Matthieu 17, 9

En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Origène
Cette nuée qui couvre et protège les saints, c'est la vertu du Père, ou bien l'Esprit saint; je dirai même que notre Sauveur est la nuée lumineuse qui couvre l'Évangile, la loi et les prophètes, comme le comprennent bien ceux qui peu vent y contempler sa lumière.

La voix qui sort de la nuée s'adressait à Moïse et à Élie qui désiraient voir et entendre le Fils de Dieu, ou bien aux Apôtres pour les instruire.
Saint Hilaire de Poitiers
La voix qui sort de la nuée proclame non-seulement qu'il est le Fils, qu'il est le bien-aimé, celui en qui le Père met son affection, mais encore celui qu'il faut écouter, afin qu'il fût regardé comme le Maître de tels docteurs, lui qui, après sa mort, devait confirmer par un exemple éclatant la gloire du royaume céleste.

Il leur ordonne encore de garder le si lence sur les choses qui viennent de s'accomplir, il veut qu'ils soient remplis de l'Esprit saint avant de rendre témoignage aux faits spirituels qui se sont passés sous leurs yeux.
Saint Jean Chrysostome
Quand le Seigneur menace, il fait apparaître une nuée ténébreuse, comme sur le mont Sinaï; mais ici il fait briller une nuée lumineuse, parce qu'il veut, non pas épouvanter, mais instruire.

Ce n'est ni Moïse ni Élie qui prennent la parole, mais c'est le Père, qui est au-dessus d'eux tous, qui fait entendre sa voix du sein de la nuée, afin que les disciples ne puissent douter que cette voix vient de Dieu, car Dieu apparaît ordinairement dans une nuée, comme il est écrit dans le livre des Psaumes ( Ps 97 ): «

Une nuée est autour de lui, et l'obscurité l'environne », c'est ce que nous voyons ici: « Et une voix vint de la nuée », etc.

Soyez donc sans crainte, Pierre: si Dieu est puissant, il est évident que son Fils a une puissance égale à la sienne; s'il en est aimé, n'ayez aucune crainte; personne ne trahit et n'abandonne celui qu'il aime. Or, vous ne l'aimez pas autant que l'aime son Père; car il n'aime pas seulement son Fils parce qu'il l'a engendré, mais parce qu'il n'a qu'une seule et même volonté avec lui. «

Dans lequel j'ai mis toute mon affection ». C'est-à-dire dans lequel je repose et que j'ai pour agréable, parce qu'il remplit avec zèle toutes les vo lontés de son Père. Sa volonté est la même que celle de son Père; si donc il veut souffrir la mort de la croix, ne vous y opposez pas.

Mais comment se fait-il que les disciples tombent ainsi sur la montagne, alors qu'au baptême de Jésus-Christ, quand une voix semblable se fit entendre, personne, dans la multitude qui était présente, n'éprouva cette impression extraordinaire de crainte? C'est que la solitude, l'élévation de la montagne, le silence profond qui s'étendait au loin, la transfiguration elle-même, si propre à saisir l'imagination, et cette lumière si pure, et cette nuée lumineuse, toutes ces circonstances réunies impressionnaient vive ment les disciples.
Saint Jérôme
Ceux qui désiraient une tente matérielle faite avec des branches ou des tentures, sont enveloppés et couverts d'un nuage brillant. « Lorsqu'il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit », etc.

La demande de Pierre était imprudente: aussi le Seigneur ne lui fait pas de réponse, mais c'est le Père lui-même qui répond pour le Fils, afin d'accomplir cette parole du Seigneur: « Celui qui m'a envoyé, c'est lui-même qui me rend témoignage » ( Jn 8,18 ).

Le Père fait entendre sa voix du haut du ciel, pour rendre témoignage à son Fils, pour dissiper l'erreur de Pierre, et lui enseigner la vérité, ainsi qu'aux autres Apôtres par son inter médiaire; c'est pour cela qu'il dit: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». C'est pour lui qu'il faut dresser une tente, c'est à lui qu'il faut obéir, c'est lui qui est le Fils, les autres ne sont que les serviteurs; ils doivent, à votre exemple, préparer au Seigneur une tente dans le secret de leur coeur.

