Matthieu 1, 2
Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères,
Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères,
En effet, Abraham fut le premier qui mérita que Dieu rendit témoignage à sa foi, parce qu'il crut à Dieu, et que sa foi lui fut imputée à justice (Gn 15, 16 ; Rm 4, 6 ; Gal 3, 1 ; Jc 3, 23). Il avait aussi droit à nous être représenté comme la souche de la génération du Christ, parce que le premier encore il reçut la promesse de l'établissement de l'Église par ces paroles : " En toi seront bénies toutes les nations de la terre. " David partage également cet honneur que Jésus soit appelé son fils, et la prérogative de voir la généalogie du Sauveur commencer par son nom.
Ou bien il fait mention des douze patriarches pour ôter tout prétexte à l'orgueil qui vient de la noblesse des aïeux. Car plusieurs d'entre eux eurent pour mères de simples servantes, mais tous furent également patriarches et chefs de tribu.
Notre Jacob engendra douze apôtres non dans la chair, mais dans l'esprit, non de son sang, mais par sa parole. Juda signifie celui quiconfesse, qui rend gloire, et en cela il était la figure de Jésus-Christ qui devait rendre gloire à son Père : " Je vous rends gloire, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre. "
Isaac signifie ris. Or le rire des saints n'est pas l'éclat insensé qui sort des lèvres, mais la joie modérée d'une âme raisonnable. En cela il a été la figure du Christ, car de même qu'Isaac fut donné à ses parents dans leur extrême vieillesse pour être leur joie, et leur apprendre qu'il n'était pas l'enfant de la nature mais de la grâce, ainsi Jésus-Christ naquit dans les derniers temps d'une mère juive, pour être la joie de tous ; l'un naquit d'une vierge, l'autre d'une femme âgée, tous deux contre les lois et l'espérance de la nature.
Saint Matthieu en commençant son évangile par la généalogie de Jésus-Christ, prouve par là qu'il a entrepris de nous raconter l'origine de Jésus-Christ selon la chair. Saint Luc au contraire qui se propose de nous le présenter surtout comme Prêtre chargé d'expier nos péchés, ne raconte la généalogie de Jésus-Christ qu'après son baptême, alors que saint Jean lui rendit ce témoignage : Voici celui qui efface les péchés du monde.
La suite des générations dans saint Matthieu nous représente Notre-Seigneur Jésus-Christ prenant sur lui nos péchés, et dans saint Luc, Notre-Seigneur effaçant ces mêmes péchés (cf. Lc 3, 23 : " Et Jésus avait alors trente ans commencés, étant comme l'on croyait, fils de Joseph ") ; c'est pour cela que saint Matthieu dresse cette généalogie en descendant, et saint Luc en remontant. Or saint Matthieu, qui raconte la génération de Jésus-Christ en commençant par ses premiers ancêtres, ouvre la série des générations par Abraham.
L'Évangéliste S. Matthieu voulant graver dans la mémoire la génération de Jésus-Christ selon la chair par la série de ses aïeux, commence par Abraham et dit : " Abraham engendra Isaac. " Pourquoi ne dit-il pas : il engendra Ismaël qui fut l'aîné de ses enfants ? Il ajoute Isaac engendra Jacob. " Pourquoi n'a-t-il pas dit : Il engendra Esaü qui fut son premier-né ? C'est que ni par Ismaël, ni par Esaü on ne pourrait descendre jusqu'à David.
Le nom de Jacob signifie qui supplante, qui renverse, et il est dit du Christ : " Vous avez renversé sous moi ceux qui s'élevaient contre moi (Ps 17, 40). "
La Glose
Cependant les frères de Juda sont comptés avec lui dans la génération, parce qu'ils font partie du peuple de Dieu, tandis qu'Ismaël et Esaü n'ont pas persévéré dans le culte d'un seul Dieu.
Juda est désigné nommément, parce que c'est de lui seul qu'est descendu le Seigneur.
