Jean 1, 19
Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »
Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »
La conjonction « or », dont l’emploi semble
d’abord étonnant au début d’un récit, sert à rattacher au v. 15 les épisodes qui vont suivre. Grâce à elle, « la
narration plonge pour ainsi dire ses racines dans le prologue » (Godet). - Les mots voici le témoignage de
Jean dominent et caractérisent ces mêmes épisodes. - Lorsque signale l’occasion du premier témoignage
raconté par notre évangéliste. L’époque n’est pas directement indiquée ; mais il résulte des versets 29-34 que
la scène dut se passer après le baptême de N.-S. Jésus-Christ . - Les Juifs. Cette dénomination, qui est très
rare dans les synoptiques, revient plus de soixante-dix fois dans le quatrième évangile. D’après l’étymologie
et l‘usage primitif, elle ne s’appliquait qu’aux seuls membres de la tribu de Juda ; mais, depuis l’exil, elle fut
employée pour désigner indistinctement touts les descendants de Jacob, à quelque tribu qu’ils appartinssent.
Quoique saint Jean la prenne parfois dans ce sens général (Cf. 2, 6, 13 ; 3, 1 ; 5, 1 ; 6, 4 ; 8, 31, etc.), il lui
attribue fréquemment, et c’est ici le cas, une signification particulière, selon laquelle nous devons entendre
les chefs religieux de la nation juive, et, plus spécialement encore, ces chefs en tant qu’ils étaient hostiles au
Seigneur Jésus. Cf. 2, 18, 20 ; 5, 10, 15, 16, 18 ; 7, 1, 11, 13 ; 9, 22, etc, etc. Il s’agit en cet endroit du
Sanhédrin, corps célèbre dont nous avons exposé la constitution dans notre commentaire sur saint Matthieu, p. 54. Le rôle des sanhédristes étant avant tout religieux, ils n’outrepassaient point leurs droits en faisant
interroger saint Jean-Baptiste à propos de son ministère ; La Mischna (tr. Sanhedr. 1, 5) réserve formellement
au tribunal des Soixante-et-onze le jugement d’une tribu, d’un prophète et d’un grand-prêtre. Il est à croire
néanmoins que, dans la circonstance présente, leur mobile principal fut moins le véritable esprit de zèle
qu’un sentiment d’aversion et de rivalité contre le Précurseur. Voyez Maldonat, Tholuck, etc., in h.l. Le parti
pharisaïque avait alors la prépondérance dans le Grand Conseil des Juifs (cf. verset 24) ; or, nous savons par
saint Matthieu, 3, 7 et suiv., que Jean-Baptiste avait attaqué vigoureusement les vices des pharisiens dès les
premiers jours de sa prédication. - De l’emploi si fréquent du mot « Juifs » dans le quatrième évangile,
quelques rationalistes ont voulu conclure que son auteur n’était pas Juif de naissance, et par suite, que saint
Jean ne saurait l’avoir composé. La déduction est des plus illogiques. Le fait en question prouve seulement
que le quatrième évangile fut écrit pour les Gentils, à une époque où les Chrétiens et les Juifs formaient deux
corps bien séparés, bien distincts, de sorte qu’un Juif converti n’était plus un Juif, mais un chrétien. - Les
Juifs lui envoyèrent de Jérusalem. Ce fut une députation en forme, qui partit du cœur même de la théocratie,
de la ville sainte, pour rejoindre saint Jean sur les bords du Jourdain (verset 28). Elle se composait de prêtres
et de lévites : choix bien naturel, puisque le point à traiter était éminemment religieux, ecclésiastique. Les
prêtres étaient par excellence les théologiens de la nation ; les lévites les accompagnent ici comme une
escorte d’honneur. Au reste, plusieurs passages de l’Ancien testament (2 Par. 22, 7-9 ; 35, 3 ; Neh. 8, 7)
démontrent que les lévites avaient aussi pour fonction d’enseigner la Loi mosaïque ; ils pouvaient donc
eux-mêmes servir de juges, surtout si un grand nombre d’entre eux étaient des scribes ou des docteurs de la
loi, comme on l’a souvent conjecturé. Il n’est fait mention d’eux qu’en trois endroits du nouveau Testament
(ici, Luc. 10, 32, et Act. 4, 36). - Qui es-tu ? Tant de bruit s’était fait autour de la personne de Jean-Baptiste
(Cf. Matth. 3, 5 et parall.), qu’on pouvait à bon droit soupçonner en lui un être supérieur. - Maldonat relève
très bien le caractère solennel de cette mise en scène : « Soit que l'on considère les envoyés eux-mêmes, ou
ceux qui les avaient envoyés, certainement de la grande synagogue des Juifs, ou le lieu d'où ils avaient été
envoyés, ou la personne de Jean à qui ils étaient envoyés, ou l'affaire pour laquelle ils avaient été envoyés,
tout montre que cette délégation avait une importance extrême, et montre l'importance du témoignage de
Jean sur le Christ. C'est pourquoi l'évangéliste la raconte de façon aussi précise ».
Bien des actes et des paroles de Jésus ont donc été un " signe de contradiction " (Lc 2, 34) pour les autorités religieuses de Jérusalem, celles que l’Évangile de S. Jean appelle souvent " les Juifs " (cf. Jn 1, 19 ; 2, 18 ; 5, 10 ; 7, 13 ; 9, 22 ; 18, 12 ; 19, 38 ; 20, 19), plus encore que pour le commun du Peuple de Dieu (cf. Jn 7, 48-49). Certes, ses rapports avec les Pharisiens ne furent pas uniquement polémiques. Ce sont des Pharisiens qui le préviennent du danger qu’il court (cf. Lc 13, 31). Jésus loue certains d’entre eux comme le scribe de Mc 12, 34 et il mange à plusieurs reprises chez des Pharisiens (cf. Lc 7, 36 ; 14, 1). Jésus confirme des doctrines partagées par cette élite religieuse du Peuple de Dieu : la résurrection des morts (cf. Mt 22, 23-34 ; Lc 20, 39), les formes de piété (aumône, jeûne et prière, cf. Mt 6, 18) et l’habitude de s’adresser à Dieu comme Père, le caractère central du commandement de l’amour de Dieu et du prochain (cf. Mc 12, 28-34).