Matthieu 26, 68

en disant : « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »

en disant : « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »
Origène
Les faux témoignages ne sont possibles que lorsqu'on peut leur donner quelque semblant de vérité. Mais on ne pouvait même pas trouver ces apparences qui seraient venues fortifier les mensonges qu'ils inventaient contre Jésus-Christ, bien qu'il y eût beaucoup de gens qui eussent voulu être agréable en cela aux princes des prêtres. C'est là, du reste, une gloire éclatante pour Jésus, que toutes ses paroles, que toutes ses actions aient été irrépréhensibles jusque là que ces hommes pervers et consommés dans la malice, n'aient pu trouver l'ombre même d'une faute dans sa conduite.

Cet exemple nous apprend à mépriser les calomnies et les faux témoignages, et à ne pas même juger dignes de réponse ceux qui tien nent des discours injustes contre nous, surtout alors qu'il est plus digne de se taire librement et courageusement, que de se défendre sans profit.

La loi nous offre quelques exemples d'adjuration ( Gn 24 Gn 50 Ex 13 Nb 5 Jos 17 1S 14 1R 4 2R 11 2Ch 18,34 2Ch 18,36 Esd 10 Is 5 Is 12 Tb 18-19 Ct 2-3 ), mais pour moi, je pense qu'un homme qui veut vivre conformément à l'Évangile, ne doit point en adjurer un autre; car s'il est défendu de jurer, il l'est également d'adjurer. Si l'on objecte que Jésus commandait aux démons, et qu'il donnait à ses disciples le pouvoir de les chasser, nous répondrons que le pouvoir donné par le Sauveur sur les démons, n'est pas une véritable adjuration. Or, le grand-prêtre était grandement coupable de tendre ainsi des piéges à Jésus, et en cela, il imitait son propre père (le démon) qui, dans le doute, avait fait deux fois cette question au Sauveur: «Si vous êtes le Christ, Fils de Dieu» ( Mt 4,3 Mt 4,6 ); et l'on peut en conclure avec raison que douter si le Christ est le Fils de Dieu, c'est faire l'oeuvre du démon. Or, il ne convenait pas que le Seigneur répondit à l'adjuration du grand-prêtre, comme s'il y était forcé. Aussi s'il ne nie pas qu'il fût le Fils de Dieu, il ne le confesse pas non plus ouvertement «Jésus lui répondit: C'est vous qui l'avez dit».Le grand-prêtre n'était pas digne d'entendre les divins enseignements de Jésus-Christ, aussi ne cherche-t-il pas à l'instruire, mais il prend ses propres paroles, et s'en sert pour le convaincre et le condamner. «De plus, je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l'homme assis»,etc. Cette figure, par laquelle Notre-Seigneur se re présente assis, me paraît signifier une royauté fortement établie; et en effet, c'est par la puis sance de Dieu, qui seul est la véritable puissance, qu'a été fondé le trône de Jésus, qui a reçu de Dieu le Père toute puissance dans le ciel comme sur la terre. Or, il viendra un temps où ses ennemis seront témoins de l'affermissement de son trône, et cette prédiction a reçu un com mencement d'exécution dans le temps même de l'incarnation du Sauveur, alors que ses disci ples le virent ressusciter d'entre les morts, et solidement établi à la droite de la puissance di vine, ou bien, comme en comparaison de cette durée éternelle qui est en Dieu, le temps qui s'écoule depuis le commencement du monde jusqu'à la fin est comme un seul jour, il n'est pas étonnant que le Sauveur emploie cette expression: «tout à l'heure, bientôt», pour montrer la brièveté du temps qui nous sépare de la fin du monde. Or, il ne leur prédit pas seulement qu'ils le verront assis à la droite de la puissance divine, mais encore qu'ils le verront venir sur les nuées du ciel. «Et, venant sur les nuées du ciel». Les nuées sont les prophètes et les Apôtres de Jésus-Christ, auxquels il commande de répandre la pluie lorsqu'elle est nécessaire ( Ps 77 ). Ce sont des nuées qui ne passent pas, car elles portent en elles l'image de l'homme céleste ( 1Co 15,47 ), et elles sont dignes, comme héritières de Dieu et cohéritières du Christ, d'être le siége de Dieu. ( Rm 8,17 )

