Matthieu 1, 18
Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Oui elle fut en effet fiancée à Joseph, mais jamais elle ne lui fut unie par les liens de la concupiscence charnelle. Sa mère fut une mère immaculée, une mère sans souillure, une mère chaste. Nous disons sa mère, la mère de qui ? la mère du Seigneur, du Fils unique de Dieu, du Roi, du Sauveur, du Rédempteur de tous les hommes.
Celui qui tire son origine d'un principe quelconque, vient ou de sa substance ou de sa puissance : de sa substance comme le Fils qui est engendré du Père ; de sa puissance, comme toutes les choses créées viennent de Dieu, et c'est de cette manière que Marie a conçu du Saint-Esprit.
Il annonce qu'il va décrire le mode de cette génération comme étant d'un ordre nouveau, dans la crainte que le nom d'époux de Marie donné à Joseph ne vous fasse croire que Jésus est né selon les lois ordinaires de la nature.
L'Évangéliste avait dit précédemment : " Jacob engendra Joseph, " dont l'épouse Marie mit au monde Jésus. Mais dans la crainte qu'on ne vînt à penser que la génération du Sauveur était semblable à celle de ses aïeux, il change la forme qu'il a suivie jusqu'à présent pour s'exprimer de la sorte : " Or la naissance de Jésus-Christ arriva ainsi, " expressions qui reviennent à celles-ci : La génération des aïeux du Christ a eu lieu comme je l'ai dit, mais celle du Christ lui-même a été toute différente, et voici comment elle est arrivée : " Marie sa mère étant fiancée, " etc.
Elle était mariée et habitait avec son mari, car de même que celui qui conçoit un enfant dans la maison de son mari est supposée l'avoir eu de lui, ainsi celle qui conçoit hors de la maison conjugale tombe sous le soupçon d'un commerce illégitime.
Marie avait pour époux un ouvrier qui travaillait le bois en figure de ce que Jésus-Christ devait opérer le salut du monde sur le bois de la croix.
Ces paroles : " Avant qu'ils fussent ensemble, "ne veulent pas dire : Avant que Marie fût conduite dans la maison de son époux, car elle y était déjà, selon la coutume assez suivie des anciens d'avoir les fiancées dans leurs maisons, ce qui se voit encore aujourd'hui ; c'est ainsi que les gendres de Loth habitaient la même maison que lui avant d'avoir épousé ses filles.
Cela s'est fait pour que le Christ ne dût pas sa naissance aux inclinations de la chair et du sang, lui qui venait détruire l'empire de la chair et du sang.
D'après un témoignage historique assez vraisemblable, Joseph était absent lorsqu'eurent lieu les faits racontés par saint Luc, car on ne peut guère croire que l'ange, s'il eût apparu à Marie en présence de Joseph, lui eût tenu le langage qu'il lui adressa et que Marie lui eût répondu tout ce que nous lisons dans l'Évangile. Si nous supposons que l'ange ait pu parvenir jusqu'à Marie et lui parler, du moins n'est-il pas possible d'admettre que, Joseph étant présent, Marie eût entrepris un voyage dans les montagnes et qu'elle soit demeurée trois mois avec Élisabeth, car Joseph se serait nécessairement informé des raisons d'une absence et d'un séjour si prolongé. Ce fut lorsqu'elle revint de ce voyage qui dura plusieurs mois, qu'il la trouva dans un état de grossesse évidente.
Ces paroles : " elle fut trouvée, "sont justement choisies parce qu'elles expriment ordinairement une chose à laquelle on était loin de s'attendre. Du reste ne fatiguez pas l'Évangéliste de vos questions, en lui demandant comment une vierge a pu devenir mère, il se débarrasse de toutes ces questions par cette simple réponse : " Il se trouva qu'elle avait conçu du Saint-Esprit. " Comme s'il disait : c'est l'Esprit saint qui a fait ce miracle, ni l'archange Gabriel ni saint Matthieu n'ont pu en dire davantage.
Mais pourquoi Jésus est-il conçu d'une vierge fiancée, et non pas d'une vierge dans l'état ordinaire ? C'était d'abord pour que l'origine de Marie fût prouvée par la génération de Joseph ; en second lieu, pour ne pas l'exposer à être lapidée par les Juifs comme adultère ; troisièmement, afin qu'elle eût un soutien et un consolateur pendant la fuite en Égypte. Saint Ignace martyr donne une quatrième raison : ce fut, dit-il, afin que la naissance du Christ demeurât voilée pour le démon, qui le croyait ainsi né d'une femme mariée, et non pas d'une vierge.
Un certain Helvidius, homme inquiet et turbulent, ayant cherché matière à dispute, s'est mis à blasphémer contre la mère de Dieu, et a formulé ainsi sa première objection : " Vous le voyez, dit-il, elle était fiancée et non pas confiée comme un dépôt, ainsi que vous le dites, et elle n'était fiancée que pour se marier quelque temps après. "
Ce secret ne fut pas découvert par un autre que Joseph, qui en vertu des droits que lui conférait son titre d'époux, connaissait tout ce qui avait rapport à sa future épouse.
Nous ne partageons pas l'opinion impie de quelques-uns qui prétendent que l'Esprit saint a remplacé ici ce qui, d'après les lois ordinaires, aurait fécondé le sein de Marie, mais nous disons que tout s'est fait par la puissance et la vertu du Créateur.
