Matthieu 25, 46

Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
Saint Hippolyte de Rome
Comme le saint évangile l'affirme avec force, le Fils de l'homme rassemblera toutes les nations; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres: il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche. Alors il dira à ceux qui sont à sa droite: "Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde" (Mt 25,32-34).

Venez, vous qui avez aimé les pauvres et les étrangers. Venez, vous qui êtes restés fidèles à mon amour, car je suis l'amour. Venez, vous dont la paix a été la part d'élection, car je suis la paix. Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous.

Vous n'avez pas honoré la richesse, mais fait l'aumône aux pauvres. Vous avez secouru les orphelins, aidé les veuves, donné à boire à ceux qui avaient soif et à manger à ceux qui avaient faim. Vous avez accueilli les étrangers, habillé ceux qui étaient nus, visité les malades, réconforté les prisonniers, apporté votre aide aux aveugles. Vous avez gardé intact le sceau de la foi et vous avez été prompts à vous rassembler dans les églises. Vous avez écouté mes Ecritures et tant désiré entendre mes paroles. Vous avez observé ma loi le jour et la nuit et partagé mes souffrances comme de courageux soldats, pour trouver grâce devant moi, votre roi du ciel. Venez, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.

Voici que mon Royaume est préparé et mon ciel ouvert. Voici que mon immortalité apparaît dans toute sa beauté. Venez tous, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.

Alors les justes s'étonneront d'être invités à s'approcher comme des amis - ô merveille - de celui dont les troupes angéliques ne peuvent avoir une claire vision. Ils lui répondront d'une voix forte: Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu...? Tu avais donc faim, et nous t'avons nourri! Maître, tu avais soif, et nous t'avons donné à boire? Tu étais nu, et nous t'avons habillé, toi que nous révérons? Toi l'immortel, quand t'avons-nous vu étranger, que nous t'ayons accueilli? Toi qui aimes les hommes, quand t'avons-nous vu malade ou en prison, que nous soyons venus vers toi! (Mt 25,37-39). Tu es l'Éternel. Avec le Père, tu es sans commencement, et tu es coéternel à l'Esprit. C'est toi qui as tout créé de rien, toi, le roi des anges, toi que redoutent les abîmes. Tu as pour manteau la lumière (Ps 103,2). C'est toi qui nous a faits et modelés avec de la terre, toi qui as créé les êtres invisibles. Toute la terre s'enfuit loin de ta face. Et comment avons-nous accueilli ta royauté et ta souveraineté?

Alors le Roi des rois leur répondra: Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait (Mt 25,40). Chaque fois que vous avez accueilli et vêtu ces pauvres dont j'ai parlé, et que vous leur avez donné à manger et à boire, à eux qui sont mes membres, c'est à moi que vous l'avez fait. Mais venez dans le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Vous jouirez éternellement des biens de mon Père qui est aux cieux, et de l'Esprit très saint qui donne la vie.

Quelle langue pourra donc décrire de tels bienfaits? Personne n'a vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, le coeur de l'homme n'a pas imaginé ce qui a été préparé pour ceux qui aiment Dieu (1Co 2,9).
Origène
Ou bien, l'on peut dire que le Seigneur ne récompense pas ici une seule espèce de justice, comme plusieurs le pensent; car quelque soit le précepte de Jésus-Christ qu'on accomplisse, on apaise la faim et la soif de Jésus-Christ, qui se nourrit et s'abreuve de la justice, et de la vérité des fidèles De même nous couvrons de vêtements les membres glacés de Jésus-Christ, lorsque nous prenons le tissu de la sagesse, pour enseigner aux autres la saine doctrine et les revêtir des entrailles de la miséricorde. Lorsque nous ornons notre coeur des différentes vertus chrétiennes pour recevoir Jésus-Christ ou ceux qui lui appartiennent, c'est Jésus-Christ voyageur que nous recevons dans la demeure de notre âme. Lorsque nous visitons un frère in firme dans la foi ou dans les bonnes oeuvres, soit par la parole qui enseigne, soit par la répri mande, soit parla consolation, c'est Jésus-Christ lui-même que nous visitons. Enfin toute la terre est une véritable prison pour Jésus-Christ et pour ceux qui lui appartiennent, et qui, pen dant cette vie, sont comme des prisonniers enchaînés dans les nécessités de la nature humaine. Toutes les fois donc que nous faisons du bien à nos frères, nous les visitons dans leur prison, et Jésus-Christ dans leur personne.
Saint Jérôme
Remarquez, sage lecteur, que les supplices sont éternels, et que la vie éternelle n'a plus à craindre désormais d'épreuves fâcheuses.
Saint Augustin
Il en est qui cherchent a se tromper eux-mêmes, en soutenant que c'est le feu et non pas le supplice, que Notre-Seigneur déclare être éternel, et c'est en prévision de cette erreur qu'il conclut en ces termes: «Et ceux-ci iront dans le supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle». Remarquez que précédemment ce n'est qu'après avoir dit aux élus: «Venez les bénis de mon Père»,qu'il adresse aux réprouvés ces terribles paroles: «Retirez-vous maudits», parce qu'il est dans la nature d'un Dieu bon de se rappeler les bonnes oeuvres des justes avant les crimes des méchants; ici, au contraire, il prédit le supplice des méchants avant la récompense des bons, pour nous faire éviter les malheurs qui doivent nous inspirer d'abord une crainte salutaire avant que nous désirions les biens qui doi vent nous combler d'honneur et de gloire.

