Matthieu 22, 40

De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »

De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Origène
Ou bien ces paroles sont vraies, en ce sens que celui qui a fidèlement accompli tout ce qui dans l'Écriture a rapport à l'amour de Dieu et du prochain, mérite d'obtenir de Dieu des grâces privilégiées, pour comprendre que toute la loi et les prophètes dépendent, comme de leur principe, de l'amour de Dieu et de l'amour du pro chain.

Notre-Seigneur impose silence aux sadducéens pour montrer que l'éclat de la vérité réduit au silence la parole de mensonge. Car de même que c'est un des caractères du juste de se taire lorsque c'est le moment de se taire, et de parler lorsqu'il faut parler, mais de ne point garder un silence absolu, ainsi c'est le propre de tous les docteurs de mensonge de taire la vertu, sans pour cela garder le silence.

Tout homme qui vient interroger un docteur, non dans le but de s'instruire, mais pour le tenter, est frère de ce pharisien, selon cette parole du Sauveur: «Ce que vous avez fait au moindre de ceux-ci qui sont à moi, c'est à moi que vous l'avez fait» ( Mt 25,40 ).

C'est pour le tenter qu'il l'appelait Maître, car ce n'était pas comme disciple de Jésus-Christ qu'il lui donnait ce nom. Celui donc qui ne veut pas s'instruire à l'école du Verbe, qui ne se donne pas à lui de tout son coeur? et qui, cependant, l'appelle Maître, est frère du pharisien qui vint tenter Jésus. Il est vraisemblable qu'avant l'avènement du Sauveur, lorsqu'on lisait la loi, on demandait: Quel est le grand commandement de la loi? Car le pharisien n'aurait pas fait cette question si elle n'eût été parmi eux l'objet de longues discussions avant que Jésus-Christ ne l'eût résolue.

Ou bien encore, vous aimerez Dieu de tout votre coeur, c'est-à-dire dans toute l'étendue de votre souvenir, de votre action, de votre pensée; de toute votre âme, c'est-à-dire que vous serez disposé à la sacrifier pour l'amour de Dieu; vous l'aimerez de tout votre esprit, en ne tenant jamais de dis cours qui ne se rapportent à Dieu. Or, voyez si vous ne pourriez entendre par le coeur, l'intelligence qui nous fait comprendre les choses intellectuelles, et par l'esprit, la faculté qui nous sert à les exprimer; car c'est par l'esprit que nous donnons une expression à toutes cho ses, et que nous parcourons chacune de ces choses qui reçoivent de notre esprit l'expression de leur réalité.

Si le Sauveur n'avait pas fait cette réponse au pharisien qui le tentait, nous aurions pu croire que tous les commandements étaient égaux entre eux; mais en répondant nettement: «Tel est le premier et le plus grand commandement», il nous apprend à établir une gradation nécessaire entre les commandements, à commencer par le plus grand jusqu'aux commandements inférieurs, et de là jusqu'aux plus petits ( Mt 5,19 ). Notre-Seigneur déclare non-seulement que c'est là le grand commandement, mais encore que c'est le premier, non par le rang qu'il occupe dans la sainte Écriture, mais par la sublimité de la vertu qu'il a pour objet. Or, on ne peut entrer en participation de la grandeur et de la sublimité de ce commandement, qu'autant qu'on aime le Seigneur son Dieu, et qu'on l'aime de tout son coeur, etc. Le Seigneur ne s'est pas contenté de nous enseigner quel est le premier et le plus grand commandement, mais en core quel était le second, qu'il déclare semblable au premier. Il ajoute donc: «Et voici le se cond qui est semblable à celui-là Vous aimerez le prochain comme vous-même». S'il est vrai que celui qui aime l'injustice hait son âme ( Ps 11,5 ), il est clair qu'il aime le prochain comme soi-même, puisqu'il ne s'aime pas lui-même.
Saint Hilaire de Poitiers
Ou bien encore, ce commandement est semblable au premier, en ce sens qu'il y a dans tous les deux égalité d'obligation et de mérite; car ni l'amour de Dieu sans l'amour de Jésus-Christ, ni l'amour de Jésus. Christ sans l'amour de Dieu, ne peuvent conduire au salut.
Saint Jean Chrysostome
Or, celui. qui aime l'homme est semblable à celui qui aime Dieu; car l'homme est l'image de Dieu, et c'est Dieu que nous aimons eu lui, comme nous honorons un roi dans l'image qui le représente, c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Voici le second qui est semblable au premier».

