Matthieu 9, 22
Jésus se retourna et, la voyant, lui dit : « Confiance, ma fille ! Ta foi t’a sauvée. » Et, à l’heure même, la femme fut sauvée.
Jésus se retourna et, la voyant, lui dit : « Confiance, ma fille ! Ta foi t’a sauvée. » Et, à l’heure même, la femme fut sauvée.
Combien la puissance du Seigneur se montra ici admirable ! Cette puissance qui résidait dans son corps communiquait à des choses périssables la vertu de guérir, et l'opération divine s'étendait jusqu'aux franges de ses vêtements. C'est qu'en effet Dieu ne pouvait être ni circonscrit ni renfermé dans les limites étroites d'un corps, car en s'unissant à un corps mortel il n'y a point renfermé la nature de sa puissance, mais cette même puissance a élevé la fragilité de notre chair pour accomplir l'oeuvre de notre rédemption.
Dans le sens mystique, ce chef représente la loi qui vient demander à Jésus-Christ de rendre la vie au cadavre de ce peuple qu'elle lui avait préparé, et qu'elle avait nourri elle-même de l'espérance de son avènement.
Aux enseignements Jésus-Christ fait succéder les oeuvres, ce qui devait surtout fermer la bouche aux pharisiens ; car celui qui venait demander un miracle était un chef de la synagogue, et sa douleur était grande ; cette jeune personne était sa fille unique, et dans la première fleur de l'âge, puisqu'elle n'avait que douze ans. " Comme il leur parlait de la sorte, un chef s'approcha. "
Cette femme ne vient pas faire à Jésus-Christ un aveu public de son infirmité, elle en avait honte dans la persuasion qu'elle était impure ; car la loi considérait cette maladie comme une très-grande impureté ; c'est pourquoi elle se cache et veut se dérober à tous les regards.
Ou bien, il veut rassurer cette femme trop craintive, en lui disant : " Ayez confiance. " Il l'appelle sa fille, car la foi l'avait rendue véritablement sa fille.
Ou bien encore, ce que ce chef de la synagogue dit de la mort de sa fille n'est qu'une manière d'exagérer son malheur. C'est l'ordinaire de tous ceux qui demandent une grâce d'amplifier les maux qu'ils souffrent, et d'ajouter à la vérité pour fléchir plus efficacement ceux dont ils implorent le secours. C'est pourquoi il dit à Jésus : " Mais venez lui imposer les mains, et elle vivra. " Voyez quelles idées grossières il avait encore sur le Sauveur. Il lui demande deux choses : et de venir en personne, et d'imposer les mains ; c'est ce que demandait ainsi Naaman au prophète Elisée. C'est qu'en effet ceux qui se trouvent dans ces dispositions imparfaites ont besoin de signes sensibles et frappants.
Suivant saint Marc et saint Luc, Jésus prit avec lui trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean ; il ne choisit point Matthieu afin d'exciter en lui un désir plus vif, et aussi parce que ses dispositions étaient encore imparfaites. Il honore les premiers pour engager les autres à se rendre semblables à eux. C'était assez pour Matthieu d'être témoin de la guérison de cette femme qui souffrait d'une perte de sang : " Et voici, nous dit-il, qu'une femme qui souffrait d'une perte de sang depuis douze ans, s'approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement. "
Cependant cette femme n'avait pas encore une connaissance parfaite du Sauveur, puisqu'elle croyait pouvoir se dérober à ses regards. Mais il ne permit pas qu'elle demeurât cachée, non point pour la gloire qui pourrait lui en revenir, mais dans l'intérêt de tous ceux qui étaient présents. Premièrement, il bannit la crainte du coeur de cette femme qui aurait pu se reprocher d'avoir dérobé la grâce de sa guérison ; secondement, il rectifie la pensée qu'elle avait eue de pouvoir se cacher ; troisièmement, il révèle à tous sa foi pour les porter à l'imiter. Enfin, en montrant qu'il savait tout, il nous donne une preuve non moins grande de sa divinité qu'en arrêtant cette perte de sang. " Et cette femme, continue l'Évangéliste, fut guérie à l'heure même. "
Ce n'est ni dans la maison où était le Sauveur ni dans la ville que cette femme vient le trouver (car la loi lui défendait d'habiter dans les villes) (Lv 19, 25), mais elle se présente à Jésus au milieu du chemin, et c'est ainsi qu'en allant pour guérir une femme il rend la santé à une autre.
Il ne lui dit pas : Votre foi vous guérira, mais " votre foi vous a guérie ; " car vous êtes déjà guérie par cela seul que vous avez cru.