Or, la vie éternelle est notre souverain bien, et la fin de la Cité de Dieu, dont l'Apôtre a dit: «La fin, c'est la vie éternelle» ( Rm 6,22 ). Mais comme ceux qui ne sont pas familiarisés avec le langage des saintes Écritures pourraient aussi entendre la vie éternelle de la vie des méchants, parce que leur âme est immortelle, ou à cause des supplices sans fin dont leur impiété est punie, on doit, pour être compris de tous, dire que la fin de cette cité dans laquelle on jouira du souverain bien, est la paix dans la vie éternelle, ou la vie éternelle dans la paix.

Ce que Dieu disait de lui-même à son serviteur Moïse: «Je suis celui qui suis» ( Ex 3,14 ), c'est ce que nous contemplerons en vivant éternellement, comme Notre-Seigneur lui-même le déclare: «La vie éternelle, c'est de vous connaître, vous le seul Dieu véritable»; car cette vue de Dieu nous est promise comme la fin de toutes nos oeuvres, et le complément éternel de toutes nos joies, et c'est d'elle que saint Jean a voulu parler, lorsqu'il disait: «Nous le verrons tel qu'il est» ( 1Jn 3,2 ).

Sous aucune législation, la justice ne s'attache à proportionner la durée du châtiment à la durée du crime. Jamais personne n'a soutenu, par exemple, que la peine qui punit l'homicide ou l'adultère, ne dût pas se prolonger au delà du temps qu'ont duré ces crimes. Lorsqu'un homme est condamné à mort pour quelque grand crime, est-ce que les lois mesurent sa punition sur le temps que dure son supplice? et n'est-ce pas plutôt parce que la mort le retranche pour toujours de la société humaine? Et d'ailleurs, la confiscation, la flétrissure, l'exil, l'esclavage, lorsque toutes ces peines sont appliquées dans toute leur rigueur et sans aucun adoucissement, ne sont-elles pas semblables aux peines éternelles, autant qu'elles peuvent l'être en cette vie? si elles ne sont pas éternelles, c'est que la vie elle-même qu'elles atteignent ne dure pas éternellement. Mais, ajoute-t-on, où est la vérité de cette parole de Jésus-Christ: «Vous serez mesurés avec la même mesure dont vous vous serez servis à l'égard des autres» ( Mt 7,2 ). Si un péché qui n'a duré qu'un instant est puni par un supplice éternel? Nous répondons qu'en parlant de la sorte, on ne fait pas attention que cette même mesure, dont parle le Sauveur, doit s'entendre non pas d'une peine égale en durée à la faute, mais de la peine elle-même qui, par une juste réciprocité, sera le châtiment du mai qu'on aura fait aux autres. Or, l'homme s'est rendu digne d'un mal éternel pour avoir détruit en lui-même un bien qui le pou vait être.