Helvidius objecte que l'Évangéliste voulant parler de personnes qui ne devraient pas s'unir ne se serait pas exprimé de la sorte : " Avant qu'ils fussent ensemble, " de même qu'on ne pourrait dire : Avant de dîner dans le port j'ai fait voile vers l'Afrique, si l'on ne devait pas dîner une fois qu'on serait arrivé au port. Mais ne peut-on pas dire plutôt que bien que le mot avant indique souvent ce qui doit suivre, cependant il n'exprime quelquefois que ce qui était d'abord l'objet de la pensée, sans qu'il soit nécessaire que ce objet se réalise, alors surtout qu'il se présente quelqu'obstacle qui en empêche l'exécution.
On ne peut donc pas conclure qu'ils se soient unis plus tard, car l'Écriture sainte se contente de dire ce qui n'est pas arrivé.
Il n'y eut point ici de relation conjugale, parce qu'elle ne pouvait avoir lieu dans une chair de péché sans être accompagnée de la concupiscence de la chair qui vient du péché. Celui qui devait être sans péché voulut être conçu en dehors de la concupiscence, pour nous apprendre que toute chair qui naît de l'union de l'homme et de la femme est une chair de péché, puisque la seule chair exempte de cette origine est la seule qui n'eût pas été une chair de péché.
Le Christ a voulu naître d'une femme qui eût conservé sa virginité, parce qu'il était contraire à toute idée de justice que la volupté donnât le jour à la vertu, la luxure à la chasteté, la corruption à la sainteté, et aussi parce que celui qui venait renverser l'antique empire de la mort ne pouvait descendre du ciel que d'après les lois d'un ordre nouveau. La Mère du Roi de la chasteté devait donc être la reine de la virginité. Le Seigneur voulut encore se choisir une habitation virginale pour nous apprendre à porter Dieu dans un coeur chaste. Celui donc qui écrivit sur les tables de fer sans se servir d'un poinçon de fer, féconda lui-même le sein de Marie par l'opération du Saint-Esprit, suivant ces paroles de l'écrivain sacré : " Il se trouva qu'elle avait conçu. "
La manière miraculeuse dont le Christ est né de l'Esprit saint, nous rappelle cette grâce divine en vertu de laquelle la nature humaine dépourvue de tous mérites au premier moment de son existence a été unie au Verbe d'une union si étroite qu'elle ne fait plus qu'une même personne qui est le Fils de Dieu. Mais, puisque l'oeuvre de la conception et de l'enfantement de Marie, bien que n'ayant pour objet que la personne du Fils, est l'oeuvre de la Trinité tout entière (les oeuvres de la Trinité sont indivisibles) pourquoi l'Esprit saint est-il nommé comme en étant le seul auteur ? Faut-il entendre que toute la Trinité est censée agir alors que l'action n'est attribuée qu'à une seule des trois personnes ?
Ce que saint Mathieu a passé sous silence, c'est-à-dire la manière dont s'est accompli ce mystère, saint Luc nous le raconte après le récit de la conception de saint Jean-Baptiste : " Au sixième mois, dit-il, l'ange fut envoyé, " et plus bas : " l'Esprit saint surviendra en vous. " C'est ce que saint Matthieu rappelle en ces termes : " Il se trouva qu'elle avait conçu du Saint-Esprit. " Il n'y a ici aucune contradiction entre ces deux Évangélistes, parce que saint Luc raconte ce que saint Matthieu a passé sous silence, et il n'y en a pas davantage lorsque saint Matthieu enchaîne dans son récit ce qui a été omis par saint Luc. On lit en effet plus bas dans saint Mathieu : " Joseph, son mari, étant juste, " etc. et tout ce qui suit jusqu'à l'endroit où nous voyons les Mages retourner dans leur pays par un autre chemin. Or si quelqu'un voulait composer d'après l'ordre chronologique un seul et unique récit de toutes les circonstances de la naissance du Christ qui sont racontées par l'un et omises par l'autre, il devrait commencer à ces mots : " Or voici quelle fut la génération du Christ. Il y eut aux jours d'Hérode, " etc. jusqu'à ces autres : " Marie resta avec elle environ trois mois ; et elle revint dans sa maison ; " et puis ajouter ce que nous venons d'exposer : " Il se trouva qu'elle avait conçu du Saint-Esprit. "
Que peut-on voir dans la sainte Vierge de supérieur aux autres femmes ? Si elle n'est pas la mère de Dieu, comme le soutient Nestorius, mais seulement la mère du Christ ou du Seigneur, qu'y aurait-il d'absurde à donner le nom de mère du Christ à toutes les mères de ceux qui ont reçu l'onction sainte du baptême. Cependant la sainte Vierge seule entre toutes les femmes est reconnue et proclamée à la fois vierge et mère du Christ, parce qu'elle n'a pas enfanté un homme ordinaire, mais le Verbe engendré de Dieu le Père, qui s'est incarné et s'est fait homme. Peut-être m'objectera-t-on : Dites-moi, pensez-vous que la Vierge soit devenue la mère de la divinité : Voici notre réponse : Le Verbe est né de la substance de Dieu, il a toujours existé égal à son Père sans jamais avoir eu de commencement. Il s'est fait chair dans ces derniers temps, c'est-à-dire qu'il s'est uni un corps vivifié par une âme raisonnable, et c'est pour cela que nous disons qu'il est né aussi de la femme selon la chair. Notre naissance présente quelqu'analogie avec ce mystère. Nos mères fournissent à la nature, un peu de chair coagulée qui doit recevoir la forme humaine, et c'est Dieu qui envoie une âme dans cette matière. Cependant, bien que nos mères ne soient que les mères de nos corps, elles sont regardées comme ayant enfanté l'homme tout entier, et non pas seulement la chair. Quelque chose de semblable s'est passé dans la naissance de l'Emmanuel. Le Verbe de Dieu est né de la substance du Père ; cependant comme il a pris une chair humaine et se l'est rendue propre, il faut reconnaître qu'il est véritablement né d'une femme selon la chair, et comme il est réellement Dieu, comment hésiter à proclamer la sainte Vierge mère de Dieu ?