Ou bien, les pharisiens s'assemblent pour triompher par le nombre de celui qu'ils ne pouvaient vaincre par leurs raisons; en cherchant ainsi à se faire une arme de la multitude, ils avouèrent qu'ils étaient entièrement dépouillés de la vérité, car ils se disaient entre eux: «Qu'un seul parle pour nous tous, et nous le regarderons tous comme parlant en notre nom. S'il triomphe, nous paraîtrons tous triompher avec lui; s'il est confondu, lui seul en portera extérieurement la honte; c'est ce que l'Évangéliste exprime en ces termes: «Et l'un d'eux, qui était docteur de la loi, lui fit cette question», etc.

Ce docteur demandait quel était le grand commandement, lui qui n'observait même pas le plus petit. Or, on ne doit chercher à connaître les voies supérieures de la justice chrétienne que lorsqu'on en a franchi les premiers degrés.

Mais le Seigneur lui répondit de manière à confondre, par ses pre mières paroles, l'hypocrisie qui lui avait dicté cette question: «Jésus lui répondit: Vous aime rez le Seigneur votre Dieu», etc. «Vous aimerez», lui dit-il, et non pas vous craindrez, car aimer c'est plus que craindre: aimer est le propre des enfants, craindre est le partage des es claves; la crainte est l'effet de la nécessité; l'amour s'exerce librement; celui qui sert Dieu par la crainte évite la peine, il est vrai, mais ne reçoit pas la récompense promise à la justice; car il fait le bien comme malgré lui, et sous l'impression de la crainte. Dieu ne veut donc pas que les hommes le craignent servilement comme un maître, mais qu'ils l'aiment comme un père qui leur a donné l'esprit d'adoption. Or, aimer Dieu de tout son coeur, c'est n'avoir dans son coeur aucune affection qui l'emporte sur l'amour de Dieu; aimer Dieu de toute son âme, c'est avoir un esprit solidement établi dans la vérité, et ferme dans la foi; car l'amour du coeur est tout différent de l'amour de l'âme; l'amour du coeur est en quelque sorte sensible, et nous fait aimer Dieu sensiblement, ce que nous ne pouvons faire qu'en détachant notre coeur de l'amour des choses de la terre. L'amour du coeur se fait donc sentir dans le coeur, tandis que l'amour de l'âme ne se sent pas, mais se comprend, parce qu'il consiste dans le jugement de l'âme. Car celui qui croit que Dieu renferme tout bien, et qu'en dehors de lui il n'existe aucun bien vérita ble, aime Dieu de toute son âme. Aimer Dieu de tout son esprit, c'est consacrer toutes ses fa cultés au service de Dieu; car celui dont l'intelligence obéit à Dieu, dont la sagesse a Dieu pour objet, dont la aime à s'occuper des choses de Dieu, dont la pensée conserve le souvenir des bienfaits de Dieu, celui-là aime Dieu de tout son esprit.
Saint Jérôme
Les pharisiens ayant été confondus dans la question du tribut, et voyant que la tenta tive coupable de leurs adversaires avait également échoué, auraient dû renoncer à tendre au Sauveur de nouvelles embûches; mais la malveillance et l'envie nourrissent et développent l'impudence, comme l'Évangéliste nous l'apprend: «Mais les pharisiens, ayant appris qu'il avait imposé silence», etc.

Les sadducéens et les pharisiens, qui sont divisés entre eux, se réunissent pour mettre Jésus à l'épreuve.

Ou bien, on peut dire que la question qu'il fait ne s'étend pas à tous les commandements, mais n'a pour objet que ce seul point: Quel est le premier et le grand commandement? Car, tous les commande ments de Dieu étant également grands, quelle que soit la réponse du Sauveur, ce docteur trou vera occasion de le calomnier.
Saint Augustin
Notre-Seigneur dit «Sont renfermés», c'est-à-dire s'y rapportent comme à leur fin.

