Matthieu 25, 30
Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !”
Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !”
Ou bien en core, si vous voyez un homme qui a reçu le don d'enseigner et qui cache ce talent, eût-il d'ailleurs une certaine apparence de religion dans sa conduite, n'hésitez pas à dire qu'il est ce serviteur qui a reçu un talent et qui l'a enfoui dans la terre.
Plein de confiance, celui qui avait reçu cinq talents ose se présenter le premier devant son maître: «Et celui qui avait reçu cinq talents s'étant approché».
Ou bien, ceux qui après avoir exercé leurs sens à la pratique de la vertu, tendent à une science supérieure et l'enseignent aux autres, gagnent cinq autres talents; car on n e peut recevoir l'accroissement d'une vertu si on ne la possède déjà, de même qu'on ne peut enseigner aux autres que ce que l'on sait soi-même.
Et remarq uez ici que ce ne sont pas les serviteurs qui viennent vers le maître pour en être jugés, mais le maître lui-même qui vient les trouver, lorsque le temps est arrivé, ce que le Sauveur exprime en di sant: «Longtemps après», c'est-à-dire longtemps après qu'il leur a donné la mission d'aller gagner et sauver les âmes; et c'est peut-être pour cela qu'on en voit peu de ceux qu'il a jugés propres à ce ministère qui aient été retirés promptement de ce monde, comme le prouve l'exemple des apôtres, qui sont tous parvenus à une assez grande vieillesse; c'est ainsi qu'il dit à Pierre «Lorsque vous serez devenus vieux, vous étendrez les mains» ( Jn 21,18 ); c'est ainsi que saint Paul écrit de lui-même à Philémon ( Phm 1,9 ) : «Paul déjà vieillard».
Ce n'est pas comme Dieu qu'il fait ce voyage, mais comme homme revêtu du corps qu'il a pris dans le mystère de son incarnation. Car celui qui a dit: «Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles » ( Mt 28 ), c'est le Fils unique de Dieu, qui n'est point renfermé dans les limites étroites d'un corps mortel. En parlant de la sorte, nous ne divisons pas la personne de Jésus, mais nous conservons à chaque nature ses propriétés distinctes. Nous pouvons dire aussi que le Seigneur voyage loin de ceux qui marchent par la foi, et ne jouissent pas encore de la claire vue ( 2Co 5,6 ). Or, si, lorsque nous serons éloignés de notre corps, nous sommes avec le Seigneur, il sera lui-même avec nous. Remarquez aussi que le texte ne porte pas: «Je suis, ou le Fils de l'homme est comme un homme qui entreprend un voyage»,car il se présente à nous dans cette parabole, non pas comme Fils de Dieu, mais comme homme qui part pour un long voyage.
Parmi ceux à qui Jésus-Christ a confié le ministère de la parole de Dieu, vous voyez que les uns ont reçu davantage, les autres moins, et n'ont pas, pour ainsi-dire, la moitié de l'intelligence des premiers; d'autres enfin ont reçu beaucoup moins encore. Or, pourquoi cette différence entre ceux qui ont reçu de Jésus-Christ le même ministère de la pa role divine? C'est que la vertu et la capacité n'étaient pas les mêmes dans celui qui a reçu cinq talents, dans celui qui en a reçu deux et dans celui qui n'en a reçu qu'un, et que tous ne pou vaient recevoir la même mesure de grâces. Cependant, celui qui n'a reçu qu'un talent a reçu un don qui n'est pas sans importance, car un seul talent, venant d'un si grand maître, est d'une grande valeur. Il y a toutefois trois sortes de serviteurs, comme il en est aussi trois sortes parmi ceux qui portent des fruits. Celui qui a reçu cinq talents est celui qui peut donner aux figures de l'Écriture sainte un sens plus élevé et tout divin. Celui qui ne connaît que le sens littéral et ex térieur de la doctrine a reçu deux talents; car le nombre deux se rapporte aux choses extérieu res et charnelles ( 1Co 3,4 ). Enfin, celui à qui le père de famille ne donne qu'un talent est moins capable encore.
