Matthieu 27, 34
ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
Ou bien, c'est en sortant qu'ils contraignirent Si mon ( Jn 19,17 ), et c'est en approchant du lieu du crucifiement qu'ils chargèrent Jésus de la croix, pour qu'il la portât lui-même jusqu'au lieu de son supplice. Or, ce n'est point par hasard que Simon fut ainsi contraint; mais, par une disposition particulière de Dieu, il fut amené à ce point d'être trouvé digne de voir son nom écrit dans les saints Évangiles, et d'être associé au précieux fardeau de la croix de Jésus-Christ, Ce n'était pas seulement le Sauveur qui devait porter sa croix, nous devions aussi la porter nous-mêmes, en obéissant à cette salutaire contrainte, et cependant nous ne pouvions retirer, en la portant, un avantage égal à celui que Jésus nous procure en la portant lui-même.
Il est dit du manteau qu'ils l'en dépouillèrent, tandis qu'aucun des évangélistes ne dit rien de semblable de la couronne d'épines, pour nous apprendre qu'il ne nous reste plus rien de nos anciennes épines, depuis que Jésus-Christ les a prises pour les placer sur sa tête vénéra ble.
Le Juif était in digne de porter la croix, et il était réservé à la foi des nations de prendre la croix et de compatir aux souffrances du divin crucifié.
Le lieu du crucifiement fut choisi de manière que, placé au milieu de la terre, il se présentât également à tous les peuples de la terre, pour leur donner la connaissance de Dieu.
Ou bien, il a refusé de boire ce vin mêlé de fiel, parce que l'amertume des péchés ne doit point se mêler à l'incorruptibilité de la gloire éternelle.
Or, le Seigneur ne voulut souffrir ni dans l'intérieur d'une habi tation, ni dans le temple juif, pour ne pas vous laisser croire qu'il n'était mort que pour ce peu ple; mais c'est en dehors de la ville et au delà des murs qu'il est crucifié, pour vous apprendre qu'il offre en sacrifice universel la victime de toute la terre, et qui doit purifier tout le genre humain. C'est ce que l'Évangéliste veut exprimer en ajoutant: «Comme ils sortaient de la ville, ils trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, qu'ils contraignirent de porter la croix de Jésus».
Il faut remarquer que, lorsque Jésus est frappé de verges, et couvert de crachats, il n'a pas les vêtements qui lui appartiennent, mais ceux dont il s'est revêtu pour expier nos péchés; mais lorsqu'il est crucifié, et que cette scène de moqueries est passée, il reprend ses premiers vêtements et l'habillement qui lui est propre, et aussitôt les éléments se troublent et la créature rend témoignage au Créateur.
Il ne faut pas croire que le récit de saint Jean est ici contraire à celui de saint Mathieu, parce que saint Jean raconte que Jésus, sortant du prétoire, porta lui-même sa croix, tandis que, d'après saint Mathieu, ils rencontrèrent un homme de Cyrène, qu'ils contraignirent de porter la croix de Jésus; mais il faut entendre qu'en sortant du prétoire, Jésus porta lui-même sa croix, et qu'ayant ensuite rencontré Simon, les soldats le contraignirent de partager ce fardeau avec Jésus.
J'ai entendu donner cette explication que le Calvaire était le lieu de la sépulture d'Adam, et que ce lieu avait reçu le nom de Cal vaire, parce que la tête du premier homme s'y trouvait ensevelie. C'est une interprétation qui peut obtenir de la vogue et flatte agréablement l'esprit du peuple, mais qui n'est pas fondée, car en dehors de la ville, et au delà des portes, se trouve le lieu où l'on tranche la tête aux condamnés, et c'est de là que lui est venue le nom de Calvaire, ou lieu des décapités. Or Jésus fut crucifié en ce lieu, pour ériger l'étendard du martyre dans l'endroit même où les condamnés souffraient le dernier supplice. Quant au premier homme, il fut enterré, comme nous le lisons dans le livre de Josué ( Jos 14,15 ), près d'Hébron et d'Arbé.
C'est la vigne amère qui produit le vin amer, dont ils abreuvent le Seigneur Jésus, pour accomplir cette prophétie: «ils ont mêlé le fiel à ma nourriture» ( Ps 69,22 ), et ces autres paroles de Dieu à Jérusalem: «Je vous ai plantée comme une vigne où je n'avais mis que de bon plants, et comment, vigne étrangère, vous êtes-vous changée en amertume ?» ( Jr 2,21 ): «Et, lorsqu'il en eût goûté, il ne voulut pas en boire». Saint Marc dit: «Il n'en prit point», c'est-à-dire: il n'en prit point pour le boire; il en goûta seulement, comme le rapporte saint Matthieu, et cette expression: «Il ne voulut pas le boire», est la même que celle de saint Marc: «Il n'en prit point»,excepté que cet Évangéliste passe sous silence que le Sauveur en a goûté. Après l'avoir goûté, il ne veut pas en boire, pour nous ap prendre qu'il a goûté pour nous l'amertume de la mort, mais qu'il est ressuscité le troisième jour.
