Matthieu 16, 25

Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.

Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.
Origène
Mais quand même nous nous abstiendrions de tout péché, si nous n'embrassons par la foi la croix de Jésus-Christ, on ne peut pas dire que nous sommes crucifiés avec lui.

Ces paroles peuvent s'entendre de deux manières: premièrement, si quelqu'un, par af fection pour la vie présente, épargne son âme dans la crainte de la mort, et parce qu'il croit que cette mort est la perte de son âme, en voulant sauver son âme, de cette manière, il la perdra, et lui fera perdre tous ses droits à la vie éternelle. Mais celui, au contraire, qui méprise la vie présente et qui aura combattu jusqu'à la mort pour la vérité (cf. Si 4,23 ), celui-là perdra son âme pour cette vie, mais comme il la perd pour Jésus-Christ, il la sauve infailliblement pour la vie éternelle. Ou bien encore, dans un autre sens Si quelqu'un comprend en quoi consiste le salut véritable, et veut procurer ce salut à son âme, en se renonçant lui-même, il perd son âme pour Jésus-Christ, quant à la jouissance des plaisirs charnels; et en perdant son âme de cette manière, il la sauve par les oeuvres de piété. Cette expression: «Celui qui voudra», indique que cette proposition et celle qui précède n'ont qu'un seul et même sens. Si donc ce que Jésus a dit plus haut: «Qu'il se renonce lui-même», doit s'entendre de la mort du corps, nous devons conclure que tout doit s'entendre de cette mort seule. Si, au contraire, se renoncer soi-même c'est se dépouiller de toute habitude de vie sensuelle, perdre son âme, c'est vivre entièrement séparé des plaisirs de la chair.
Saint Jean Chrysostome
Après que Pierre eut dit au Sauveur: «Soyez-vous favorable, cela ne vous arrivera pas», et qu'il en a reçu cette réponse: «Retirez-vous derrière moi, Satan», Notre-Seigneur, non content de lui avoir fait ce reproche, veut lui démontrer pleinement toute l'inconvenance de son langage et les fruits de sa passion: «Alors Jésus dit à ses disciples «Si quelqu'un veut venir après moi», paroles dont voici le sens: Vous me dites: Épargnez-vous, Seigneur, et moi je vous dis que non-seulement c'est une chose funeste pour vous de me dis suader de souffrir, mais que vous-mêmes vous ne pourrez être sauvés sans souffrir et mourir, et sans un renoncement continuel à votre vie. Remarquez, du reste, qu'il n'impose pas ici de nécessité. Il ne dit pas: Quand même vous ne voudriez pas, il vous faut souffrir, mais: «Si quelqu'un veut», paroles qui étaient pour ses disciples un attrait bien plus puissant, car en lais sant toute liberté à celui qui vous écoute, vous l'attirez plus sûrement, tandis que vous l'éloignez davantage si vous lui faites violence. Ce n'est pas, du reste, à ses disciples seuls qu'il propose ces conditions, c'est en général à tout l'univers: «Si quelqu'un veut», c'est-à-dire si une femme, si un homme, si un roi, si un esclave, etc. Or, ces conditions sont au nombre de trois: Qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix, et qu'il me suive.

Ou bien encore, celui qui renonce son frère, ou son serviteur, ou n'importe quel autre homme, c'est celui qui ne lui porte aucun secours lorsqu'il le voit déchiré sous les coups de fouets, ou soumis à d'autres tourments. Ainsi le Sauveur veut-il que nous ne ménagions pas davantage notre corps, soit qu'on nous frappe de verges, soit qu'on nous accable d'autres mauvais traitements; car c'est l'épargner en réalité, de même que les pères épargnent véritablement leurs enfants, lorsque les confiant aux soins de leurs maîtres, ils leur recommandent de n'avoir pour eux aucun ménagement. Et ne croyez pas que ce renon cement à soi-même ne doive s'étendre qu'aux paroles injurieuses et aux outrages. Notre-Seigneur nous découvre clairement jusqu'où il faut porter ce renoncement, jusqu'à la mort la plus honteuse, jusqu'à la mort de la croix, comme il nous l'exprime par ces paroles: «Qu'il porte sa croix, et qu'il me suive».