Ou bien, ils gagnèrent deux autres talents, c'est-à-dire la science des choses extérieures et une autre un peu plus élevée.
Cette expression «S'étant approché»,appliquée à celui qui avait reçu cinq talents, et à celui qui en avait reçu deux, signifie leur passage de ce monde dans l'autre; et il faut remarquer que Dieu tient le même langage à tous les deux, pour nous apprendre que celui qui a reçu de moins grandes facultés, mais qui leur a fait produire tout ce qu'on était en droit d'en attendre, aura aux yeux de Dieu le même mérite que celui qui est doué de facultés supé rieures. Dieu n'exige qu'une chose, c'est que l'homme consacre à sa gloire tout ce qu'il a reçu de lui.
Ce serviteur faisait sans doute partie du nombre des fidèles, mais de ces fidèles dont la conduite est sans assurance, qui cherchent à se cacher, et qui font tout pour ne point paraître chrétiens. Les fidèles de ce genre ont aussi la crainte de Dieu, et le regardent comme un maître sévère et implacable, ce que ce serviteur exprime en disant: «Seigneur, je sais que vous êtes un homme dur». Nous admettons que, dans un sens véri table, Notre-Seigneur moissonne où il n'a pas semé, car le juste sème dans l'esprit, et il mois sonne la vie éternelle. Il moissonne encore où il n'a pas semé, et il recueille là où il n'a rien jeté, parce qu'il regarde comme donné à lui-même tout ce qui est semé parmi les pauvres.
Le Seigneur ne reconnaît pas qu'il soit dur, comme le lui reprochait le mauvais servi teur; mais il lui concède tout le reste. Cependant on peut dire qu'il use véritablement de dureté contre celui qui abuse de la miséricorde de Dieu pour persévérer dans son péché, au lieu d'en profiter pour se convertir.
Le Seigneur peut, par sa puissance divine, ôter les moyens rigoureusement suffisants, à celui qui n'a pas su les mettre à profit, pour les donner à celui qui a multiplié ce qu'il avait reçu.
Là où il n'y a aucune lumière, peut-être même aucune clarté extérieure, et où on ne peut jouir de la vue de Dieu, car ceux qui se sont rendus coupables de ce crime, seront condamnés, comme indignes de voir Dieu, à être jetés dans ces ténèbres qu'on appelle les ténèbres extérieures. Nous avons lu dans un interprète qui nous a devancé, que ces ténèbres sont les ténèbres de l'abîme qui est en dehors de l'univers, et que ces serviteurs inuti les, étant jugés indignes d'habiter aucune partie de ce monde, seront jetés dans cet abîme exté rieur, où il n'y a que ténèbres, et qu'aucune lumière ne vient jamais éclairer.
Or, s'il vous paraît dur qu'on soit jugé sévèrement pour n'avoir pas instruit les autres, rappelez-vous cette parole de l'Apôtre: «Malheur à moi si je n'évangélise» ( 1Co 9 ).
Ou bien enfin, ce servi teur qui a reçu un talent et l'a enfoui dans la terre, c'est le peuple qui s'opiniâtre à suivre la loi, et qui, par un sentiment d'envie contre les Gentils, qui doivent être sauvés, cache le talent qu'il a reçu; car, enfouir le talent dans la terre, c'est cacher la gloire de la prédication de l'Évangile sous les honteuses attaques d'une passion charnelle.
Ou bien, ce serviteur à qui son maître a confié deux talents, c'est le peuple des Gentils, qui a été justifié par la foi et par la confession du Père et du Fils, et qui témoigne hautement que Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme par l'union de l'esprit et de la chair. Ce peuple a donc reçu deux talents, et, de même que les Juifs ont doublé, en croyant à l'Évangile, la valeur des cinq talents mystérieux, c'est-à-dire de la loi qu'ils avaient reçue, ainsi les Gentils, en fai sant fructifier leurs deux talents ont mérité de les voir doublés par le don de l'intelligence et des oeuvres.
Ou bien, le serviteur qui a reçu cinq talents est le peuple qui, vivant sous la loi, a embrassé la foi, et qui a doublé les mérites qu'il avait acquis sous la loi en y joignant l'accomplissement parfait des devoirs de la foi. chrétienne.