Il ne faut pas s'étonner de ce que saint Matthieu nous dit que ce docteur fit à Jésus cette question pour le tenter, tandis que saint Marc ne parle point de cette circonstance, et conclut son récit en ces termes: «Jésus, voyant qu'il avait répondu sagement, lui dit: Vous n'êtes pas loin du royaume de Dieu». Car il est possible que ce doc teur soit venu avec l'intention de tenter Jésus, et que la réponse du Sauveur l'ait ramené à de meilleurs sentiments; ou, du moins, nous ne devons pas prendre ici le mot tenter dans cette mauvaise acception, que ce docteur était venu comme pour tromper un ennemi, mais plutôt pour éprouver un homme qu'il ne connaissait pas encore; car ce n'est pas sans raison qu'il est écrit: «Celui qui croit trop promptement est léger de coeur».( Qo 14) Or, voici la question qu'il lui fait: «Maître, quel est le grand commandement de la loi ?»

Ou bien dans un autre sens, Dieu vous ordonne de l'aimer de tout votre coeur, en lui consacrant toutes vos pensées; de toute votre âme, en lui rapportant toute votre vie; de tout votre esprit, en dirigeant vers lui toutes les forces de votre intelligence, puisque c'est de lui que vous tenez tout ce que vous lui consacrez. Il n'a donc laissé aucune par tie de notre vie libre, et dont nous puissions disposer pour l'appliquer à un autre objet. Mais tout ce qui se présente d'ailleurs à notre affection, doit être emporté par l'élan de notre coeur dans le courant général de l'amour; car l'homme n'atteint vraiment la perfection, que lorsque toute sa vie se dirige vers le bien immuable.

Celui qui aime les hommes, doit les aimer ou parce qu'ils sont justes, ou pour les rendre justes; car il doit s'aimer lui-même ou parce qu'il est juste, ou afin de devenir juste. C'est ainsi qu'il pourra aimer le prochain comme lui-même, sans aucun danger.

Si vous devez vous aimer vous-même, non pas pour vous, mais pour celui qui doit être la fin directe de votre amour, personne ne doit trouver mauvais que vous l'aimiez pour Dieu. Celui donc qui aime son prochain comme Dieu le commande, doit faire en sorte d'aimer aussi Dieu de tout son coeur.

Il est évident que par le prochain il faut entendre tout homme quel qu'il soit, puisqu'il nous est défendu de faire mal à qui que ce soit. Or, si tout homme, à qui nous devons rendre ou qui doit nous rendre à nous-mêmes les devoirs de la charité, est appelé avec raison notre prochain, il est certain que ce précepte, qui nous oblige à aimer le prochain, s'étend jusqu'aux anges qui exercent à notre égard, d'une manière si admirable, les devoirs de la miséricorde, comme il est si facile de s'en convaincre dans l'Écriture. C'est en vertu du même principe que Notre-Seigneur lui-même a voulu être appelé notre prochain, car il s'est personnifié lui-même dans le Samaritain qui porte secours à cet homme a rencontré à demi mort dans le chemin.

Comme il y a deux préceptes qui renferment la loi et les prophètes, le précepte d'aimer Dieu, et celui d'aimer le prochain, c'est avec raison que souvent l'Écriture sainte emploie indifféremment l'un pour l'autre, soit l'amour de Dieu, comme dans ces paroles «Or, nous savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu» ( Rm 8,28 ); soit l'amour du prochain, comme dans ces autres ( Ga 5,14 ): «Toute la loi est renfermée dans ce seul précepte Vous aimerez le prochain comme vous-même», et cela, parce que celui qui aime le prochain doit, par une conséquence nécessaire, aimer Dieu; car c'est par un seul et même sentiment de charité que nous aimons Dieu et le prochain, avec cette différence que nous aimons Dieu pour lui-même, et que nous nous aimons, ainsi que le prochain, pour l'amour de Dieu.

