Matthieu 26, 46

Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »

Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
Origène
Maintenant encore, Jésus est livré entre les mains des pécheurs, lorsque ceux qui paraissent croire en lui l'ont entre les mains, tout pécheurs qu'ils sont. De même, toutes les fois qu'un juste qui possède Jésus en soi, devient esclave du péché, Jésus est encore livré entre les mains des pécheurs.

Après les avoir tirés de leur sommeil, Jésus, voyant en esprit Judas qui s'approchait pour le trahir, sans que ses disciples pussent encore l'apercevoir, leur dit: «Voici l'heure qui appro che»,etc.

Ou bien, ce sommeil qu'il commande maintenant à ses disciples de prendre, n'est pas le même auquel ils ont succombé précédemment; en effet, lors que Jésus vint les trouver alors, ils dormaient, il est vrai, et avaient leurs yeux appesantis, mais ils ne se reposaient pas; maintenant, au contraire, il leur commande, non plus simplement de dormir, mais de dormir d'un sommeil qui les repose, pour que l'ordre naturel des choses soit observé. C'est ainsi que nous devons d'abord veiller et prier pour ne point tomber dans la ten tation, afin de pouvoir ensuite nous livrer au sommeil et au repos. Ainsi tout homme qui a trouvé une demeure au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob peut monter sur le lit de son repos, et accorder le sommeil à ses yeux ( Ps 132,4 ) Peut-être aussi l'âme qui ne peut tou jours supporter la fatigue, accablée qu'elle est sous le poids du travail, obtiendra quelques moments de relâche que l'on compare au sommeil, et qu'elle pourra goûter sans crainte de reproche, afin de pouvoir se lever toute renouvelée après ces quelques instants de repos.
Saint Hilaire de Poitiers
Après ces prières multipliées, après ces démarches répétées, il bannit la crainte de l'âme de ses disciples, il leur rend la sécurité, et les invite à prendre du repos «Alors il revint trouver ses disciples», etc.

Ou bien, il s'exprime ainsi, parce qu'il attendait désormais avec confiance l'effet de la volonté de son Père sur ses disciples, d'après la prière qu'il lui avait faite: «Que votre volonté soit faite», assuré qu'il était qu'en buvant le premier le calice qui devait passer jusqu'à nous, il absorbait pour ainsi dire, en sa personne, les infirmités de notre corps, les sollicitudes de la crainte, et la dou leur elle-même de la mort.

Lorsque Notre-Seigneur revient vers ses disciples, et qu'il les trouve endormis, la première fois, il leur en fait un reproche; la seconde fois, il se tait; la troisième fois, il leur or donne de se reposer. Voici la raison de cette conduite: premièrement, après sa résurrection, il les trouva dispersés, pleins de défiance et de crainte; secondement, lorsqu'il les visita en leur envoyant l'Esprit saint, leurs yeux étaient appesantis et ne pouvaient contempler la liberté de l'Évangile; car l'amour de la loi, qui les retenait encore tant soit peu, les laissait comme plongés dans le som meil par rapport à la foi; troisièmement enfin, lorsqu'il reviendra dans l'éclat de sa majesté, il leur rendra la sécurité et le repos.
Saint Jean Chrysostome
Ces paroles: «L'heure approche», prouvent que tout se faisait par suite d'une disposition toute divine, et ces autres: «Le Fils de l'homme va être livré entre les mains des pécheurs», que sa passion était l'oeuvre de leur méchanceté, et qu'il n'était coupable d'aucun crime qui pût en être la cause.