Mais comme les voleurs eux-mêmes sont exposés à de nombreuses et à de rudes épreuves, Notre-Seigneur, ne voulant pas vous laisser croire qu'il suffit de souffrir en général, vous fait connaître la cause pour laquelle vous devez souffrir, en ajoutant: «Et qu'il me suive». C'est-à-dire qu'il vous faut tout supporter pour l'amour de lui, et pratiquer à son exemple toutes les vertus; car la seule manière légitime de suivre Jésus-Christ, c'est d'être plein de zèle pour les vertus, et de tout supporter pour l'amour de lui.

Notre-Seigneur adoucit par les paroles qui suivent ce que ce langage pouvait avoir de trop sévère pour ceux qui l'entendaient; il promet des récompenses supérieu res aux peines endurées pour son nom, en même temps qu'il prédit les châtiments réservés à la méchanceté et à la négligence. «Celui qui voudra sauver sa vie la perdra».
Saint Jérôme
Il faut suivre le Seigneur en prenant suit nous la croix de sa passion, et l'accompagner, sinon en réalité, du moins par l'intention et le désir du coeur.

Ou bien encore, celui qui est crucifié au monde porte sa croix, et celui pour lequel le monde est crucifié marche à la suite du Seigneur attaché sur la croix.
Saint Grégoire le Grand
Si nous ne commençons, en effet, par nous détacher de nous-mêmes, nous ne pouvons nous approcher de celui qui est au-dessus de nous; mais si nous nous laissons nous-mêmes, où pourrons-nous aller en dehors de nous? Ou bien, que de vient celui qui s'en va, s'il s'abandonne lui-même? Rappelons-nous ici que le péché nous a fait dé choir de l'état où Dieu nous avait créés dans l'origine; nous nous laissons donc nous-mêmes, nous nous renonçons nous-mêmes lorsque nous évitons ce que nous suggérait le vieil homme, et que nous tendons vers cette sainte nouveauté à laquelle Dieu nous appelle.

On se renonce encore soi-même quand on réforme sa conduite, et que l'on commence d'être ce qu'on n'était pas en cessant d'être ce qu'on était.

C'est encore se renoncer soi-même que de fouler aux pieds l'enflure de l'orgueil et de se montrer aux yeux de Dieu tout à fait dépouillé de soi-même.

Il y a aussi deux manières de porter sa croix, lorsqu'on mortifie son corps par l'abstinence, ou lorsqu'on afflige son âme en compatissant aux misères du prochain. Mais comme les vertus sont toujours entremêlées de quelques vices, il faut nous avouer à nous-mêmes que la vaine gloire vient quelquefois attaquer la mortification de la chair; car la mai greur extérieure du corps, la pâleur du visage, découvrent la vertu et l'exposent aux louanges des hommes. D'un autre côté, la compassion dégénère presque toujours secrètement en une fausse tendresse, qui l'entraîne quelquefois jusqu'à la condescendance pour les vices; et c'est pour nous faire éviter ce danger qu'il ajoute: «Et qu'il me suive».
Saint Thomas d'Aquin
1875. EN EFFET, QUI VOUDRA SAUVER SON ÂME LA PERDRA. Ici est donnée la raison de son avertissement et cette raison est tirée de la grandeur de la récompense. Et cela peut se lire de deux façons. En effet, il existe un double salut : le salut de l’âme, et c’est celui des justes ; et le salut du corps, et c’est celui de tous, même des animaux. Ps 35[36], 7 : Tu sauveras les hommes et les animaux, Seigneur. Disons donc : QUI VEUT SAUVER SON ÂME, en ne reniant pas la vie corporelle et en ne supportant pas la croix, LA PERDRA. Plus haut, [le Seigneur] a dit : QUI VEUT ; ici, il dit : QUI VOUDRA. Ainsi, de même qu’on pouvait interpréter [la première expression] d’une double façon, de même en est-il de cette [dernière]. QUI VOUDRA [SAUVER] SON ÂME, qui est le principe de la vie corporelle, à savoir, [voudra] que celle-ci ne soit pas tuée ou ne souffre pas de compassion, LA PERDRA. Ps 72[73], 27 : Tu perdras tous ceux qui te seront infidèles. MAIS QUI PERDRA SA VIE, en la livrant à la mort ou en refusant les plaisirs, À CAUSE DE MOI, LA TROUVERA. Si 51, 35 : J’ai travaillé un peu, et j’ai trouvé un grand repos.