Dans le sens mystique, nous voyons ici les nations se charger de la croix, et l'obéissance de l'étranger porter l'ignominie du Sauveur.
Tout ceci s'est passé vers la fin, lorsque Jésus-Christ était emmené pour être crucifié, c'est-à-dire après que Pilate l'eut livré aux Juifs.
Saint Marc dit: «Ils lui donnaient à boire du vin mêlé avec de la myrrhe». Saint Mathieu se sert du mot fiel, pour exprimer l'amertume de ce vin, car le vin mêlé à la myrrhe est fort amer. Il n'est pas impossible non plus que ce fut le fiel et la myrrhe réunis qui rendirent ce vin fort amer.
Ce Simon n'était pas de Jérusalem, mais il était étranger et voyageur; il était de Cyrène, qui est une ville de Libye. Or, le nom de Simon veut dire obéissant, et celui de cyrénéen, héritier, et il est une belle figure du peuple des Gentils, qui était étranger aux alliances et aux testaments de Dieu, mais qui est devenu, par sa foi, le concitoyen des saints, et l'héritier de la maison de Dieu.
Ou bien, dans un autre sens, Simon, qui porte la croix du Seigneur, parce qu'il y est contraint, est la figure de ceux qui sont à la fois mortifiés et pleins d'orgueil; ils affligent leur chair par les privations extérieures, mais n'ont aucun souci du fruit intérieur de la mortification. C'est ainsi que Si mon porte la croix, mais sans mourir sur la croix, et il représente les chrétiens mortifiés et su perbes, qui châtient leur corps par les oeuvres de la mortification, mais qui vivent encore au monde par le dé sir de la vaine gloire.
Golgo tha est un nom syriaque, qui signifie Calvaire.
La Glose
Après avoir rapporté toutes les railleries et les insultes dont Jésus-Christ fut l'objet, l'Évangéliste en vient aux circonstances de son crucifiement: «Et après s'être ainsi moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau», etc.
2846. Puis, on raconte ce qui est arrivé lors de sa crucifixion : premièrement, comment on le fit boire ; deuxièmement, sa crucifixion ; troisièmement, d’autres choses qui sont arrivées.
À propos du premier point, on présente d’abord ce qui lui est offert ; deuxièmement, comment [Jésus] se comporta par rapport à ce qu’on lui offrait.
2847. [Matthieu] dit donc : ILS LUI DONNÈRENT À BOIRE DU VIN MÊLÉ DE FIEL. On voulait que tous ses sens souffrent : la vue souffrit par les crachats et les veilles ; l’ouïe, par les blasphèmes et les paroles de dérision ; le toucher, parce qu’il fut flagellé. On voulut donc que le goût aussi souffre. Ce qui est dit en Ps 58[59], 22 s’est accompli : Ils m’ont donné du fiel comme nourriture, et ils m’ont donné du vinaigre pour apaiser ma soif. Et Jr 2, 21 : Comment es-tu devenue mauvaise, une vigne étrangère ?
2848. Mais une question se pose, car, en Mc 15, 23, on dit qu’on lui donna du vin assaisonné de myrrhe. Il faut dire que la myrrhe est très amère, et que le vin mêlé de fiel est amer. Or, on a coutume de donner à tout ce qui est amer le nom de fiel. À la vérité, le vin était donc assaisonné de myrrhe, mais on dit que cela ressemblait à du fiel. Par cela était signifié que [le Christ] portait l’amertume de nos péchés.
2849. Ensuite est présentée la manière dont [Jésus] se comporta : LORSQU’IL LUI EUT GOÛTÉ, IL NE VOULUT POINT LE BOIRE. Mais que veut dire Marc lorsqu’il dit qu’IL LE PRIT, alors que [Matthieu] dit qu’IL LE GOÛTA ? On peut dire qu’il ne le prit que pour le goûter. Cela indique qu’il a goûté à la mort : il est aussitôt ressuscité, il a donc à peine goûté à la mort, puisqu’il était libre parmi les morts, Ps 87[88], 6.
À propos du premier point, on présente d’abord ce qui lui est offert ; deuxièmement, comment [Jésus] se comporta par rapport à ce qu’on lui offrait.