Si au contraire, comme le prétend Valentin le corps sacré de Jésus avait été formé d'une matière céleste, et non de la chair virginale de Marie, comment pourrait-elle être considérée comme la mère de Dieu ? L'Évangéliste nous fait connaître le nom de sa Mère lorsqu'il ajoute : " Marie. "
On peut encore rapporter ces paroles à ce qui précède, en ce sens : " La génération du Christ a eu lieu comme je l'ai dit, c'est-à-dire : Abraham engendra Isaac, etc. "
On peut dire encore que ce mot : " être ensemble, " exprime non pas l'union conjugale, mais l'époque de la célébration des noces, c'est-à-dire le moment ou la fiancée devient épouse, et alors le sens serait : " Avant qu'ils fussent ensemble ; " c'est-à-dire avant la célébration solennelle du mariage.
Que les mots de conception, d'enfantement ne vous effrayent ni ne vous troublent, car ici la virginité calme toutes les craintes de la pudeur. Et en quoi la pudeur recevrait-elle quelqu'atteinte dans l'union de la divinité avec la pureté qui lui est toujours si chère, dans cette union annoncée par un ange, contractée sons les auspices de la foi et consommée dans la chasteté, dans cette union qui a la vertu pour dot, la conscience pour arbitre, Dieu pour objet, et où nous voyons une conception sans souillure, un enfantement immaculé, une mère vierge ?
Le nom de Marie en hébreu signifie étoile de la mer, et en syriaque maîtresse, parce qu'elle a enfanté et la lumière du salut, et le Seigneur du monde.
Il nous apprend ensuite quel était son époux en ajoutant le nom de Joseph.
La Glose
Ces paroles : Avant qu'ils fussent ensemble, doivent être entendues dans le sens de l'union charnelle.
L'Évangéliste ajoute : " Par l'opération du Saint-Esprit, " afin que ces paroles : " Il se trouva qu'elle avait conçu, " ne pussent laisser aucun soupçon fâcheux dans l'esprit de ceux qui les entendaient.
98. Une fois présentée la généalogie du Christ d’une manière générale, ici est décrite sa génération d’une manière particulière ; et elle se divise en trois parties : premièrement, [Matthieu] donne un titre [1, 18] ; deuxièmement, l’évangéliste décrit le mode de la génération, en cet endroit : ALORS QUE SA MÈRE, MARIE, ÉTAIT FIANCÉE À JOSEPH [1, 18] ; troisièmement, il démontre le mode de la génération, en cet endroit : OR, JOSEPH, SON ÉPOUX [1, 19].
99. [Matthieu] dit donc : OR, TELLE FUT LA GÉNÉRATION DU CHRIST [1, 18]. Ceci se lit de deux façons. En effet, selon Chrysostome, il s’agit pour ainsi dire d’un prologue à ce qui va être dit ; mais, selon Rémi, il s’agit pour ainsi dire d’un épilogue à ce qui a été dit. Selon la première manière, on lit donc : «On a ainsi dit à propos de la génération du Christ comment Abraham engendra Isaac, etc. par l’union charnelle, mais la génération du Christ s’est faite ainsi», en ajoutant : «comme il est dit dans ce qui suit». Selon la seconde façon, on y lit l’épilogue de ce qui précède : «Ainsi, Abraham, etc., jusqu’au Christ : Telle fut la génération du Christ», en ajoutant : «comme, depuis Abraham en passant par David et les autres, elle s’étend jusqu’au Christ».
100. Ensuite, [Matthieu] décrit le mode de la génération. En premier lieu, il décrit la personne qui engendre, lorsqu’il dit : ALORS QU’ELLE ÉTAIT FIANCÉE ; en second lieu, la génération même du Christ, lorsqu’il dit : AVANT QU’ILS EUSSENT COHABITÉ, ELLE SE TROUVA ENCEINTE ; troisièmement, l’auteur de la génération : DU SAINT-ESPRIT.
101. [Matthieu] décrit la personne qui engendre par trois points : en premier lieu, par sa condition, lorsqu’il dit : FIANCÉE… JOSEPH ; deuxièmement, par sa dignité : SA MÈRE ; troisièmement, par son nom propre : MARIE.
102. [Matthieu] dit donc : ALORS QUE SA MÈRE, MARIE, ÉTAIT FIANCÉE À JOSEPH [1, 18]. Mais aussitôt surgit une question. Puisque le Christ a voulu naître d’une vierge, pourquoi a-t-il voulu que sa mère soit fiancée ? Une triple raison est donnée par Jérôme. La première, pour que le témoignage rendu à sa virginité apparaisse plus crédible. En effet, si elle n’avait pas été fiancée et avait dit qu’elle était vierge, alors qu’elle était enceinte, elle n’aurait pas semblé faire autre chose que cacher une faute d’adultère. Mais, comme elle était fiancée, il ne lui était pas nécessaire de mentir. Ainsi, il serait plus facile qu’on la croie, Ps 92[93], 5 : Tes témoignages sont rendus plus crédibles. Une autre raison était qu’elle eût la protection d’un homme, lorsqu’elle s’enfuirait en Égypte ou lorsqu’elle en reviendrait. Une troisième, pour que son enfantement soit caché au Diable, de crainte que, si celui-ci le connaissait, il empêche la passion [de Jésus] et le fruit de notre rédemption, 1 Co 2, 8 : S’ils l’avaient su, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de gloire. [Ce passage] est expliqué comme s’appliquant au Démon, à savoir qu’il n’aurait pas permis qu’il soit crucifié.
