Matthieu 9, 13

Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »

Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »
Saint Hilaire de Poitiers
Est-ce que le Christ n'était pas venu pour tous les hommes ? Comment donc peut-il dire qu'il n'est pas venu pour les justes ? Il était donc des hommes pour qui sa venue n'était pas nécessaire ? Non, mais c'est que personne n'est juste par la loi ; Jésus montre donc le néant de cette prétention à la justice, car les sacrifices de l'ancienne loi étant impuissants pour la justification, tous ceux qui vivaient sous la loi avaient besoin de la miséricorde.
Saint Jean Chrysostome
Après avoir opéré ce miracle, Jésus ne crut pas devoir demeurer dans ce même endroit, pour ne pas donner un nouvel aliment à la jalousie des pharisiens. Imitons nous-mêmes cet exemple, et n'opposons pas de résistance obstinée à ceux qui nous dressent des embûches. C'est pour cela que l'écrivain sacré ajoute : " Et Jésus partant de là (du lieu où il avait fait le miracle)vit un homme assis au bureau des impôts et qu'on appelait Matthieu. "

Après avoir raisonné avec eux en suivant les principes ordinaires de la raison, il leur cite l'Écriture, et leur dit : " Allez et apprenez ce que veut dire cette parole : Je veux la miséricorde et non pas le sacrifice (Os 6, 6). "

Ce qui fait éclater encore davantage la puissance de celui qui l'appelle, c'est qu'il n'attend pas que Matthieu abandonne cette profession pleine de dangers, il l'arrache aux maux qui l'environnaient, comme Paul encore dans la fougue de ses égarements. (Ac 9.) Et il lui dit "Suivez-moi. " Vous avez vu la puissance de Dieu qui l'appelle, admirez aussi l'obéissance de celui qui est appelé. Il n'oppose aucune résistance ; il ne demande pas d'aller chez lui pour faire part de son dessein à sa famille.

Mais pourquoi Jésus-Christ ne l'a-t-il pas appelé en même temps que Pierre, Jean et les autres apôtres ? C'est qu'alors ses dispositions étaient encore imparfaites, et celui qui voit le fond des coeurs voulut attendre que ses nombreux miracles et l'éclat de sa réputation lui eussent rendu l'obéissance plus facile.

Mais pourquoi donc, à l'exception de Pierre, d'André, de Jacques, de Jean et de Matthieu, ne savons-nous pas comment et à quelle époque eut lieu la vocation des autres apôtres ? C'est que ceux que nous venons de nommer appartenaient surtout à des professions basses et obscures ; car il n'y avait rien de moins honorable alors que la profession d'un receveur d'impôts ou le métier de pêcheur.

Matthieu, honoré de ce que Jésus-Christ daignait entrer dans sa maison, invita avec lui tous les publicains qui étaient de la même profession. " Et voici, nous dit-il, que beaucoup de publicains, " etc.

Ils s'approchèrent donc de notre Rédempteur, et ils furent admis non-seulement à lui parler, mais encore à manger avec lui. – Ce n'était pas seulement en discutant avec ses ennemis, en guérissant leurs malades, ou en les reprenant de leur malice, mais en mangeant avec eux qu'il ramenait bien souvent ceux qui étaient mal disposés à son égard. Il nous apprenait ainsi que chacun des instants comme chacune des actions de notre vie peut être pour nous l'occasion d'immenses avantages. Or, les pharisiens à cette vue furent indignés, et c'est d'eux que l'Évangéliste ajoute : " Ce que voyant les pharisiens, ils dirent à ses disciples : Pourquoi votre Maître mange-t-il avec des publicains ? " etc. Il est à remarquer que lorsqu'ils croient surprendre les disciples en faute, ils s'adressent à Jésus-Christ. " Voyez, lui disent-ils, vos disciples font ce qu'il n'est pas permis de faire le jour du sabbat. " Ici c'est auprès des disciples qu'ils accusent le Maître. Toute cette conduite témoignait de leur malice et du désir qu'ils avaient de séparer du Maître le coeur de ses disciples.

