Jean 1, 23

Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »

Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »
Origène
C'est ici le second témoignage que nous voyons Jean-Baptiste rendre à Jésus-Christ, puisque le premier commence à ces paroles: «Voici celui dont je disais: celui qui doit venir après eux», etc., et se termine par ces autres: «C'est lui qui l'a raconté». 

Les Juifs qui envoient cette députation étaient parents de Jean-Baptiste, comme étant eux-mêmes de race sacerdotale, et ils envoient pour demander à Jean qui il était, des prêtres et des lévites de Jérusalem, c'est-à-dire, des hommes élevés au-dessus des autres, et par leur vocation, et par la ville qu'ils habitaient. Ils s'adressent donc à Jean avec les marques du plus grand respect, jamais ils n'agirent de cette manière à l'égard du Sauveur. Mais la démarche qu'ils font aujourd'hui auprès de Jean-Baptiste, le saint précurseur la fit lui-même à l'égard de Jésus-Christ, en envoyant ses propres disciples lui demander: "Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?" (Lc 7,19)

Jean-Baptiste démêlait dans la question des prêtres et des lévites le doute où ils étaient, s'il n'était pas le Christ qui baptisait, doute qu'ils se gardaient bien de produire au dehors, de crainte de paraître téméraires. Aussi s'empresse-t-il tout d'abord de détruire cette opinion erronée, et de préparer ainsi les voies à la vérité, en déclarant ouvertement qu'il n'est pas le Christ. Ajoutons que le temps où le Christ devait venir était pour le peuple juif un temps d'espérance et de joie dont il jouissait par avance, parce que les docteurs de la loi recueillaient dans les saintes Écritures les témoignages qui attestaient que ce temps était proche; c'est ce qui explique comment Théodas réunit autour de lui une assez grande multitude de peuple, et après lui Judas, le Galiléen, au temps du dénombrement du peuple (Ac 5,36-37). Comme l'avènement du Christ était alors l'objet des plus ardents désirs et de l'attente universelle, les Juifs envoient demander à Jean: "Qui êtes-vous ?" pour savoir s'il avouerait qu'il était le Christ. Or, en disant: "Je ne suis point le Christ", il ne nie pas, mais au contraire, confesse ouvertement la vérité.

On dira peut-être que Jean-Baptiste ignorait qu'il fût Elie, et c'est l'opinion que soutiennent ceux qui professent la doctrine de la transmigration des âmes dans de nouveaux corps. Les Juifs lui demandent donc par les prêtres et les lévites s'il était Elie, parce qu'ils admettent comme véritable le dogme de la transmigration successive des âmes, dogme conforme à leurs traditions et à leurs doctrines secrètes; et Jean-Baptiste leur répond: «Je ne suis pas Elie», parce qu'il ignore sa première existence dans un autre corps. Mais comment peut-on supposer raisonnablement que Jean, qui, comme prophète, a été inondé des lumières de l'Esprit saint, et nous a révélé de si grandes vérités sur Dieu et sur son Fils unique, ait pu ignorer que son âme avait autrefois animé le corps d'Elie?

Héracléon, dans ses réflexions absurdes sur Jean et les prophètes, reconnaît que le Sauveur est bien le Verbe, et que Jean est la voix, parce que tout prophète n'est qu'un son. Nous lui répondrons par ces paroles de l'Apôtre:"Si la trompette ne rend qu'un son confus, qui est-ce qui se préparera au combat ?" (1Co 14) Si donc la voix des prophètes n'est qu'un son, comment le Sauveur nous ordonne-t-il de recourir à cette voix? "Scrutez les Écritures, nous dit-il" (Jn 5,39). Or, Jean déclare qu'il est non pas la voix qui crie dans le désert, mais "la voix de celui qui crie dans le désert", c'est-à-dire, de celui qui se tenait debout et disait à haute voix: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive" (Jn 7,37). Il parle à haute voix pour se faire entendre de ceux qui étaient éloignés, et aussi pour faire comprendre à ceux qui ont l'ouïe dure, l'importance des vérités qu'il leur enseignait.

