Matthieu 27, 6

Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »

Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »
Origène
Ils espéraient, par sa mort, anéantir ses enseignements et éteindre la foi dans le coeur de ceux qui avaient cru en lui comme étant le Fils de Dieu. Dans le dessein d'exécuter contre lui ce projet sanguinaire, ils firent charger de chaînes Celui qui brise les chaînes des autres captifs ( Is 61,1 ): «Et l'ayant lié, ils l'emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce-Pilate.

Que ceux qui inventent des fables sur les natures essentiellement différentes, nous di sent d'où vient que Judas, après avoir reconnu son crime, s'écrie: «J'ai péché, en livrant le sang innocent», si ce n'est en vertu du bon plant et des semences de vertu que Dieu répand dans toute âme raisonnable, mais que Judas ne prit pas soin de cultiver, ce qui fut cause qu'il commit ce crime affreux. Mais s'il est dans la nature de certains hommes de se perdre, qui plus que Judas appartint à cette nature? Si Judas avait tenu ce langage après la résurrection du Sauveur, on aurait pu dire que c'était la gloire et la puissance de la résurrection qui l'avait porté à se repentir; mais c'est au moment qu'il voit Jésus livré à Pilate qu'il est touché de re pentir. Peut-être se rappelle-t-il alors les prédictions fréquentes que Jésus a faites de sa résur rection; peut-être aussi Satan, qui était entré en lui, ne le quitta point que Jésus ne fût livré à Pilate? Mais, après avoir obtenu ce qu'il voulait, il se retira de lui, et c'est alors que le repentir pût avoir accès dans son âme. Mais comment Judas pût-il savoir la condamnation de Jésus? car Pilate ne l'avait pas encore interrogé. On peut répondre que, le voyant entre les mains de ses ennemis, il vit dans les prévisions de son esprit, quels en seraient les résultats. Il en est qui prétendent que ces paroles: «Judas voyant qu'il était condamné»,se rapportent, non pas à Jésus, mais à Judas lui-même, car c'est alors qu'il mesura toute l'étendue du crime qu'il venait de commettre, et qu'il comprit qu'il était condamné.

Bien qu'il dise: «J'ai péché en livrant le sang innocent», il persévère dans la perfidie de son impié té, en continuant de croire, jusque dans les derniers moments de sa vie, et aux approches de la mort, que Jésus n'était pas le Fils de Dieu, mais seulement un homme d'une condition sembla ble à la nôtre, car il aurait certainement fléchi sa miséricorde, s'il n'avait pas refusé de recon naître sa toute-puissance.

Lorsque le démon se retire d'un homme, il épie le moment favorable pour rentrer, et lorsqu'il a saisi ce moment, et qu'il a entraîné cet infortuné dans un second péché, il étudie avec soin l'occasion de le tromper une troisième fois. C'est ainsi que le Corinthien ( 1Co 5,1-2 2Co 2,7 ), qui abusa de l'épouse de son père, se repentit de ce crime affreux, mais le démon voulut ensuite lui faire porter cette tristesse jusqu'à l'excès pour accabler ce malheureux sous le poids de son chagrin. Il arriva quelque chose de semblable à Judas; car après s'être repenti, il ne sut pas mettre son coeur à l'abri du désespoir, et il y laissa entrer cette tristesse excessive, que le démon lui inspira pour l'accabler entièrement: «Et il se retira, et alla se pendre». S'il eût pris le temps de se repentir et qu'il eût épié le temps favorable pour faire pénitence, il aurait, sans doute, rencontré celui qui a dit: «Je ne veux pas la mort du pécheur». ( Ez 33,11 ). Ou bien, peut-être pensa-t-il à devancer son Maître qui allait mourir, et à se présenter devant lui avec son âme dépouillée par la mort, pour mériter son pardon par ses aveux et par ses prières; et il ne comprit pas que le vrai serviteur de Dieu ne doit point s'ôter à lui-même la vie, mais qu'il doit attendre le jugement de Dieu.
Saint Jean Chrysostome
Remarquez qu'il se repent lorsque son crime est consommé et qu'il a produit tous ses effets, car le démon ne permet pas à ceux qui ne veillent pas sur eux-mêmes de voir le mal avant qu'il soit consommé.

Ils ne voulurent pas le mettre à mort secrètement, parce qu'ils voulaient le couvrir d'opprobres, et qu'un grand nombre était rempli pour lui d'admiration. Ils s'efforcent donc de le faire mettre à mort publiquement et aux yeux de tout le peuple, et c'est dans ce dessein qu'ils l'amènent au gouverneur.
Saint Jérôme
Voyez la criminelle sollicitude des prêtres: ils se concertent pendant toute la nuit sur les moyens de commettre cet homicide, et ils envoient Jésus chargé de chaînes à Pilate, car c'était leur cou tume de livrer ainsi garrotté au gouverneur celui qu'ils avaient condamné à morte

Or, Judas, voyant que le Sauveur était condamné à mort, rapporte aux prêtres le prix de sa trahison, comme s'il était en son pouvoir de changer la sentence inique rendue par les enne mis de Jésus: «Alors Judas, qui l'avait trahi, voyant qu'il était condamné, fut touché de re pentir, et reporta les trente pièces d'argent aux princes des prêtres et aux anciens du peuple, en disant: J'ai péché, en livrant le sang innocent».
Saint Augustin
Le récit qui précède comprend tout ce que Notre-Seigneur a eu à souffrir depuis le soir jus-qu'au matin; l'Évangéliste revient ensuite sur ses pas, pour raconter le renoncement de Pierre, et il reprend son récit au matin du même jour pour le continuer. «Or, le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peu ples tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir».