C'est comme s'il leur disait : Pourquoi me faites-vous un crime de convertir les pécheurs ? Mais alors accusez Dieu le Père lui-même. Car je désire la conversion des pécheurs comme il la désire. C'est ainsi qu'il leur démontre que non-seulement la loi ne défend pas ce qu'ils lui reprochaient, mais qu'elle place même sa manière d'agir au-dessus du sacrifice. Car il ne dit pas : Je veux la miséricorde et le sacrifice ; mais il fait un précepte de la miséricorde, en excluant le sacrifice.

C'est ce qui nous ferait croire à une ironie de la part de Jésus-Christ comme dans ces autres paroles de Dieu : " Voici qu'Adam est devenu comme un de nous, " car S. Paul nous déclare positivement que personne n'est juste sur la terre : " Tous ont péché, dit-il, et ont besoin de la gloire de Dieu. " (Rm 3) Par là même aussi, il calme les inquiétudes de ceux qui étaient appelés, en leur disant : " Je suis si loin d'avoir en horreur les pécheurs, que ce n'est que pour eux que je suis venu. "
Saint Jérôme
Il emprunte ce témoignage aux prophètes, pour condamner la sévérité des scribes et des pharisiens qui, se regardant comme justes, évitaient tout contact avec les pécheurs et les publicains.

Les autres Évangélistes n'ont pas voulu, par honneur et par respect pour lui, l'appeler du nom connu de Matthieu ; ils l'ont appelé Lévi, car il portait ces deux noms. Mais quant à lui il met en pratique cette maxime de Salomon : " Le juste est son propre accusateur " (Pv 18, 17), et se fait connaître sous le nom de Matthieu comme publicain ; il apprend ainsi à ceux qui liront son Évangile, que nul ne doit désespérer de son salut, s'il veut rentrer dans les sentiers de la vertu, puisque lui-même a été changé en un instant de publicain en apôtre.

Porphyre et l'empereur Julien accusent ici, ou l'Évangéliste d'avoir menti avec peu d'habileté, ou les disciples d'avoir suivi tout aussitôt le Sauveur sans aucune réflexion, comme s'ils s'étaient rangés contre toute raison sous la conduite du premier venu qui les appelait à le suivre. Mais au contraire, n'est-il pas certain que les Apôtres avant de croire avaient été les témoins des plus grands miracles et des plus grands prodiges ? Est-ce que d'ailleurs l'éclat et la majesté de la divinité qui, toute cachée qu'elle était, resplendissait sur la figure du Sauveur, ne suffisaient pas pour attirer à lui au premier abord ceux qui le voyaient ? Car si la pierre d'aimant a, dit-on, la force d'attirer à elle le fer, quelle puissance bien plus grande n'avait pas le Seigneur de toutes les créatures pour attirer à lui tous ceux qu'il voulait.

Ceux qui viennent à Jésus ne persévèrent pas dans leurs habitudes criminelles, comme le disent en murmurant les scribes et les pharisiens ; mais ils sont conduits par le repentir comme le Seigneur le fait connaître par ces paroles : " Mais Jésus les ayant entendus leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin, " etc.
Saint Augustin
Ou bien il paraît plus probable que saint Matthieu, on parlant ici de sa vocation, rappelle un fait qu'il avait omis précédemment ; car on doit admettre qu'elle précéda le sermon sur la montagne, puisque saint Luc (Lc 6) y fait mention des douze élus auxquels il donne le nom d'apôtres.

Saint Matthieu n'explique pas ici chez qui Jésus était à table ; on pourrait donc supposer que ce fait ne suit pas immédiatement celui qui précède, mais qu'il s'est passé antérieurement, et que saint Matthieu ne le raconte ici que suivant l'ordre de ses souvenirs, si d'ailleurs saint Marc et saint Luc ne nous apprenaient que c'est dans la maison de Lévi ou de Matthieu que Jésus s'est mis à table.

Saint Luc paraît raconter le même fait en termes tant soit peu différents. D'après son récit, les pharisiens disent aux disciples : " Pourquoi mangez-vous avec les publicains et avec les pécheurs ? " faisant ainsi tomber à la fois ce reproche sur Jésus-Christ et sur ses disciples. Mais en adressant ce reproche aux disciples, ne l'adressent-ils pas au Maître lui-même, dont les Apôtres faisaient profession de suivre les exemples ? La pensée est donc la même, et elle est d'autant plus certaine qu'elle est exprimée en termes différents, avec le même fond de vérité.