Ou bien, ce serviteur figure le peuple juif qui reste attaché à la loi, et qui, donnant comme prétexte de son éloignement de la liberté évangélique la crainte que lui inspire la loi ancienne, dit à Dieu: «Je vous ai craint», et ajoute: «Voici ce qui est à vous». Ou bien encore, c'est ce même peuple qui s'arrête exclusivement aux commandements du Seigneur, bien qu'il sût que Dieu devait moissonner des fruits de justice là où la loi n'avait pas été semée, et recueillir parmi les Gentils des enfants qui ne provenaient pas de la race d'Abraham ( Rm 4 ).
La gloire qui vient de la loi est accordée à ceux qui savent profiter de la grâce de l'Évangile; mais, pour celui qui n'a point la foi en Jé sus-Christ, on lui ôtera jusqu'à cette gloire que la loi semblait lui donner.
Remarquez encore que le Seigneur ne se fait pas rendre compte immédiatement pour vous apprendre sa longanimité. Ces paroles: «Longtemps après», me paraissent une allusion indirecte à la résurrection.
«Bon serviteur», parce qu'il a été bon pour le prochain, et «fidèle» parce qu'il ne s'est rien attribué de ce qui appartenait à son maître.
Ces paroles renferment l'idée de toute félicité et d'un bonheur parfait.
Celui qui a reçu le don éclatant de la parole et de la doctrine, pour le mettre à profit, et qui n'en fait aucun usage, perd ce don, tandis que celui qui s'applique avec zèle à le faire fructifier obtient des grâces plus abondantes.
Le mauvais serviteur n'est pas seulement puni par la perte de ce qu'il possède, mais par un supplice rigoureux, auquel vient se joindre une sentence qui est en même temps un acte d'accusation: «Et quant à ce serviteur inutile, qu'on le jette dans les ténè bres extérieures».
Remarquez que ce n'est pas seulement celui qui prend le bien d'autrui ou qui fait le mal qui est condamné au dernier supplice, mais encore celui qui néglige de faire le bien.
Dans la parabole des talents, Jésus nous raconte l'histoire d'un homme qui partit en voyage après avoir confié son argent à ses serviteurs. Il veut ainsi nous révéler la patience de notre Maître, mais, à mon avis, il y fait aussi allusion à la résurrection. Par ailleurs, Jésus ne parle ni d'agriculteurs ni de vignerons, mais d'ouvriers en général. La raison en est qu'il veut s'adresser non seulement aux chefs du peuple ou aux Juifs, mais à tout le monde.
Tout d'abord les serviteurs qui rendent l'argent avec les intérêts déclarent sans tergiverser ce qui vient d'eux et ce qui vient de leur maître. Le premier dit: Seigneur, tu m'as confié cinq talents (Mt 25,20), et le deuxième: Seigneur, tu m'as confié deux talents (Mt 25,22). Ils reconnaissent ainsi que leur Maître leur a donné les moyens de réaliser une opération avantageuse. Ils lui en savent gré et portent à son crédit la totalité de la somme qui est en leur possession.
Que répond alors le maître? Très bien, serviteur bon et fidèle (car on reconnaît l'homme bon à sa sollicitude pour le prochain), tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître (Mt 25,23).
Mais il n'en va pas de même pour le mauvais serviteur: Je savais, dit-il, que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient (Mt 25,24-25).
Quelle est donc la réponse du maître? Il fallait placer mon argent à la banque (Mt 25,27), c'est-à-dire qu'il fallait parler, exhorter, conseiller. "Mais, réplique l'autre, les gens ne m'écouteront pas." A quoi le maître répond: "Cela n'est pas ton affaire. <> Tu aurais pu au moins mettre cet argent en dépôt et me laisser le soin de le redemander, et je l'aurais réclamé avec les intérêts - entendant par là les oeuvres qui procèdent de l'écoute de la Parole -. Tu avais seulement à fournir la part la plus facile du travail et à me laisser la plus difficile" (cf. Mt 25,27).