Au sens moral, Abraham par ses exemples est une figure de la vertu de foi, puisqu'il est dit de lui " Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice. " Isaac est la figure de l'espérance, car son nom signifie ris, et il fut en effet la joie de ses parents. Or c'est ce que fait également l'espérance en nous comblant de joie dans l'attente des biens éternels. Abraham engendra Isaac, parce que la foi est mère de l'espérance. Jacob est la figure de la charité, car la charité embrasse à la fois deux vies différentes : la vie active par l'amour du prochain, la vie contemplative par l'amour de Dieu. La vie active est figurée par Lia, la contemplative par Rachel. Lia signifie celle qui travaille, parce que la vie active suppose nécessairement le travail, Rachel le principe vu, car par la vie contemplative on voit Dieu qui est le principe de toutes choses. Jacob a pour aïeul et pour père Abraham et Isaac, parce que la charité naît de la foi et de l'espérance. En effet, ce que nous croyons, ce que nous espérons, nous ne pouvons nous empêcher de l'aimer.
Chacun des aïeux du Christ doit nous rappeler non seulement leur histoire, mais encore une allégorie et une moralité : une allégorie en ce que tous ont été la figure du Christ ; une moralité, parce que chacun d'eux nous inspire la vertu par la signification de son nom ou par les exemples de sa vie. Ainsi Abraham dans plusieurs circonstances a été la figure du Christ et il l'a été de plus par son nom, car Abraham signifie père de plusieurs nations, et le Christ a été aussi le père de tous les fidèles (Ps 17, 40). Abraham sortit encore de sa famille pour aller habiter dans une terre étrangère, et le Christ abandonna le peuple juif pour aller chez les Gentils dans la personne de ses Apôtres.
24. Une fois présenté le titre, la suite de la généalogie est ici élaborée, et elle se divise en trois parties, d’après les trois groupes de quatorze selon lesquels cette généalogie est distribuée. Le premier groupe de quatorze va d’Abraham jusqu’à David et passe par les patriarches [1, 2-6]. Le second va de David jusqu’à la déportation de Babylone et passe par les rois. Le troisième va de la déportation de Babylone jusqu’au Christ : il commence par les dirigeants, puis se poursuit par les personnes privées. La deuxième partie [commence] en cet endroit : ET LE ROI DAVID ENGENDRA SALOMON [1, 6-11]. La troisième [commence] à cet endroit : ET APRÈS LA DÉPORTATION DE BABYLONE, etc. [1, 11-17].
25. La première [partie] est divisée en trois. En effet, en premier lieu, sont présentés les pères qui vécurent avant l’entrée en Égypte. En deuxième lieu, sont présentés ceux qui vécurent pendant la sortie [d’Égypte] même et l’entrée dans la terre promise. En troisième lieu, [sont présentés] ceux qui vécurent après l’entrée dans la terre promise.
26. [Matthieu] dit donc d’abord : ABRAHAM ENGENDRA ISAAC. Ici, il faut observer, avant d’aller plus loin, que deux évangélistes traitent de la génération du Christ selon la chair, à savoir, Luc et Matthieu, mais de manière différente. Et cette différence porte sur cinq points. En effet, ils diffèrent d’abord par l’endroit ; deuxièmement, par l’ordre ; troisièmement, par le mode ; quatrièmement, par le terme ; cinquièmement, par les personnes énumérées.
27. En premier, je dis qu’ils diffèrent par l’endroit, car Matthieu commence à élaborer la génération du Christ au début de l’évangile, alors que Luc ne [le fait] pas au début, mais après le baptême [de Jésus]. Et la raison en est, selon Augustin, que Matthieu a entrepris de décrire la génération charnelle du Christ, et ainsi devait la situer dès le début. Mais l’intention principale de Luc était de mettre en relief dans le Christ la personne sacerdotale, car c’est du prêtre que relève l’expiation des péchés. Et ainsi la génération du Christ est convenablement placée par Luc après le baptême, par lequel se réalise l’expiation des péchés.