Quelle erreur monstrueuse que de pro clamer digne de mort la vie par excellence, et malgré des témoignages si imposants de résur rection, de ne pas reconnaître la source même de la vie, d'où elle se répandait sur toue les hommes.
Saint Jean Chrysostome
Les princes des prêtres s'étant assemblés, cette réunion d'hommes cor rompus voulut donner aux criminels desseins qu'ils tramaient contre le Sauveur, les formes légales de la justice: «Cependant les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus», etc. Mais ce qui suit prouve jusqu'à l'évidence qu'il n'y avait là qu'un simulacre de jugement, et que toutes leurs délibérations n'étaient que tumulte et confusion: «Et ils n'en trouvèrent point, quoique plusieurs faux témoins se fussent présentés.

Mais pourquoi ne l'accusent-ils pas d'avoir violé le jour du sabbat? C'est parce que bien des fois il les avait confondus sur ce point.

Le grand-prêtre fait cette démonstration pour aggraver le crime dont il veut charger le Sauveur, et confirmer par cet acte la vérité de ses paroles.

Il lui parle de la sorte pour lui arracher une réponse répréhensible, et qui pût être tournée contre lui. Or, il était parfaitement inutile au Sauveur de répondre, puisque personne n'était disposé à l'écouter, c'est pour. quoi l'Évangéliste ajoute: «Mais Jésus se taisait»; car il n'y avait là que les apparences de la jus tice, et en réalité, c'était une troupe de brigands se jetant sur leur proie comme dans une ca verne, et c'est pour cela qu'il garde le silence.

Après avoir ainsi déchiré ses vêtements, il ne veut pas, ce semble, prononcer la sentence de sa propre autorité, mais il demande aux autres de la porter eux-mêmes: «Que vous en semble ?» Comme s'il s'agissait d'un crime évident, et d'un blasphème manifeste; et il leur fait ainsi dire vio lence, en devançant leur jugement, et en les forçant de prononcer la sentence de condamna tion: «Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous venez d'entendre vous-mêmes le blasphème» Or, quel était ce blasphème? Dans une circonstance précédente où ils étaient ve nus le trouver en grand nombre, il leur avait cité ces paroles du Roi-prophète: «Le Seigneur a dit à mon Seigneur», et leur en avait donné l'explication. Or, ils avaient tous gardé le silence et n'osèrent plus depuis le contredire; Comment se fait-il donc qualifient de blasphème ce qu'ils viennent d'entendre? «Et ils répondirent: il mérite la mort», c'est-à-dire qu'ils sont tout à la fois les accusateurs, les témoins et les juges.

Mais non, ils font éclater leur liesse et leurs transports insensés, comme s'ils avaient rencontré une proie.

Remarquez que l'Évangéliste rap porte avec le plus grand soin les outrages les plus ignominieux, ne dissimulant rien, n'ayant honte de rien, mais regardant, au contraire, comme le comble de la gloire que le souverain Maître de l'univers ait souffert pour nous d'aussi indignes traitements. Méditons donc conti nuellement ces tristes détails, gravons-les dans notre âme, faisons-en le sujet de notre gloire.