103. Mais, en sens contraire, est-ce que celui-ci ne savait pas qu’elle était vierge ? En effet, sa virginité consistait en ce que sa chair n’était pas corrompue. Le Diable pouvait donc savoir qu’elle était vierge. Mais il faut dire, selon Ambroise, qui donne aussi cette raison, que les diables peuvent agir par une certaine subtilité de nature, mais non pas cependant sans une permission divine. Ainsi, le Diable aura connu la virginité [de Marie], à moins que, par un dessein divin attentif, il n’en ait été empêché par Dieu.
104. Selon Ambroise, une triple raison est donnée. Le Seigneur ne voulait pas que les hommes doutent de sa naissance, pas plus que de la chasteté de sa mère. Aussi voulut-il qu’elle soit fiancée afin que soit écarté le soupçon d’adultère : en effet, il était venu accomplir la loi, et non l’abolir, Mt 5, 17 : Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Il est dit en Ex 20, 2 : Honore ton père et ta mère. Autre raison : afin que, pour les vierges reconnues, l’excuse de l’adultère soit écartée. En effet, si la mère du Seigneur n’avait pas été fiancée et était pourtant enceinte, [celles-ci] pourraient de cette manière prendre excuse sur elle, Ps 140[141], 4 : N’incline pas ton cœur à des paroles malicieuses pour te justifier de tes péchés. Troisième raison : parce que le Christ a pris l’Église comme fiancée, car elle est vierge, 2 Co 11, 2 : Je vous ai fiancés. C’est pourquoi il a voulu naître d’une vierge fiancée en signe qu’il avait épousé l’Église.
105. ALORS QU’ELLE ÉTAIT FIANCÉE. Mais à qui ? À Joseph. Selon Chrysostome, Joseph était menuisier, et il désigne le Christ, qui par le bois de la croix a tout rétabli, les choses célestes et les terrestres, etc. [Ep 1, 10].
106. SA MÈRE. Ici est montrée la dignité [de celle-ci] : en effet, à aucune autre créature, ni à un homme ni à un ange, n’a été accordé d’être le père ou la mère de Dieu, mais ceci fut le privilège d’une grâce singulière qu’elle devienne mère non seulement d’un homme, mais de Dieu. C’est pourquoi, en Ap 12, 1, il est dit : Une femme revêtue du soleil, comme si elle était remplie de la divinité. Ce que Nestorius niait, et cela, parce que la divinité n’avait pas été accueillie par une vierge. Contre lui, le martyr Ignace emploie un bel exemple pour montrer qu’elle était la mère de Dieu. «Il est clair, dit-il, que, dans la génération des hommes ordinaires, une femme est appelée mère, et cependant cette femme ne donne pas l’âme raisonnable, qui vient de Dieu, mais fournit la substance pour la formation du corps. Pour cette raison, la femme est appelée mère de tout l’homme, parce que ce qui vient d’elle est uni à l’âme raisonnable. De même, puisque l’humanité du Christ provient de la bienheureuse Vierge, en raison de l’union à la divinité, la bienheureuse Vierge est appelée non seulement mère d’un homme, mais aussi mère de Dieu, bien que la divinité ne vienne pas d’elle, comme chez les autres, l’âme raisonnable ne vient pas de la mère.»
107. MARIE, un nom propre. Il veut dire «étoile de la mer» ou «illuminatrice» et, dans sa langue, «maîtresse». Ainsi, en Ap 12, 1, elle est décrite avec la lune sous ses pieds.
108. AVANT QU’ILS EUSSENT COHABITÉ, etc. Ici, Elvidius fait une objection : si [cela se passa] avant qu’ils eussent cohabité, ils cohabitèrent donc à un certain moment. Il concluait en niant la virginité de la mère du Christ : elle fut connue par un homme, non pas avant la naissance, ni durant la naissance, mais après la naissance. Et Jérôme répond que, sans aucun doute, le fait de dire «avant» se rapporte toujours au futur. Mais ceci peut se faire de deux façons : soit en raison du motif, soit selon la perception par l’intelligence. En effet, si on dit : «Avant de manger dans le port de Rome, j’ai navigué vers l’Afrique», cela ne veut pas dire qu’après avoir navigué vers l’Afrique, j’ai mangé, mais que, alors que je me proposais de manger, empêché par la navigation, je n’ai pas mangé. Il en est de même ici. Il ne faut donc pas entendre que, par la suite, ils ont effectivement cohabité, comme le dit cet impie ; mais, par le fait même qu’elle lui était fiancée selon l’opinion commune, il leur était permis de cohabiter à un certain moment, bien qu’ils n’aient jamais cohabité. Rémi donne une autre explication : que ceci s’entende de la célébration solennelle des noces. En effet, les fiançailles existaient et se faisaient quelques jours avant et, entre-temps, la fiancée n’était pas sous la garde de l’homme ; la célébration solennelle des noces avait lieu après, et [la fiancée] était alors conduite à la maison de son mari. Ici, l’évangéliste parle de ces noces. Et, de ce fait, l’objection d’Elvidius ne tient pas.
109. Il faut remarquer la justesse du mot : en effet, on dit à proprement parler que quelque chose a été «trouvé» lorsque cela n’était pas attendu ou qu’on n’y pensait pas ; et cependant, Joseph avait une si grande opinion de la chasteté de Marie, qu’il fut dépassé de la trouver enceinte.