Saint Luc ajoute : " A la pénitence, " ce qui explique clairement la pensée du Sauveur, afin que personne ne croie qu'il aime les pécheurs en tant que pécheurs. D'ailleurs cette comparaison avec les malades nous fait bien connaître les desseins de Dieu ; il recherche les pécheurs comme un médecin recherche les malades, pour les délivrer de leurs iniquités, qui sont une véritable maladie, ce qui ne peut se faire que par la pénitence.

Il y a des hommes forts <> qui mettent leur confiance dans leur propre justice. Cette sorte de force a empêché les Juifs de passer par le trou de l'aiguille. Ils prétendaient, en effet, être justes par eux-mêmes, et, se considérant comme des gens bien portants, ils ont refusé le remède et ont mis à mort le médecin lui-même. Aussi bien, ce ne sont pas ces hommes forts que le Seigneur est venu appeler, mais les faibles, puisqu'il a dit: Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. <> Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, en vue du repentir (Mt 9,12-13).

Ils étaient forts, ceux qui récriminaient contre les disciples du Christ parce que leur Maître fréquentait les faibles et mangeait avec eux. Pourquoi donc, leur disaient-ils, votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs (Mt 9,11)?

Ah! vous, les forts, qui n'avez pas besoin de médecin! Votre force ne vient pas de la santé mais de la folie. <> Dieu nous garde d'imiter ces hommes forts! Car on peut craindre de tout homme qu'il ne veuille les imiter. Mais le Maître de l'humilité, qui a partagé notre faiblesse et nous a rendus participants de sa divinité, est descendu du ciel pour nous montrer le chemin et être lui-même notre chemin. Surtout il a bien voulu nous laisser l'exemple de son humilité. Voilà pourquoi il n'a pas dédaigné d'être baptisé par son serviteur, afin de nous apprendre à confesser nos péchés, à nous humilier pour devenir forts et à faire nôtre cette parole de l'Apôtre: Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort (2Co 12,10).

Quant à ceux qui se sont flattés d'être forts, qui ont, en d'autres termes, prétendu être justes par leur propre vertu, ils ont buté contre la pierre d'achoppement (Rm 9,32). Ils ont pris l'Agneau pour un bouc; et parce qu'ils l'ont mis à mort comme un bouc, ils n'ont pas mérité d'être rachetés par l'Agneau.

Ce sont donc ces hommes forts qui se sont jetés sur le Christ en se vantant de leur justice. Écoutez ce que disaient ces hommes forts! Des gens de Jérusalem chargèrent un jour des gardes d'aller arrêter le Chr ist. Or, ceux-ci n'osèrent se saisir de lui. <> A ceux qui leur demandaient pourquoi ils n'avaient pas pu l'arrêter, les gardes répliquèrent: Jamais un homme n'a parlé comme cet homme. Alors ces hommes forts déclarèrent: Parmi les pharisiens et les scribes y en a-t-il un seul qui ait cru en lui? Il n'y a que ce peuple qui ne sait rien de la Loi (Jn 7,45-49).

Ils s'étaient mis au-dessus de la foule des faibles qui accourait vers le médecin. Pourquoi? Simplement parce qu'ils étaient forts. Et, ce qui est plus grave, ils ont aussi, en faisant usage de leur force, attiré à eux toute cette foule. Puis ils ont tué le médecin de tous les hommes. Mais lui, dans sa mort, a préparé pour tous les malades un remède avec son sang.
Saint Rémi
Il compte même pour rien le danger qu'il courait de la part de ses chefs, en quittant son emploi sans avoir réglé ses comptes. " Et se levant, il le suivit. " Il a sacrifié les gains d'une profession tout humaine ; par une juste compensation, il est devenu le dispensateur des talents du Seigneur.
Rabanus Maurus
Ils étaient sous le coup d'une double erreur : premièrement ils se croyaient justes, eux que leur orgueil plein de faste tenait si loin de la justice ; en second lieu, ils regardaient comme coupables ceux qui renonçaient à leur vie criminelle et se rapprochaient de la vertu.