Ils sont saisis d'effroi pour trois raisons: ou bien parce qu'ils ont reconnu leur erreur, ou bien parce que cette nuée lumineuse les avait enveloppés, ou bien enfin parce qu'ils avaient entendu la voix de Dieu le Père; car la fragilité humaine ne peut supporter la vue d'une gloire bien au-dessus d'elle; l'épouvante s'empare de tout son être, et elle tombe la face contre terre; en effet plus l'homme veut étendre et agrandir ses recherches, plus il fait de lour des chutes, quand il méconnaît ses forces.

Comme ils étaient étendus à terre et ne pouvaient se relever, il s'approcha avec bonté et les toucha, pour dissiper ainsi leur crainte, et fortifier leurs membres affaiblis: « Mais Jésus s'étant approché, les toucha ». Il les avait guéris en les touchant, il complète leur guérison par cette parole de commandement: « Levez-vous, et ne craignez point ». Il chasse d'abord la crainte, afin de pouvoir ensuite les instruire. « Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jé sus seul ». Effet d'une conduite pleine de sagesse; car si Moïse et Élie étaient restés avec le Seigneur, on n'aurait pas su d'une manière certaine à qui la voix du Père rendait témoignage. Ils voient Jésus debout, alors que la nuée est dissipée, et que Moïse et Élie ont disparu; car après que l'ombre de la loi et des prophètes s'est retirée, on les retrouve tous deux dans l'Évangile. - Suite. « Et lorsqu'ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement et leur dit: Vous ne direz à personne ce que vous avez vu ». Il ne veut pas que cet évé nement soit prêché au peuple, dans la crainte que la grandeur même du prodige ne le rendît incroyable, et que la croix qui devait suivre la manifestation d'une si grande gloire ne fut un scandale pour les esprits grossiers.
Saint Augustin
Le Seigneur Jésus devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la neige, et Moïse et Elle s'entretenaient avec lui (cf. Mt 17,2-3).

Témoin de ce spectacle, Pierre, en homme qu'il était, eut des pensées humaines. Il dit: Seigneur, il nous est bon d'être ici! Las de vivre au milieu de la foule, il avait trouvé la solitude sur la montagne, où son âme se nourrissait du Christ. Pourquoi quitter ce lieu pour aller vers les fatigues et les peines, puisqu'il brûlait pour Dieu d'un saint amour et, par le fait même, sanctifiait sa vie? Il voulait ce bonheur pour lui, si bien qu'il ajouta: Si tu le veux, faisons ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elle (Mt 17,4).

Le Seigneur ne répondit rien à cela, et pourtant Pierre obtint une réponse. En effet, tandis qu'il parlait, une nuée lumineuse apparut et les couvrit de son ombre. Pierre désirait trois tentes: la réponse ve nue du ciel montra que nous n'en avons qu'une, que l'esprit humain voulait pourtant diviser. Le Verbe de Dieu est le Christ, le Verbe de Dieu est dans la Loi, le Verbe de Dieu est dans les Prophètes. Pourquoi, Pierre, cherches-tu à le diviser? Tu devrais plutôt unir. Tu demandes trois tentes: comprends qu'il n'y en a qu'une.

Au moment donc où la nuée les enveloppa tous, et forma pour ainsi dire une seule tente au-dessus d'eux, une voix en sortit et ils entendirent ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé.

Moïse était là, Élie aussi était là, mais la voix ne dit point: "Ceux-ci sont mes fils bien-aimés." Car autre chose est d'être le Fils unique; autre chose, des enfants adoptifs. Celui que la voix révélait est celui dont la Loi et les Prophètes se glorifiaient. Celui-ci, disait-elle, est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le (Mt 17,5). Car vous l'avez écouté dans les Prophètes, vous l'avez écouté dans la Loi, et où ne l'avez-vous pas entendu? A ces mots, les disciples tombèrent à terre.

Ceci nous fait déjà comprendre que le Royaume de Dieu est présent dans l'Église. Le Seigneur était là, la Loi et les Prophètes étaient là. Mais le Seigneur y était comme Seigneur. La Loi était représentée par Moïse, la Prophétie par Élie. Mais tous deux se trouvaient là comme serviteurs et ministres. Ils étaient comme des récipients, le Seigneur comme la source. Moïse et les Prophètes parlaient et écrivaient, mais c'était lui qui les remplissait des paroles qu'ils répandaient.