110. ENCEINTE. Il faut ajouter : Joseph [la trouva enceinte], lui qui, comme le dit Jérôme, «en raison de ce qu’autorisait le mariage, connaissait presque tous ses secrets».
111. PAR LE FAIT DE L’ESPRIT SAINT. Ici est mentionné l’auteur de la conception. Mais il faut lire cela séparément de ce qui précède. En effet, il ne faut pas entendre que Joseph trouva qu’elle était enceinte de l’Esprit Saint, mais seulement qu’il la trouva enceinte. Et pour que ne surgisse pas entre-temps chez les auditeurs un soupçon d’adultère, il ajoute : PAR LE FAIT DE L’ESPRIT SAINT, c’est-à-dire par la puissance du Saint-Esprit, et non de la substance [de celui-ci], afin qu’on ne croie pas que [l’enfant] était le fils du Saint-Esprit, Lc 1, 35 : L’Esprit Saint se posera sur toi et l’ombre du Très-Haut t’a recouverte. Or, bien que, selon Augustin, les opérations de la Trinité soient indivisibles, et donc que non seulement le Saint-Esprit, mais aussi le Père et le Fils aient réalisé la conception, cependant, en vertu d’une certaine appropriation, elle est attribuée à l’Esprit Saint. Et cela, pour trois raisons. La première raison est que le Saint-Esprit est amour. Or, cela fut le signe de l’amour le plus grand que Dieu veuille que son Fils s’incarne, Jn 3, 16 : Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. La deuxième [raison est] que la grâce est attribuée au Saint-Esprit, 1 Co 12, 4 : Les grâces sont réparties, mais l’Esprit est le même ; et cela fut la plus grande grâce. La troisième raison est donnée dans les actes du concile de Nicée. Elle consiste en ce qu’en nous, il y a un double verbe : le verbe du cœur et le verbe de la parole. Le verbe du cœur est la conception même de l’intelligence, qui est cachée aux hommes, à moins qu’elle ne soit exprimée par la parole ou par le verbe de la parole. Or, le Verbe éternel avant l’incarnation se compare au verbe du cœur, alors qu’Il était auprès du Père [Jn 1, 1] et nous était caché ; mais le Verbe incarné, qui est apparu parmi nous, se compare au verbe de la parole. Puis, il est exprimé. Mais le verbe du cœur n’est uni à la parole que par l’intermédiaire de l’esprit ; et ainsi, c’est à juste titre que l’incarnation du Verbe, par laquelle celui-ci nous est apparu visiblement, s’est réalisée par l’intervention du Saint-Esprit.
112. Il faut remarquer ici les quatre raisons pour lesquelles le Christ a voulu naître d’une vierge.
113. La première de celles-ci est que la descendance contracte le péché originel par le fait de l’union de l’homme et de la femme ; de sorte que, si le Christ était né d’une union conjugale, il aurait contracté le péché originel. Mais cela aurait été inconvenant, puisqu’il était venu dans le monde afin d’enlever nos péchés. Il ne devait donc pas être atteint par la contagion du péché. La deuxième [raison] est que le Christ a été le principal docteur de la chasteté, plus loin, 19, 12 : Il y a des eunuques qui se sont castrés en vue du royaume des cieux. Troisième [raison], en raison de la pureté et de la clarté : La sagesse ne pénètrera pas une âme mal disposée, Sg 1, 4. Il convenait donc que le ventre de sa mère n’ait été atteint d’aucune corruption. Quatrième [raison], en raison de la propriété du verbe : car, de même que le verbe émane du cœur sans corruption, de même le Christ a voulu naître d’une vierge, et il fallait que ce fût sans corruption.
99. [Matthieu] dit donc : OR, TELLE FUT LA GÉNÉRATION DU CHRIST [1, 18]. Ceci se lit de deux façons. En effet, selon Chrysostome, il s’agit pour ainsi dire d’un prologue à ce qui va être dit ; mais, selon Rémi, il s’agit pour ainsi dire d’un épilogue à ce qui a été dit. Selon la première manière, on lit donc : «On a ainsi dit à propos de la génération du Christ comment Abraham engendra Isaac, etc. par l’union charnelle, mais la génération du Christ s’est faite ainsi», en ajoutant : «comme il est dit dans ce qui suit». Selon la seconde façon, on y lit l’épilogue de ce qui précède : «Ainsi, Abraham, etc., jusqu’au Christ : Telle fut la génération du Christ», en ajoutant : «comme, depuis Abraham en passant par David et les autres, elle s’étend jusqu’au Christ».
100. Ensuite, [Matthieu] décrit le mode de la génération. En premier lieu, il décrit la personne qui engendre, lorsqu’il dit : ALORS QU’ELLE ÉTAIT FIANCÉE ; en second lieu, la génération même du Christ, lorsqu’il dit : AVANT QU’ILS EUSSENT COHABITÉ, ELLE SE TROUVA ENCEINTE ; troisièmement, l’auteur de la génération : DU SAINT-ESPRIT.
101. [Matthieu] décrit la personne qui engendre par trois points : en premier lieu, par sa condition, lorsqu’il dit : FIANCÉE… JOSEPH ; deuxièmement, par sa dignité : SA MÈRE ; troisièmement, par son nom propre : MARIE.
