Jean 1, 15

Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C’est de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. »

Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C’est de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. »
Saint Jean Chrysostome
Si ces paroles: «Il a été fait avant moi», devaient s'entendre du commencement de l'existence, il serait fort inutile d'ajouter: «Parce qu'il était avant moi». Car qui est assez ignorant, pour ne pas savoir que celui qui a été fait avant lui était avant lui? Si telle avait été son intention, voici comme il aurait dû s'exprimer: Il était avant moi, parce qu'il a été fait avant moi. Ces paroles: «Il a été fait avant moi», doivent donc s'entendre d'une priorité d'honneur, et Jean-Baptiste présente comme étant déjà accompli ce qui devait se faire, selon la coutume des prophètes qui parlaient des choses à venir comme si elles étaient déjà passées.

Ou bien, tel est le motif qui a déterminé l'Évangéliste à rapporter ce témoignage: Ne croyez pas, semble-t-il dire, que c'est pour avoir longtemps vécu avec le Sauveur et nous être assis à la même table, que nous lui rendons ainsi un témoignage de reconnaissance; car Jean-Baptiste qui ne l'avait pas vu auparavant, qui n'avait point vécu avec lui, lui rend le même témoignage. Il revient à plusieurs reprises sur ce témoignage, et le reproduit avec le plus grand soin sous différentes formes, parce que les Juifs avaient Jean-Baptiste en très-grande estime. Les autres évangélistes ont invoqué les oracles des anciens prophètes. "Ceci s'est fait, disent-ils, afin que fût accomplie la parole du prophète" (Mt 1,22). Saint Jean, au contraire, produit un témoin plus élevé, et aussi plus récent, non qu'il prétende donner du crédit au Maître par le témoignage du serviteur, mais pour s'accommoder à la faiblesse de ses auditeurs. Si le Fils de Dieu n'eût pris la forme de serviteur, il n'eût pu être reçu par les hommes; de même s'il n'eût préparé par la voix de son serviteur l'esprit de ses semblables, peu de Juifs eussent consenti à recevoir la parole de Jésus-Christ: "Et il dit à haute voix," c'est-à-dire qu'il parle publiquement, avec confiance et en toute liberté, et sans rien dissimuler. Toutefois, il ne commence point par dire que Jésus est le Fils unique de Dieu par nature, mais il dit à haute voix: "Voici celui dont je disais: Celui qui doit venir après moi, a été fait plus grand que moi, parce qu'il était avant moi". Les mères des petits oiseaux n'apprennent pas tout de suite à voler à leurs petits; ils commencent par les faire sortir de leur nid, puis les laissent se reposer, puis les exercent de nouveau, et enfin leur font prendre un essor plus rapide dans les airs. Jean-Baptiste fait de même, il ne porte pas tout d'abord les Juifs à de hautes considérations, mais il les élève insensiblement au-dessus de la terre en leur disant que le Christ était au-dessus de lui, ce qui était un grand point. Et voyez avec quelle prudence il lui rend témoignage. Il n'attend pas que Jésus soit présent pour le faire connaître, il l'annonce avant qu'il eût paru au milieu des Juifs. C'est ce qu'indiquent ces paroles: "Voici celui dont je disais", etc. Jean-Baptiste agit de la sorte pour préparer les esprits à recevoir plus facilement Jésus-Christ, sans être arrêté par ses humiliations volontaires et l'extrême simplicité de son extérieur. En effet, le Sauveur avait un extérieur si simple et si ordinaire, que si les Juifs n'avaient entendu parler de lui qu'après l'avoir vu, ils se seraient moqués du témoignage de Jean.
Saint Augustin
Ces paroles ne veulent donc pas dire: Il a été fait avant que je fusse fait moi-même, mais il a été placé au-dessus de moi.
Alcuin d'York
Nous avons vu plus haut qu'un homme avait été envoyé pour rendre témoignage; l'Évangéliste rapporte ici le témoignage que le Précurseur rend publiquement à l'élévation de l'humanité en Jésus-Christ et à l'éternité de son existence divine: «Jean rend témoignage de lui».
Saint Théophylacte d'Ohrid
Les ariens interprètent ce passage, dans ce sens que le Fils de Dieu n'est pas engendré du Père, mais qu'il a été fait comme toutes les autres créatures.
Saint Thomas d'Aquin
191. Après avoir montré comment le Verbe s’est Lui-même fait connaître aux Apôtres par la vue, l’Evangéliste va montrer ici comment Il s’est fait connaître aux Apôtres et à d’autres par l’ouïe . Ro 10, 17, à travers le témoignage de Jean-Baptiste.

