Jean 1, 21
Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Je ne le suis pas. – Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. »
Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Je ne le suis pas. – Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. »
On peut regarder les mots « quoi donc » comme une
exclamation de surprise. Et telle paraît être la meilleure traduction. Mais il est loisible aussi de suppléer le
verbe « es ». Qui êtes-vous donc, si vous n’êtes pas le Christ ? - Es-tu Elie ? Cette nouvelle question et les
suivantes reflètent très bien la nature des préoccupations religieuses associées alors par les Juifs à leur attente
du Messie. Ils supposaient tous, d’après Malachie, 4, 5, 6, que le prophète Elie reviendrait sur la terre peu de
temps avant l’apparition du Christ (voyez Matth. 17, 14) ; or, Jean-Baptiste avait plus d’un trait de
ressemblance avec le grand prophète de Thisbé. - Je ne le suis pas. Et pourtant Notre-Seigneur affirma un
jour que S. Jean était un autre Élie (Matth. 11, 14) ; néanmoins le Précurseur et le Christ ne se contredisent
pas. Après tout, Jean n’est point Elie en personne, et, comme on l’a dit avec beaucoup de justesse, il n’a pas à
entrer ici dans des distinctions théologiques entre l’Élie personnel et l’Élie figuré ; c’est pourquoi il nie
purement et simplement. - Es-tu le prophète ? Dans le grec avec l’article, il s’agit donc d’un prophète
déterminé. Lequel ? C’est ce qu’on ne saurait dire avec certitude. D’assez nombreux interprètes ont pensé à
Jérémie, auquel les Juifs attribuaient en ces temps un rôle quelconque concernant la venue du Messie. Cf.
Matth. 16, 14 et le commentaire. D’autres (comme S. Jean Chrysost.) voient ici une allusion au prophète
innommé que Moïse promit aux Hébreux dans un célèbre oracle, Deut. 18, 15. Il est vrai que ce prophète ne diffère pas du Messie ; mais la suite du récit (7, 40, 41) nous apprendra que telle n’était pas alors l’opinion
générale, et que plusieurs, parmi les Juifs, établissaient une distinction entre ces deux personnages. Enfin
quelques commentateurs, en petit nombre, supposent que le Christ est directement désigné. Voyez Patrizi, In
Joannem commentarium, p. 20 et s. Ils s’appuient : 1° sur Joan. 6, 14, où nous voyons le peuple se servir de
cette locution pour représenter le Messie ; 2° sur Matth. 11, 9 et Luc. 1, 76, où Jean-Baptiste reçoit d’une
manière toute divine le titre de prophète, titre qu’il ne rejetterait pas ici dans le cas où le mot « prophète » ne
serait point synonyme de « Christ ». Mais nous avons vu précédemment que les compatriotes de
Notre-Seigneur n’étaient pas d’accord touchant la nature du prophète prédit par Moïse ; d’autre part,
Jean-Baptiste ne dit point qu’il n’est pas prophète : ce qu’il nie, c’est d’être le prophète déterminé dont on lui
parle. Enfin et surtout, il suffit, pour réfuter cette opinion, de renvoyer ses partisans au verset 26e, où les
délégués du Sanhédrin demandent au Précurseur : « Pourquoi donc baptises-tu si tu n’es ni le Christ, ni Elie,
ni le Prophète ? ». Ils établissent ainsi très clairement entre le Messie et le prophète une distinction à laquelle
le verset 2e nous avait d’ailleurs préparés. Conclusion : le prophète en question semble avoir été rattaché par
les Juifs d’alors à l’avènement du Christ ; toutefois nous ne saurions préciser au juste son caractère, qui
semble être demeuré assez vague pour les Israélites eux-mêmes. - Et il répondit : Non. « Non ; toujours non,
et toujours non : ce n’est qu’un non partout ; et Jean n’est rien à ses yeux … Et quoiqu’il soit si excellent, il
n’est rien ». Bossuet, Élévations sur les Myst., 24è sem., 2è élév. Les négations du Précurseur sont
remarquables par leur énergie, remarquables aussi par leur brièveté qui va toujours croissant. « Je ne suis pas
le Christ ; Je ne le suis pas ; Non ! ».
Es-tu Elie ? Et il dit : Non. « Dans un autre endroit (voir Matthieu, 11, 13-14), le Seigneur étant questionné par ses disciples sur la venue d’Elie, répondit : Elie est déjà venu, et si vous voulez le savoir, c’est Jean qui est Elie. Jean interrogé dit au contraire : Je ne suis pas Elie… C’est que Jean était Elie par l’esprit qui l’animait, mais il n’était pas Elie en personne. Ce que le Seigneur dit de l’esprit d’Elie, Jean le nie de sa personne. » (Saint GREGOIRE-LE-GRAND.)