Mais puisque les princes des prêtres étaient occupés depuis le matin jusqu'à la neuvième heure à presser l'exécution de la mort du Sauveur, comment peut-on admettre que Judas leur aurait reporté avant la passion du Seigneur le prix de sa trahison, et qu'il leur aurait dit dans le temple: «J'ai péché, en livrant le sang innocent ? » Il est constant, en effet, que tous les princes des prêtres et les anciens du peuple ne se trouvaient pas dans le temple avant la mort du Sauveur, et la preuve, c'est qu'ils l'insultaient lorsqu'il était sur la croix. On ne peut pas le conclure non plus de ce que ce fait est raconté avant la passion de Notre-Seigneur, puisqu'il est certain qu'il est un grand nombre de faits qui, bien que s'étant passés antérieurement, sont cependant ra contés en dernier lieu. Peut-être pourrait-on dire que ce fait a eu lieu à la neuvième heure, et que Judas, voyant le Sauveur mis à mort, le voile du temple déchiré, la terre trembler, les ro chers se briser, les éléments dans la consternation, il aurait conçu, sous l'inspiration de la crainte, le repentir de son crime. Mais après la neuvième heure, les anciens et les princes des prêtres étaient tout entiers, ce me semble, à la célébration de la Pâque. D'ailleurs la loi défen dait de porter de l'argent le jour du sabbat. Je crois donc qu'on ne peut fixer d'une manière vraisemblable ni le jour ni l'heure où Judas mit fin à sa vie en se pendant.
Saint Rémi
C'est-à-dire: «Que nous importe qu'il soit innocent, cela vous regarde», c'est-à-dire on verra quelle est la nature de votre action. Il en est qui prétendent qu'on doit réunir ces deux membres de phrase en tradui sant de cette manière: «Que paraissez-vous à nos yeux? qu'êtes-vous pour nous ?» c'est-à-dire que devons-nous penser de vous qui confessez l'innocence de celui que vous avez trahi.
Rabanus Maurus
Or, Judas se pendit pour témoigner par ce genre de mort qu'il était en horreur au ciel et à la terre.

Remarquons cependant qu'ils ne l'enchaînèrent pas alors pour la première fois; ils l'avaient lié et enchaîné aussitôt qu'ils se furent saisis de lui, comme le rapporte saint Jean ( Jn 18,12 ).
Saint Thomas d'Aquin
2804. AYANT RAMASSÉ L’ARGENT, LES GRANDS PRÊTRES DIRENT, etc. [Matthieu] montre ce qu’on a fait de l’argent de Judas. Premièrement, on montre comment il a été écarté du trésor ; deuxièmement, on dit comment il a été dépensé.

[Matthieu] dit donc : AYANT RAMASSÉ L’ARGENT, LES GRANDS PRÊTRES DIRENT : «IL N’EST PAS PERMIS DE LE VERSER DANS LE TRÉSOR, etc.» Il faut noter qu’on plaçait les offrandes d’action de grâce et les dons gratuits dans le trésor. Certaines des offrandes étaient donc volontaires, et d’autres étaient des dettes : les [offrandes] volontaires étaient placées dans le trésor, et les autres ailleurs. Si 34, 23 : Le Très-Haut n’approuve pas les dons des impies. IL N’EST PAS PERMIS DE LE VERSER DANS LE TRÉSOR, CAR C’EST LE PRIX DU SANG. Et par là est confirmée la parole que le Seigneur a dite plus haut, 23, 24 : Ils avalent un chameau et filtrent un moustique. Ils ne voulaient pas verser cet argent dans le trésor, mais ils s’entretenaient volontiers de la mort du Fils de Dieu.
Louis-Claude Fillion
M. Langen, die letzten Lebenstage Jesu, p. 260, a raison de dire que la mort accompagna de toutes manières l'odieuse trahison de Judas. Mort du traître lui-même ; mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; enfin achat d'un champ de repos pour les morts. L'évangéliste nous montre d'abord l'embarras des princes des prêtres lorsqu'ils eurent trouvé les trente pièces d'argent que le traître avait jetées avant son suicide. Ces hommes qui ont trempé sans hésiter leurs mains dans le sang de Jésus sont saisis tout à coup de scrupules : « Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau ! » 23, 24. Le « trésor » désigne ici le trésor du temple, formé des sommes offertes par la piété des fidèles pour l'entretien du culte. Dieu avait expressément interdit de faire entrer dans ce trésor l'argent provenant de sources impures en elles-mêmes, ou censées impures chez les Juifs. Cf. Deut. 23, 18 ; Sanhedr. f. 112. Les prêtres argumentent et jugent qu'il n'est pas convenable de verser dans le trésor sacré ce qu'ils nomment justement le prix du sang. Les trente deniers étaient pour ainsi dire tout entachés du sang qu'ils avaient servi à acheter.
Fulcran Vigouroux
Le trésor était l’endroit du temple où le peuple mettait ses présents et ses offrandes.