Alors le Seigneur tendit la main et remit ses disciples debout. Puis ils ne virent plus que Jésus seul (Mt 17,8). En tombant à terre, les Apôtres symbolisent notre mort, car il a été dit à la chair: Tu es poussière et tu retourneras à la poussière (Gn 3,19). Mais, en les relevant, le Seigneur symbolise la résurrection. Et, après la résurrection, à quoi te sert la Loi? A quoi te sert la Prophétie? Dès lors Élie disparaît, et Moïse disparaît. Ce qui te reste, c'est: Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu (Jn 1,1). Le Verbe te reste pour que Dieu soit tout en tous (1Co 15,28).

Descends, Pierre. Tu désirais te reposer sur la montagne <>. Voici que le Seigneur lui-même te dit: "Descends pour peiner et servir en ce monde, pour être méprisé et crucifié en ce monde." La vie est descendue pour être mise à mort, le pain est descendu pour endurer la faim, la voie est descendue pour se fatiguer sur le chemin, la source est descendue pour endurer la soif, et toi, tu refuses de souffrir? Ne cherche pas ton profit. Pratique la charité, annonce la vérité. Tu parviendras alors à l'immortalité, et, avec elle, tu trouveras la paix.
Saint Rémi
Il dit donc: « Écoutez-le », c'est-à-dire en d'autres termes: Que les ombres de la loi disparaissent, ainsi que les figures des prophètes, et ne suivez plus que la lumière brillante de l'Évangile. - Ou bien encore, ces paroles: « Écoutez-le », signifient qu'il est celui que Moïse avait prédit en ces termes: « Dieu vous suscitera un prophète du milieu de vos frères: vous l'écouterez comme moi » ( Dt 18 ). C'est ainsi que le Seigneur se procure des témoins de tous côtés, la voix du Père du haut du ciel, Élie qui vient du paradis, Moïse sortant des limbes, les Apôtres choisis parmi les hommes: « Afin qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse, sur la terre, dans le ciel et dans les enfers » ( Ph 2 ).

Les saints Apôtres tombent la face contre terre ( Gn 17,3 Nb 16,4 Nb 16,52 Tb 12,16 Gn 49,17 Is 28,13 Jn 18,26 ), circonstance qui est une preuve de leur sainteté; car dans les saintes Écritures, nous voyons les saints tomber le visage contre terre, tandis que les impies sont renversés en arrière.

Ou bien encore, si ce mystère de sa gloire avait été publié parmi le p euple, il se serait opposé à l'économie de sa passion, et la rédemption du genre humain aurait pu être ainsi retardée.
Saint Léon le Grand
Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement: Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43). Et l'apôtre saint Paul atteste lui aussi: J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous (Rm 8,18). Et encore: Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire (Col 3,3-4).

Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription: Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins (Dt 19,15).

Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.

Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet: Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ (Jn 1,17). En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements.

Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le! (Mt 17,5).
La Glose
Remarquons le rapport admirable qui existe entre le mystère de cette seconde régénération, qui doit avoir lieu à la résurrection, lorsque notre corps ressuscitera, et le mys tère de la première qui a lieu dans le baptême, où l'âme renaît à une vie nouvelle. Dans le bap tême de Jésus-Christ, nous voyons concourir les trois personnes de la Trinité: le Fils s'y mon tre revêtu d'une chair comme la nôtre, l'Esprit saint y apparaît sous la forme d'une colombe, et le Père s'y déclare dans la voix qui se fait entendre. De même dans la transfiguration, qui est un symbole mystérieux de la seconde régénération, toute la Trinité apparaît, le Père dans la voix, le Fils sous la forme de l'homme, l'Esprit saint dans la nuée. On se demande pourquoi l'Esprit saint apparut d'un côté dans une nuée, et de l'autre sous la forme d'une colombe; la raison en est que l'Esprit saint manifeste ses dons sous des formes sensibles; c'est ainsi que dans le baptême il donne l'innocence figurée par l'oiseau, symbole de la simplicité; dans la résurrection, il nous donnera l'éclat et le rafraîchissement; le rafraîchissement, figuré par la nuée; l'éclat des corps ressuscités, figuré par ce nuage de lumière. « Et ses disciples, entendant ces paroles, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis de crainte ».
Saint Thomas d'Aquin
1907. Ensuite, l’ordre de reporter la révélation de cette vision est présenté. Ainsi, [Matthieu] dit : COMME ILS DESCENDAIENT DE LA MONTAGNE, JÉSUS LEUR DONNA CET ORDRE : «NE PARLEZ À PERSONNE DE CETTE VISION…» Mais pour quelle raison ? Elle est triple. La première : comme le dit Jérôme, la passion du Christ était à venir et les Juifs se scandalisaient. 1 Co 1, 23 : Pour les Juifs, un scandale. S’ils avaient entendu cela, ils auraient été scandalisés encore davantage et l’auraient considéré comme rien. C’est la raison pour laquelle ils tardèrent tellement à croire à la résurrection. Rémi donne cette explication : si [le Seigneur] l’avait annoncé, il n’aurait jamais accompli ce qu’il désirait, et il aurait ainsi été privé de ce qu’il désirait, car on lit en Lc 22, 15 : J’ai désiré ardemment manger cette Pâque avec vous. Hilaire donne cette explication : il convenait que la gloire spirituelle ne soit annoncée que par des hommes spirituels, mais ceux-ci n’étaient pas encore spirituels. Jn 7, 39 : L’Esprit ne leur avait pas encore été donné.
Louis-Claude Fillion
Levant les yeux... Détail pittoresque, tout à fait naturel. Les Apôtres étaient tellement effrayés de ce qu’ils avaient vu et entendu, qu’ils se bornèrent d’abord à lever timidement la tête pour regarder autour d’eux. - Mais ils n’aperçurent que Jésus : la nuée céleste avait disparu, Moïse et Élie s’étaient retirés : le Christ seul était là sous ses traits habituels, sous la forme de serviteur, semblable à un homme ordinaire. - Tel fut, dans ses principaux détails le grand mystère de la Transfiguration. Il resta gravé d’une manière ineffaçable dans l’esprit des trois Apôtres qui en avaient été témoins. S. Jean y fait évidemment allusion lorsqu'il s'écrie, dans le Prologue de son Évangile, 1, 14 : « nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique ». S. Pierre le raconte tout au long dans sa seconde Épître, 1, 16-18 : « Ce n’est point en suivant des fables ingénieuses que nous vous avons fait connaître la puissance et l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais après avoir été les témoins de sa grandeur. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque cette voix descendit sur lui d’une gloire magnifique : C’est ici mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu ; écoutez-le. Et nous avons entendu cette voix venue du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la sainte montagne ». Ce récit du prince des Apôtres, rapproché de la narration évangélique, démontre jusqu’à l’évidence le caractère réel et littéral du glorieux phénomène de la Transfiguration. Et pourtant, il n’est sorte d’interprétations ridicules qu’il n’ait reçues de nos jours dans le camp rationaliste. On a vu dans la Transfiguration de Notre-Seigneur tantôt un rêve pur et simple (Kuinœl, Neander), tantôt un rêve accompagné d’orage (Gabler), tantôt un jeu de lumière atmosphérique, c’est-à-dire un mélange extraordinaire d’ombres et de clartés (Paulus, Ammon), tantôt une entrevue de Jésus avec deux disciples inconnus (Venturini, Hase), tantôt un mythe (Strauss, Schulz), tantôt une allégorie (Weisse, B. Bauer), etc. D’autre-part, sans aller aussi loin du côté négatif, plusieurs auteurs anciens et modernes, par exemple Tertullien, adv. Marc. 4, 22, Heder et Gratz, ont prétendu que la Transfiguration a été un fait purement subjectif, une vision et rien de plus, bien que cette vision fût quelque chose de surnaturel. D’autres l’ont regardée comme un événement en partie subjectif, - l’apparition de Moïse et d’Élie, - en partie objectif - la transfiguration proprement dite (Meyer, etc.). Pour la réfutation de ces systèmes, nous renvoyons le lecteur à la polémique rationaliste de M. l’abbé Dehaut, l’Évangile expliqué, défendu, t. 3, p. 94 et ss. C’est une tâche plus agréable de noter quelques-uns des nombreux chefs-d’œuvre de peinture inspirés par cette scène grandiose, en particulier ceux de Bellini, de Pordenone, du Pérugin, de fra Angelico, de Raphaël. Dans la fresque de fra Angelico, les bras du Christ sont tendus en croix et rien n’est plus majestueux que sa pose et que le regard dont il accompagne cette muette allusion au sacrifice sanglant qui approche. M. Charles Blanc, dans son Histoire des peintres, décrit ainsi l’œuvre de Raphaël : « Radieuse figure du Christ, illuminant le Thabor, suspendue en l’air et portée sur l’aile de Dieu ; puis les trois disciples éblouis, terrassés par la lumière qui émane du visage et des vêtements du Fils de l’homme, vision glorieuse qu’Élie et Moïse peuvent seuls contempler... La tête du Christ fut le suprême effort du génie de Raphaël. Après l’avoir achevée, il ne toucha plus les pinceaux et la mort vint le frapper en ce moment ». Cf. Gœthe, Werke, éd. in 24 de Cotta, t. 20, p. 134. - Ajoutons enfin que, suivant la doctrine des Saints Pères, la Transfiguration de Jésus-Christ est un consolant emblème et une garantie vivante de notre future résurrection : « Par sa transfiguration… il fonde l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef », S. Léon-le-Grand, Serm. 94 sur la transfiguration. « Dans la Transfiguration… est annoncée la gloire ultime de la résurrection », S. Grégoire-le-Grand, Moral. 32, 6.