Jean répondit donc aux prêtres et aux lévites: "Je ne le suis pas", en devinant l'intention qui avait dicté leur demande. Cette question, en effet, avait pour but de savoir, non pas s'il avait le même esprit qu'Elie, mais s'il était en réalité cet Elie, qui avait été enlevé dans les cieux, et qui, sans passer par une nouvelle naissance, apparaissait de nouveau conformément à l'attente des Juifs. Ceux qui croient à la transmigration des âmes dans de nouveaux corps, diront qu'il est invraisemblable que des prêtres et des lévites pussent ignorer la naissance d'un fils, que Zacharie, prêtre si distingué, eut dans sa vieillesse, surtout lorsque saint Luc nous atteste qu'à sa naissance, tous les habitants du voisinage furent remplis de crainte, et que le bruit de ces merveilles se répandit dans tout le pays des montagnes de Judée (Lc 1,65). Peut-être, comme ils savaient qu'Elie viendrait avant Jésus-Christ vers la fin du monde, demandent-ils à Jean-Baptiste, dans le sens figuré: "Est-ce vous qui annoncez l'arrivée du Christ, qui doit venir à la fin du monde ?" Et il répond avec sagesse: "Non, ce n'est pas moi". Un grand nombre savait que Jésus était né de Marie, mais quelques-uns ne laissaient pas de tomber dans cette erreur qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou quelqu'un des prophètes; il n'y a donc rien d'étonnant que, tandis que les uns savaient parfaitement que Jean-Baptiste était fils de Zacharie, d'autres fussent dans le doute s'il n'était pas le prophète Elie qu'ils attendaient. Mais comme il avait paru plusieurs prophètes en Israël, l'objet de leur attente était surtout un prophète que Moïse avait annoncé en ces termes: "Dieu vous suscitera un prophète du milieu de vos frères, vous lui obéirez comme à moi" (Dt 18,18). C'est ce qui explique la troisième question qu'ils font à Jean-Baptiste, non pas s'il était simplement prophète, mais s'il était le prophète avec l'article, comme porte le texte grec: "Etes-vous le prophète ?" Le peuple d'Israël savait qu'aucun des prophètes n'avait été celui que Moïse avait annoncé, et qui devait, à l'exemple de ce législateur du peuple de Dieu, être le médiateur entre Dieu et les hommes, et transmettre à ses disciples le testament ou l'alliance qu'il recevait de Dieu (cf. Dt 5,5 Ex 24,7-8). Or, tandis que les Juifs refusaient de reconnaître dans Jésus-Christ ce prophète prédit par Moïse, et voulaient attribuer ce nom à un autre que lui, Jean savait que Jésus était vraiment ce prophète. Aussi répond-il: "Je ne le suis pas".

La voix qui crie dans le désert est nécessaire à l'âme abandonnée de Dieu, pour la ramener dans les voies droites qui conduisent à lui, sans qu'elle s'égare davantage dans les voies tortueuses du serpent mauvais, pour l'élever par la méditation jusqu'à la contemplation de la vérité sans mélange d'erreur, et faire succéder à cette méditation sérieuse la pratique des bonnes oeuvres. Voilà le sens de ces paroles: «Rendez droite la voie du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe».
Saint Jean Chrysostome
Jean-Baptiste était à leurs yeux si digne de foi, qu'ils étaient disposés à croire au témoignage qu'il rendrait de lui-même: «Ils envoyèrent pour demander: Qui êtes vous ?»

On peut dire encore que les Juifs avaient à l'égard de Jean-Baptiste, des sentiments beaucoup trop humains. Ils regardaient comme indigne de lui d'être inférieur au Christ, à cause de l'éclat extraordinaire qui entourait toutes les circonstances de sa vie, sa naissance illustre (il était fils du prince des prêtres), son éducation austère, et le mépris qu'il faisait des choses humaines. Jésus-Christ, au contraire, paraissait venir d'une famille obscure, comme les Juifs le lui reprochaient: "Est-ce qu'il n'est pas le fils du charpentier ?" (Mt 13,55) et sa manière de se nourrir et de se vêtir n'avait rien qui le distinguât des autres hommes. Or, comme Jean envoyait continuellement à Jésus-Christ, et que les Juifs cependant préféraient l'avoir pour maître, ils lui envoient une députation, dans l'espérance de l'amener par leurs flatteries, à déclarer qu'il était le Christ. Ce ne sont donc point des hommes du peuple qu'ils lui députent (comme lorsqu'ils envoient au Christ des serviteurs et des hérodiens), mais des prêtres et des lévites, et encore n'étaient-ce pas les premiers venus, mais des prêtres de Jérusalem, c'est-à-dire, les plus honorables et les plus distingués d'entre eux. Ils lui envoient donc demander: "Qui êtes-vous ?" non pas qu'ils ignorent ce qu'il est, mais parce qu'ils veulent l'amener à donner une réponse conforme à leurs désirs. Aussi Jean-Baptiste répond à leurs pensées plutôt qu'à leur question: "Il confessa, et il ne le nia point, il confessa: Je ne suis pas le Christ". Et voyez la sagesse de l'Évangéliste, il répète trois fois à peu près la même expression, pour faire ressortir la vertu de Jean-Baptiste, et la malice insensée des Juifs; car c'est le devoir d'un serviteur fidèle, non seulement de ne pas ravir la gloire qui appartient à son maître, mais de la rejeter quand elle lui est offerte, même par un grand nombre. C'était par ignorance que le peuple conjecturait que Jean-Baptiste pourrait être le Christ, tandis que c'est avec mauvaise intention que les prêtres et les lévites lui adressent cette question, espérant l'amener par leurs flatteries au résultat qu'ils désiraient. Si telle n'avait pas été leur intention, lorsque Jean leur eut répondu: "Je ne suis pas le Christ", ils se fussent empressés de dire: Nous n'avons jamais eu cette pensée, ce n'est pas ce que nous sommes venus vous demander. Mais honteux de voir leur pensées ainsi dévoilées, ils passent aussitôt à une autre question: "Qui êtes-vous donc, lui dirent-ils? Etes-vous Elie ?"