Mais comme la nature divine est de beaucoup supé rieure à notre nature, le précepte qui nous oblige d'aimer Dieu est distinct du précepte de l'amour du prochain. Si vous vous prenez vous-même dans votre être tout entier, c'est-à-dire dans votre âme et dans votre corps, de même que votre prochain, ces deux préceptes renfer ment tout ce qui peut être l'objet de votre amour. Le commandement de l'amour de lieu nous est donné en premier lieu avec la manière de l'accomplir, et il est suivi du précepte de l'amour du prochain que vous devez aimer comme vous-même, et qui renferme, par conséquent, l'amour que vous devez avoir pour vous-même.

Je sais, mes bien-aimés, quelle excellente nourriture vos coeurs puisent chaque jour dans les exhortations de la sainte Ecriture et les richesses de la parole de Dieu. Néanmoins, la ferveur de notre affection mutuelle me pousse à dire à votre charité quelque chose au sujet de l'amour. Comment pourrais-je parler d'autre chose que de l'amour? En effet, celui qui veut parler de l'amour dans la lecture publique et l'homélie n'a pas besoin de choisir un passage particulier de l'Écriture: qu'il ouvre la Bible à n'importe quelle page, elle chante les louanges de l'amour.

J'invoque sur ce point le témoignage du Seigneur lui-même. Voici, d'après l'évangile, ce qu'il a répondu à l'homme qui l'interrogeait sur les deux plus grands comm andements de la Loi. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit, et Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Puis, pour éviter qu'on ne cherche dans les livres saints autre chose que l'amour, il a ajouté ceci: Tout ce qu'il y a dans la Loi et les Prophètes dépend de ces deux commandements (Mt 22,37 Mt 22,39-40). Si la Loi et les Prophètes dépendent entièrement de ces deux commandements, n'est-ce pas bien plus vrai encore de l'évangile?

Car l'amour renouvelle l'homme. L'amour crée vraiment l'homme nouveau, comme la convoitise fait le vieil homme. Aussi le psalmiste, luttant contre ses passions, se lamente: J'ai vieilli parmi tant d'adversaires (Ps 6,8). Et le Seigneur lui-même laisse entendre que l'amour appartient à l'homme nouveau, lorsqu'il dit: Je vous donne un commandement nouveau: c'est de vous aimer les uns les autres (Jn 13,34).

Il y a eu, même au temps passé, des hommes qui ont aimé Dieu d'un amour désintéressé. En le désirant avec ardeur, ils ont purifié leur coeur. Ils ont ôté le voile des anciennes promesses, si bien qu'ils ont contemplé la figure de la nouvelle Alliance encore à venir. Dans tous les commandements et les promesses de cette Alliance, qui étaient destinés au vieil homme, ils ont reconnu les figures de l'Alliance nouvelle, que le Seigneur devait conduire à leur terme dans les derniers temps. La parole de l'Apôtre est très claire: Ces faits, dit-il, leur arrivaient en figure, et l'Ecriture les a racontés pour nous avertir, nous qui voyons arriver la fin des temps (1Co 10,11).

Quand vint le temps de cet accomplissement, les prédicateurs de l'Alliance nouvelle se mirent à l'annoncer avec une clarté parfaite. Ils expliquèrent et interprétèrent ces figures pour que soit manifesté le sens nouveau des anciennes promesses.