102. [Matthieu] dit donc : ALORS QUE SA MÈRE, MARIE, ÉTAIT FIANCÉE À JOSEPH [1, 18]. Mais aussitôt surgit une question. Puisque le Christ a voulu naître d’une vierge, pourquoi a-t-il voulu que sa mère soit fiancée ? Une triple raison est donnée par Jérôme. La première, pour que le témoignage rendu à sa virginité apparaisse plus crédible. En effet, si elle n’avait pas été fiancée et avait dit qu’elle était vierge, alors qu’elle était enceinte, elle n’aurait pas semblé faire autre chose que cacher une faute d’adultère. Mais, comme elle était fiancée, il ne lui était pas nécessaire de mentir. Ainsi, il serait plus facile qu’on la croie, Ps 92[93], 5 : Tes témoignages sont rendus plus crédibles. Une autre raison était qu’elle eût la protection d’un homme, lorsqu’elle s’enfuirait en Égypte ou lorsqu’elle en reviendrait. Une troisième, pour que son enfantement soit caché au Diable, de crainte que, si celui-ci le connaissait, il empêche la passion [de Jésus] et le fruit de notre rédemption, 1 Co 2, 8 : S’ils l’avaient su, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de gloire. [Ce passage] est expliqué comme s’appliquant au Démon, à savoir qu’il n’aurait pas permis qu’il soit crucifié.
103. Mais, en sens contraire, est-ce que celui-ci ne savait pas qu’elle était vierge ? En effet, sa virginité consistait en ce que sa chair n’était pas corrompue. Le Diable pouvait donc savoir qu’elle était vierge. Mais il faut dire, selon Ambroise, qui donne aussi cette raison, que les diables peuvent agir par une certaine subtilité de nature, mais non pas cependant sans une permission divine. Ainsi, le Diable aura connu la virginité [de Marie], à moins que, par un dessein divin attentif, il n’en ait été empêché par Dieu.
104. Selon Ambroise, une triple raison est donnée. Le Seigneur ne voulait pas que les hommes doutent de sa naissance, pas plus que de la chasteté de sa mère. Aussi voulut-il qu’elle soit fiancée afin que soit écarté le soupçon d’adultère : en effet, il était venu accomplir la loi, et non l’abolir, Mt 5, 17 : Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Il est dit en Ex 20, 2 : Honore ton père et ta mère. Autre raison : afin que, pour les vierges reconnues, l’excuse de l’adultère soit écartée. En effet, si la mère du Seigneur n’avait pas été fiancée et était pourtant enceinte, [celles-ci] pourraient de cette manière prendre excuse sur elle, Ps 140[141], 4 : N’incline pas ton cœur à des paroles malicieuses pour te justifier de tes péchés. Troisième raison : parce que le Christ a pris l’Église comme fiancée, car elle est vierge, 2 Co 11, 2 : Je vous ai fiancés. C’est pourquoi il a voulu naître d’une vierge fiancée en signe qu’il avait épousé l’Église.
105. ALORS QU’ELLE ÉTAIT FIANCÉE. Mais à qui ? À Joseph. Selon Chrysostome, Joseph était menuisier, et il désigne le Christ, qui par le bois de la croix a tout rétabli, les choses célestes et les terrestres, etc. [Ep 1, 10].
106. SA MÈRE. Ici est montrée la dignité [de celle-ci] : en effet, à aucune autre créature, ni à un homme ni à un ange, n’a été accordé d’être le père ou la mère de Dieu, mais ceci fut le privilège d’une grâce singulière qu’elle devienne mère non seulement d’un homme, mais de Dieu. C’est pourquoi, en Ap 12, 1, il est dit : Une femme revêtue du soleil, comme si elle était remplie de la divinité. Ce que Nestorius niait, et cela, parce que la divinité n’avait pas été accueillie par une vierge. Contre lui, le martyr Ignace emploie un bel exemple pour montrer qu’elle était la mère de Dieu. «Il est clair, dit-il, que, dans la génération des hommes ordinaires, une femme est appelée mère, et cependant cette femme ne donne pas l’âme raisonnable, qui vient de Dieu, mais fournit la substance pour la formation du corps. Pour cette raison, la femme est appelée mère de tout l’homme, parce que ce qui vient d’elle est uni à l’âme raisonnable. De même, puisque l’humanité du Christ provient de la bienheureuse Vierge, en raison de l’union à la divinité, la bienheureuse Vierge est appelée non seulement mère d’un homme, mais aussi mère de Dieu, bien que la divinité ne vienne pas d’elle, comme chez les autres, l’âme raisonnable ne vient pas de la mère.»
107. MARIE, un nom propre. Il veut dire «étoile de la mer» ou «illuminatrice» et, dans sa langue, «maîtresse». Ainsi, en Ap 12, 1, elle est décrite avec la lune sous ses pieds.
108. AVANT QU’ILS EUSSENT COHABITÉ, etc. Ici, Elvidius fait une objection : si [cela se passa] avant qu’ils eussent cohabité, ils cohabitèrent donc à un certain moment. Il concluait en niant la virginité de la mère du Christ : elle fut connue par un homme, non pas avant la naissance, ni durant la naissance, mais après la naissance. Et Jérôme répond que, sans aucun doute, le fait de dire «avant» se rapporte toujours au futur. Mais ceci peut se faire de deux façons : soit en raison du motif, soit selon la perception par l’intelligence. En effet, si on dit : «Avant de manger dans le port de Rome, j’ai navigué vers l’Afrique», cela ne veut pas dire qu’après avoir navigué vers l’Afrique, j’ai mangé, mais que, alors que je me proposais de manger, empêché par la navigation, je n’ai pas mangé. Il en est de même ici. Il ne faut donc pas entendre que, par la suite, ils ont effectivement cohabité, comme le dit cet impie ; mais, par le fait même qu’elle lui était fiancée selon l’opinion commune, il leur était permis de cohabiter à un certain moment, bien qu’ils n’aient jamais cohabité. Rémi donne une autre explication : que ceci s’entende de la célébration solennelle des noces. En effet, les fiançailles existaient et se faisaient quelques jours avant et, entre-temps, la fiancée n’était pas sous la garde de l’homme ; la célébration solennelle des noces avait lieu après, et [la fiancée] était alors conduite à la maison de son mari. Ici, l’évangéliste parle de ces noces. Et, de ce fait, l’objection d’Elvidius ne tient pas.