Voilà comment ce serviteur a manqué à sa tâche. Aussi, ajoute le maître, enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a (Mt 25,28-29).
Qu'est-ce à dire? Celui qui a reçu pour le bien d'autrui la grâce de la parole et de l'enseignement, et n'en fait pas usage, se fera enlever cette grâce. Quant au serviteur zélé, il attirera sur lui une grâce plus abondante, tout comme l'autre perdra celle qu'il a reçue.
Tout d'abord les serviteurs qui rendent l'argent avec les intérêts déclarent sans tergiverser ce qui vient d'eux et ce qui vient de leur maître. Le premier dit: Seigneur, tu m'as confié cinq talents (Mt 25,20), et le deuxième: Seigneur, tu m'as confié deux talents (Mt 25,22). Ils reconnaissent ainsi que leur Maître leur a donné les moyens de réaliser une opération avantageuse. Ils lui en savent gré et portent à son crédit la totalité de la somme qui est en leur possession.
Que répond alors le maître? Très bien, serviteur bon et fidèle (car on reconnaît l'homme bon à sa sollicitude pour le prochain), tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître (Mt 25,23).
Mais il n'en va pas de même pour le mauvais serviteur: Je savais, dit-il, que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient (Mt 25,24-25).
Quelle est donc la réponse du maître? Il fallait placer mon argent à la banque (Mt 25,27), c'est-à-dire qu'il fallait parler, exhorter, conseiller. "Mais, réplique l'autre, les gens ne m'écouteront pas." A quoi le maître répond: "Cela n'est pas ton affaire. <> Tu aurais pu au moins mettre cet argent en dépôt et me laisser le soin de le redemander, et je l'aurais réclamé avec les intérêts - entendant par là les oeuvres qui procèdent de l'écoute de la Parole -. Tu avais seulement à fournir la part la plus facile du travail et à me laisser la plus difficile" (cf. Mt 25,27).
Voilà comment ce serviteur a manqué à sa tâche. Aussi, ajoute le maître, enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a (Mt 25,28-29).
Qu'est-ce à dire? Celui qui a reçu pour le bien d'autrui la grâce de la parole et de l'enseignement, et n'en fait pas usage, se fera enlever cette grâce. Quant au serviteur zélé, il attirera sur lui une grâce plus abondante, tout comme l'autre perdra celle qu'il a reçue.
Il dit: «Longtemps après», parce qu'il doit s'écouler un long espace de temps entre l'ascension du Sauveur et son second avènement.
Il double le don des sens corporels qu'il a reçus par la connaissance des choses célestes, c'est-à-dire que les créatures lui font connaître le Créateur, le spectacle de la nature visible, les choses spirituelles, et les biens du temps, qui durent si peu, ceux de l'éternité.
Après avoir appelé ses apôtres, il leur confia la doctrine de l'Évangile. S'il donne à l'un plus, à l'autre moins, ce n'est ni prodigalité d'une part, ni parcimonie de l'autre; il propor tionne ses dons à la capacité de ceux qui les reçoivent. C'est ainsi que l'Apôtre nous apprend qu'il avait nourri avec du lait ceux qui ne pouvaient supporter une nourriture plus solide. «Et il donne cinq talents à l'un, deux à l'autre», etc. Ces talents, au nombre de cinq, de deux et d'un, représentent les diverses grâces qui furent données à chacun d'eux.
Il lui dit: «Vous avez été fidèle en peu de choses, car les biens que nous possédons ici-bas, quels que soient d'ailleurs leur importance et leur nombre, sont toujours petits et peu nombreux en com paraison des biens éternels.
Quelle récompense plus grande peut-on donner au serviteur fidèle que d'être avec son maître et de voir la joie de son Seigneur?
Le père de famille accueille avec les mêmes éloges le serviteur qui, avec cinq talents, en avait gagné cinq autres, et celui qui, avec deux talents, en avait gagné deux autres, et il les fait entrer en participation de la même joie, parce qu'il ne considère pas la grandeur du gain qu'ils ont réalisés, mais les effort s de leur volonté. «Celui qui avait reçu deux talents vint aussi se présen ter».