Ainsi, l'amour était présent en ces temps anciens comme il l'est maintenant. Mais il était alors plus secret, et la crainte, plus apparente, tandis que l'amour est maintenant plus manifeste, et la crainte est moindre. En effet, la crainte diminue à mesure que l'amour augmente. Oui, vraiment, l'âme s'apaise quand l'amour grandit. Et quand l'âme est dans une complète tranquillité, il n'y a plus de place pour la crainte, comme le dit aussi l'apôtre Jean: L'amour parfait chasse la crainte (1Jn 4,18).
Rabanus Maurus
Tout le Décalogue est compris dans ces deux préceptes, les préceptes de la première table dans le précepte d'aimer Dieu, et dans celui d'aimer le prochain, 1es préceptes de la seconde table ( Ex 24,12 Ex 33,18 Ex 33,15 Ex 34,4 Ex 34,28-29 Dt 4,13 Dt 9,9-11 Dt 9,15 Dt 9,17 Dt 10,1-5 ) ..
La Glose
Ou bien, vous aimerez Dieu de tout votre coeur, c'est-à-dire de toute votre intelligence; de toute votre âme, c'est-à-dire de toute votre volonté; de tout votre esprit, c'est-à-dire de toute votre mémoire, de manière que vous ne vouliez, que vous ne sentiez, que vous n'ayiez à la mémoire rien qui soit contraire à Dieu.
Saint Thomas d'Aquin
2284. Ensuite, [le Seigneur] donne la raison pour laquelle ces deux commandements sont les plus grands : À CES DEUX COMMANDEMENTS SE RATTACHENT TOUTE LA LOI AINSI QUE LES PROPHÈTES. Tout l’enseignement de la loi et des prophètes se rattache à ceux-ci. La fin, dans les choses désirables, ressemble au principe dans les choses spéculatives. En effet, la science passe des principes aux conclusions, de sorte que toute science est jugée selon les principes, comme dans tout ce qui relève de l’action tout dépend de la fin. Ainsi donc, parce que l’amour est la fin, 1 Tm 1, 5 : La fin du commandement, c’est l’amour, tout dépend de ces [commandements]. Telle est l’interprétation d’Augustin.

Origène l’interprète de la manière suivante : de [ces deux commandements], c’est-à-dire de l’observance de ceux-ci, dépend l’intelligence de la loi et des prophètes, car celui qui les observe méritera de comprendre la loi et les prophètes. Si 2, 10 : Vous qui craignez le Seigneur, vous l’aimez, et vos cœurs seront éclairés. Ps 118[119], 104 : J’ai compris par tes commandements ; à cause de cela, j’ai haï le chemin de l’injustice.
Louis-Claude Fillion
Jésus conclut maintenant sa réponse par un trait général, qui montre le rôle que jouent, relativement à la Loi tout entière, les deux grands préceptes qu’il vient de signaler. - Ces deux commandements, avec emphase. - Sont renfermés ; en grec : sont suspendus : belle figure qui fait du double commandement d’amour le point d’appui de toute la législation théocratique. (Nous avons dit précédemment, Cf. 5, 17 et le commentaire, que l’expression la Loi et les Prophètes désignait chez les Juifs l’ensemble des préceptes révélés). La loi est ainsi ramenée par Jésus à ses deux principes généraux, à deux prescriptions universelles qui comprennent tout le reste et qui embrassent, sans en excepter un seul, la multitude sans nombre de nos devoirs soit envers Dieu, soit envers nos semblables. Le Décalogue, ce divin résumé de la Loi morale et religieuse, est lui-même condensé dans ces deux prescriptions, puisque l’ordre d’aimer Dieu renferme la première table, tandis que l’ordre d’aimer le prochain s’étend à la seconde. S. Paul avait donc raison de dire Rom. 13, 10, que l’amour est la plénitude de la Loi. En effet, écrit S. Grégoire-le-Grand, Hom. 27 in Matth., « Ce qui est commandé ne se solidifie que par la seule charité. Car de même que les nombreux rameaux d’un arbre poussent d’une seule racine, les nombreuses vertus ne tirent leur origine que de la seule charité. Et le rameau d’une bonne œuvre ne garde quelque verdeur que s’il demeure dans la racine de la charité ».
Concile œcuménique
Le plus grand commandement de la loi est d’aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même (cf. Mt 22, 37-40). De cette loi de l’amour du prochain, le Christ a fait son commandement personnel. Il l’a enrichi d’un sens nouveau quand il voulut, s’identifiant à ses frères, être l’objet de cette charité disant : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). En assumant la nature humaine c’est toute l’humanité qu’il s’est unie par une solidarité surnaturelle qui en fait une seule famille ; il a fait de la charité le signe de ses disciples, par ces paroles : « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 35).
Catéchisme de l'Église catholique
Fruit de l’Esprit et plénitude de la loi, la charité garde les commandements de Dieu et de son Christ : " Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour " (Jn 15, 9-10 ; cf. Mt 22, 40 ; Rm 13, 8-10).
Pape Saint Jean-Paul II
Le précepte « tu ne tueras pas » a explicitement un fort contenu négatif: il indique l'extrême limite qui ne peut jamais être franchie. Mais, implicitement, il pousse à garder une attitude positive de respect absolu de la vie qui amène à la promouvoir et à progresser sur la voie de l'amour qui se donne, qui accueille et qui sert. Déjà, le peuple de l'Alliance, bien qu'avec des lenteurs et des contradictions, a mûri progressivement dans ce sens, se préparant ainsi à la grande déclaration de Jésus: l'amour du prochain est un commandement semblable à celui de l'amour de Dieu; « A ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (cf. Mt 22, 36-40). « Le précepte... tu ne tueras pas... et tous les autres — souligne saint Paul — se résument en cette formule: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Rm 13, 9; cf. Ga 5, 14). Repris et porté à son achèvement dans la Loi nouvelle, le précepte « tu ne tueras pas » demeure une condition à laquelle on ne peut renoncer pour pouvoir « entrer dans la vie » (cf. Mt 19, 16-19). Dans cette même perspective, ont aussi un ton péremptoire les paroles de l'Apôtre Jean: « Quiconque hait son frère est un homicide; or vous savez qu'aucun homicide n'a la vie éternelle demeurant en lui » (1 Jn 3, 15).