Mais, ajoute-t-on encore, Dieu n'a créé aucun corps qui soit sujet à la souffrance, sans être sujet à la mort. Nous répondons qu'il est nécessaire qu'il vive pour souf frir, mais qu'il n'est pas nécessaire que la souffrance lui ôte la vie. Est-ce que toute souffrance donne actuellement la mort à nos corps qui sont cependant mortels? Il est en effet des dou leurs qui produisent cet effet, mais la cause en est que l'union actuelle de l'âme avec le corps ne peut résister, et cède devant des souffrances excessives. Mais alors, la nature du corps au quel l'âme sera unie, et les liens eux-mêmes qui établiront cette union seront à l'épreuve de toutes les douleurs. On ne peut pas dire qu'il n'y aura plus alors de mort; mais la mort sera éternelle, parce que l'âme ne pourra vivre privée de Dieu, et qu'elle ne pourra échapper par la mort aux douleurs du corps. Parmi ceux qui ont nié l'éternité des peines de l'enfer, le plus mi séricordieux est Origène qui a cru que le démon lui-même et ses anges, après de rigoureux et longs supplices proportionnés à leurs fautes, obtiendraient leur délivrance, et rentreraient dans la société des saints anges. Mais l'Église l'a condamné avec raison pour cette erreur et d'autres encore; et il perdit jusqu'à ces faux dehors de miséricorde en créant aux saints de véritables souffrances, qui seraient pour eux des châtiments expiatoires, et une félicité mensongère, où leur joie n'aurait aucune sécurité, parce qu'elle ne serait point éternelle. Mais une erreur bien différente, et qui part toujours d'un faux sentiment de compassion, est celle qui prétend que les souffrances des hommes condamnés dans ce jugement n'auront qu'un temps, et qu'après avoir été délivrés tôt ou tard, ils jouiront d'un bonheur éternel. Mais pourquoi cette miséricorde, qui se répand sur toute la nature humaine, se tarit-elle aussitôt qu'elle arrive à la nature angélique?

Il en est d'autres encore qui promettent la délivrance des peines éternelles, non pas à tous les hommes indistinctement, mais seulement à ceux qui ont été justifiés par le baptême de Jésus-Christ, et qui participent à son corps, quelle qu'ait été d'ailleurs leur vie; et ils se fondent sur les paroles du Seigneur: «Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement». Il en est d'autres qui font cette promesse, non pas à tous ceux qui ont participé au sacrement du Christ, mais aux seuls catholiques, bien que leur vie soit ré préhensible, et cela parce qu'ils ont mangé en réalité le corps de Jésus-Christ, en faisant partie de son corps mystique qui est l'Église; et ils leur garantissent ce bonheur quand même ils se raient tombés plus tard dans l'hérésie ou dans l'idolâtrie. Il en est encore qui s'appuient sur ces paroles du Sauveur: «Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, sera sauvé» ( Mt 24,13 ), pour promettre exclusivement le bonheur éternel à ceux qui persévéreront dans l'Église catholique, quoiqu'ils y vivent d'une manière déréglée, parce que, disent-ils, en vertu du fondement de la foi qu'ils auront conservée, ils seront sauvés par le feu ( 1Co 3,15 ) qui doit devenir le supplice des méchants au dernier jour. Mais l'Apôtre condamne toutes ces erreurs par ces paroles: «Il est aisé de connaître les oeuvres de la chair qui sont l'impureté, la forni cation, et autres crimes semblables, et je déclare que ceux qui les commettent, ne posséderont pas le royaume de Dieu» ( Ga 5,21 ). Si quelqu'un, en effet, préfère les choses de la terre à Jésus-Christ, bien qu'il paraisse avoir la foi de Jésus-Christ, Jésus-Christ n'est cependant pas le fondement ( 1Co 3,11 ) de ses oeuvres, puisqu'il lui préfère des biens périssables; mais s'il fait plus, et qu'il commette l'iniquité, ce n'est plus seulement le second rang, mais le dernier, qu'il donne à Jésus-Christ. J'en ai rencontré aussi qui pensent que la peine des flammes éternelles n'atteindra que ceux qui auront omis d'expier leurs péchés par de dignes aumônes; c'est pour cela, disent-ils, que le souverain juge n'a voulu rappeler au jugement dernier que les aumônes qui ont été faites ou omises. Mais celui qui expie ses péchés par des aumônes proportionnées à ses fautes, devrait commencer par se faire l'aumône à lui-même; car c'est une indignité que de se refuser à soi-même ce qu'il accorde à son prochain, lorsqu'il entend le Seigneur lui dire: «Vous aimerez votre prochain comme vous-même», et encore: «Ayez pitié de votre âme, en vous efforçant de plaire à Dieu». Or, comment peut-on dire qu'il expie dignement ses péchés par ses aumônes, lui qui ne fait point à son âme l'aumône de plaire à Dieu? Il faut donc faire des aumônes pour nous rendre Dieu favorable lorsque nous le prions de nous pardonner nos péchés passés, mais non pas dans la pensée que nous pouvons persévérer dans ces mêmes pé chés, et que nous achetons par nos aumônes la liberté de faire le mal. Et si le Seigneur promet qu'il placera à sa droite ceux qui ont fait l'aumône, et à sa gauche ceux qui ont négligé ce devoir de charité, c'est qu'il veut nous apprendre toute la puissance de l'aumône pour effacer les péchés passés, mais non pas assurer à jamais l'impunité de ceux que l'on pourrait commettre.
Saint Grégoire le Grand
Si le châtiment de celui qui est accusé de n'avoir pas donné son bien est si grand, que sera le supplice infligé à celui qui sera convaincu d'avoir pris le bien des autres ?