Il introduit d’abord le témoin : JEAN LUI REND TEMOIGNAGE; puis il indique le mode de témoignage : ET IL CRIE ; enfin il décrit ce témoignage. Voici Celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi est passé devant moi parce qu’avant moi Il était .

192. Voici ce que dit l'Evangéliste : Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique . In 1, 14 mais au cas où l’on ne croirait pas les Apôtres, qu’un autre témoin s’approche donc, Jean-Baptiste, qui LUI REND TEMOIGNAGE, car c’est un témoin fidèle et qui donc ne mentira pas — Le témoin fidèle ne ment pas . Prov 14, 5. Vous avez envoyé à Jean des messagers et il a rendu témoignage à la vérité, [dit le Seigneur]. . in 5, 33.

JEAN en effet REND TEMOIGNAGE autrement dit, il remplit son office avec persévérance, car les lèvres véridiques seront affermies pour jamais. . Prov 12, 19.

193. L’Evangéliste indique ici comment Jean rend témoignage : par un cri. C’est pourquoi il dit : IL CRIE, c’est-à-dire qu’il s’exprime avec liberté et sans crainte — Elève la voix avec force (...) Elève-la sans crainte. Dis aux villes de Juda : Voici votre Dieu . Isaïe 40, 9.

IL CRIE, c’est-à-dire qu’il s’exprime avec ardeur et grande ferveur — Sa parole brûlait comme une torche. Sir 48, 1, comme les Séraphins, c’est-à-dire ceux qui brûlent — qui criaient l’un à l’autre . Isaïe 6, 3, exprimant par là l’amour brûlant au plus intime d’eux-mêmes.

IL CRIE, c’est-à-dire qu’il s’exprime publiquement et ouvertement, et non pas en figures — CRIE SANS CESSE, FAIS ENTENDRE TA VOIX . Isaïe 58, 1.

194. En rapportant ces paroles du Baptiste, Jean exprime ce qu’est ce témoignage. Il en expose d’abord la continuité, puis présente celui qui en est l’objet .

195. Le témoignage de Jean-Baptiste fut continu, car il rendit témoignage au Christ non pas une fois seulement, mais bien souvent et avant même que le Christ ne vînt à lui; aussi déclare-t-il : VOICI CELUI DONT J’AI DIT..., c’est-à-dire : je Lui ai rendu témoignage avant de Le voir — Toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut . Luc 1, 76. Et cela parce qu’il montre le présent et le futur. De plus son témoignage fut certain, car il L’a désigné non seulement en son absence mais en sa présence; c’est pourquoi il dit : VOICI, comme le montrant du doigt; de même il dira plus tard : voici l’Agneau de Dieu . Jean 1, 36.

Cela indique que le Christ fut présent en ce lieu; souvent, de fait, avant d’être baptisé et de prêcher, Il avait coutume de venir auprès de Jean.

196. Jean décrit ensuite Celui à qui il rend témoignage. Il faut remarquer ici que Jean observe les usages d’un bon maître qui ne livre pas immédiatement à ses disciples les choses les plus profondes et cachées de la science, mais qui peu à peu, partant des choses qui leur sont manifestes, progresse vers ce qu’il y a de plus profond dans la doctrine.

Ainsi Jean ne dit pas immédiatement que le Christ est le Fils de Dieu; il commence par Le présenter comme le dépassant, pour, de là, conduire ceux qui l’écoutent à des choses plus profondes. Jean, en effet, avait une si grande réputation que les hommes auraient pu croire qu’il était le Christ; c’est pourquoi, dès le point de départ, il était nécessaire de présenter Jésus comme plus grand que lui. II se compare ainsi au Christ dans l’ordre de la prédication , de la dignité et de la durée .

197. Dans l’ordre de la prédication Jean a certes devancé le Christ. C’est pourquoi il dit : CELUI QUI, c’est-à-dire le Christ, VIENT ou va venir APRES MOI, non pas dans le monde puisque le Christ était déjà né quand il a dit cela, mais pour prêcher et être connu des hommes — Voici que j’envoie mon messager et il préparera la voie devant ma face. Mal 3, 1.