Au contraire, c'est alors qu'il fallait veiller; mais il leur parle de la sorte pour leur faire comprendre qu'ils ne pourraient sup porter la vue des maux qui allaient fondre sur lui, et que d'ailleurs, il n'avait pas besoin de leur secours, puisqu'il fallait nécessairement qu'il fût livré à ses ennemis.
Saint Jérôme
Après avoir prié pour la troisième fois, et obtenu pour ses Apôtres que leur repentir pût expier leurs craintes, sans inquiétude de sa passion, il se dirige vers ses persécuteurs, et se présente de lui-même à la mort: «Levez-vous, allons», c'est-à-dire, afin qu'ils ne vous trouvent pas en proie aux appréhensions et à la crainte, marchons de nous-mêmes à la mort, et qu'ils soient témoins de l'assurance et de la joie de celui qu'ils vont faire souffrir. «Voici qu'approche celui qui me doit livrer». - Orna. Il ne dit pas: Il s'approche de moi; car le traître disciple ne s'approchait pas de Jésus, lui qui s'en était éloigné par ses péchés.
Saint Augustin
Ce récit de saint Matthieu paraît contradictoire; car com ment a-t-il pu dire: «Dormez maintenant et reposez-vous», et ajouter presque immédiate ment: «Levez-vous, allons ?» Cette contradiction apparente a porté quelques interprètes à soutenir que ces paroles du Sauveur: «Dormez maintenant et reposez-vous», sont un repro che qu'il leur fait, plutôt qu'une permission qu'il leur donne, explication qu'on pourrait très-bien admettre, si elle était nécessaire; mais comme dans le récit de saint Marc après que Jésus a dit: «Dormez maintenant et reposez-vous», il ajoute: «C'est assez», et puis ensuite: «L'heure est venue, le Fils de l'homme va être livré», nous devons comprendre qu'après avoir dit: «Dormez maintenant et reposez-vous»,le Seigneur a gardé quelque temps le silence, pour laisser s'accomplir ce qu'il avait promis, et qu'ensuite il ajoute: «Voici que l'heure ap proche». D'après saint Ma rc, le Sauveur leur dit: «C'est assez», c'est-à-dire vous vous êtes reposés suffisamment.
Saint Thomas d'Aquin
2730. Ensuite, [Matthieu] présente le réveil : d’abord, il le présente, en cet endroit : VOICI, etc. Par le fait de dire : LEVEZ-VOUS !, [le Seigneur] montre son empressement. C’est ainsi qu’il est dit, en Jn 18, 3, qu’il vint vers eux. Et pourquoi ? VOICI QU’APPROCHE CELUI QUI ME LIVRERA ! Il était proche, non pas qu’il le vît de son œil corporel, mais par son esprit, à savoir, par l’œil de la divinité. Mais pourquoi leur dit-il : LEVEZ-VOUS !, alors qu’il leur avait permis de dormir ? Augustin donne la solution : il avait parlé en faisant un reproche, comme s’il disait : «Dormez tant que vous voulez, VOICI QU’APPROCHE L’HEURE, etc.» Et Augustin dit que cela suffirait, s’il n’arrivait rien de mieux. Il dit donc autre chose : ceux-ci avaient dormi un peu, et, alors qu’ils s’étaient endormis, il dit : LEVEZ-VOUS ! ALLONS !
Louis-Claude Fillion
Levez- vous. Il s'écoula un temps plus ou moins considérable entre ces paroles et celles du verset précédent. Sous la garde leur Maître, les apôtres s'endormirent. Puis, Jésus les éveilla au moment de l'arrivée du traître et de ses sicaires. - Allons. Il veut aller au-devant de ses bourreaux. « Il se dirige vers ses persécuteurs, et se présente de lui-même à la mort : « Levez-vous, allons », c'est-à-dire, afin qu'ils ne vous trouvent pas en proie aux appréhensions et à la crainte, marchons de nous-mêmes à la mort, et qu'ils soient témoins de l'assurance et de la joie de celui qu'ils vont faire souffrir », S. Jérôme in h.l. Tant son triomphe a été complet !
Pape Saint Jean-Paul II
En outre, Jésus révèle, par sa vie même et non seulement par ses paroles, que la liberté s'accomplit dans l'amour, c'est-à-dire dans le don de soi. Lui qui dit : « Nul n'a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13) marche librement vers sa Passion (cf. Mt 26, 46) et, dans son obéissance au Père, il livre sa vie sur la Croix pour tous les hommes (cf. Ph 2, 6-11). La contemplation de Jésus crucifié est donc la voie royale sur laquelle l'Eglise doit avancer chaque jour si elle veut comprendre tout le sens de la liberté : le don de soi dans le service de Dieu et de ses frères. Et la communion avec le Seigneur crucifié et ressuscité est la source intarissable à laquelle l'Eglise puise sans cesse pour vivre librement, se donner et servir. En commentant ce verset du Psaume 100 99 « servez le Seigneur dans l'allégresse », saint Augustin dit : « Dans la maison du Seigneur, l'esclavage est libre. L'esclavage est libre, lorsque ce n'est pas la contrainte mais la charité qui sert... Que la charité te rende esclave, puisque la vérité t'a rendu libre... Tu es en même temps esclave et homme libre : esclave, car tu l'es devenu ; homme libre, car tu es aimé de Dieu, ton Créateur ; bien plus, tu es libre parce que tu aimes ton Créateur... Tu es l'esclave du Seigneur, l'affranchi du Seigneur. Ne cherche pas à être libéré en t'éloignant de la maison de ton libérateur ! » Ainsi l'Eglise, et tout chrétien en elle, est appelée à participer au munus regale du Christ en Croix (cf. Jn 12, 32), à la grâce et à la responsabilité du Fils de l'homme qui « n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 28)