Matthieu 13, 23
Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Faites attention à cette parole: «Il est aussitôt scan dalisé». Il y a donc une différence entre celui que l'excès des tribulations et de la douleur force pour ainsi dire de renier Jésus-Christ, et celui que le premier vent de la persécution scandalise et fait tomber. - «Celui qui est semé au milieu des épines», etc. Ce qui a été dit autrefois à Adam dans un sens littéral: «Tu mangeras ton pain au milieu des ronces et des épines ( Gn 3,18-19 ) » s'entend ici dans le sens allégorique de tout homme qui se livre aux voluptés du siècle et aux soins de ce monde et qui par là mange le pain céleste et l'aliment de la vérité au milieu des épines.
Cette expression: «La séduction des richesses étouffe la parole»est aussi élégante que vraie, car les richesses sont séduisantes, et elles ne tiennent pas ce qu'elles ont promis. Rien de plus fragile que leur possession; elles portent tantôt d'un côté, tantôt de l'autre leur faveur inconstante, ou bien elles abandonnent celui qui les possédait, ou bien elles viennent enrichir ceux qui en étaient dépourvus: aussi le Seigneur affirme-t-il qu'il est difficile aux riches d'entrer dans le royaume des cieux ( Mc 10,23 Lc 15,34 ), parce que les richesses étouffent la parole de Dieu et amollissent la vigueur des vertus.
Remarquez que comme il y a trois sortes de mauvaises terres, le chemin, la pierre et le champ couvert d'épines, il y a de même trois espèces différentes de bonnes terres: celle qui rend cent pour un, celle qui rend soixante, celle qui rend trente. Et ce qui fait cette différence, ce n'est pas la nature de la terre, qui est la même d'un côté comme de l'autre, mais la volonté. Or, dans les incrédules comme dans ceux qui croient, c'est le coeur qui reçoit la semence; c'est pour cela que Notre-Seigneur a dit de la première espèce de terre: «L'esprit malin vient et enlève ce qui a été semé dans son coeur»,et des deux autres: «C'est celui qui reçoit la parole».Lorsqu'il en vient à la bonne terre, il dit également: «C'est celui qui reçoit la parole». Nous devons donc d'abord entendre, puis comprendre, et, après avoir compris, produire les fruits des enseignements que nous avons reçus, et rendre ou cent, ou soixante, on trente pour un.
Ou bien encore la terre qui rend cent pour un, signifie les vierges; celle qui rend soixante, les veuves; celle qui rend trente ceux qui mènent une vie chaste dans l'état du ma riage. Ou bien enfin le nombre trente est une figure du mariage, parce que
Il en est qui entendent ce passage dans ce sens que les saints, suivant la diversité de leurs mérites, pourront délivrer, les uns trente âmes, les autres soixante, d'autres enfin cent, au jour du jugement, et non dans les temps qui suivront. Or, un sage, voyant que les hommes abusaient pour faire le mal de cette opinion et se promettaient l'impunité au jour du jugement, parce que tous pourraient être sauvés par cette voie, leur répondit qu'il était bien plus prudent de vivre de manière à se trouver parmi ceux dont l'intercession devait délivrer les autres. En effet, ils pourraient être si peu nombreux que, lorsque chacun d'eux aurait délivré le nombre qui lui est assigné, il en restât un plus grand nombre qui ne pourraient être sauvés par leur intercession, et parmi ces derniers se trouve raient tous ceux qui, par une témérité sans fondement, avaient mis toute leur confiance dans les mé rites des autres.
Ou bien le nombre cent, c'est le fruit que produisent les mar tyrs ou par la sainteté de leur vie ou par le mépris qu'ils font de la mort; le nombre soixante, c'est le fruit que rendent les vierges qui, goûtant les douceurs du repos intérieur, n'ont plus à soutenir les combats de la chair; en effet, on donne la retraite après l'âge de soixante ans aux soldats ou aux fonctionnaires publics; le nombre trente est celui des époux, car c'est l'âge de ceux qui sont appelés à combattre, et ils ont en effet les plus rudes assauts à soutenir pour ne pas être vaincus par leurs passions. Ou bien il faut lutter contre l'amour des biens temporels pour lui disputer la victoire; ou bien il faut le tenir dompté et soumis pour réprimer avec faci lité ses moindres mouvements, lorsqu'il veut se soulever; ou enfin, il faut l'éteindre entière ment de manière à ce qu'il ne puisse plus exciter la moindre émotion dans notre âme. Voilà pourquoi nous voyons les uns affronter la mort avec courage pour la défense de la vérité, les autres sans s'émouvoir, d'autres enfin avec joie. Ces trois degrés de vertu correspondent aux fruits que peuvent donner les trois espèces de terre: l'une trente, l'autre soixante, l'autre cent pour un, et il faut au moment de la mort faire partie d'une de ces trois espèces de terre si l'on veut sortir de cette vie dans les conditions qui assurent la récompense.