Ceux qui lui crachent au visage représentent ceux qui rejet tent la présence de sa grâce; il est encore frappé à coups de poing par ceux qui lui préfèrent leur propre gloire; et ceux qui lui donnent des soufflets sont ceux que la perfidie aveugle, qui nient sa venue, et qui voudraient repousser et détruire sa présence sur la terre.
Saint Jérôme
Comment peut-on les appeler faux témoins, puisqu'ils ne rapportent que ce que le Sauveur a dit lui-même d'après le récit des Évangélis tes? C'est que pour être faux témoin, il suffit de ne pas rapporter les choses dans le sens où elles ont été dites. Le Seigneur avait ainsi parlé du temple de son corps, mais ils dénaturent ses paroles, et à l'aide d'une légère addition, ou d'un léger changement, ils semblent formuler contre lui une accusation fondée. Le Sauveur avait dit: «Détruisez ce temple»; ils dénaturent le sens de ses paroles, et lui font dire: «Je puis détruire le temple de Dieu». Détruisez vous-même ce temple, leur dit-il, ce n'est pas moi qui le détruirai». En effet, il ne nous est pas per mis de nous donner la mort. ils ajoutent ensuite: «Et après trois jours je le rebâtirai», de ma nière que ces paroles parussent se rapporter directement au temple de Jérusalem, tandis que le Sauveur, pour montrer qu'il voulait parler d'un temple vivant et animé, avait dit: «Et dans trois jours je le ressusciterai»; car rebâtir, n'est pas la même chose que ressusciter.

La colère aveugle et impatiente de ne point trouver de fondement à ces calomnies, soulève le grand-prêtre de son siége, et trahit la fureur de son âme par les brusques mouve ments de son corps: «Et le grand-prêtre, se levant, lui dit: Vous ne répondez rien à ce que déposent ceux-ci contre vous ?»

Le même accès de fureur qui vient d'arracher le grand-prêtre à son siége, le pousse à déchirer ses vêtements: «Alors le grand-prêtre déchira ses vêtements en disant: il a blasphé mé». C'était un usage chez les Juifs ( Ac 15 ) (?) de déchirer ses vêtements lorsqu'on entendait une parole de blasphème, et outrageante pour la divinité.

Mais en déchirant ses vêtements, il déclare que les Juifs ont perdu la gloire du sacerdoce, et que le siége de leurs pontifes est désormais vide; car par cette action, il déchire aussi le voile qui recouvrait la loi.

Car comme Dieu, Jésus savait que l'on tournerait contre lui tout ce qu'il pourrait dire. Mais plus Jésus persiste à garder le silence devant ces faux témoins et ces prêtres impies, indignes de recevoir une réponse, et plus le grand-prêtre, transporté de fureur, le presse de répondre, afin de trouver dans ses paroles, quoi qu'il puisse dire, matière à l'accuser «Et le grand-prêtre lui dit: Je vous adjure par le Dieu vivant de nous dire», etc.

s'accomplissait ce qui avait été prédit: «J'ai présenté ma joue aux soufflets, et je n'ai pas détourné mon visage des outrages et des crachats de l'ignominie». « D'autres lui donnèrent des soufflets en disant: Christ, pro phétise-nous»,etc. C'est pour l'outrager qu'ils lui tiennent ce langage, et parce qu'il avait voulu passer aux yeux du peuple pour un prophète. Il eût été contre la raison de répondre à ceux qui le frappaient, et de deviner qui le souffletait, alors que la rage de ceux qui le maltraitaient était si manifeste.
Saint Thomas d'Aquin
2776. Ils [lui] adressent ensuite des insultes en paroles : FAIS LE PROPHÈTE POUR NOUS, CHRIST ! QUI T’A FRAPPÉ ? Ils disaient cela pour rire de lui, car aucun d’eux ne le considérait comme un prophète, et cela n’était pas nécessaire, car leur infamie était évidente. Aussi [le Christ] n’a-t-il pas voulu leur répondre. Jb 16, 11 : En l’insultant, ils le frappaient au visage.
Louis-Claude Fillion
Prophétise-nous. L'insulte amère est ajoutée aux coups. S. Marc et S. Luc racontent que, pour la rendre plus mordante, on avait voilé le visage de Jésus. Le divin Maître qui a consenti, durant l'agonie du jardin, à vider la coupe jusqu'à la lie, accepte tout sans se plaindre, selon la prophétie d'Isaïe 50, 6, 7 : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. »