Mais, dit-on, c'est une simple menace que Dieu fait aux pé cheurs pour les arrêter dans le chemin du vice. Si Dieu, répondrons-nous, a menacé de châtiments imaginaires pour retirer les pécheurs de l'iniquité, il a promis également des récompenses mensongères pour exciter à la pratique de la vertu; et c'est ainsi qu'en s'efforçant de défendre la miséricorde de Dieu, ils ne craignent pas de détruire ouvertement sa vérité. Mais, dira-t-on encore, une faute finie ne peut-être punie par un supplice infini? Nous répondrons que ce raisonnement serait juste, si le juste juge examinait et pesait seulement les actions des hommes, et non pas leurs coeurs et leurs intentions. La justice fait donc un devoir à ce juge équitable de ne laisser jamais sans supplice des âmes qui, en ce monde, n'ont voulu rester aucunement sans péché.

On fait une nouvelle objection: il n'y a pas d'homme juste qui puisse se complaire dans des cruautés gratuites, et si un maître qui est juste, fait battre de verges son serviteur coupable, c'est pour le corriger de ses vices, mais quel sera le but de ces feux éternels dans lesquels les méchants seront éternellement consumés? Nous répondons que le Dieu tout-puissant ne peut se repaître des tourments des malheureux, parce qu'il est miséricordieux, ni être apaisé par le supplice des coupables, parce qu'il est juste; mais une des fins pour lesquelles les méchants seront brûlés éternellement, c'est afin que les justes se reconnaissent éternellement d'autant plus redevables à la grâce divine, en voyant punies pour l'éternité des fautes que le secours de la grâce leur a fait éviter.

Mais comment, objecte-t-on encore, peut-on croire à la sainteté de ceux qui ne prieront point pour leurs ennemis qu'ils verront alors la proie des flam mes? Les saints prient pour leurs ennemis, tant que leurs prières peuvent amener leurs coeurs à un repentir utile et salutaire, mais pourquoi prieraient-ils pour ceux qui ne peuvent plus en aucune façon être séparés de l'iniquité ?
Saint Thomas d'Aquin
2602. ALORS ILS S’EN IRONT AU TOURMENT ÉTERNEL, etc. Une fois présentée la sentence, l’effet est présenté. ALORS ILS S’EN IRONT AU TOURMENT ÉTERNEL. Il avait dit plus haut : AU FEU ÉTERNEL, car il pourrait se faire qu’il y ait un feu éternel, qui cependant ne torturerait pas éternellement. C’est pourquoi il dit : AU TOURMENT. ET LES JUSTES [S’EN IRONT] À UNE VIE ÉTERNELLE. Jn 17, 3 : Telle est la vie éternelle : qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus, le Christ. Qu’il existe un tourment éternel, on le lit en Dn 12, 2 : Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, certains pour une vie éternelle, d’autres pour leur honte, afin de voir pour toujours. Ap 20, 15 : Il fut envoyé dans un étang de feu et de soufre, où étaient tourmentés nuit et jour les bêtes et les faux prophètes pour les siècles des siècles. Is 66, 24 : Les vers [qui les rongent] ne mourront pas et le feu [qui les brûle] ne s’éteindra pas. Quelle est la cause de ce tourment ? Certains, comme Origène, ont voulu qu’il n’y ait pas de tourment éternel. Ils affirment donc que tout tourment cessera. [Origène] dit donc que ce qui a été dit ici l’a été par exagération. Mais Augustin le réfute : s’il en est ainsi, lorsqu’on dit que les justes iront dans une vie éternelle, on le dit également par exagération. Mais cela est dit en raison de la longue durée, comme même Origène le concède. Et cela est détestable qu’il y ait une telle diversité dans la même Écriture. Que cela ne puisse être, on le voit clairement de la manière suivante : la justice exige qu’une peine égale réponde à la faute. En effet, de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous, 7, 1.