2847. [Matthieu] dit donc : ILS LUI DONNÈRENT À BOIRE DU VIN MÊLÉ DE FIEL. On voulait que tous ses sens souffrent : la vue souffrit par les crachats et les veilles ; l’ouïe, par les blasphèmes et les paroles de dérision ; le toucher, parce qu’il fut flagellé. On voulut donc que le goût aussi souffre. Ce qui est dit en Ps 58[59], 22 s’est accompli : Ils m’ont donné du fiel comme nourriture, et ils m’ont donné du vinaigre pour apaiser ma soif. Et Jr 2, 21 : Comment es-tu devenue mauvaise, une vigne étrangère ?
2848. Mais une question se pose, car, en Mc 15, 23, on dit qu’on lui donna du vin assaisonné de myrrhe. Il faut dire que la myrrhe est très amère, et que le vin mêlé de fiel est amer. Or, on a coutume de donner à tout ce qui est amer le nom de fiel. À la vérité, le vin était donc assaisonné de myrrhe, mais on dit que cela ressemblait à du fiel. Par cela était signifié que [le Christ] portait l’amertume de nos péchés.
2849. Ensuite est présentée la manière dont [Jésus] se comporta : LORSQU’IL LUI EUT GOÛTÉ, IL NE VOULUT POINT LE BOIRE. Mais que veut dire Marc lorsqu’il dit qu’IL LE PRIT, alors que [Matthieu] dit qu’IL LE GOÛTA ? On peut dire qu’il ne le prit que pour le goûter. Cela indique qu’il a goûté à la mort : il est aussitôt ressuscité, il a donc à peine goûté à la mort, puisqu’il était libre parmi les morts, Ps 87[88], 6.
« Donnez des liqueurs fortes à celui qui périt, et du vin à celui qui a
l'amertume dans l'âme : Qu'il boive et oublie sa pauvreté, et qu'il ne se souvienne plus de ses peines ». De ce
passage du livre des Proverbes, 31, 6, 7, était née chez les Juifs, à une époque déjà reculée, la coutume
d'offrir aux condamnés, au moment où allait commencer leur supplice, une coupe remplie d'un breuvage
énergique qui, les enivrant à demi, les rendait moins sensibles à la violence des tortures. C'était
habituellement une mixture composée d'un vin généreux et de myrrhe ou d'encens : la propriété qu'elle avait
d'engourdir ou même de paralyser l'esprit lui avait valu chez les Romains le nom significatif de « sopor ». À
Jérusalem, les dames de la plus haute noblesse s'étaient réservé le privilège de la préparer. Cf. Lightfoot, Hor.
Talm. in Matth. h. l. ; Kippingius, de Cruce p. 67 et ss. C'est à cet usage que S. Matthieu fait actuellement
allusion de concert avec S. Marc, 15, 23. Toutefois, tandis que le second évangéliste parle clairement de
« vin myrrhé », le premier emploie des expressions d'après lesquelles, si on les prenait à la lettre, il s'agirait
moins d'un adoucissement apporté aux souffrances de Jésus, que d'une nouvelle insulte ajoutée à toutes celles
qu'il avait déjà subies. « Ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel », ou même d'après la Recepta grecque,
« du vinaigre mêlé de fiel ». Mais, outre que la plupart des versions et de nombreux manuscrits portent
« vinum », comme la Vulgate, on doit se rappeler que le même mot grec peut représenter le vin et le vinaigre,
de même myrrhe peut s'appliquer à toutes les substances amères. Cf. Bretschneider, lexic. Man. t. 2, 615. Il
n'est donc pas impossible de ramener sur ce point la narration de S. Matthieu à celle de S. Marc. Un vin mêlé
d'amertume ne diffère pas beaucoup du vin mêlé de myrrhe. Au reste, S. Matthieu semble avoir voulu,
lorsqu'il écrivait ce passage, faire allusion au Psaume prophétique 69, où il est dit, v. 21 : « Ils mettent du fiel
dans ma nourriture, et, pour apaiser ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre ». Il aura sacrifié l'exactitude
parfaite au désir de faire un beau rapprochement. - Quand il l'eut goûté. Jésus se contenta de tremper ses
lèvres desséchées dans le breuvage que lui avaient préparé des mains amies. Mais ce fut tout : il ne voulut
pas boire. On comprend le motif qui dicta son refus. Celui qui vient racheter l'humanité par ses souffrances
veut endurer le dernier supplice sans la moindre mitigation, avec une conscience pleine et entière. A d'autres
les mélanges qui engourdissent l'esprit et les sens : le Christ doit avoir toutes les puissances de son âme
parfaitement vivantes tandis qu'il se sacrifiera pour nous. C'est pour cela qu'il éloigne le calice de vin
aromatisé que lui présentaient des personnes bien intentionnées, mais peu intelligentes de sa vraie nature et
de son vrai rôle.