109. Il faut remarquer la justesse du mot : en effet, on dit à proprement parler que quelque chose a été «trouvé» lorsque cela n’était pas attendu ou qu’on n’y pensait pas ; et cependant, Joseph avait une si grande opinion de la chasteté de Marie, qu’il fut dépassé de la trouver enceinte.
110. ENCEINTE. Il faut ajouter : Joseph [la trouva enceinte], lui qui, comme le dit Jérôme, «en raison de ce qu’autorisait le mariage, connaissait presque tous ses secrets».
111. PAR LE FAIT DE L’ESPRIT SAINT. Ici est mentionné l’auteur de la conception. Mais il faut lire cela séparément de ce qui précède. En effet, il ne faut pas entendre que Joseph trouva qu’elle était enceinte de l’Esprit Saint, mais seulement qu’il la trouva enceinte. Et pour que ne surgisse pas entre-temps chez les auditeurs un soupçon d’adultère, il ajoute : PAR LE FAIT DE L’ESPRIT SAINT, c’est-à-dire par la puissance du Saint-Esprit, et non de la substance [de celui-ci], afin qu’on ne croie pas que [l’enfant] était le fils du Saint-Esprit, Lc 1, 35 : L’Esprit Saint se posera sur toi et l’ombre du Très-Haut t’a recouverte. Or, bien que, selon Augustin, les opérations de la Trinité soient indivisibles, et donc que non seulement le Saint-Esprit, mais aussi le Père et le Fils aient réalisé la conception, cependant, en vertu d’une certaine appropriation, elle est attribuée à l’Esprit Saint. Et cela, pour trois raisons. La première raison est que le Saint-Esprit est amour. Or, cela fut le signe de l’amour le plus grand que Dieu veuille que son Fils s’incarne, Jn 3, 16 : Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. La deuxième [raison est] que la grâce est attribuée au Saint-Esprit, 1 Co 12, 4 : Les grâces sont réparties, mais l’Esprit est le même ; et cela fut la plus grande grâce. La troisième raison est donnée dans les actes du concile de Nicée. Elle consiste en ce qu’en nous, il y a un double verbe : le verbe du cœur et le verbe de la parole. Le verbe du cœur est la conception même de l’intelligence, qui est cachée aux hommes, à moins qu’elle ne soit exprimée par la parole ou par le verbe de la parole. Or, le Verbe éternel avant l’incarnation se compare au verbe du cœur, alors qu’Il était auprès du Père [Jn 1, 1] et nous était caché ; mais le Verbe incarné, qui est apparu parmi nous, se compare au verbe de la parole. Puis, il est exprimé. Mais le verbe du cœur n’est uni à la parole que par l’intermédiaire de l’esprit ; et ainsi, c’est à juste titre que l’incarnation du Verbe, par laquelle celui-ci nous est apparu visiblement, s’est réalisée par l’intervention du Saint-Esprit.
112. Il faut remarquer ici les quatre raisons pour lesquelles le Christ a voulu naître d’une vierge.
113. La première de celles-ci est que la descendance contracte le péché originel par le fait de l’union de l’homme et de la femme ; de sorte que, si le Christ était né d’une union conjugale, il aurait contracté le péché originel. Mais cela aurait été inconvenant, puisqu’il était venu dans le monde afin d’enlever nos péchés. Il ne devait donc pas être atteint par la contagion du péché. La deuxième [raison] est que le Christ a été le principal docteur de la chasteté, plus loin, 19, 12 : Il y a des eunuques qui se sont castrés en vue du royaume des cieux. Troisième [raison], en raison de la pureté et de la clarté : La sagesse ne pénètrera pas une âme mal disposée, Sg 1, 4. Il convenait donc que le ventre de sa mère n’ait été atteint d’aucune corruption. Quatrième [raison], en raison de la propriété du verbe : car, de même que le verbe émane du cœur sans corruption, de même le Christ a voulu naître d’une vierge, et il fallait que ce fût sans corruption.