2603. Mais comment, après la mort, le tourment éternel sera-t-il autant reporté ? Grégoire répond en disant que Dieu est juge de la volonté, de sorte que celui qui n’a pas retenu [sa] volonté de pécher jusqu’à la mort a péché pour l’éternité. Il mérite donc d’être puni pour l’éternité. Augustin dit ceci : «Nous voyons que la peine doit être égale à la faute. Il en est ainsi selon la justice humaine : si quelqu’un pèche contre la société civile, le juge n’a la mort comme but que pour [le] séparer de la société de la cité d’une manière perpétuelle. Mais celui [qui pèche] contre Dieu, [Dieu] entend l’exclure de la société de la cour céleste.» Selon Hilaire, la peine est due pour la faute. Or la peine n’est détruite que par la charité. Donc, aussi longtemps que l’homme n’a pas la charité, il est juste qu’il soit toujours dans la peine. Du fait qu’il n’a pas eu la charité en cette vie, il est donc nécessaire qu’il demeure toujours dans la peine. On objecte aussi que les saints prieront et qu’ils seront exaucés. Donc, etc. Grégoire dit qu’alors qu’ils sont en route, les saints sont exaucés pour eux, mais non après. De même, on objecte : Dieu ne se délecte pas de la peine ; comment donc affligera-t-il sans fin ? Il faut dire que, même s’il ne [s’en] délecte pas, il fait cependant cela pour maintenir sa justice.
Louis-Claude Fillion
Les deux sentences ont été prononcées ; Jésus, dans un épilogue majestueux et sublime, nous fait maintenant assister à leur exécution. - Et ceux-ci iront.. ; les réprouvés dont il a été parlé en dernier lieu. - Au supplice éternel : mots effrayants, sur la signification desquels il ne règne pas le moindre doute ; de Wette lui-même, malgré son rationalisme ardent, est forcé de l'admettre. Du reste, comme le remarque justement S. Grégoire, Dial. 4, c. 44, « Si elles sont fausses les punitions dont le Christ nous menace pour enrayer l’injustice, elles sont fausses également les promesses qu’il fait pour nous inciter à pratiquer la justice ». Les deux éternités, celle du ciel et celle de l'enfer, sont corrélatives : si l'une tombe, comment l'autre subsistera-t-elle ? Cf. S. Augustin, de Civitate Dei, 21, 23. Aussi étaient-elles un dogme de foi chez les Juifs de même qu'elles le sont dans le catholicisme. On ne trouverait pas, dans l'Écriture, un seul mot qui puisse faire espérer aux damnés la cessation de leurs souffrances. - A la vie éternelle. Expression bien chère aux écrivains du Nouveau Testament, puisqu'ils l'emploient jusqu'à 44 fois. Elle ne désigne pas simplement l'existence, même une existence heureuse et sans fin, mais la vie essentielle, la vie dans ce qu'elle a de plus parfait. - Notons, d'après Bengel, Gnomon, in h. l ., que la sentence n'est pas exécutée dans le même ordre qu'elle avait été prononcée. « Le Christ s'adressera d'abord aux justes, en présence des injustes qui entendront ; mais les injustes s'en iront les premiers, les justes assistant ainsi à leur châtiment ». Jésus n'ajoute rien au mot « éternelle » : la toile tombe et la double éternité commence, la décision étant sans appel. Le divin Maître achève ainsi ce terrible discours.
Concile œcuménique
Ainsi donc, unis au Christ dans l’Église et marqués de l’Esprit Saint, « gages de notre héritage» (Ep 1, 14), en toute vérité nous sommes appelés enfants de Dieu, et nous le sommes (cf. 1 Jn 3, 1) ; mais l’heure n’est pas encore venue où nous paraîtrons avec le Christ dans la gloire (cf. Col 3, 4), devenus semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu’il est (cf. 1 Jn 3, 2). « Tant que nous demeurons dans ce corps, nous sommes en exil loin du Seigneur » (2 Co 5, 6), possédant les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement (cf. Rm 8, 23) et nous aspirons à être avec le Christ (cf. Ph 1, 23). La même charité nous presse du désir de vivre davantage pour lui, qui est mort pour nous et ressuscité (cf. 2 Co 5, 15). Nous avons donc à cœur de plaire au Seigneur en toutes choses (cf. 2 Co 5, 9) et nous endossons l’armure de Dieu afin de pouvoir tenir contre les embûches du démon et lui résister au jour mauvais (cf. Ep 6, 11-13). Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour pouvoir, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre (cf. He 9, 27), être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu (cf. Mt 25, 31-46), au lieu d’être, comme les mauvais et les paresseux serviteurs (cf. Mt 25, 26) écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel (cf. Mt 25, 41), vers ces ténèbres du dehors où « seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 22, 13 ; 25, 30). En effet, avant de régner avec le Christ glorieux, tous nous devrons être mis un jour « devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive le salaire de ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, soit en bien, soit en mal » (2 Co 5, 10) ; et à la fin du monde « les hommes sortiront du tombeau, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de condamnation « (Jn 5, 29 ; cf. Mt 25, 46). « C’est pourquoi, estimant qu’il n’y a pas de proportion entre les peines du présent et la gloire qui doit se manifester en nous » (Rm 8, 18 ; cf. 2 Tm 2, 11-12), « nous attendons, solides dans la foi, la bienheureuse espérance et la manifestation glorieuse de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus» (Tt 2, 13) « qui transformera notre corps de misère en un corps semblable à son corps de gloire » (Ph 3, 21), et qui viendra « pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous ceux qui auront cru » (2 Th 1, 10).