Saint Marc et saint Luc racontent le même fait, mais en suivant un ordre différent, et ils le placent après que Jésus eut traversé le lac, en quittant le pays des Gérazéniens, où il avait chassé les démons dans un troupeau de pourceaux. Selon le récit de saint Marc, ce fait ce serait passé après que Jésus eut de nouveau traversé le lac ; mais combien de temps après ? c'est ce qu'on ne peut savoir. Cependant s'il n'y avait eu aucun intervalle, il n'y aurait pas moyen de placer ce que raconte saint Matthieu du repas qui eut lieu dans sa maison, et c'est immédiatement après que le chef de la synagogue est venu trouver Jésus. Car si ce prince s'est présenté lorsque Jésus proposait la comparaison du drap neuf et du vin nouveau, on ne doit pouvoir placer aucune action, aucune parole intermédiaire. Or, dans la narration de saint Marc, on voit où l'on pourrait intercaler d'autres faits. Saint Luc lui-même n'est pas contraire à saint Matthieu, car la manière dont il commence son récit : " Et voici qu'un homme qui s'appelait Jaïre, " n'indique pas que ce soit immédiatement après ce qui précède, mais après ce que saint Matthieu raconte en ces termes du repas qu'il prenait avec les publicains : " Pendant qu'il parlait de la sorte, un prince (c'est-à-dire Jaïre, chef de la synagogue) s'approcha, et il l'adorait en lui disant : Seigneur, ma fille vient de mourir. " Pour faire disparaître toute contradiction, il faut remarquer que les deux autres Évangélistes ne disent pas qu'elle est morte, mais sur le point de mourir, tellement qu'ils ajoutent que des envoyés vinrent apprendre au père que sa fille était morte, et qu'il n'eût point à tourmenter davantage le Seigneur. Il faut donc admettre que pour abréger, saint Matthieu s'est attaché surtout à rapporter la prière qui fut adressée au Sauveur de faire ce qu'il fit en effet, c'est-à-dire de ressusciter celle qui venait de mourir. Il ne s'est donc pas arrêté à de que le père dit à Jésus de sa fille, mais, ce qui est bien plus important, aux sentiments et aux désirs qui l'agitaient. En effet, cet homme avait tellement désespéré de l'état de sa fille, que ce qu'il désirait, c'est qu'elle fût rendue à la vie, tant il croyait peu qu'il dût retrouver vivante celle qu'il avait laissée si près de la mort. Les deux autres évangélistes ont donc rapporté les paroles de Jaïre ; saint Matthieu nous fait connaître surtout ses désirs, ses pensées. Évidemment si l'un de ces deux Évangélistes avait prêté au père ces paroles, que Jésus n'eût pas à se mettre en peine, parce que sa fille était morte, le langage que lui fait tenir saint Matthieu serait contradictoire. Mais rien ne dit que cet homme ait partagé les sentiments de ses serviteurs. Nous trouvons ici un des principes d'explication les plus importants : c'est que dans les paroles d'un homme nous ne devons chercher que ce qu'il a l'intention de dire, que la volonté dont ses paroles sont l'expression, et que ce n'est point mentir que de raconter en d'autres termes ce qu'il a voulu dire sans rapporter les expressions dont il s'est servi.
Admirons ici tout à la fois l'humilité et la douceur du Seigneur. A peine le centurion l'en a-t-il prié, qu'il consent à le suivre : " Alors Jésus, se levant, le suivit. " Le Sauveur instruit tout à la fois les supérieurs et ceux qui sont placés sous leur direction ; à ceux-ci il donne un exemple d'obéissance ; à ceux-là, il fait voir quelle doit être leur assiduité, leur sollicitude dans l'enseignement, et le zèle avec lequel ils doivent se transporter là où ils apprennent qu'un homme a perdu la vie de l'âme.
Cette humilité est digne de tout éloge ; elle ne se présente pas devant le Sauveur, elle s'approche par derrière, et se juge indigne de toucher ses pieds. Ce n'est pas même son vêtement qu'elle touche, mais la frange seulement ; car le Seigneur portait une frange à son vêtement pour obéir à une prescription de la loi. (Nb 15, 38) Les pharisiens aussi portaient des franges qu'ils étalaient avec orgueil, et auxquelles ils ajoutaient des espèces d'épines. Mais les franges des vêtements du Sauveur n'avaient rien qui pût blesser, et ne pouvaient que guérir. Aussi cette femme disait en elle-même : " Si je touche seulement la frange de sa robe, je serai guérie. " Sa foi est vraiment admirable : elle a perdu tout espoir de la part des médecins qui lui ont dévoré tout son avoir, mais elle comprend qu'elle a trouvé un médecin descendu du ciel, c'est en lui qu'elle place toute son espérance, et c'est pour cela qu'elle mérita sa guérison. " Et Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit : Ma fille, ayez confiance : votre foi vous a guérie. "
Pourquoi donc lui recommander la confiance ? Si elle n'avait pas eu la foi, elle ne lui aurait pas demandé sa guérison. Ce qu'il exige d'elle, c'est la force et la persévérance de la foi, afin qu'elle parvienne à une guérison certaine et véritable.