Notons que le verbe "venir" est ici au présent [venit latin peut être présent ou passé], parce que le grec emploie le participe présent.

Jean est venu avant le Christ pour deux raisons. D’abord, selon Chrysostome . In Ioannem hom., 13, ch. 2, PG 59, col. 88, parce que Jean était parent du Christ selon la chair : Déjà Elisabeth, ta pa rente, a conçu un fils dans sa vieillesse . Luc 1, 36. Si le Précurseur avait rendu témoignage au Christ après L’avoir connu, on aurait pu suspecter son témoignage; aussi, pour lui donner plus d’efficacité, il vint remplir le ministère de la prédication alors qu’il n’avait pas encore eu d’intimité avec le Christ. Voilà pourquoi il disait : Moi, je ne le connaissais pas, mais c’est pour qu’Il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau. . Jean 1, 31.

En second lieu, Jean a précédé le Christ parce que, dans les réalités qui passent de la puissance à l’acte, il faut que l’imparfait précède le parfait dans le temps; [C'est pourquoi Paul dit :] Ce n’est pas le spirituel qui paraît d’abord, mais ce qui est charnel . 1 Corinthiens 15, 46. Il fallait donc que l’enseignement parfait du Christ vînt après l’enseignement imparfait de Jean; ce dernier, en effet, est intermédiaire entre l’enseignement de l’ancienne Loi, qui était en figures et annonçait de loin le Christ, et l’enseignement du Christ qui est manifeste et L’annonce clairement.

198. Dans l’ordre de la dignité, c’est le Christ qui précède Jean : IL EST PASSE AVANT MOI IL A PARU AVANT MOI, dit Jean. Les Ariens trouvèrent là une occasion d’erreur. En effet, ils disaient que ces paroles : CELUI QUI VIENT APRES MOI doivent s’en tendre du Christ selon la chair, mais que ce qu’ajoute Jean : IL A PARU AVANT MOI, ne peut s’entendre de Lui qu’en tant qu’Il est le Verbe. Ils prétendaient donc que le Verbe de Dieu, avant d’être uni à la chair, était quelque chose de créé. Mais selon Chrysostome . In Ioannem hom., 13, c 3, PG 59, col. 89. c’est là une opinion insensée. En effet, si cela était vrai, le Baptiste n’aurait pas dit : IL A PARU AVANT MOI, PARCE QU’AVANT MOI IL ETAIT; car nul n’ignore que s’Il était avant lui, Il a paru avant lui. Il aurait dit au contraire : "Il était avant moi parce qu’avant moi Il a paru". Voilà pourquoi, il faut entendre IL A PARU AVANT MOI [d'une priorité] de dignité; autrement dit, "Il m’a été préféré et Il a été placé avant moi", c’est-à-dire : Jésus est venu après moi pour prêcher, cependant Il a été placé avant moi, car II est plus digne que moi et Il m’est supérieur par l’autorité et dans l’estime des hommes L’or ne peut Lui être comparé . Jb 28, 17. Ce qui est futur [CELUI QUI QUI VA VENIR APRES MOI], il le dit accompli [IL EST PASSE AVANT MOI] parce que la certitude de la prophétie implique que l’on parle des choses futures comme si elles étaient déjà accomplies. Ainsi, il est dit dans la Glose que à IL EST PASSE

AVANT MOI correspond dans le grec IL EST PASSE DEVANT MOI . Glossa ordinaria, PL 114, col. 357, c’est-à-dire en ma présence; autrement dit Il m’est apparu, Il s’est fait connaître et s’est manifesté à moi.

199. Dans l’ordre de la durée c’est le Christ qui précède Jean. C’est pourquoi Jean dit : AVANT MOI IL ETAIT, parce que Lui est de toute éternité et que moi je suis dans le temps. Aussi, bien que je sois venu prêcher avant Lui, c’est cependant avec raison qu’Il m’a été préféré, parce qu’AVANT MOI IL ETAIT, c’est-à-dire de toute éternité — Hier et aujourd’hui Jésus-Christ est le même, Il le sera à jamais . He 13, 8, et : Avant qu’Abraham fût, je suis . In 8, 58. Ainsi le Christ, selon sa divinité, précède Jean dans la durée.