Ce que l'Évangéliste raconte, c'est-à-dire que le Seigneur a parlé de la sorte, a véritablement eu lieu; mais le récit du Seigneur n'a été qu'une parabole, et dans ce genre de récit on n'exige pas que toutes les circonstances qui le composent aient leur application littérale.
Dans ces paroles, Notre-Seigneur nous explique ce que c'est que la semence, c'est-à-dire la parole du royaume ou de la doctrine évangélique. Il en est qui reçoivent la parole de Dieu sans aucune affection; aussi les démons enlèvent aussitôt la semence de la parole divine répandue dans leur coeur, comme une semence tombée sur un chemin battu. «Celui qui est semé sur la pierre écoute la parole, mais il n'a pas de racines». En effet, la semence ou la pa role de Dieu qui tombe sur la pierre, c'est-à-dire sur un coeur dur et indompté, ne peut fructi fier; sa dureté est trop grande, son désir du ciel trop faible, et cette excessive dureté ne lui permet pas d'avoir de racines.
Ces trois natures de terre différentes représentent tous ceux qui peuvent entendre la parole de Dieu, mais qui ne peuvent lui faire produire des fruits de salut, à l'exception des Gentils, qui n'ont pas même mérité de l'entendre. «Enfin celui qui reçoit la semence dans la bonne terre». La bonne terre, c'est la conscience pure des élus, l'âme des saints qui reçoit la parole de Dieu avec joie, avec désir, avec amour, qui la conserve courageusement dans la prospérité comme dans l'adversité, et lui fait produire des fruits. «Et il porte du fruit, et rend cent, ou soixante, ou trente pour un».
Celui qui prêche la foi en la sainte Trinité rend trente pour un; soixante pour un, celui qui recommande la perfection dans les bonnes oeuvres, car c'est en six jours que l'oeuvre de la création fut achevée ( Gn 2 ); et cent pour un, celui qui promet la vie éternelle, car le nom bre cent passe de la gauche à la droite. Or, par la gauche, il faut entendre la vie présente, et par la droite la vie future. Da ns un autre sens, la parole de Dieu rend trente pour un lorsqu'elle fait germer les bonnes pensées; soixante, lorsqu'elle produit les bonnes paroles; cent, lors qu'elle fait arriver jusqu'aux fruits des bonnes oeuvres.
L'évangile que vous venez d'entendre n'appelle pas d'explication, mais une recommandation. En effet, la Vérité elle-même en a fourni une explication que la faiblesse humaine ne se hasarde pas à discuter. Cependant, en rapport avec l'explication qu'en donne le Seigneur, vous devez examiner avec attention le point suivant: si je vous avais dit que la semence représente la parole, le champ le monde, les oiseaux les démons, et les épines les richesses, vous auriez peut-être, dans le secret de votre coeur, hésité à me croire. Aussi bien le Seigneur a-t-il daigné expliquer lui-même ce qu'il venait de dire, pour que vous soyez capables de rechercher également la signification des paroles qu'il n'a pas voulu expliquer lui-même.
Qui donc m'aurait cru si j'avais avancé que les épines figurent les richesses, d'autant plus que les premières sont acérées et les secondes agréables. Les richesses sont pourtant bien des épines, puisque les soucis qu'elles entraînent avec elles déchirent l'âme de leurs pointes et, après l'avoir poussée au péché, la laissent couverte de sang, comme par une blessure. D'après un autre évangéliste qui rapporte la même parabole, le Seigneur ne les appelle pas richesses mais, avec raison, richesses trompeuses (cf. Mt 13,22). Elles le sont, en effet, puisqu'elles ne peuvent demeurer longtemps en notre possession et qu'elles ne font pas disparaître la pauvreté de notre âme.
Car les seules vraies richesses sont celles qui nous enrichissent de vertus. Aussi, frères bien-aimés, si vous désirez vous enrichir, aimez les vraies richesses. Si vous cherchez à parvenir au sommet de l'honneur véritable, avancez-vous vers le Royaume céleste. Si vous affectionnez la gloire que procure un rang élevé, hâtez-vous de vous enrôler dans la céleste cour des anges.
Après avoir écouté les paroles du Seigneur, retenez-les dans votre âme, car la parole de Dieu est la nourriture de l'âme. La parole que l'on écoute sans la conserver dans les profondeurs de la mémoire, ressemble à une nourriture avalée, puis rejetée par un estomac malade. Aussi bien, celui qui ne garde pas les aliments n'a absolument aucun espoir de vivre. Si donc, après avoir reçu la nourriture de la sainte exhortation, vous ne gardez pas en mémoire les paroles de vie, qui sont les aliments de la justice, craignez le péril de la mort éternelle.
