Marc 8, 35

Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera.

Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera.
Saint Césaire d'Arles
Quand le Seigneur nous dit dans l'évangile: Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même (Mc 8,34), nous trouvons qu'il nous commande une chose difficile et nous considérons qu'il nous impose un lourd fardeau. Mais si celui qui commande nous aide à accomplir ce qu'il commande, cela n'est pas difficile.

Où devons-nous suivre le Christ, sinon là où il est allé? Or, nous savons qu'il est ressuscité et monté aux cieux: c'est là que nous avons à le suivre. Il ne faut certainement pas nous laisser envahir par le désespoir, car, si nous ne pouvons rien par nous-mêmes, nous avons la promesse du Christ. Le ciel était loin de nous avant que notre Tête y soit montée. Désormais, si nous sommes les membres de cette Tête, pourquoi désespérer de parvenir au ciel? Pour quel motif? S'il est vrai que sur cette terre tant d'inquiétudes et de souffrances nous accablent, suivons le Christ en qui se trouvent le bonheur parfait, la paix suprême et l'éternelle tranquillité.

Mais l'homme désireux de suivre le Christ écoutera cette parole de l'Apôtre: Celui qui déclare demeurer dans le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché (1Jn 2,6). Tu veux suivre le Christ? Sois humble, comme il l'a été. Tu veux le rejoindre dans les hauteurs? Ne méprise pas son abaissement.

En péchant, l'homme avait couvert sa route d'obstacles, mais celle-ci fut aplanie lorsque le Christ l'eut foulée à sa résurrection et qu'il eut fait d'un étroit sentier, une avenue digne d'un roi. L'humilité et la charité sont les deux pieds qui permettent de la parcourir rapidement. Tous sont attirés par les hauteurs de la charité, mais l'humilité est le premier degré qu'il faut monter. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi? Tu veux donc tomber et non monter? Commence par la première marche, c'est-à-dire l'humilité, et déjà elle te fait monter.

Voilà pourquoi notre Seigneur et Sauveur ne s'est pas borné à dire: Qu'il renonce à lui-même, mais il a ajouté: Qu'il prenne sa croix et qu'il me suive (Mc 8,34). Que signifie: Qu'il prenne sa croix? Qu'il supporte tout ce qui lui est pénible, c'est ainsi qu'il marchera à ma suite. Dès qu'il aura commencé à me suivre, en se conformant à ma vie et à mes commandements, il trouvera sur son chemin bien des gens qui le contrediront, qui chercheront à le détourner, qui non seulement se moqueront de lui, mais le persécuteront. Ces gens-là ne se trouvent pas uniquement parmi les païens qui sont hors de l'Église; il s'en trouve même parmi ceux qui semblent être dans l'Église, si on les juge de l'extérieur. Mais ils lui sont bel et bien étrangers, en raison de leurs actions mauvaises.

Tout en se glorifiant du seul nom de chrétien, ils persécutent sans cesse les bons chrétiens. Dès lors, si tu désires suivre le Christ, porte sa croix sans plus attendre et supporte les méchants sans te laisser abattre.

Le Seigneur a dit: Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Si donc nous voulons mettre ceci en pratique, efforçons-nous, avec l'aide de Dieu, de faire nôtre cette parole de l'Apôtre: Lors donc que nous avons nourriture et vêtement, sachons être satisfaits. Il est à craindre que si nous recherchons plus de biens terrestres qu'il ne nous en faut, dans l'intention de nous enrichir, nous ne tombions dans la tentation, dans le piège du démon, dans une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent l'homme dans la ruine et la perdition (1Tm 6,8-9).