Ou bien, ce prince de la synagogue représente Moïse, et il s'appelle Jaïre, c'est-à-dire qui illumine ou qui est illuminé ; car il a reçu les paroles de vie pour nous les transmettre, et éclairer ainsi les autres comme il est éclairé lui-même par l'Esprit saint. La fille du chef de la synagogue (c'est-à-dire la fille de la synagogue elle-même, âgée de douze ans, âge de la puberté) est abattue sous le poids des erreurs qui la minent, alors qu'elle devait enfanter à Dieu une famille toute spirituelle. Pendant que le Verbe de Dieu s'empresse d'aller trouver cette fille du chef de la synagogue pour sauver les enfants d'Israël, la sainte Église composée des Gentils, et dont les forces se perdaient au milieu des crimes qui se commettaient dans son sein, s'empare par sa foi de la guérison qui était destinée à d'autres.
Remarquez encore que la fille du chef de la synagogue est âgée de douze ans, et que cette femme souffre depuis douze ans de cette perte de sang, en sorte que l'une avait commencé à souffrir au moment où l'autre venait de naître : or, ce fut à peu près à la même époque que les patriarches donnèrent le jour à la synagogue, et que la multitude des nations étrangères se plongea dans les souillures de l'idolâtrie. Car la perte de sang dont il est ici question peut s'entendre de deux manières ou de la fange de l'idolâtrie, ou des plaisirs de la chair et du sang. Ainsi pendant que la synagogue avait encore toute sa force, l'Église était languissante ; mais le péché de la synagogue est devenu le salut des Gentils. Or, l'Église s'approche du Seigneur, et le touche, lorsqu'elle vient à lui par la foi.
Elle s'approcha par derrière, obéissant par avance à cette parole : " Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il me suive. " Ou bien c'est parce que n'ayant point vu le Seigneur revêtu d'une chair mortelle, elle est parvenue à le connaître après l'accomplissement des mystères de son incarnation : c'est pour cela qu'elle touche la frange de son vêtement ; figure en cela du peuple des Gentils qui, sans avoir vu le Fils de Dieu incarné, a reçu la parole qui lui annonçait son incarnation. En effet, on peut dire que le mystère de l'incarnation de Jésus-Christ est comme le vêtement dont la divinité était enveloppée, et la doctrine de l'incarnation comme la frange de ce vêtement. Les Gentils ne touchent pas le vêtement, mais seulement la frange, car ils n'ont point vu le Seigneur incarné, mais ils ont reçu par les Apôtres la doctrine de l'incarnation. Heureux celui qui touche par la foi, ne fût-ce même que les extrémités du Verbe ! Ce n'est pas au milieu de la ville que cette femme est guérie, mais dans le chemin où marche le Sauveur ; c'est pour cela que les Apôtres ont dit plus tard : " Parce que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voilà que nous allons vers les Gentils. " Or, ce fut dès l'avènement du Sauveur que la Gentilité reçut les prémices du salut.
La Glose
Ce fut au moment même où elle toucha le bord de sa robe, et non pas au moment qu'il se retourna vers elle, car alors elle était déjà guérie, comme les autres Évangélistes le remarquent expressément, et comme on peut le conclure des paroles mêmes du Seigneur.
Elle crut, elle dit, elle toucha ; car c'est par ces trois choses la foi, la parole et les oeuvres, que l'on obtient le salut.