Voyez comme ils insistent et le pressent de nouvelles questions, et comme Jean-Baptiste leur répond avec douceur en détruisant toutes leurs fausses idées et leur faisant connaître ce qu'il était en vérité: «Il répondit: Je suis la voix de celui qui crie dans le désert».
Saint Augustin
Ils ne lui auraient pas envoyé cette députation, s'ils n'avaient été frappés du caractère de supériorité qui brillait en sa personne et en vertu duquel il donnait le baptême.

Ils savaient qu'Elie devait précéder le Christ, car le nom du Christ n'était ignoré de personne chez les Juifs. Ils ne croyaient pas que Jean-Baptiste fût le Christ, ils n'avaient pas cependant perdu toute espérance de l'avènement prochain du Christ, et avec cette espérance, la venue du Christ fut pour eux comme une véritable pierre de scandale.

Peut-être répond-il de la sorte, parce qu'il était plus grand qu'un prophète, les prophètes ayant prédit le Christ longtemps à l'avance, tandis que Jean le montrait présent au milieu des hommes.

Cette prophétie d'Isaïe a reçu son accomplissement dans la personne de Jean-Baptiste.
Saint Grégoire le Grand
Il nie clairement ce qu'il n'est pas, mais il ne nie pas ce qu'il est. Son langage est celui de la vérité, et il mérite ainsi de devenir le membre de celui dont il ne voulait pas usurper injustement le nom.

Et il répondit: Je ne le suis pas Cette réponse donne lieu à une difficulté assez grande: les disciples de Jésus l'ayant un jour questionné sur l'avènement d'Elie, il leur répondit: "Puisque vous voulez le savoir, c'est Jean lui-même qui est Elie" (Mt 11,4). Ici on demanda à Jean-Baptiste lui-même s'il est Elie, et il répond: "Je ne le suis pas". Comment peut-il être le prophète de la vérité, si ces paroles sont en désaccord avec celles de la vérité?

Si l'on veut examiner à fond cette difficulté, on trouvera le moyen de concilier cette contradiction apparente. Que dit, en effet, l'ange à Zacharie? "Il marchera devant lui dans l'esprit et la vertu d'Elie" (Lc 1,17), c'est-à-dire, que Jean-Baptiste devait précéder le premier avènement, comme Elie devra un jour précéder le second; de même qu'Elie sera le précurseur du Juge, ainsi Jean-Baptiste devait être le précurseur du Rédempteur; Jean-Baptiste était donc Elie en esprit, mais il ne l'était pas en personne. Ce que le Sauveur affirme de l'esprit d'Elie, Jean le nie de la personne. Il était juste, en effet, que le Seigneur parlât de Jean à ses disciples dans un sens spirituel, tandis que Jean devait répondre au peuple encore grossier, en niant dans le sens littéral, qu'il fût Elie en personne.

Vous savez que le Fils unique de Dieu est appelé le Verbe du Père; or, notre langage nous aide à nous rendre compte de ce fait, que la voix doit retentir d'abord, pour que le verbe ou la parole puisse être entendue. Jean affirme donc qu'il est la voix, parce qu'il précède le Verbe, et que c'est par son ministère que le Verbe du Père a été connu des hommes.

Ou encore, Jean criait dans le désert, parce qu'il venait annoncer la consolation du Rédempteur à la Judée, semblable à un lieu désert et abandonné.

La voie du Seigneur va droit au coeur, lorsqu'on écoute avec humilité la parole de vérité; elle va droit au coeur lorsqu'elle le prépare à l'accomplissement des divins préceptes.
Saint Théophylacte d'Ohrid
On peut dire encore que l'Évangéliste, après avoir rapporté le témoignage rendu par Jean-Baptiste à Jésus-Christ: «Il a été fait plus grand que moi», etc., nous fait connaître l'époque à laquelle le saint précurseur a rendu ce témoignage: «Et tel est le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent», etc.