28. Deuxièmement, Luc et Matthieu diffèrent par l’ordre de composition de la généalogie du Christ, car Matthieu a établi la généalogie du Christ en commençant par Abraham et en descendant jusqu’au Christ ; mais Luc a commencé par le Christ pour remonter jusqu’à Abraham, et même au-delà. Et la raison en est, selon l’Apôtre, en Rm 4, 25, qu’il y avait deux choses dans le Christ, à savoir, l’humilité par laquelle il a pris la déchéance de notre nature, et la puissance de la divinité et de la grâce, par laquelle il a expié pour nous la déchéance de celle-ci, Rm 8, 3 : Dieu a envoyé son Fils avec une chair semblable à celle du péché, pour la première, et, à partir du péché, a condamné le péché dans la chair, pour la seconde. Ainsi, Matthieu, qui a en vue la génération charnelle du Christ, par laquelle il s’abaisse jusqu’à prendre notre infirmité, décrit convenablement sa génération en descendant. Mais Luc, qui met chez lui en relief la dignité sacerdotale par laquelle nous sommes réconciliés avec Dieu et sommes nous-mêmes unis au Christ, l’a convenablement présentée en remontant.
29. Troisièmement, [Matthieu et Luc] diffèrent par le mode, car dans la description de la généalogie, Matthieu emploie le mot ENGENDRA, mais Luc, le mot fut [le fils de…]. La raison en est que Matthieu, dans toute sa description, ne présente que les pères selon la chair ; mais Luc présente plusieurs pères selon la loi ou par adoption. C’était en effet un précepte de la loi [Dt 25, 5-10] que, si quelqu’un mourait sans laisser de fils, son frère prenait son épouse et lui donnait des fils ; ainsi, ces fils n’étaient pas ceux de celui qui engendrait, mais étaient attribués au premier en vertu d’une certaine adoption. Pour cette raison, Luc, qui présente plusieurs fils engendrés par adoption, ne dit pas engendra, mais fut [le fils de…], car même s’ils ne les avaient pas eux-mêmes engendrés, [ces fils] leur appartenaient cependant en vertu d’une certaine adoption. Mais Matthieu, qui ne présente que les pères charnels, dit ENGENDRA. La raison en est que, comme on l’a dit, Matthieu s’attache surtout à l’humanité du Christ. Et parce que, selon la chair, [le Christ] est né de pères charnels, personne n’est présenté dans la généalogie de Matthieu qui n’ait été un père charnel. Mais Luc met surtout en relief dans le Christ la dignité sacerdotale, par laquelle nous sommes adoptés comme fils de Dieu ; ainsi, il n’a pas présenté seulement les pères charnels, mais aussi les [pères] selon la loi.
30. Quatrièmement, [Matthieu et Luc] diffèrent par le terme, car Matthieu fait débuter sa génération par Abraham et la poursuit jusqu’au Christ ; mais Luc, en commençant par le Christ, [remonte] non seulement jusqu’à Abraham, mais même jusqu’à Dieu. On peut en trouver la raison dans le fait que Matthieu écrivait pour des Hébreux. Or, les Hébreux se glorifiaient par-dessus tout d’Abraham, Jn 8, 33 : Nous sommes la descendance d’Abraham, qui fut à la toute première origine de la foi ; et ainsi, Matthieu a commencé par Abraham. Mais Luc a écrit pour des Grecs, qui ne connaissaient rien d’Abraham qu’à travers le Christ : si le Christ n’avait pas existé, ils n’auraient jamais rien su d’Abraham. C’est pourquoi Luc a commencé par le Christ et a fini non seulement par Abraham, mais par Dieu.