Les instituts eux-mêmes s’efforceront, compte tenu de la diversité des lieux, de fournir en quelque sorte un témoignage collectif de pauvreté ; volontiers ils prendront de leurs biens pour subvenir aux autres besoins de l’Église et soutenir les indigents que tous les religieux doivent aimer dans le cœur du Christ (cf. Mt 19, 21 ; 25, 34-46 ; Jc 2, 15-16 ; 1 Jn 3, 17). Les provinces et les maisons des instituts doivent partager les unes avec les autres leurs biens matériels, les plus aisées secourant les plus démunies.
Pape Saint Jean-Paul II
Mais, au-delà de la mission spécifique des parents, la tâche d'accueillir et de servir la vie concerne tout le monde et doit se manifester surtout à l'égard de la vie qui se trouve dans des conditions de plus grande faiblesse. Le Christ lui-même nous le rappelle quand il demande d'être aimé et servi dans ses frères éprouvés par quelque souffrance que ce soit: ceux qui sont affamés, assoiffés, étrangers, nus, malades, emprisonnés... Ce qui est fait à chacun d'eux est fait au Christ lui-même (cf. Mt 25, 31-46).

L'Ancien et le Nouveau Testament affirment explicitement que, sans l'amour du prochain qui se concrétise dans l'observance des commandements, l'amour authentique pour Dieu n'est pas possible. Saint Jean l'écrit avec une force extraordinaire : « Si quelqu'un dit " J'aime Dieu " et qu'il déteste son frère, c'est un menteur : celui qui n'aime pas son frère qu'il voit ne saurait aimer le Dieu qu'il ne voit pas » (1 Jn 4, 20). L'évangéliste fait écho à la prédication morale du Christ, exprimée de manière admirable et sans équivoque dans la parabole du bon Samaritain (cf. Lc 10, 30-37) et dans le « discours » du jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46).

Par la vie morale, la foi devient « confession », non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes : elle se fait témoignage. « Vous êtes la lumière du monde — a dit Jésus. Une ville ne se peut cacher, qui est sise au sommet d'un mont. Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 14-16). Ces œuvres sont surtout celles de la charité (cf. Mt 25, 31-46) et de la liberté authentique qui se manifeste et vit par le don de soi. Jusqu'au don total de soi, comme l'a fait Jésus qui, sur la Croix, « a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle » (Ep 5, 25). Le témoignage du Christ est source, modèle et appui pour le témoignage du disciple, appelé à prendre la même route : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix chaque jour, et qu'il me suive » (Lc 9, 23). La charité, selon les exigences du radicalisme évangélique, peut amener le croyant au témoignage suprême du martyre. Et cela, toujours en suivant l'exemple de Jésus qui meurt sur la Croix : « Cherchez à imiter Dieu, comme des enfants bien-aimés — écrit Paul aux chrétiens d'Ephè- se —, et suivez la voie de l'amour, à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est livré pour nous, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur » (Ep 5, 1-2).