Losqu'ils descendaient... L’entretien commença immédiatement après la scène de la Transfiguration, tandis que Jésus et ses disciples descendaient le long des flancs rapides de l’Hermon. Le Sauveur intima d’abord aux trois Apôtres la défense de raconter les faits qu’ils avaient eu le bonheur de contempler. - Jésus leur donna cet ordre : c’était un ordre formel, à l’exécution duquel il tenait vivement. - Ne parlez à personne : le secret devait être absolu ; il n’était pas même permis à ceux auxquels Jésus-Christ l’imposait d’en faire part aux autres membres du collège apostolique. Toutefois, ce secret ne les obligeait pas à perpétuité : la Résurrection du Sauveur y mettrait fin prochainement. - Jusqu'à ce que le Fils de l'homme... S. Luc, bien qu’il ne mentionne pas la défense de Jésus, a soin de nous dire cependant que « les disciples se turent, et ne dirent à personne, en ces jours-là, rien de ce qu’ils avaient vu », 9, 36 ; S. Marc, 9, 8 et 9, signale tout à la fois l’ordre du Maître et l’obéissance des disciples. Mais quelles raisons pouvaient bien porter Notre-Seigneur à exiger de ses amis ce silence extraordinaire ? Nous les avons indiquées précédemment, lorsque nous avons rencontré des injonctions du même genre ; Cf. surtout 16, 20. Il en est une autre plus particulière que S. Jérôme déduit, dans les termes suivants, du fait même de la Transfiguration : « Il ne veut pas que cet événement soit prêché au peuple, dans la crainte que la grandeur même du prodige ne le rendît incroyable, et que la croix qui devait suivre la manifestation d'une si grande gloire ne fut un scandale pour les esprits grossiers », Comm. in h.l. Cf. S. Jean Chrysost. Hom. 56 in Matth. En prescrivant le secret, même pour les Apôtres, Jésus se proposait sans doute aussi d’éviter de fâcheuses rivalités dans le cercle de ses meilleurs amis. - Dans le texte latin, le mot visionem doit s’entendre ici d’une manifestation objective, pleine de réalité : il n’est nullement synonyme de vision, comme le montrent les expressions plus claires de S. Marc (9, 9), « ce qu'ils avaient vu », et de S. Luc (9, 36), « ce qu'ils avaient vu ». Cf. Act. 7, 31 ; 9, 10-12 ; 10, 3 ; 11, 5 ; etc.