Jésus se déclare médecin, lui qui par un traitement vraiment admirable a voulu être blessé pour nos péchés, afin de guérir les blessures de nos iniquités. Il appelle bien portants ceux qui, voulant établir leur propre justice, ne sont pas soumis à la véritable justice de Dieu. (Rm 10.) Il donne le nom de malades à ceux qui, vaincus par le sentiment de leur propre fragilité, et qui persuadés d'ailleurs que la loi est impuissante pour les justifier, se soumettent à la grâce de Dieu par le repentir.

Il leur enseigne donc à mériter par des oeuvres de miséricorde les récompenses de la miséricorde divine, et à ne pas se flatter que leurs sacrifices seront agréables à Dieu, s'ils y joignent le mépris des besoins du pauvre. C'est pourquoi il ajoute : " Allez, " c'est-à-dire quittez ces sentiments de blâme aussi téméraire qu'insensé, et qui font ressortir davantage la miséricorde. Il termine en se proposant lui-même comme exemple de la miséricorde qu'ils doivent pratiquer. " Car je ne suis pas venu, dit-il, pour appeler les justes, mais les pêcheurs. " 

Ou bien c'est parce que ceux qui étaient justes (comme Nathanaël et Jean-Baptiste) n'avaient pas besoin qu'on les appelât à la pénitence. Ou bien encore, je ne suis pas venu appeler les faux justes qui, comme les pharisiens, se glorifient de leur justice, mais ceux qui se reconnaissent pécheurs. La vocation de saint Matthieu et celle des publicains représente la vocation des Gentils qui soupiraient avec ardeur après les richesses de la terre, et qui maintenant réparent leurs forces dans la compagnie du Seigneur. L'orgueil des pharisiens est la figure de la jalousie des Juifs à la vue de la conversion des Gentils. Ou bien Matthieu signifie l'homme qui poursuit avidement les biens de la terre, et que Jésus regarde, lorsqu'il jette sur lui les yeux de la miséricorde. Le nom de Matthieu signifie donné ; celui de Lévi, choisi, car le pénitent est choisi du milieu de la masse de ceux qui se perdent et il est donné à l'Église par la grâce de Dieu. Et Jésus lui dit : " Suivez-moi. " Jésus donne cet ordre au pêcheur, ou par la prédication, ou par la voix des Écritures, ou par une inspiration intérieure. 
La Glose
Ce n'est pas cependant que Dieu rejette le sacrifice séparé de la miséricorde ; mais il condamne ici la conduite des pharisiens qui offraient de fréquents sacrifices dans le temple pour paraître justes aux yeux du peuple, sans pratiquer les oeuvres de miséricorde, qui sont la preuve de la véritable justice.

Il était assis au bureau des impôts, c'est-à-dire dans une de ces maisons où l'on percevait les impôts ; car le nom qui lui est donné (teloniarius), receveur des impôts, vient du mot grec ?????, qui signifie impôt.

Saint Matthieu place sa vocation parmi les miracles ; ce fut en effet un grand miracle qu'un publicain devenu apôtre.

Matthieu voulant témoigner à Jésus-Christ sa digne reconnaissance pour le céleste bienfait de sa vocation, lui prépare un grand repas dans sa maison ; et il offre ainsi les biens de la terre à celui dont il attendait les biens de l'éternité. "Et il arriva, nous dit-il, que comme Jésus était à table dans la maison. "