31. Cinquièmement, [Matthieu et Luc] diffèrent par les personnes énumérées, car, dans toute la suite de la généalogie de Luc, il n’est fait aucune mention d’une femme ; mais, en Matthieu, certaines femmes apparaissent. La raison en est, selon Ambroise, que Luc, comme on l’a dit, met surtout en relief la dignité sacerdotale. Or, pour un prêtre, la plus grande pureté est requise. Mais Matthieu a élaboré une génération charnelle ; c’est pourquoi y apparaissent quelques femmes. Il faut cependant noter que, dans toute la généalogie de Matthieu, n’apparaissent que des femmes pécheresses, ou qui s’étaient fait connaître par un péché particulier, comme Thamar, qui avait forniqué, Gn 38, 24, et Ruth, qui fut idolâtre puisque païenne, et l’épouse d’Urie, qui fut adultère, 2 R [2 S] 11, 2s. Selon Jérôme, le but de cela est de montrer que celui dont la généalogie est élaborée est venu pour racheter les pécheurs. Une autre raison est mentionnée par Ambroise, à savoir que la honte de l’Église soit enlevée. En effet, si le Christ a voulu naître de pécheresses, les infidèles ne doivent pas s’en moquer, à condition que ceux qui ont péché viennent vers l’Église. Une autre raison peut être donnée (je pense qu’elle l’est par Chrysostome) : que soit montrée l’imperfection de la loi et que le Christ est venu accomplir la loi. En effet, par le fait que sont mentionnées certaines femmes pécheresses, il est montré que ceux qui étaient les plus grands sous la loi étaient pécheurs, comme David et Juda. Et par cela, il montre l’imperfection des autres. En effet, si ceux-ci furent pécheurs, les autres le furent encore bien davantage, Rm 3, 23 : Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. C’est la raison pour laquelle ceux-là sont placés dans la génération du Christ, afin de montrer que celui-ci avait accompli la loi. À noter cependant que ces femmes, même si elles étaient toutes pécheresses, ne l’étaient pas au moment où leur généalogie a été élaborée, mais avaient déjà été purifiées par la pénitence.
32. [Matthieu] dit donc : ABRAHAM ENGENDRA ISAAC. À noter tout d’abord qu’ici deux choses doivent être prises en considération selon la lettre ou le sens littéral. En premier lieu, le Christ est désigné par les pères mentionnés ; en second lieu, même ces choses se rapportent et peuvent se rapporter à notre enseignement.
33. Il dit donc en premier lieu : ABRAHAM ENGENDRA ISAAC. Et on trouve ceci en Gn 21 : Et Isaac engendra Jacob, et en Gn 25 : Et Jacob engendra Juda et ses frères. Ici, on peut se demander, puisque Abraham a eu un autre fils qu’Isaac, à savoir Ismaël, et de même Isaac, pourquoi on ne les mentionne pas, comme il est dit ici : Juda et ses frères. De même, pourquoi Juda est-il nommément mentionné plutôt que les autres. La raison en est que Juda et ses frères demeurèrent dans le culte du Dieu unique ; c’est pourquoi on les mentionne dans la génération du Christ, mais non Isaac et Ismaël, ni Jacob et Ésaü. En second lieu, cela s’est produit afin que soit montré l’accomplissement dans le Christ de la prophétie de Jacob, Gn 49, 10 : Le sceptre ne sera pas enlevé à Juda et un chef sortira de sa cuisse jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé. Et c’est lui qu’attendront les nations. En effet, il est manifeste que le Seigneur est issu de Juda, comme il est dit en He 7, 14. Ainsi, il est plutôt fait mention de lui que des autres.
25. La première [partie] est divisée en trois. En effet, en premier lieu, sont présentés les pères qui vécurent avant l’entrée en Égypte. En deuxième lieu, sont présentés ceux qui vécurent pendant la sortie [d’Égypte] même et l’entrée dans la terre promise. En troisième lieu, [sont présentés] ceux qui vécurent après l’entrée dans la terre promise.
26. [Matthieu] dit donc d’abord : ABRAHAM ENGENDRA ISAAC. Ici, il faut observer, avant d’aller plus loin, que deux évangélistes traitent de la génération du Christ selon la chair, à savoir, Luc et Matthieu, mais de manière différente. Et cette différence porte sur cinq points. En effet, ils diffèrent d’abord par l’endroit ; deuxièmement, par l’ordre ; troisièmement, par le mode ; quatrièmement, par le terme ; cinquièmement, par les personnes énumérées.
27. En premier, je dis qu’ils diffèrent par l’endroit, car Matthieu commence à élaborer la génération du Christ au début de l’évangile, alors que Luc ne [le fait] pas au début, mais après le baptême [de Jésus]. Et la raison en est, selon Augustin, que Matthieu a entrepris de décrire la génération charnelle du Christ, et ainsi devait la situer dès le début. Mais l’intention principale de Luc était de mettre en relief dans le Christ la personne sacerdotale, car c’est du prêtre que relève l’expiation des péchés. Et ainsi la génération du Christ est convenablement placée par Luc après le baptême, par lequel se réalise l’expiation des péchés.