Daigne le Seigneur nous prendre sous sa protection et nous délivrer de cette tentation, lui qui vit et règne avec le Père et l'Esprit Saint dans tous les siècles des siècles. Amen.
Louis-Claude Fillion
Car celui… À propos des trois « car » qu’on trouve au début des versets 35, 36 et 38, le P. Patrizi, fait une réflexion très exacte : « Il est nécessaire d’observer que la particule car, employée trois fois dans ce discours, ne signifie pas que toutes les phrases sont inter reliées, la phrase suivante apportant la cause et la raison de celle qui précède. Il ne faut donc pas, en les expliquant, chercher le lien qui les relie. Ce sont trois arguments présentés par le Christ qui nous font comprendre ce qu’il prescrit pour marcher à sa suite » [391]. Le v. 35 contient le premier de ces trois arguments. On peut le résumer ainsi : Il faut suivre Jésus, dût-on pour cela perdre la vie ; car, la perdre, c’est la gagner. On la perdra dans le temps, mais on la gagnera pour l’éternité. Notre-Seigneur joue, on le voit, sur le double sens du substantif ψύχη, âme et vie. Perdre sa vie pour moi, dit-il, c’est sauver son âme ! — Les mots et de l’Évangile sont propres à S. Marc. — La sauvera est une expression plus claire que le « la trouvera », de S. Matthieu.
Catéchisme de l'Église catholique
Jésus enjoint à ses disciples de le préférer à tout et à tous et leur propose de donner " congé à tous leurs biens " (Lc 14, 33) à cause de Lui et de l’Evangile (cf. Mc 8, 35). Peu avant sa passion il leur a donné en exemple la pauvre veuve de Jérusalem qui, de son indigence, a donné tout ce qu’elle avait pour vivre (cf. Lc 21, 4). Le précepte du détachement des richesses est obligatoire pour entrer dans le Royaume des cieux.
Pape Saint Jean-Paul II
Certes, la vie du corps dans sa condition terrestre n'est pas un absolu pour le croyant: il peut lui être demandé de l'abandonner pour un bien supérieur; comme le dit Jésus, « qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile la sauvera » (Mc 8, 35). Il y a à ce sujet un certain nombre de témoignages dans le Nouveau Testament. Jésus n'hésite pas à se sacrifier lui-même et il fait librement de sa vie une offrande à son Père (cf. Jn 10, 17) et à ses amis (cf. Jn 10, 15). La mort de Jean Baptiste, précurseur du Sauveur, atteste aussi que l'existence terrestre n'est pas le bien absolu: la fidélité à la parole du Seigneur est plus importante encore, même si elle peut mettre la vie en jeu (cf. Mc 6, 17-29). Et Etienne, alors qu'on lui enlève la vie temporelle parce qu'il était un témoin fidèle de la Résurrection du Seigneur, suit les traces du Maître et répond par des mots de pardon à ceux qui le lapident (cf. Ac 7, 59-60), ouvrant ainsi la voie à l'innombrable cohorte des martyrs vénérés par l'Eglise dès ses origines.

Il n'est pas douteux que la doctrine morale chrétienne, par ses racines bibliques, reconnaît l'importance particulière d'un choix fondamental qui qualifie la vie morale et qui engage radicalement la liberté devant Dieu. Il s'agit du choix de la foi, de l'obéissance de la foi (cf. Rm 16, 26), « par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu dans " un complet hommage d'intelligence et de volonté " » Cette « foi, opérant par la charité » (Ga 5, 6), vient du centre de l'homme, de son « cœur » (cf. Rm 10, 10), et elle est appelée, à partir de là, à fructifier dans les œuvres (cf. Mt 12, 33-35 ; Lc 6, 43-45 ; Rm 8, 5-8 ; Ga 5, 22). Dans le Décalogue, on trouve, en tête des différents commandements, l'expression fondamentale : « Je suis le Seigneur, ton Dieu... » (Ex 20, 2) qui, donnant leur sens authentique aux prescriptions particulières, multiples et variées, confère à la morale de l'Alliance sa cohérence, son unité et sa profondeur. Le choix fondamental d'Israël concerne alors le commandement fondamental (cf. Jos 24, 14-25 ; Ex 19, 3-8 ; Mi 6, 8). La morale de la Nouvelle Alliance est, elle aussi, dominée par l'appel fondamental de Jésus à venir à sa « suite » — ainsi qu'il le dit au jeune homme : « Si tu veux être parfait... viens et suis-moi » (Mt 19, 21) — : à cet appel, le disciple répond par une décision et un choix radicaux. Les paraboles évangéliques du trésor et de la perle précieuse, pour laquelle on vend tout ce qu'on possède, sont des images par- lantes et vivantes du caractère radical et inconditionnel du choix qu'exige le Royaume de Dieu. Le caractère absolu du choix de suivre Jésus est admirablement exprimé par ses paroles : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera » (Mc 8, 35).
Pape Benoît XVI
Cela fait partie des développements de l'amour vers des degrés plus élevés, vers ses purifications profondes, de l'amour qui cherche maintenant son caractère définitif, et cela en un double sens : dans le sens d’un caractère exclusif – «cette personne seulement» – et dans le sens d’un «pour toujours». L’amour comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. Il ne pourrait en être autrement, puisque sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité. Oui, l’amour est «extase», mais extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu : «Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera» (Lc 17, 33), dit Jésus – une de ses affirmations qu’on retrouve dans les Évangiles avec plusieurs variantes (cf. Mt 10, 39; 16, 25; Mc 8, 35; Lc 9, 24; Jn 12, 25). Jésus décrit ainsi son chemin personnel, qui le conduit par la croix jusqu’à la résurrection; c’est le chemin du grain de blé tombé en terre qui meurt et qui porte ainsi beaucoup de fruit. Mais il décrit aussi par ces paroles l’essence de l’amour et de l’existence humaine en général, partant du centre de son sacrifice personnel et de l’amour qui parvient en lui à son accomplissement.