1876. Ou bien [on peut l’interpréter] ainsi : QUI VOUDRA SAUVER SON ÂME et la conduire au salut éternel. Is 51, 6 : Mon salut durera pour l’éternité, LA PERDRA, soit en endurant la mort, soit en refusant ce qui est charnel. QUI LA PERDRA À CAUSE DE MOI, c’est-à-dire qu’il aura abandonné les désirs charnels, LA TROUVERA, à savoir, la vie. 2 Co 13, 4 : Mais nous, nos sommes faibles en lui, mais nous vivrons avec lui.
Louis-Claude Fillion
Ce verset et le suivant contiennent de puissants motifs destinés à rendre plus facile aux chrétiens l’accomplissement des préceptes pénibles que Jésus vient de leur imposer. Agir selon les prescriptions du Christ, quelque dures qu’elles soient pour la nature, c’est sauver son âme : agir autrement, c’est la perdre sans retour. Montrant donc la fin de toute vie humaine, Notre-Seigneur rappelle à ses auditeurs soit pour les effrayer, soit pour les encourager, les châtiments ou les récompenses qui les attendent après leur mort. Or, dit-il, en face de ces récompenses, qu’est-ce que perdre la vie en ce monde puisqu’on la gagne ainsi pour l’éternité ? Qu’est-ce que sauver sa vie sur la terre, puisqu’on la perd ainsi à tout jamais ? - Nous avons précédemment expliqué cette sentence paradoxale, car Jésus l’avait déjà prononcée lorsqu’il envoyait les Apôtres prêcher l’Évangile à leurs compatriotes. Cf. 10, 39.
Catéchisme de l'Église catholique
Souvent, le terme âme désigne dans l’Écriture Sainte la vie humaine (cf. Mt 16, 25-26 ; Jn 15, 13) ou toute la personne humaine (cf. Ac 2, 41). Mais il désigne aussi ce qu’il y a de plus intime en l’homme (cf. Mt 26, 38 ; Jn 12, 27) et de plus grande valeur en lui (cf. Mt 10, 28 ; 2 M 6, 30), ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu : " âme " signifie le principe spirituel en l’homme.

Les liens familiaux, s’ils sont importants, ne sont pas absolus. De même que l’enfant grandit vers sa maturité et son autonomie humaines et spirituelles, de même sa vocation singulière qui vient de Dieu s’affirme avec plus de clarté et de force. Les parents respecteront cet appel et favoriseront la réponse de leurs enfants à le suivre. Il faut se convaincre que la vocation première du chrétien est de suivre Jésus (cf. Mt 16, 25) : " Qui aime père et mère plus que moi, n’est pas digne de moi, et qui aime fils ou fille plus que moi n’est pas digne de moi " (Mt 10, 37).
Pape Benoît XVI
Cela fait partie des développements de l'amour vers des degrés plus élevés, vers ses purifications profondes, de l'amour qui cherche maintenant son caractère définitif, et cela en un double sens : dans le sens d’un caractère exclusif – «cette personne seulement» – et dans le sens d’un «pour toujours». L’amour comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. Il ne pourrait en être autrement, puisque sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité. Oui, l’amour est «extase», mais extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu : «Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera» (Lc 17, 33), dit Jésus – une de ses affirmations qu’on retrouve dans les Évangiles avec plusieurs variantes (cf. Mt 10, 39; 16, 25; Mc 8, 35; Lc 9, 24; Jn 12, 25). Jésus décrit ainsi son chemin personnel, qui le conduit par la croix jusqu’à la résurrection; c’est le chemin du grain de blé tombé en terre qui meurt et qui porte ainsi beaucoup de fruit. Mais il décrit aussi par ces paroles l’essence de l’amour et de l’existence humaine en général, partant du centre de son sacrifice personnel et de l’amour qui parvient en lui à son accomplissement.