvaises herbes. On prend plaisir à y contempler les jeunes pousses des croyants, les lis des vierges et les rosés des martyrs. Des fleurs y donnent toujours leur parfum.

Le Christ a donc semé la graine de moutarde dans son jardin. Elle a pris racine quand il a promis son Royaume aux patriarches, elle est née avec les prophètes, elle a grandi avec les Apôtres, et elle est devenue l'arbre immense qui étend ses innombrables rameaux sur l'Église, en lui prodiguant ses dons.

Prends les ailes d'argent de la colombe évangélique dont parle le prophète (cf. ps 67,14). Prends ses plumes brillantes sous l'éclat du soleil divin. Envole-toi dans ton vêtement d'or pour jouir d'un repos sans fin, désormais hors de l'atteinte des filets, parmi tant de magnifiques frondaisons. Sois assez fort pour prendre ainsi ton vol, et va habiter en sécurité dans cette vaste demeure!
Saint Bède le Vénérable
L'homme qui sème est, suivant les uns, le Sauveur lui-même, suivant les autres, l'âme chrétienne qui répand dans son coeur la semence qui lui a été confiée.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Cet arbre a étendu au loin ses branches; les apôtres, comme les rameaux de cet arbre, se sont répandus partout: les uns à Rome, les autres dans l'Inde, les autres dans toutes les autres parties de l'univers.

Quoi de moins considérable que la parole de la foi: Croyez eu Dieu et vous serez sauvés? Et cependant la prédication de cette parole, répandue et comme semée par toute la terre, y a pris de tels développements qu'elle a offert un abri aux oiseaux du ciel, c'est-à-dire aux âmes contemplatives, aux esprits plongés dans la méditation des grandes vérités. Combien de philosophes, parmi les Gentils, ont abandonné leur vaine sagesse pour venir reposer leur âme sous l'arbre de la prédication évangélique. Et c'est ainsi que cet arbre de la prédication de la foi a surpassé tous les autres.

Comme la multitude à laquelle s'adressait le Sauveur était peu instruite, il n'usait que d'expressions et de comparaisons empruntées aux objets ordinaires et connus, et l'Évangéliste nous dit qu'il ne leur parlait pas sans parabole, comme pour les encourager à s'approcher de lui et à l'interroger: «Mais en particulier il expliquait tout à ses disciples». Le Sauveur n'expliquait pas absolument toutes choses, soit obscures, soit évidentes, mais simplement celles qu'ils ignoraient et dont ils lui demandaient l'explication.
Louis-Claude Fillion
Il ne leur parlait pas sans paraboles. Expression très énergique : il ne faudrait cependant pas en trop presser la signification, car, selon la juste remarque de D. Calmet, l.c., toutes les fois qu’il s’agissait de vérités pratiques et morales, le divin Maître employait toujours un langage clair et simple. Il semble donc qu’il est bon de restreindre au dogme, et plus spécialement au royaume des cieux, à l’établissement de l’Église, la note de l’écrivain sacré. — Mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples… D’après les manuscrits B, C, L, Δ, le texte, qui semble authentique, joue sur les mots d’une manière intéressante : en particulier à ses disciples particuliers. — Il expliquait tout. Ici encore, le texte grec emploie une expression qui mérite d’être signalée, qu’on peut traduire par « il résolvait comme une énigme », qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. Mais S. Pierre, dans sa seconde Épître, 2P 1, 20, ayant à parler de l’interprétation, fait précisément usage d’une expression semblable. Les critiques n’ont pas manqué de relever ces deux expressions pour montrer les ressemblances de style qui existent entre l’Évangile selon S. Marc et les écrits de S. Pierre.