On appelle publicains ceux dont la vie se passe au milieu des embarras des affaires publiques, que l'on ne peut jamais ou presque jamais manier sans péché. Et ce fut là un magnifique présage, de voir celui qui devait être l'apôtre et le docteur des nations, dès le premier moment de sa conversion, attirer après lui dans les voies du salut la foule des pécheurs et former déjà par son exemple à la perfection ceux qu'il devait y conduire par sa parole. – S. Jér. Tertullien prétend que ces publicains étaient des païens, et il appuie son sentiment sur cette parole de l'Écriture : " Il n'y aura point d'impôt en Israël, " comme si saint Matthieu lui-même n'eût pas été juif. Ajoutons que le Seigneur ne mangeait pas avec les païens ; car il évitait avec le plus grand soin de paraître détruire la loi, lui qui avait dit à ses disciples : " N'allez pas dans la voie des nations. " Or ces publicains, voyant un des leurs se convertir du péché à la justice, et obtenir ainsi la grâce du repentir, ne désespèrent plus eux-mêmes de leur salut.
Saint Thomas d'Aquin
1122. Deuxièmement, [Jésus] allègue une autorité, en disant : ALLEZ DONC APPRENDRE CE QUE SIGNIFIE, comme s’il disait : «Vous ne comprenez pas les Écritures, mais allez apprendre ce que signifie : C’EST LA MISÉRICORDE QUE JE VEUX, ET NON LE SACRIFICE.» Ceci est écrit dans Os 6, 6. Et on l’interprète de deux façons. Premièrement, de sorte qu’une chose soit préférée à l’autre, car «je veux plutôt la miséricorde que le jugement». Ainsi le sacrifice est préféré au sacrifice. Le sacrifice est l’agneau. De même en est-il de la miséricorde : Dieu est apaisé par de telle victimes. Qu’y a-t-il de mieux qu’elles ? Pr 21, 3 : Faire miséricorde et justice plaît davantage à Dieu que les victimes. Ou bien [on l’interprète] de sorte que l’un soit accepté, l’autre refusé : «Je veux la miséricorde, mais non le sacrifice que vous accomplissez.» Ainsi, Is 1, 15 : Je n’ai pas d’holocaustes, parce que vos mains sont couvertes de sang. Ou bien, autre [interprétation] : Je veux la miséricorde, et non le sacrifice. En effet, on dit que quelqu’un veut quelque chose lorsqu’il le veut en soi, et non en vue d’autre chose, comme si le médecin disait : «Je veux la santé.» Et ainsi, dans les œuvres que nous offrons à Dieu, nous en offrons certaines pour elles-mêmes, comme aimer Dieu et le prochain ; mais d’autres, en vue de ces dernières, Mi 6, 8 : Je t’indiquerai, ô homme, ce qui est bien et ce que le Seigneur te demande : rien d’autre que d’accomplir la justice et d’aimer la miséricorde.

1123. Troisièmement, le Seigneur donne une autre raison à partir de sa fonction : ainsi, si un légat était envoyé et faisait appel à sa fonction, s’il était empêché par un autre, il dirait : «Tu es insensé d’empêcher ce qui relève de moi.» Le Seigneur était venu pour sauver les pécheurs. C’est pourquoi il est dit : Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés [Mt 1, 21]. C’est pourquoi [le Seigneur] dit : JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES, MAIS LES PÉCHEURS. Luc ajoute : À LA PÉNITENCE. Et cet ajout est correct, car il n’est pas venu appeler les pécheurs pour qu’ils demeurent dans leurs péchés, mais pour qu’ils se soustraient à eux.