Ce mauvais serviteur vérifie en lui ces paroles du Psalmiste: « Il cherche à excuser ses péchés» ( Ps 141,4 ), et, au crime de la paresse et de la négligence, il joint celui d'un orgueil insolent. Au lieu de confesser simplement sa fainéantise, comme il aurait dû le faire, et de prier le père de famille de lui pardonner, il ose le calomnier, et il prétend que c'est par pru dence qu'il s'est conduit de la sorte, dans la crainte qu'en cherchant à faire fructifier son argent il ne s'exposât à perdre le capital.
De ces paroles qu'ose lui dire le mauvais serviteur: «Vous moissonnez là où vous n'avez pas semé», nous pouvons aussi conclure que la vie, pure et vertueuse des Gentils et des philosophes est agréable à Dieu.
Mais ce qu'il pensait donner comme une excuse devient la matière même de son accu sation: «Mais son maître lui répondit: Serviteur méchant et paresseux».Il l'appelle mé chant serviteur, parce qu'il a osé calomnier son maître, et paresseux, parce qu'il n'a point dou blé son talent, condamnant ainsi d'un côté son insolence, de l'autre sa négligence: «Puisque vous saviez, lui dit-il, que j'étais dur et cruel, et que j'exigeais ce qui ne m'appartenait pas, vous deviez comprendre que j'exigerais plus exactement ce qui m'appartient, et donner au banquier mon argent ou mes deniers» (le mot grec ñãõñéïí signifie l'un et l'autre). «Les paroles du Seigneur, dit le Psalmiste, sont des paroles pures, un argent eprouvé par le feu» ( Ps 12,7 ). Cet argent, cette monnaie, c'est donc la prédication de l'Évangile, et la parole de Dieu qu'il aurait fallu donner à ceux qui l'auraient fait fructifier, c'est-à-dire ou à d'autres prédicateurs, ce que firent les Apôtres en établissant des prêtres et des évêques dans chaque province ( Ac 14,23 ), ou bien à tous les fidèles pour leur faire produire le double, et rendre ce capital avec usure, en traduisant dans leurs oeuvres les enseignements de cette divine parole.
Ou bien, ce talent est donné à celui qui avait obtenu dix talents, pour nous apprendre que, si le Seigneur se réjouit également du travail du serviteur qui a doublé ses deux talents et de celui qui a multiplié les cinq qu'il avait reçus, cependant il réserve une plus grande récompense à celui qui a travaillé davantage à faire fructi fier l'argent de son maître.
Nous avons dit plus haut ce que sont ces pleurs et ces grincements de dents.
Car le bonheur parfait pour nous, et supérieur à tout ce que l'on peut concevoir, sera de jouir de la présence du Dieu en trois personnes à l'image duquel nous avons été créés.
Cet homme, qui part pour un long voyage, c'est notre Rédempteur, qui est parti pour le ciel revêtu de la chair qu'il avait prise pour notre salut; car la terre est comme le pays natal de la chair et le lieu de son habitation, et elle part pour un long voyage lorsqu'elle est placée dans le ciel par notre Ré dempteur.
Ou bien, dans un autre sens, les cinq talents figu rent les dons des cinq sens, c'est-à-dire la science des choses extérieures; les deux talents dé signent l'intelligence et l'action, et le talent unique n'indique que le don de l'intelligence.
La lecture de cet Évangile doit nous faire sérieusement réfléchir sur cette vérité: que ceux qui ont reçu en ce monde des grâ ces plus abondantes seront l'objet d'un jugement plus sévère, car plus on reçoit, plus est grand le compte que l'on devra rendre. Il faut donc s'humilier profondément des dons que l'on a re çus, en considérant que l'on devra être jugé d'autant plus sévèrement sur l'usage qu'on en aura fait.
Il en est plusieurs qui, incapables de pénétrer les secrets de la science spirituelle et mysti que, enseignent, dans une intention toute céleste et selon leur charité, la science des choses extérieures qu'ils ont reçue de Dieu, et qui, non contents de se tenir en garde contre les assauts de la chair, l'ambition des honneurs de la terre et les jouissances du corps, cherchent encore à en préserver les autres par leurs conseils.