« Étant sur le point de raconter une chose inouïe et prodigieuse, il excite l’esprit de l’auditeur avec élégance et professionnalisme », Erasme in h.l. S. Matthieu reporte le lecteur au v. 16, dont il veut éclaircir et compléter le sens en montrant, par un court résumé des faits, la nature des rapports qui unissaient Jésus-Christ à Joseph. Ce résumé, bien qu’il contienne les choses les plus merveilleuses et les plus sublimes que jamais historien ait eu à raconter, se recommande par son étonnante simplicité. Ce n’est pas avec cette sobriété de style que les écrivains du paganisme relatent l’origine prétendue virginale de Bouddha, de Zoroastre, de Platon et d’autres que le rationalisme oppose si volontiers à Jésus. – La naissance. C’est donc la genèse, l’origine du Christ, c’est-à-dire sa conception et sa naissance, qui va nous être racontée. – Fiancée. Quelle est la meilleure manière de traduire cette expression ? Faut-il dire mariée, ou simplement fiancée ? Les théologiens en ont toujours débattu, le débat remonte aux premiers jours de l’exégèse. La question, comme on l’a déjà compris, revient à savoir si le mariage de la Ste Vierge et de S. Joseph précéda l’Incarnation, ou s’il n’eut lieu que plusieurs mois après, dans la circonstance présentement décrite par S. Matthieu. Les Pères la résolvent contradictoirement ; les commentateurs du moyen âge et des temps modernes se montrent en général plus favorables à la première hypothèse ; les contemporains, au contraire, adoptent assez communément la seconde. (Voir la récente et savante dissertation du P. Patrizzi, de prima Angeli ad Josephum Mariæ sponsum legatione Comment. Rome, 1876. Du même auteur, De Evangeliis libri tres, Fribourg, 1855, t. 2, p. 122-135). Ces derniers s’appuient et sur l’impression générale produite par le récit de l’Évangile, et sur les coutumes matrimoniales des anciens Juifs, et sur la philologie. Il est certain qu’après une lecture attentive des versets 18-25, faite sans idée préconçue, on se sent porté de préférence à voir dans ce passage la relation même du mariage de Joseph et de Marie. Bornons-nous à signaler sommairement cette appréciation ; nous discuterons les preuves archéologiques et philologiques au fur et à mesure que le texte de S. Matthieu nous en fournira l’occasion. Et d’abord, revenons à l’expression qui a servi de point de départ à cet exposé du problème. La signification plus habituelle et même primitive de “desponsari”, n’est point “épouser” mais “se fiancer” ; on pourra facilement s’en convaincre en jetant un coup d’œil sur ces deux mots dans les dictionnaires grec et latin. S. Luc, dans son récit de l’Incarnation, 1, 27, exclut même formellement, pour ce qui est de la Très-Sainte Vierge, le sens secondaire et dérivé ; car il associe à “fiancée” le substantif “vierge” ; ont dit bien en effet, une vierge fiancée, mais jamais une vierge mariée. – Avant qu'ils habitassent. Nous nous trouvons de nouveau en face de deux traductions opposées : les uns disent “avant que le mariage soit consommé” (S. Jean Chrys. Théophylacte, etc.) ; les autres, avec S. Hilaire, “avant que Marie n'ait été emmenée chez son époux”, ou plus clairement, avant la cohabitation ; et tel est, croyons-nous, le véritable sens. Chez les Juifs, en effet, des fiançailles solennelles précédaient rigoureusement le mariage, qui n’était célébré d’ordinaire qu’un an plus tard ; or, la principale cérémonie des noces consistait précisément à conduire en grande pompe la fiancée dans la maison de son époux. Il y est fait une allusion très-directe au passage suivant du Deutéronome, 20, 7 : “Quiconque s’est fiancé une femme, et ne l’a pas encore emmenée chez lui”. Ne voit-on pas que nous avons ici exactement les termes employés par S. Matthieu ? A l’époque où nous transporte l’Évangéliste, Marie n’habitait donc pas encore la maison de S. Joseph, preuve qu’ils n’étaient pas mariés. – Il se trouva, c’est-à-dire “il apparut” ; on vit qu’elle était devenue mère. Cette observation nous conduit, au point de vue chronologique, trois mois environ après la conception du Sauveur, par conséquent aux jours qui suivirent immédiatement le retour de Marie à Nazareth, après sa visite à sa cousine ; Cf. Luc. 1, 56. – De l'Esprit saint. C’est par anticipation que l’Évangéliste écrit ces mots dès à présent ; leur vraie place est au v. 20 où nous les retrouverons bientôt ; mais S. Matthieu ne veut pas que le lecteur puisse supposer un seul instant que Jésus est né comme les autres hommes. Nous avons déjà remarqué, v. 16, son soin vigilant pour sauvegarder l’honneur virginal de Jésus-Christ et de Marie. L’homme ordinaire naît “de la volonté de la chair, de la volonté de l'homme”, Joann., 1, 13 ; le Christ, le second Adam, Sauveur et Rédempteur d’un monde corrompu, ne pouvait être engendré que par Dieu. Assurément, il devait être uni à l’humanité par des liens très-étroits, se faire chair de sa chair, os de ses os, et c’est pour cela qu’il prit une mère parmi les enfants d’Eve ; mais il fallait aussi qu’il fût pur et saint, séparé des pécheurs (Hebr. 7, 26), et de race divine, et c’est pour cela qu’il n’eut point de père sur la terre. Les convenances les plus simples exigeaient qu’il en fût ainsi. – La préposition du texte grec est plus énergique que le de correspondant de la Vulgate, car elle exclut davantage toute paternité humaine ; mais la particule latine traduit assez bien aussi la pensée de l’écrivain sacré. Elle a même passé d’une manière définitive dans le langage théologique de l’Église d’Occident : “conçu du Saint Esprit, né de la Vierge Marie”. L’Incarnation du Verbe, comme toutes les opérations de Dieu “ad extra”, a été accomplie de concert par les trois personnes divines ; on l’impute toutefois plus spécialement à l’Esprit Saint en vertu de l’appropriation, parce que c’est une œuvre génératrice et que la troisième personne de la Sainte Trinité est regardée comme le principe générateur et vivificateur. Nous le voyons remplir ce beau rôle dès l’origine du monde, Gen. 1, 2. Voir sur cette question, S. Thom. Summa Philos. lib. 4, cap. 46, et les théologiens.
Les récits évangéliques (cf. Mt 1, 18-25 ; Lc 1, 26-38) comprennent la conception virginale comme une œuvre divine qui dépasse toute compréhension et toute possibilité humaines (cf. Lc 1, 34) : " Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ", dit l’ange à Joseph au sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1, 20). L’Église y voit l’accomplissement de la promesse divine donnée par le prophète Isaïe : " Voici que la vierge concevra et enfantera un fils " (Is 7, 14, d’après la traduction grecque de Mt 1, 23).