Cette exigence ne s'arrête pas aux limites de la famille, ni même du peuple ou de l'Etat, mais elle concerne progressivement toute l'humanité, de telle sorte qu'aucun homme ne doit se considérer comme étranger ou indifférent au sort d'un autre membre de la famille humaine. Aucun homme ne peut affirmer qu'il n'est pas responsable du sort de son frère (cf. Gn 4, 9 ; Lc 10, 29-37 ; Mt 25, 31-46) ! Une sollicitude attentive et dévouée à l'égard du prochain au moment même où il en a besoin — facilitée aujourd'hui par les nouveaux moyens de communication sociale qui ont rendu les hommes plus proches les uns des autres — présente une importance particulière pour la recherche de modes de résolution, autres que la guerre, des conflits internationaux. Il n'est pas difficile d'affirmer que la puissance terrifiante des moyens de destruction, accessibles même aux petites et moyennes puissances, ainsi que les relations toujours plus étroites existant entre les peuples de toute la terre, rendent la limitation des conséquences d'un conflit très ardue ou pratiquement impossible.

C'est pourquoi je désire attirer l'attention sur certains indices de portée générale, sans exclure d'autres éléments spécifiques. Sans entrer dans l'analyse des chiffres ou des statistiques, il suffit de regarder la réalité d'une multitude incalculable d'hommes et de femmes, d'enfants, d'adultes et de vieillards, en un mot de personnes humaines concrètes et uniques, qui souffrent sous le poids intolérable de la misère. Ils sont des millions à être privés d'espoir du fait que, dans de nombreuses parties de la terre, leur situation s'est sensiblement aggravée. Face à ces drames d'indigence totale et de nécessité que connaissent tant de nos frères et sœurs, c'est le même Seigneur Jésus qui vient nous interpeller (cf. Mt 25, 31-46).
Pape Benoît XVI
C’est à partir de ce principe que doivent aussi être comprises les grandes paraboles de Jésus. Du lieu de sa damnation, l’homme riche (cf. Lc 16, 19-31) implore pour que ses frères soient informés de ce qui arrive à celui qui a, dans sa désinvolture, ignoré le pauvre dans le besoin. Jésus recueille, pour ainsi dire, cet appel à l’aide et s’en fait l’écho pour nous mettre en garde, pour nous remettre dans le droit chemin. La parabole du bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37) permet surtout de faire deux grandes clarifications. Tandis que le concept de “prochain” se référait jusqu’alors essentiellement aux membres de la même nation et aux étrangers qui s’étaient établis dans la terre d’Israël, et donc à la communauté solidaire d’un pays et d’un peuple, cette limitation est désormais abolie. Celui qui a besoin de moi et que je peux aider, celui-là est mon prochain. Le concept de prochain est universalisé et reste cependant concret. Bien qu’il soit étendu à tous les hommes, il ne se réduit pas à l’expression d’un amour générique et abstrait, qui en lui-même engage peu, mais il requiert mon engagement concret ici et maintenant. Cela demeure une tâche de l’Église d’interpréter toujours de nouveau le lien entre éloignement et proximité pour la vie pratique de ses membres. Enfin, il convient particulièrement de rappeler ici la grande parabole du Jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46), dans laquelle l’amour devient le critère pour la décision définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine. Jésus s’identifie à ceux qui sont dans le besoin: les affamés, les assoiffés, les étrangers, ceux qui sont nus, les malades, les personnes qui sont en prison. «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25, 40). L’amour de Dieu et l’amour du prochain se fondent l’un dans l’autre: dans le plus petit, nous rencontrons Jésus lui-même et en Jésus nous rencontrons Dieu.
Pape Francois
170. S’identifiant aux derniers de la société (cf. Mt 25, 31-46) « Jésus a apporté la grande nouveauté de la reconnaissance de la dignité de toute personne, aussi et surtout de ces personnes qualifiées d’“indignes”. Ce principe nouveau dans l’histoire de l’humanité, selon lequel les êtres humains sont d’autant plus “dignes” de respect et d’amour qu’ils sont plus faibles, plus misérables et plus souffrants – jusqu’à perdre leur “figure” humaine –, a changé la face du monde en donnant naissance à des institutions qui s’occupent des personnes en situation défavorisée : bébés abandonnés, orphelins, personnes âgées laissées seules, malades mentaux, personnes atteintes de maladies incurables ou de graves malformations, personnes vivant dans la rue ».