On en voit en effet qui enseignent à la fois par leurs paroles et par leurs oeu vres et qui réalisent ainsi un double bénéfice, car leur prédication s'adressant à l'un et à l'autre sexe, ils doublent ainsi les talents qu'ils ont reçus.
Cacher le talent dans la terre, c'est enfouir, pour ainsi-dire, dans des occupations toutes terrestres le don de l'esprit qu'on a reçu.
Ce servi teur qui a doublé les cinq talents qu'il avait reçus mérite les éloges du Seigneur et en reçoit l'éternelle récompense. «Et le Seigneur lui dit: Très-bien».
Le serviteur fidèle est établi sur des biens plus considé rables, lorsqu'il a triomphé de toutes les atteintes de la corruption, et qu'il est assis dans le ciel au sein des joies éternelles, Il entre parfaitement dans la joie de son maître, lorsque Dieu l'appelle dans l'éternelle patrie, pour l'associer aux choeurs des anges et le remplir d'une joie intérieure, pure et sans mélange d'aucune de ces douleurs qui sont causées par la corruption de la chair.
Le serviteur qui n'a pas voulu faire fructifier son talent s'approche de son maître en s'excusant: «Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approchant ensuite»,etc.
Il en est beaucoup dans l'Église dont ce serviteur est la figure, qui craignent d'entrer dans les voies d'une vie plus sainte, et qui ne crai gnent pas de croupir dans une négligence sensuelle et honteuse; tout en se considérant comme pécheurs, ils redoutent d'embrasser une vie vertueuse et ne tremblent pas de rester dans leurs iniquités.
Les prédicateurs sont exposés à un danger visible, en retenant l'argent du Seigneur; les auditeurs le sont également, car on leur demandera avec usure la doctrine qu'ils ont reçue, c'est-à-dire si, à l'aide de ce qu'ils ont entendu, ils se sont appliqués à comprendre ce qui ne leur était pas enseigné.
Écoutons la sentence que le Seigneur prononce contre le mauvais serviteur: «Qu'on lui ôte donc le talent qu'il a et qu'on le donne à celui qui a dix talents».
Il paraissait plus naturel de donner ce talent à celui qui en avait reçu deux, plutôt qu'à celui qui en avait reçu cinq, car il est plus juste en apparence de donner à celui qui a moins reçu. Mais, comme les cinq talents figurent la science des choses extérieures, et les deux talents, l'intelligence et l'action; celui à qui son maître a confié deux talents a plus reçu que celui à qui il en a confié cinq, car celui qui, dans les cinq talents, a reçu le don d'administrer les choses extérieures, était cependant privé de l'intelligence des choses éternelles. Donc, ce talent unique, qui représente, comme nous l'avons dit, le don de l'intelligence, a dû être donné à celui qui a fidèlement administré les choses exté rieures qui lui ont été confiées, et c'est ce que nous voyons tous les jours dans l'Église: ceux qui administrent avec fidélité les biens extérieurs sont doués d'une intelligence capable de pé nétrer les choses spirituelles et intérieures.
Notre-Seigneur conclut cette parabole par cette maxime générale: «Car on donnera à celui qui a déjà», etc. En effet, celui qui a la charité reçoit aussi les autres dons, et celui qui ne possède pas cette vertu perd jusqu'aux dons qu'il paraissait avoir.
C'est ainsi que le châtiment précipitera dans les ténèbres extérieures celui qui est tombé volontaire ment par sa faute dans les ténèbres intérieures.
Que celui donc qui a reçu le don de l'intelligence évite de garder le silence; que celui qui nage au sein de l'abondance ne se ralentisse pas dans l'exercice de la miséricorde; que ce lui qui a reçu le don de diriger l'applique à l'utilité du prochain; que celui qui peut avoir accès auprès des riches intercède pour les pauvres, car, aux yeux de Dieu, la plus petite grâce reçue sera considérée comme un talent qu'il nous a confié.