Veillez dès lors à ce que la parole que vous avez reçue résonne au fond de votre coeur et y demeure. Prenez garde que la semence ne tombe le long du chemin, de crainte que l'Esprit mauvais ne vienne enlever la parole de votre mémoire. Prenez garde que le sol pierreux ne reçoive la semence et ne produise une bonne action dépourvue des racines de la persévérance. Beaucoup, en effet, se réjouissent en entendant la parole, et se disposent à entreprendre de bonnes oeuvres. Mais à peine les épreuves ont-elles commencé à les assaillir qu'ils renoncent à ce qu'ils avaient entrepris. Ainsi, le sol pierreux a manqué d'eau, si bien que le germe de la graine n'est pas parvenu à donner le fruit de la persévérance.
Mais la bonne terre donne du fruit par la patience: entendons par là que nos bonnes oeuvres ne peuvent avoir aucune valeur si en outre nous ne supportons pas patiemment les désagréments que nous cause notre prochain. D'ailleurs, plus nous avançons vers la perfection, plus nous avons à endurer de souffrances ici-bas. En effet, une fois que notre âme a abandonné l'amour du monde présent, l'hostilité de ce monde grandit. Voilà pourquoi nous en voyons beaucoup peiner sous un lourd fardeau, alors que leurs oeuvres sont bonnes. Ils ont, il est vrai, déjà renoncé aux convoitises terrestres, et pourtant ils sont affligés de très cruelles épreuves. Mais, selon la parole du Seigneur, ils portent du fruit par leur constance (Lc 8,15), en supportant humblement ces épreuves, si bien qu'après avoir souffert, ils seront invités à entrer dans la paix du ciel.
Qui donc m'aurait cru si j'avais avancé que les épines figurent les richesses, d'autant plus que les premières sont acérées et les secondes agréables. Les richesses sont pourtant bien des épines, puisque les soucis qu'elles entraînent avec elles déchirent l'âme de leurs pointes et, après l'avoir poussée au péché, la laissent couverte de sang, comme par une blessure. D'après un autre évangéliste qui rapporte la même parabole, le Seigneur ne les appelle pas richesses mais, avec raison, richesses trompeuses (cf. Mt 13,22). Elles le sont, en effet, puisqu'elles ne peuvent demeurer longtemps en notre possession et qu'elles ne font pas disparaître la pauvreté de notre âme.
Car les seules vraies richesses sont celles qui nous enrichissent de vertus. Aussi, frères bien-aimés, si vous désirez vous enrichir, aimez les vraies richesses. Si vous cherchez à parvenir au sommet de l'honneur véritable, avancez-vous vers le Royaume céleste. Si vous affectionnez la gloire que procure un rang élevé, hâtez-vous de vous enrôler dans la céleste cour des anges.
Après avoir écouté les paroles du Seigneur, retenez-les dans votre âme, car la parole de Dieu est la nourriture de l'âme. La parole que l'on écoute sans la conserver dans les profondeurs de la mémoire, ressemble à une nourriture avalée, puis rejetée par un estomac malade. Aussi bien, celui qui ne garde pas les aliments n'a absolument aucun espoir de vivre. Si donc, après avoir reçu la nourriture de la sainte exhortation, vous ne gardez pas en mémoire les paroles de vie, qui sont les aliments de la justice, craignez le péril de la mort éternelle.
Veillez dès lors à ce que la parole que vous avez reçue résonne au fond de votre coeur et y demeure. Prenez garde que la semence ne tombe le long du chemin, de crainte que l'Esprit mauvais ne vienne enlever la parole de votre mémoire. Prenez garde que le sol pierreux ne reçoive la semence et ne produise une bonne action dépourvue des racines de la persévérance. Beaucoup, en effet, se réjouissent en entendant la parole, et se disposent à entreprendre de bonnes oeuvres. Mais à peine les épreuves ont-elles commencé à les assaillir qu'ils renoncent à ce qu'ils avaient entrepris. Ainsi, le sol pierreux a manqué d'eau, si bien que le germe de la graine n'est pas parvenu à donner le fruit de la persévérance.
Mais la bonne terre donne du fruit par la patience: entendons par là que nos bonnes oeuvres ne peuvent avoir aucune valeur si en outre nous ne supportons pas patiemment les désagréments que nous cause notre prochain. D'ailleurs, plus nous avançons vers la perfection, plus nous avons à endurer de souffrances ici-bas. En effet, une fois que notre âme a abandonné l'amour du monde présent, l'hostilité de ce monde grandit. Voilà pourquoi nous en voyons beaucoup peiner sous un lourd fardeau, alors que leurs oeuvres sont bonnes. Ils ont, il est vrai, déjà renoncé aux convoitises terrestres, et pourtant ils sont affligés de très cruelles épreuves. Mais, selon la parole du Seigneur, ils portent du fruit par leur constance (Lc 8,15), en supportant humblement ces épreuves, si bien qu'après avoir souffert, ils seront invités à entrer dans la paix du ciel.
C'est avec raison que Notre-Seigneur appelle ces plaisirs des épines, parce qu'ils déchirent l'âme avec les pointes aiguës de leurs pensées, étouffent dans leur germe les fruits spirituels des vertus et ne leur permettent pas de se développer.
La Glose
Notre-Seigneur explique ensuite cette parabole: «Celui qui écoute la parole du royaume et ne la comprend pas», phrase qu'il faut entendre ainsi: «Tout homme qui entend la parole», c'est-à-dire ma prédication, laquelle donne les moyens de mériter le royaume des cieux, et qui ne comprend pas. Or, d'où vient ce défaut d'intelligence? Le voici: «L'esprit malin, c'est-à-dire le démon, vient, et il enlève ce qui avait été semé dans son coeur. Or, tout homme à qui ce malheur arrive, c'est celui qui a été semé le long du chemin. Remarquez aussi que le mot semer s'entend de différentes manières: on dit d'une semence qu'elle a été semée, et aussi d'un champ qu'il a été semé, et nous voyons ici cette double signification. Dans cette phrase: «Il enlève ce qui a été semé»,c'est de la se mence qu'il est ques tion; dans cette autre: «Celui qui a été semé le long du chemin», ce n'est pas de la semence, mais du lieu où elle été répandue, c'est-à-dire de l'homme, qui est le champ ensemencé par la parole de Dieu.
Notre-Seigneur avait déclaré plus haut qu'il n'a pas été donné aux Juifs, mais seulement aux Apôtres, de connaître le royaume de Dieu. Comme conséquence de ces paroles, il leur dit: «Pour vous, écoutez donc la parabole de celui qui sème»,vous à qui sont commu niqués les mystères du ciel.
1562. MAIS CELUI QUI A ÉTÉ SEMÉ DANS LA BONNE TERRE, etc. Après avoir expliqué la triple différence pour ce qui du mal, [le Seigneur] continue pour ce qui est du bien. Il fait une distinction selon trois effets : premièrement, [celui-là] ENTEND, bien plus, IL COMPREND ; de même, IL PORTE DU FRUIT ET PRODUIT TANTÔT CENT, TANTÔT SOIXANTE, TANTÔT TRENTE. L’explication est la même que ci-dessus. Il faut cependant savoir qu’Augustin, La cité de Dieu, II, c. 23, présente l’interprétation de certains qui voulaient donner l’interprétation suivante : «Le jour où le Seigneur viendra pour le jugement, beaucoup de saints prieront pour beaucoup ; et il leur en sera accordé d’autant plus qu’ils seront meilleurs. Ainsi, à certains [saints], il en sera donné trente, à d’autres soixante et à d’autres cent.» Mais cela va contre la foi : en effet, les péchés mortels ne seront pas remis, car ils ne peuvent être remis sans la charité. De sorte que les [péchés] mortels sont contraires à la charité, et les véniels ne le sont pas. C’est pourquoi, etc.
Dans une bonne terre. Terre excellente, soit au sens matériel, soit dans l’application qu’en fait ici Jésus à la
classe des auditeurs parfaits de la prédication céleste ; excellente encore non seulement par sa nature et sa
constitution intime, mais aussi par la culture constante et les soins assidus qu’elle a reçus : elle est donc
bonne à tous égards et d’une manière absolue. - Et qui porte du fruit : la semence y croît sans peine, mais
surtout elle y fructifie avec abondance. Cependant le terrain moral des âmes saintes, de même que le sol
proprement dit, ne fait pas valoir d’une manière uniforme la graine qui lui a été confiée : de là ces moissons
toujours abondantes, mais inégales, qu’on y recueille. Les plus parfaits fournissent les mesures les plus
considérables. « La même grâce spirituelle qui est reçue également par tous les croyants au baptême (et de
mille autres manières) est augmentée ou diminuée ensuite par notre conduite et nos actions, comme il est dit
dans l’Évangile que la semence du Seigneur a été répandue également partout, mais qu’à cause de la
diversité des terrains, elle n’a pas le même sort. Elle donne du trente pour un ou du soixante ou du cent. » St
Cyprien Ép. 69.