28. Deuxièmement, Luc et Matthieu diffèrent par l’ordre de composition de la généalogie du Christ, car Matthieu a établi la généalogie du Christ en commençant par Abraham et en descendant jusqu’au Christ ; mais Luc a commencé par le Christ pour remonter jusqu’à Abraham, et même au-delà. Et la raison en est, selon l’Apôtre, en Rm 4, 25, qu’il y avait deux choses dans le Christ, à savoir, l’humilité par laquelle il a pris la déchéance de notre nature, et la puissance de la divinité et de la grâce, par laquelle il a expié pour nous la déchéance de celle-ci, Rm 8, 3 : Dieu a envoyé son Fils avec une chair semblable à celle du péché, pour la première, et, à partir du péché, a condamné le péché dans la chair, pour la seconde. Ainsi, Matthieu, qui a en vue la génération charnelle du Christ, par laquelle il s’abaisse jusqu’à prendre notre infirmité, décrit convenablement sa génération en descendant. Mais Luc, qui met chez lui en relief la dignité sacerdotale par laquelle nous sommes réconciliés avec Dieu et sommes nous-mêmes unis au Christ, l’a convenablement présentée en remontant.
29. Troisièmement, [Matthieu et Luc] diffèrent par le mode, car dans la description de la généalogie, Matthieu emploie le mot ENGENDRA, mais Luc, le mot fut [le fils de…]. La raison en est que Matthieu, dans toute sa description, ne présente que les pères selon la chair ; mais Luc présente plusieurs pères selon la loi ou par adoption. C’était en effet un précepte de la loi [Dt 25, 5-10] que, si quelqu’un mourait sans laisser de fils, son frère prenait son épouse et lui donnait des fils ; ainsi, ces fils n’étaient pas ceux de celui qui engendrait, mais étaient attribués au premier en vertu d’une certaine adoption. Pour cette raison, Luc, qui présente plusieurs fils engendrés par adoption, ne dit pas engendra, mais fut [le fils de…], car même s’ils ne les avaient pas eux-mêmes engendrés, [ces fils] leur appartenaient cependant en vertu d’une certaine adoption. Mais Matthieu, qui ne présente que les pères charnels, dit ENGENDRA. La raison en est que, comme on l’a dit, Matthieu s’attache surtout à l’humanité du Christ. Et parce que, selon la chair, [le Christ] est né de pères charnels, personne n’est présenté dans la généalogie de Matthieu qui n’ait été un père charnel. Mais Luc met surtout en relief dans le Christ la dignité sacerdotale, par laquelle nous sommes adoptés comme fils de Dieu ; ainsi, il n’a pas présenté seulement les pères charnels, mais aussi les [pères] selon la loi.
30. Quatrièmement, [Matthieu et Luc] diffèrent par le terme, car Matthieu fait débuter sa génération par Abraham et la poursuit jusqu’au Christ ; mais Luc, en commençant par le Christ, [remonte] non seulement jusqu’à Abraham, mais même jusqu’à Dieu. On peut en trouver la raison dans le fait que Matthieu écrivait pour des Hébreux. Or, les Hébreux se glorifiaient par-dessus tout d’Abraham, Jn 8, 33 : Nous sommes la descendance d’Abraham, qui fut à la toute première origine de la foi ; et ainsi, Matthieu a commencé par Abraham. Mais Luc a écrit pour des Grecs, qui ne connaissaient rien d’Abraham qu’à travers le Christ : si le Christ n’avait pas existé, ils n’auraient jamais rien su d’Abraham. C’est pourquoi Luc a commencé par le Christ et a fini non seulement par Abraham, mais par Dieu.
31. Cinquièmement, [Matthieu et Luc] diffèrent par les personnes énumérées, car, dans toute la suite de la généalogie de Luc, il n’est fait aucune mention d’une femme ; mais, en Matthieu, certaines femmes apparaissent. La raison en est, selon Ambroise, que Luc, comme on l’a dit, met surtout en relief la dignité sacerdotale. Or, pour un prêtre, la plus grande pureté est requise. Mais Matthieu a élaboré une génération charnelle ; c’est pourquoi y apparaissent quelques femmes. Il faut cependant noter que, dans toute la généalogie de Matthieu, n’apparaissent que des femmes pécheresses, ou qui s’étaient fait connaître par un péché particulier, comme Thamar, qui avait forniqué, Gn 38, 24, et Ruth, qui fut idolâtre puisque païenne, et l’épouse d’Urie, qui fut adultère, 2 R [2 S] 11, 2s. Selon Jérôme, le but de cela est de montrer que celui dont la généalogie est élaborée est venu pour racheter les pécheurs. Une autre raison est mentionnée par Ambroise, à savoir que la honte de l’Église soit enlevée. En effet, si le Christ a voulu naître de pécheresses, les infidèles ne doivent pas s’en moquer, à condition que ceux qui ont péché viennent vers l’Église. Une autre raison peut être donnée (je pense qu’elle l’est par Chrysostome) : que soit montrée l’imperfection de la loi et que le Christ est venu accomplir la loi. En effet, par le fait que sont mentionnées certaines femmes pécheresses, il est montré que ceux qui étaient les plus grands sous la loi étaient pécheurs, comme David et Juda. Et par cela, il montre l’imperfection des autres. En effet, si ceux-ci furent pécheurs, les autres le furent encore bien davantage, Rm 3, 23 : Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. C’est la raison pour laquelle ceux-là sont placés dans la génération du Christ, afin de montrer que celui-ci avait accompli la loi. À noter cependant que ces femmes, même si elles étaient toutes pécheresses, ne l’étaient pas au moment où leur généalogie a été élaborée, mais avaient déjà été purifiées par la pénitence.
32. [Matthieu] dit donc : ABRAHAM ENGENDRA ISAAC. À noter tout d’abord qu’ici deux choses doivent être prises en considération selon la lettre ou le sens littéral. En premier lieu, le Christ est désigné par les pères mentionnés ; en second lieu, même ces choses se rapportent et peuvent se rapporter à notre enseignement.
33. Il dit donc en premier lieu : ABRAHAM ENGENDRA ISAAC. Et on trouve ceci en Gn 21 : Et Isaac engendra Jacob, et en Gn 25 : Et Jacob engendra Juda et ses frères. Ici, on peut se demander, puisque Abraham a eu un autre fils qu’Isaac, à savoir Ismaël, et de même Isaac, pourquoi on ne les mentionne pas, comme il est dit ici : Juda et ses frères. De même, pourquoi Juda est-il nommément mentionné plutôt que les autres. La raison en est que Juda et ses frères demeurèrent dans le culte du Dieu unique ; c’est pourquoi on les mentionne dans la génération du Christ, mais non Isaac et Ismaël, ni Jacob et Ésaü. En second lieu, cela s’est produit afin que soit montré l’accomplissement dans le Christ de la prophétie de Jacob, Gn 49, 10 : Le sceptre ne sera pas enlevé à Juda et un chef sortira de sa cuisse jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé. Et c’est lui qu’attendront les nations. En effet, il est manifeste que le Seigneur est issu de Juda, comme il est dit en He 7, 14. Ainsi, il est plutôt fait mention de lui que des autres.
Juda. Juda est nommé entre tous les fils de Jacob, parce que c’est sur sa tête et sur celle de ses descendants que passèrent, en des termes à jamais célèbres, Gen. 49, 10 ; Cf. Hebr. 7, 14, les promesses messianiques. On mentionne toutefois ses frères d’une manière générale, parce qu’ils furent avec lui les chefs du peuple de Dieu, les fondateurs de ces douze tribus qui devaient former la partie primordiale du royame du Christ. Juda n’était pas l’aîné de la famille, son père non plus, et de même d’autres personnages de notre liste : le privilège d’être l’ancêtre du Messie ne fut donc pas toujours attaché au droit d’aînesse ; mais alors Dieu faisait connaître ses volontés par des révélations spéciales