Le mot euge est une interjection qui marque la joie. Le Seigneur exprime ainsi la joie qu'il éprouve d'appeler à en trer dans la joie éternelle le serviteur qui a bien travaillé, et c'est de lui que le Prophète a dit: «Vous nous comblerez de joie en nous montrant votre visage» ( Ps 16,11 Ps 21,7 ).
La Glose
Il partit, non pas qu'il ait changé de lieu, mais il les abandonne à leur libre arbitre et leur laisse le libre exercice de leur action.
La parabole précédente nous a fait voir la condamnation de ceux qui n'ont pas fait une provision suffisante d'huile, soit qu'on entende par cette huile, ou l'éclat des oeuvres, la joie de la conscience, ou l'aumône que l'on distribue aux pauvres. Celle-ci est dirigée contre ceux qui ne veulent mettre au service de leur prochain, ni leur argent, ni leur doctrine, ni quel que autre chose que ce soit, et qui cachent tout ce qu'ils possèdent: «Le Seigneur est comme un homme qui entreprend un long voyage».
2567. Ensuite, il est question de la peine du sens. Il y a deux sens : la vue et le toucher. [Le Seigneur] présente donc d’abord la peine de la vue ; en second lieu, [celle] du toucher, lorsqu’il dit : JETEZ DANS LES TÉNÈBRES EXTÉRIEURES CE SERVITEUR INUTILE.
Remarquez qu’il n’est pas puni à cause du mal qu’il a fait, mais à cause du bien qu’il a omis [de faire]. Ainsi, plus haut, 7, 19 : Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé. Et ailleurs, Jb 15, 2 : Il enlèvera tout palmier qui ne porte pas de fruit. Il est appelé SERVITEUR INUTILE parce que le bien qu’il possède, il ne le dépense pas pour le bien des autres : il aura eu l’intelligence et ne l’aura pas dépensée pour un bon usage en enseignant aux autres ; il aura eu de l’argent, et n’aura pas fait d’œuvres de miséricorde.
2568. JETEZ-LE DANS LES TÉNÈBRES EXTÉRIEURES. Origène dit que certains avant lui ont dit que les damnés seront jetés complètement hors du monde. Ils disent donc que l’enfer se trouve à l’extérieur de l’ensemble du monde. Ils s’appuyaient sur ce qu’a dit Jb 18, 18 : Dieu les enlève du monde. [Origène] lui-même donne l’interprétation suivante : DANS LES TÉNÈBRES, car ils sont dans l’ignorance. Ps 81[82], 5 : Ils n’ont pas su ni compris, ils marchent dans les ténèbres
Puis suit la peine du toucher : LÀ SERONT LES PLEURS ET LES GRINCEMENTS DE DENTS. Cela a été expliqué plus haut, [Mt] 24.
Remarquez qu’il n’est pas puni à cause du mal qu’il a fait, mais à cause du bien qu’il a omis [de faire]. Ainsi, plus haut, 7, 19 : Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé. Et ailleurs, Jb 15, 2 : Il enlèvera tout palmier qui ne porte pas de fruit. Il est appelé SERVITEUR INUTILE parce que le bien qu’il possède, il ne le dépense pas pour le bien des autres : il aura eu l’intelligence et ne l’aura pas dépensée pour un bon usage en enseignant aux autres ; il aura eu de l’argent, et n’aura pas fait d’œuvres de miséricorde.
2568. JETEZ-LE DANS LES TÉNÈBRES EXTÉRIEURES. Origène dit que certains avant lui ont dit que les damnés seront jetés complètement hors du monde. Ils disent donc que l’enfer se trouve à l’extérieur de l’ensemble du monde. Ils s’appuyaient sur ce qu’a dit Jb 18, 18 : Dieu les enlève du monde. [Origène] lui-même donne l’interprétation suivante : DANS LES TÉNÈBRES, car ils sont dans l’ignorance. Ps 81[82], 5 : Ils n’ont pas su ni compris, ils marchent dans les ténèbres
Puis suit la peine du toucher : LÀ SERONT LES PLEURS ET LES GRINCEMENTS DE DENTS. Cela a été expliqué plus haut, [Mt] 24.