1146. MAIS JÉSUS, SE TOURNANT VERS ELLE, LA VIT ET LUI DIT : «AIE CONFIANCE…». Ici est présentée la bonté du Christ. En premier lieu, elle est montrée par un geste, car SE TOURNANT VERS ELLE. Et pourquoi ? Afin qu’elle ne se méfie pas. En effet, comme elle s’était approchée en cachette, elle ne pensait pas qu’il se retournerait vers elle. De même, afin que soit donnée comme exemple la foi de celle-ci. Aussi, pour montrer qu’il était Dieu. Ainsi, il se tourna, comme celui qui se tourne par miséricorde, et la regarda d’un œil plein de bonté, Za 1, 3 : Tournez-vous vers moi, et je me tournerai vers vous. De même, sa bonté est montrée par la parole, lorsqu’il dit : AIE CONFIANCE. Comme elle s’était approchée dans la crainte, il lui parle donc avec délicatesse, Is 30, 15 : Si vous revenez et vous reposez, vous serez sauvés. Aussi, [Jésus] l’appelle FILLE, afin qu’elle ne se méfie pas, Jn 1, 12 : Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu. De même, [Jésus] lui donne espoir : TA FOI T’A SAUVÉE. Ainsi, notre salut vient de la foi, comme on le trouve en Rm 3, [22].
1147. Vient ensuite l’effet : ET LA FEMME FUT SAUVÉE À PARTIR DE CE MOMENT, non pas à partir du moment où le Christ a parlé, mais à partir du moment où elle a touché.
1147. Vient ensuite l’effet : ET LA FEMME FUT SAUVÉE À PARTIR DE CE MOMENT, non pas à partir du moment où le Christ a parlé, mais à partir du moment où elle a touché.
Jésus, se retournant.. Les deux autres évangélistes ont
conservé sur cette scène les plus touchants détails. Au moment où l’hémorrhoïsse subitement guérie allait
disparaître dans les rangs pressés de la foule, Jésus se retourne brusquement et demande avec une certaine
vivacité : Qui m’a touché ? Ses plus proches voisins lui répondent de toutes parts : Ce n’est pas moi ! S.
Pierre, de concert avec les autres disciples, se permet de faire ressortir ce qu’il y a d’extraordinaire dans la
question du Sauveur, vu les circonstances. Mais le divin Maître insiste, et aussitôt on voit s’avancer la pauvre
femme confuse et tremblante, qui avoue tout ce qui s’est passé. Alors Jésus-Christ la rassure par ces paroles
compatissantes : Aie confiance, ma fille... Dans cette foi, il y avait bien quelque mélange d’imperfection et de
faiblesse : le paralytique et ses amis s’étaient élevés sous ce rapport à un degré supérieur ; mais enfin c’était
de la foi, et Jésus récompensait cette vertu partout où il la rencontrait ; Cf. 8, 13 ; 9, 29 ; Luc. 7, 50 ; 17, 19 ;
18, 42. Elle était même la condition « sine qua non » de ses miracles, Matth. 13, 58 ; Marc. 6, 5 et 6. - Tandis
que l’Évangile apocryphe de Nicodème nous assure que l’hémorrhoïsse s’appelait Véronique, Cf. Thilo.
Apocr. 1, 562, un ancien sermon faussement attribué à S. Ambroise la confond avec Marthe, sœur de Lazare.
D’après une tradition mentionnée par Eusèbe, Hist. Eccl. 7, 18 ; Cf. Fabricius, Cod. Novi Testamenti Apocr.
1, p. 252, en reconnaissance de sa guérison l’hémorrhoïsse aurait fait ériger à Césarée de Philippe, devant la
maison qu’elle habitait, deux statues dont l’une représentait le Sauveur debout et lui adressant la parole,
l’autre elle-même agenouillée à ses pieds. Ce monument aurait subsisté jusqu’au règne de Julien l’Apostat,
qui le fit renverser en haine du Christianisme.
37. Alors qu’il nous est difficile de faire confiance, du fait que nombre de mensonges, d’agressions et de déceptions nous ont blessés, Jésus nous murmure à l’oreille : « Aie confiance, mon enfant » (Mt 9, 2), « Aie confiance, ma fille » (Mt 9, 22). Il nous faut vaincre la peur et réaliser que nous n’avons rien à perdre avec Lui. À Pierre qui perd confiance, « Jésus tend la main. Il le saisit, en lui disant : “ […] Pourquoi as-tu douté ?” » (Mt 14, 31). N’aie pas peur. Laisse-le s’approcher de toi, laisse-le se mettre à côté de toi. Nous pouvons douter de beaucoup de monde, mais pas de Lui. Et ne t’arrête pas à cause de tes péchés. Rappelle-toi que de nombreux pécheurs « se sont mis à table avec Jésus » (Mt 9, 10) et qu’Il n’a été scandalisé par aucun d’eux. Les élites religieuses se plaignaient et le traitaient « de glouton et d’ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs » (Mt 11, 19). Lorsque les pharisiens critiquaient sa proximité avec les personnes considérées comme de basse condition ou pécheresses, Jésus leur disait : « C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice » (Mt 9, 13).