1124. Mais on peut se poser une question à propos des justes, car personne n’est juste sinon Dieu. En effet, nous sommes tous pécheurs. De même, il semble que ce qui est dit est faux, car Jean était juste, Siméon était juste, Zacharie était juste ; et cependant, il les a appelés. Il faut dire qu’une distinction doit être faite à propos de la justice : on peut dire de quelqu’un qu’il est juste lorsqu’il n’est pas enchaîné au péché, et ainsi personne n’est juste, car tous sont enchaînés [au péché] mortel, véniel ou originel, à tout le moins pour ce qui est de la faute ; et [le Seigneur] a entièrement détruit celui-ci, Jn 5, 40 : Il est venu pour que vous ayez la vie. Ainsi, il n’est pas venu appeler les justes pour autant qu’ils sont justes, mais pour autant qu’ils sont pécheurs. De même, on appelle juste celui qui n’est pas enchaîné au péché mortel. Ainsi, JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES à la pénitence, mais à une plus grande justice. Ou bien, [selon l’interprétation suivante] : JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES, à savoir, ceux qui ont confiance dans leur propre justice, MAIS LES PÉCHEURS, qui se repentent en ignorant leur propre justice.
Louis-Claude Fillion
Second argument : Allez, et apprenez. « Il renvoie à l’école les docteurs de la loi en leur reprochant fortement leur grande ignorance des choses dont ils se glorifiaient de posséder la science », Maldonat. Les Rabbins employaient fréquemment cette formule : Allez et apprenez, quand ils voulaient exhorter quelqu’un de leurs disciples à faire de sérieuses réflexions sur un point donné. Il y avait aussi l’expression opposée, « Venez et apprenez », quand le Maître se chargeait lui-même de donner l’explication nécessaire ; Cf. Schœttgen, Horætalm. in. h.l. - Ce que signifie, c’est-à-dire ce que signifie le texte suivant d’Osée, 6, 6, cité d’après la traduction des Septante. - Je veux la miséricorde et non le sacrifice. Évidemment, la négation contenue dans ces paroles n’est pas absolue, mais seulement relative. « et non ne désigne pas une négation simple, mais une mise en parallèle”, Grotius. C’est là du reste une façon de parler tout à fait hébraïque, comme l’observe judicieusement Ma ldonat : « C’est un hébraïsme. Quand ils préfèrent l’un à l’autre, ils ne disent pas que l’un est plus grand et l’autre plus petit. Ils ne font qu’affirmer l’un et nier l’autre ». Dieu aime à coup sûr les sacrifices, puisqu’il les a prescrits ; mais il ne veut pas qu’ils soient vains, purement extérieurs, et ils le seraient s’ils étaient offerts par des hommes sans pitié pour leurs frères. L'esprit de religion, Jésus l’a déjà clairement indiqué, Cf. 5, 23 et ss., est inséparable de la charité fraternelle, et le Seigneur renoncerait plutôt à ses propres droits que de nous dispenser de nos obligations à l’égard du prochain. Il y avait dans cette citation d’Osée, un blâme sévère jeté sur les Pharisiens qui, s’ils étaient zélés pour le culte extérieur, étaient loin de pratiquer toujours la miséricorde à l’égard de leurs semblables. - Car je ne suis pas venu... C’est le troisième argument, qui est simplement rattaché au second par la particule « car ». Le premier s’appuyait sur un fait d’expérience vulgaire, le second sur la révélation : celui-ci est tiré du rôle même du Messie. Le devoir principal du Christ, le but direct de sa venue sur la terre, c’est de racheter l’humanité coupable. Mais comment convertira -t-il les pécheurs, s’il ne vit pas habituellement au milieu d’eux ? Au fond cette pensée diffère très peu de celle qui a été exprimée au v. 12 ; il n’y a que l’image en moins, et il n’y a en plus que l’application directe et personnelle à Jésus. Le langage tenu ici par le Sauveur ne doit pas plus se prendre à la lettre que la parole de Jéhova dans la phrase précédente. Jésus est venu pour tous les hommes sans exception, même pour les justes ; ou plutôt, sans lui il n’y aurait pas de justes. Mais il faut qu’il s’occupe plus particulièrement des pécheurs et des âmes qui s’égarent, de même qu’un médecin s’occupe avant tout des malades, et paraît négliger les personnes valides pour se consacrer presque exclusivement à eux. C’est comme si Jésus-Christ eût dit : « Je suis venu tous vous appeler, non seulement les justes, mais aussi les pécheurs ». Nous aurons un développement de la même pensée dans la touchante parabole de la brebis perdue.
Catéchisme de l'Église catholique
Jésus a surtout scandalisé parce qu’Il a identifié sa conduite miséricordieuse envers les pécheurs avec l’attitude de Dieu Lui-même à leur égard (cf. Mt 9, 13 ; Os 6, 6). Il est allé jusqu’à laisser entendre qu’en partageant la table des pécheurs (cf. Lc 15, 1-2), Il les admettait au banquet messianique (cf. Lc 15, 23-32). Mais c’est tout particulièrement en pardonnant les péchés que Jésus a mis les autorités religieuses d’Israël devant un dilemme. Ne diraient-elles pas avec justesse dans leur effroi : " Dieu seul peut pardonner les péchés " (Mc 2, 7) ? En pardonnant les péchés, ou bien Jésus blasphème car c’est un homme qui se fait l’égal de Dieu (cf. Jn 5, 18 ; 10, 33), ou bien Il dit vrai et sa personne rend présent et révèle le nom de Dieu (cf. Jn 17, 6. 26).