Voici la partie la plus terrible de la sentence :
non-seulement l'esclave coupable est dépouillé du talent qu'il avait reçu, il est en outre condamné à une peine
infamante et sévère. On le nomme à bon droit serviteur inutile, puisqu'il n'a pas su tirer parti de sa situation
pour avancer les intérêts de son maître en même temps que ses intérêts propres. - Jetez-le : l'opposé de
« entre dans la joie », vv. 21 et 23. Tandis que les deux autres avaient mérité d'entrer dans des relations tout à
fait intimes avec leur Seigneur, lui, il est éloigné à tout jamais de sa présence. Et remarquons bien que cet
homme aurait pu être plus coupable. Que serait-ce s'il eût consommé en débauches l'argent dont il avait le
dépôt ? Aussi demanderons nous avec S. Augustin : « Que doivent donc attendre ceux qui ont dissipé dans la
débauche le bien du maître, si ceux qui l'ont conservé avec paresse sont ainsi condamnés ? », Enarrat in Ps
38, 4 ; « Mesurons la peine du voleur à la peine du paresseux », Enarrat. in Ps. 99, 10. - Dans les ténèbres
extérieures. Nous avons dit ailleurs, cf. 8, 12, ce qu'il faut penser de ces ténèbres extérieures, comme aussi
des pleurs et des grincements de dents de ceux que la main divine y a relégués impitoyablement. - Les Pères
nous ont laissé, comme conclusion de cette parabole, une sentence qui en résume très bien l'enseignement
moral, et que plusieurs ont même attribuée à Jésus lui-même : faites valoir vos talents, faites-leur rapporter
de gros intérêts. Cf. Anger, synopsis, p. 274. Oui, faisons-les valoir si nous ne voulons pas mériter le sort de
ce malheureux serviteur. S. Augustin, dans un touchant discours prononcé pour l'anniversaire de son
élévation à l'épiscopat, serm. 339, 3, s'applique à lui-même la parabole des talents, et il raconte qu'elle le
délivra d'une tentation dangereuse. La pensée lui était venue de renoncer aux travaux extérieurs du saint
ministère pour s'abandonner aux saintes douceurs d'une vie contemplative ; mais, après avoir bien pesé toutes
choses, il disait : « l’Évangile me glace d'effroi ». Et pourtant, « Est-il rien de meilleur, de plus doux, que de
puiser sans bruit extérieur dans les trésors divins ? Voilà ce qui est bon, ce qui est agréable. Mais prêcher,
reprendre, corriger, édifier, s'inquiéter pour chacun, quelle charge, quel poids, quel travail ! Qui ne le fuirait ?
Mais l’Évangile m'épouvante ». Et il continua de se dépenser pour les âmes, conformément à la volonté du
divin Maître. Que chacun demeure donc dans la sphère où le Seigneur le veut, et qu'il y mette
vigoureusement en œuvre les dons qu'il a reçus d'en haut, craignant de devenir un serviteur inutile ! - Ainsi se
termine la troisième série des paraboles de Notre-Seigneur Jésus-Christ (voir la note placée en tête du chap.
13). Prononcées durant les huit ou dix derniers jours de la vie du Sauveur, entre son entrée solennelle à
Jérusalem et sa Passion, elles prophétisent la consommation finale du royaume de Dieu. On y voit le peuple
Juif exclu de ce royaume, cf. Matth. 21, 22, et les conditions auxquelles les autres hommes pourront y être
admis, ibid. 25. leur couleur est généralement sombre. On a pu dire avec beaucoup de vérité qu'elles sont aux
paraboles de la première série, qui étaient, elles aussi, presque toutes données par S. Matthieu, ch. 13, ce que
la prophétie du chap. 24 est au Sermon sur la Montagne. Rev. Plumptre, dans Smith Dict. of the Bible. s. v.
Parable.
La vie est confiée à l'homme comme un trésor à ne pas dilapider, comme un talent à faire fructifier. L'homme doit en rendre compte à son Seigneur (cf. Mt 25, 14-30; Lc 19, 12-27).