Les deux commandements, auxquels « se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Mt 22, 40), sont profondément unis entre eux et s'interpénètrent. Jésus rend témoignage de leur indivisible unité par ses paroles et par sa vie : sa mission culmine à la Croix rédemptrice (cf. Jn 3, 14-15), signe de son amour inséparable envers le Père et envers l'humanité (cf. Jn 13, 1).

Le Royaume doit transformer les rapports entre les hommes et se réalise progressivement, au fur et à mesure qu'ils apprennent à s'aimer, à se pardonner, à se mettre au service les uns des autres. Jésus reprend toute la Loi, en la centrant sur le commandement de l'amour (cf. Mt 22, 34-40; Lc 10, 25-28). Avant de quitter les siens, Jésus leur donne un « commandement nouveau »: « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34; cf. 15, 12). L'amour dont Jésus a aimé le monde trouve son expression la plus haute dans le don de sa vie pour les hommes (cf. Jn 15, 13) qui manifeste l'amour que le Père a pour le monde (cf. Jn 3, 16). C'est pourquoi la nature du Royaume est la communion de tous les êtres humains entre eux et avec Dieu.
Pape Benoît XVI
La charité est la voie maîtresse de la doctrine sociale de l’Église. Toute responsabilité et tout engagement définis par cette doctrine sont imprégnés de l’amour qui, selon l’enseignement du Christ, est la synthèse de toute la Loi (cf. Mt 22, 36-40). L’amour donne une substance authentique à la relation personnelle avec Dieu et avec le prochain. Il est le principe non seulement des micro-relations: rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations: rapports sociaux, économiques, politiques. Pour l’Église – instruite par l’Évangile –, l’amour est tout parce que, comme l’enseigne saint Jean (cf. 1 Jn 4, 8.16) et comme je l’ai rappelé dans ma première Lettre encyclique, « Dieu est amour » (Deus caritas est): tout provient de l’amour de Dieu, par lui tout prend forme et tout tend vers lui. L’amour est le don le plus grand que Dieu ait fait aux hommes, il est sa promesse et notre espérance.
Pape Francois
Tous les engagements qui naissent de la doctrine sociale de l’Église « sont imprégnés de l’amour qui, selon l’enseignement du Christ, est la synthèse de toute la Loi (cf. Mt 22, 36-40) ».Cela suppose qu’on reconnaisse que « l’amour, fait de petits gestes d’attention mutuelle, est aussi civil et politique, et il se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur ». Voilà pourquoi l’amour s’exprime non seulement dans des relations d’intimité et de proximité, mais aussi dans « des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques ».