Matthieu 14, 12
Les disciples de Jean arrivèrent pour prendre son corps, qu’ils ensevelirent ; puis ils allèrent l’annoncer à Jésus.
Les disciples de Jean arrivèrent pour prendre son corps, qu’ils ensevelirent ; puis ils allèrent l’annoncer à Jésus.
Dans le sens mystique, Jean est la figure de la loi, parce que c'est la loi qui a prédit le Christ, et c'est en prenant son point de départ dans la loi qu'il annonçait lui-même le Christ. Hérode est le roi du peuple, et en cette qualité, il représente seul la personne et la cause de tout le peuple qui lui est soumis. Jean-Baptiste rappelait à Hérode qu'il lui était défendu d'épouser la femme de son frère; car le peuple de la circoncision et les Gentils forment deux peuples distincts. Ces peuples sont frères et descendent de la souche commune du genre hu main. Mais la loi défendait au peuple d'Israël de se mêler aux oeuvres des Gentils et d'imiter leur incrédulité, qui leur était étroitement unie comme par les liens intimes du mariage. Or, le jour de sa naissance, c'est-à-dire au milieu des joies profanes de la terre, la fille d'Hérodiade dansa; car la volupté qui est comme la fille de l'infidélité, se mêlait à toutes les joies d'Israël avec tous les mouvements désordonnés de ses charmes séducteurs, et le peuple lui était vendu comme par un serment. En effet, les Israélites vendirent honteusement les biens ineffables de la vie éternelle en se livrant aux péchés et aux voluptés du siècle. Cette volupté, sous l'inspiration de sa mère, c'est-à-dire de l'incrédulité, a demandé qu'on lui apportât la tête de Jean-Baptiste, c'est-à-dire la gloire de la loi; mais le peuple, convaincu du bien que renfermait la loi, ne consent pas aux exigences de la volupté sans ressentir une vive douleur du danger auquel il s'expose; il sait qu'il n'aurait pas dû sacrifier la gloire des commandements qui lui ont été donnés, mais enchaîné par ses péchés comme par un serment, dépravé et vaincu par la crainte et par l'exemple des princes qui l'entourent, il obéit avec tristesse aux séductions de la volupté. La tête de Jean est donc apportée dans un plat à la fin des joies dissolues de ce peuple impudi que. C'est toujours au détriment de la loi qu'on voit se développer et s'accroître la volupté des sens et le luxe des mondains. Cette tête passe des mains de la mère dans celles de la fille; c'est ainsi que le peuple d'Israël, par un trait de honteuse lâcheté, livre la gloire de la loi à la débau che et à l'incrédulité. Les temps que devait durer la loi étant expirés et ensevelis avec Jean-Baptiste, ses disciples viennent annoncer au Sauveur ce qui vient d'avoir lieu, et passent ainsi de la loi à l'Évangile.
Cette fille est doublement coupable, par sa danse lascive, et pour avoir séduit Hérode à ce point qu'elle pût demander un meurtre pour récompense. Voyez quelle cruauté dans cette danseuse impudique, et quelle faiblesse dans Hérode: il se lie par un ser ment, et il la rend maîtresse de la demande qu'elle voudra lui faire. Lorsqu'il vit le crime qui allait résulter de cette demande, il s'attriste, dit l'Évangéliste: « Et le roi fut contristé ». Car la vertu force les méchants eux-mêmes à lui payer le tribut de leur admiration et de leurs louanges.
Ou bien dans un autre sens, c'est la coutume des Écritures que l'écrivain sacré rapporte comme la vérité l'opinion la plus commune parmi les contemporains. Ainsi, de même que Marie elle-même appelle Joseph le père de Jésus ( Lc 2,48 ), ainsi l'Évangéliste nous dit qu'Hérode fut contristé, parce que telle fut l'opinion des convives. Car ce fourbe, habile à dis simuler les sentiments de son âme, cet artisan d'homicide affectait un air triste pendant que son coeur était dans la joie. « A cause du serment », etc. Il fait servir son serment d'excuse à son crime et devient impie en se couvrant du manteau de la religion. L'Évangéliste ajoute: « Et à cause de ceux qui étaient à table avec lui ». C'est-à-dire qu'Hérode veut les rendre tous com plices de son crime, et, dans un festin où préside l'impureté, leur servir des mets ensanglantés. Mais s'il craignait d'avoir des témoins de son parjure, ne devait-il pas craindre beaucoup plus d'avoir tant de témoins de ce meurtre impie?
Remarquez comment les disciples de Jean sont entrés dans une plus grande intimité avec Jésus; ce sont eux qui viennent le trouver pour lui annoncer la mort du saint pré curseur: « Et ils vinrent l'annoncer à Jésus ».Ils abandonnent tous les autres pour se réfugier auprès de Jésus-Christ, après avoir été amenés à lui peu à peu, et par la réponse qu'il leur avait faite, et par le malheur qu'ils venaient d'éprouver.
Ou bien encore, nous voyons jusqu'à ce jour dans cette tête de Jean-Baptiste, qui était prophète, les Juifs qui ont perdu Jésus-Christ, la tête et le chef des prophètes.
Nous ne voyons dans l'Écriture que Pharaon et Hérode qui aient célébré l'anniversaire de leur naissance; il était juste qu'ils fussent unis pour la célébration de cette fête comme ils l'étaient par leur im piété.
Je ne puis excuser Hérode, d'avoir commis cet homicide malgré lui et contre sa vo lonté, et par respect pour son serment; car peut-être ne l'avait-il fait que pour préparer les voies à ce meurtre affreux. Mais puisqu'il veut se justifier en alléguant son serment, l'aurait-il exécuté si on lui eût demandé la mort de son père ou de sa mère? Il n'aurait fait aucun cas de ce serment s'il se fût agi de personnes qui le touchassent de si près; ne devait-il pas le respec ter davantage quand on lui demandait la tête d'un prophète?
Hérodiade, craignant qu'Hérode ne vint à se re pentir ou ne se réconciliât avec son frère Philippe, et que les liens criminels qui l'unissaient à Hérode ne fussent rompus par une répudiation, commande à sa fille de demander immédiate ment et au milieu du repas la tête de Jean. Le sang était le digne prix des pas d'une infâme dan seuse.
Nous lisons dans l'histoire romaine que Flaminius, général romain, ayant près de lui, dans un festin, une courtisane qui lui disait qu'elle n'avait jamais vu d'homme dé capité, commanda qu'un criminel condamné à mort fût exécuté sous ses yeux, au milieu même du banquet. Les censeurs le chassèrent du sénat pour avoir osé associer l'horreur du sang ré pandu aux joies d'un festin, et donné comme un spectacle agréable la mort d'un homme, bien que coupable, joignant ainsi le libertinage à l'homicide. Mais combien plus grand fut le crime d'Hérode, d'Hérodiade et de cette jeune fille qui, comme prix d'une danse lascive, demande la tête d'un prophète, pour avoir en sa puissance cette langue qui avait condamné un commerce criminel. « Et la tête de Jean fut donnée à cette fille »
Nous pouvons entendre ici les disciples de Jean aussi bien que ceux du Sauveur.
Il faut se rappeler que non-seulement les femmes riches, mais encore les plus pauvres ont coutume d'élever leurs filles dans de si grands sentiments de pudeur, qu'elles demeurent presque invisibles pour les étrangers. Mais cette femme impudique apprit à sa fille à braver toute pudeur, et loin de lui donner des leçons de modestie, lui enseigna des danses lascives. Hérode ne fut pas moins coupable d'avoir oublié que sa maison était une maison royale et d'avoir permis à cette femme d'en faire une salle de spectacle. « Et elle plut à Hérode », etc.
C'est ainsi qu'un premier crime l'a entraîné dans un crime plus grand encore, il n'a point étouffé un désir impudique, il est tombé dans la débauche, et pour n'avoir pas mis de frein à sa passion volup tueuse, il s'est précipité dans le crime affreux de l'homicide. « Et il envoya couper la tête à Jean », etc.
Ou bien la décollation de Jean-Baptiste signifie la diminution, l'amoindrissement que subit sa réputation dans l'opinion des Juifs, qui s'étaient imaginés qu'il était le Christ ( Lc 3,15 ); de même que l'élévation du Seigneur sur la croix représente le progrès de la foi, et c'est dans ce sens que Jean avait dit ( Jn 1 ): « Il faut qu'il croisse, et moi que je diminue ».
Jean-Baptiste n'a pas été mis à mort pour avoir confessé le nom du Christ, mais comme victime de la vérité et de la justice. Or, comme le Christ est la vérité, c'est pour le Christ qu'il a combattu jusqu'à la mort. « Ses disciples vinrent ensuite »,etc.
Ce n'est pas sans un étonnement profond que je considère cet homme, rempli de l'esprit de prophétie dès le sein de sa mère ( Lc 1,41 ), et qui n'en eut point de plus grand que lui parmi ceux qui sont nés des femmes, jeté en prison par les méchants, décapité pour récompenser la danse lascive d'une jeune fille, et mourant, lui d'une sainteté si éminente, pour l'amusement de gens infâmes ! Pourrions-nous penser, en effet, que cette mort ignominieuse a été la peine de quelques fautes de sa vie? Non, Dieu n'abaisse et n'humilie ainsi ses élus sur la terre, que parce qu'il sait comment il les récompensera dans les cieux; concluons de là ce que souffriront un jour ceux qu'il ré prouve, s'il tourmente ainsi ceux qu'il aime.
Lorsque vos promesses sont mauvaises, gardez-vous de les mettre à exécution; la promesse qui ne peut s'accomplir que par un crime est une impiété, et on ne doit pas observer un serment par lequel on s'est imprudem ment engagé à commettre le mal. « Celle-ci ayant été instruite auparavant par sa mère dit: Donnez-moi présentement dans un bassin la tête de Jean-Baptiste ».
C'est parmi eux que le prophète a perdu la langue et la voix.
Josèphe raconte que Jean fut amené chargé de chaînes au château de Machéronte, et que ce fut là qu'il fut décapité. L'histoire nous apprend d'ailleurs qu'il fut enseveli dans Sébaste, ville de Palestine, appelée autrefois Samarie.
La Glose
Après avoir raconté l'emprisonnement de Jean-Baptiste, l'Évangéliste nous fait le récit de sa mort: « Or, le jour de la naissance d'Hérode »,etc.
1673. Il s’agit ici de la sépulture de Jean et elle est considérée comme une œuvre de miséricorde. Toutefois, il semble que la miséricorde ne concerne pas un mort, car, si elle le concernait, il semble que ce que dit le Seigneur ne serait pas vrai : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps [Mt 10, 28]. Pourquoi donc est-elle considérée comme une œuvre de miséricorde ? Il faut dire que, même si [la sépulture] n’est pas utile [au mort] quant à l’effet, qu’il obtient immédiatement, elle lui est utile quant à l’affection qu’on porte présentement au mort. ILS PRIRENT donc SON CORPS ET L’ENSEVELIRENT : on dit que ce fut à Sébaste, puisque c’est proche de là. Lorsque Julien l’Apostat constata que beaucoup s’approchaient de [ses] reliques, il le fit brûler, à l’exception de la tête.
1674. PUIS ILS ALLÈRENT INFORMER JÉSUS. Les disciples de Jean, qui avaient d’abord calomnié Jésus, revinrent vers Jésus après la mort de Jean et en devinrent des proches. Ainsi, certains, au moment de la tribulation, se convertissent au Christ. Os 6, 1 : Dans leurs tribulations, le matin venu, ils se tourneront vers moi.
1674. PUIS ILS ALLÈRENT INFORMER JÉSUS. Les disciples de Jean, qui avaient d’abord calomnié Jésus, revinrent vers Jésus après la mort de Jean et en devinrent des proches. Ainsi, certains, au moment de la tribulation, se convertissent au Christ. Os 6, 1 : Dans leurs tribulations, le matin venu, ils se tourneront vers moi.
Après avoir raconté le martyre de Jean-Baptiste, S. Matthieu dit un mot de la
sépulture honorable qui lui fut donnée par ses disciples. - Les disciples vinrent. On leur avait permis de
visiter leur Maître dans sa prison, on leur permet maintenant d’ensevelir sa précieuse dépouille. - Et
l'ensevelirent. D’après une ancienne tradition, le corps du Précurseur aurait été transporté et enterré à
Sébaste, l’ancienne Samarie, dans la province de ce nom. - Ils allèrent l'annoncer. Les honneurs funèbres
une fois rendus à S. Jean, ses disciples viennent trouver Jésus et lui annoncent la douloureuse nouvelle,
sachant qu’elle devait l’intéresser plus que personne. Il est beau de les voir accourir ainsi auprès du Sauveur :
on aime à croire, à la suite de S. Jean Chrysostôme, Hom. 49, qu’ils s’attachèrent définitivement à lui, leur
Maître leur ayant obtenu par sa mort le don d’une foi complète, qu’il n’avait pu réussir toujours à leur
communiquer durant sa vie.