Les paroles AVANT MOI IL ETAIT peuvent enfin s’expliquer en référence à l’ordre du temps selon la chair. En effet, le Christ, dès le premier instant de sa conception, fut Dieu parfait et homme parfait, doté d’une âme raisonnable rendue parfaite par ses vertus, et d’un corps différencié en tous ses linéaments, mais sans avoir pour autant sa quantité parfaite. [Jérémie avait prédit :] La femme entourera l’homme . Jérémie 31, 22, c’est-à-dire un homme parfait. Or c’est un fait reconnu que le Christ a été conçu avant la naissance de Jean, et comme un homme parfait; ainsi, avant Jean, Il fut parfait dans son humanité. Aussi Jean pouvait-il dire : IL A PARU AVANT MOI PARCE QU’AVANT MOI IL ETAIT.
Louis-Claude Fillion
En faveur de cette gloire toute divine dont il avait été l’un des premiers témoins, l’évangéliste cite dès maintenant avec beaucoup de solennité un témoignage explicite du Précurseur. - Rend témoignage. Choisi pour rendre témoignage au Christ (versets 7 et 8), Jean-Baptiste remplit fidèlement son rôle. L’emploi du temps présent est remarquable ; car, au moment où le disciple bien-aimé écrivait cette ligne, il y avait plus d’un demi siècle que la bouche du Précurseur était muette ; mais le témoignage subsistait encore avec toute sa force. - Et crie. Dans le grec, au parfait, parce que la voix, au point de vue physique et matériel, avait cessé de retentir. L’expression est très énergique : elle indique une parole vive, émue, sonore. « C’était la voix claire et retentissante du héraut qui proclamait hautement son message, de sorte que tous pussent l’entendre ». Westcott. Cf. 7, 28, 37 ; 12, 44. - C’est celui. Début pittoresque. En disant ces mots Jean-Baptiste montrait du doigt N.-S. Jésus-Christ. Cf. versets 29, 30, 36. L’imparfait exprime une nuance délicate au point de vue du temps. Comme le Précurseur avait répété en différentes circonstances l’assertion solennelle « Celui qui doit venir après moi » (Cf. v. 27 ; Matth. 3, 11 ; Marc. 1, 7 ; Luc. 3, 16), on suppose ici qu’il se reporte par la pensée au moment où il la proférait pour la première fois avant l’apparition de Jésus sur les bords du Jourdain. - Dont j’ai dit. Voilà celui que j’avais en vue lorsque je vous disais… - Celui qui doit… Parole sentencieuse et solennelle, qui détermine avec la plus grande netteté les relations mutuelles du Verbe fait chair et de S. Jean-Baptiste. C’est, dans la forme extérieure, un de ces paradoxes apparents que les Orientaux ont constamment goûtés. On joue en quelque sorte avec les mots « après et avant, qui doit venir, a été fait, et était ». La pensée est très riche, très profonde. Elle revient à la phrase suivante en langage occidental : Quoique Jésus, en tant qu’homme, n’ait apparu qu’après moi sur la terre, il me surpasse néanmoins de beaucoup, car il est éternel. - On le voit, nous entendons ici « après moi » sous le rapport du temps ; « a été placé au-dessus de moi » sous le rapport de la dignité ; « était avant moi » également sous le rapport du temps. Jean-Baptiste explique pourquoi il dut céder aussitôt le pas à Jésus, et s’effacer peu à peu totalement devant lui : c’était le Verbe éternel. Plusieurs commentateurs veulent voir dans les mots « a été placé au-dessus de moi » (ante me factus est) une priorité d’existence et traduisent « a été fait avant moi » ; mais il y aurait alors une tautologie. De plus, comment le Précurseur pourrait-il alors appliquer au Logos avant l’Incarnation l’expression « a été fait » ? Tandis que cette préférence en dignité est, « pour ainsi parler, une chose qui a été faite ». Bossuet, 16ème élévation de la 12è semaine.
Fulcran Vigouroux
Parce qu’il était avant moi ; puisque comme Verbe, il était de toute éternité. ― D’autres traduisent : Parce qu’il était au-dessus de moi, bien plus que moi.