Pour être véridique, le sacrifice extérieur doit être l’expression du sacrifice spirituel : " Mon sacrifice, c’est un esprit brisé ... " (Ps 51, 19). Les prophètes de l’Ancienne Alliance ont souvent dénoncé les sacrifices faits sans participation intérieure (cf. Am 5, 21-25) ou sans lien avec l’amour du prochain (cf. Is 1, 10-20). Jésus rappelle la parole du prophète Osée : " C’est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice " (Mt 9, 13 ; 12, 7 ; cf. Os 6, 6). Le seul sacrifice parfait est celui que le Christ a offert sur la croix en totale offrande à l’amour du Père et pour notre salut (cf. He 9, 13-14). En nous unissant à son sacrifice nous pouvons faire de notre vie un sacrifice à Dieu.
Pape Saint Jean-Paul II
Marie est Mère de Miséricorde parce que Jésus Christ, son Fils, est envoyé par le Père pour être la révélation de la Miséricorde de Dieu (cf. Jn 3, 16-18). Il est venu non pour condamner, mais pour pardonner, pour faire usage de la miséricorde (cf. Mt 9, 13). Et la plus grande miséricorde, c'est, pour lui, d'être au milieu de nous et de nous adresser son appel à venir à Lui et à Le reconnaître, en union avec Pierre, comme « le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Il n'est aucun péché de l'homme qui puisse annuler la Miséricorde de Dieu, l'empêcher d'exercer toute sa puissance victorieuse aussitôt que nous y avons recours. Au contraire, la faute elle-même fait resplendir encore davantage l'amour du Père qui, pour racheter l'esclave, a sacrifié son Fils 181 : sa miséricorde envers nous, c'est la Rédemption. Cette miséricorde atteint sa plénitude par le don de l'Esprit, qui engendre la vie nouvelle et l'appelle. Si nombreux et si grands que soient les obstacles semés par la faiblesse et le péché de l'homme, l'Esprit, qui renouvelle la face de la terre (cf. Ps 104 103, 30), rend possible le miracle du parfait accomplissement du bien. Un tel renouvellement, qui donne la capacité de faire ce qui est bon, noble, beau, agréable à Dieu et conforme à sa volonté, est en quelque sorte l'épanouissement du don de miséricorde, qui délivre de l'esclavage du mal et donne la force de ne plus pécher. Par le don de la vie nouvelle, Jésus nous rend participants de son amour et nous conduit au Père dans l'Esprit.
Pape Francois
37. Alors qu’il nous est difficile de faire confiance, du fait que nombre de mensonges, d’agressions et de déceptions nous ont blessés, Jésus nous murmure à l’oreille : « Aie confiance, mon enfant » (Mt 9, 2), « Aie confiance, ma fille » (Mt 9, 22). Il nous faut vaincre la peur et réaliser que nous n’avons rien à perdre avec Lui. À Pierre qui perd confiance, « Jésus tend la main. Il le saisit, en lui disant : “ […] Pourquoi as-tu douté ?” » (Mt 14, 31). N’aie pas peur. Laisse-le s’approcher de toi, laisse-le se mettre à côté de toi. Nous pouvons douter de beaucoup de monde, mais pas de Lui. Et ne t’arrête pas à cause de tes péchés. Rappelle-toi que de nombreux pécheurs « se sont mis à table avec Jésus » (Mt 9, 10) et qu’Il n’a été scandalisé par aucun d’eux. Les élites religieuses se plaignaient et le traitaient « de glouton et d’ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs » (Mt 11, 19). Lorsque les pharisiens critiquaient sa proximité avec les personnes considérées comme de basse condition ou pécheresses, Jésus leur disait : « C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice » (Mt 9, 13).