Ou bien encore, Jean est la voix, parce qu'il annonce ouvertement la vérité, tandis que sous la loi le langage des prophètes était couvert d'obscurité.
Saint Thomas d'Aquin
223. Précédemment, l’Evangéliste a montré comment le Christ se fit connaître aux Apôtres eux-mêmes par le témoignage de Jean; maintenant, il explique d’une manière plus parfaite ce témoignage. Il présente d’abord le témoignage porté par Jean devant les foules , puis devant ses propres disciples . Si on considère attentivement ce que dit l’Evangile, on trouve deux témoignages du Précurseur au sujet du Christ : l’un qu’il porta en présence du Christ et l’autre en son absence; en effet, s’il n’avait pas porté son témoignage en présence du Christ, il n’aurait pas dit : voilà Celui... et si auparavant il n’en avait pas porté un autre en son absence, il n’aurait pas ajouté dont j’ai dit...

L’Evangéliste expose donc en premier lieu le témoignage rendu par Jean au Christ en son absence , puis celui qui fut porté en sa présence . Ces deux témoignages diffèrent; en effet, le Précurseur a donné le premier après une interrogation, et le second spontanément. C’est pourquoi, dans le premier, l’Evangéliste rapporte non seulement le témoignage, mais aussi l’interrogation. On interrogea Jean d’abord sur sa personne (c’est l’objet de la leçon présente), ensuite sur sa fonction . L’Evangéliste nous montre donc comment Jean confessa d’abord n’être pas ce qu’il n’était pas, puis ne nia pas être ce qu’il était .

224. Comme le montre le texte, le premier point comprend trois questions des envoyés et trois réponses de Jean.

A propos de la première interrogation, considérons le grand respect dont les Juifs, qui envoyèrent recueillir le témoignage du Précurseur, font preuve à son égard.

Quatre particularités illustrent la grandeur de ce respect. D’abord la dignité de ceux qui envoient ces lévites et ces prêtres; en effet, ce ne sont pas des Galiléens qui les envoyèrent, mais ceux qui étaient les notables du peuple d’Israël, des Juifs de la tribu de Juda, habitant près de Jérusalem, et qui étaient plus honorables — De Juda, le Seigneur a choisi les princs de son peuple . Le salut vient des Juifs .

Ensuite, la prééminence du lieu où l’on envoie; c’est Jérusalem, la cité royale et sacerdotale, vouée au culte divin — Vous, vous dites que c’est à Jérusalem qu’est le lieu où il faut adorer .

Puis l’autorité des envoyés, qui étaient des personnages insignes et parmi les plus consacrés du peuple, des prêtres et des lévites — Vous serez appelés prêtres du Seigneur .

Enfin, le fait que les Juifs ont envoyé demander à Jean de témoigner sur lui-même, comme s’ils avaient une telle confiance en ses paroles qu’ils étaient prêts à croire jusqu’à son témoignage sur lui-même. Aussi l’Evangéliste dit-il : ILS ENVOYERENT... POUR LUI DEMANDER : "QUI ES-TU?" Cela, ils ne l’ont pas fait pour le Christ; bien plus ils Lui disaient : "C’est toi qui te rends témoignage, ton témoignage n’est pas véridique" .

225. L’Evangéliste donne ici la réponse de Jean; et il dit à deux reprises CONFESSA, pour montrer l’hu milité de Jean. En effet, bien que celui-ci jouît auprès des Juifs d’une autorité telle que ceux-ci voyaient en lui le Christ, il ne voulut cependant pas usurper un honneur qui ne lui était pas dû; bien plus, IL CONFESSA : "JE NE SUIS PAS LE CHRIST".

226. Mais que signifie cette parole : IL CONFESSA, IL NE NIA PAS? Il semble en effet qu’il ait nié, puis qu’il dit n’être pas le Christ. Il faut répondre qu’il n’a pas nié la vérité en disant qu’il n’était pas le Christ : autrement, il aurait renié la vérité. Job a dit : Si, à la vue du soleil dans son éclat et de la lune radieuse dans sa course, mon cœur alors a ressenti une secrète joie, et si j’ai porté ma main à ma bouche , c’est là le comble de l’iniquité et un reniement du Dieu très-haut n’a donc pas renié la Vérité puisque, si grand qu’on le jugeât, il ne s’est pas élevé avec orgueil, s’attribuant l’honneur qui ne lui appartenait pas. IL CONFESSA : "JE NE SUIS PAS LE CHRIST", parce qu’en vérité il ne l’était pas, comme nous l’avons dit plus haut en expliquant ces paroles : Il n’était pas la lumière .

227. Cependant, ceux qui avaient été envoyés ne lui demandaient pas s’il était le Christ, mais qui il était; pourquoi alors Jean répondit-il : JE NE SUIS PAS LE CHRIST? Il faut dire que le Précurseur répond plutôt à la pensée de ceux qui l’interrogent qu’à leur question elle-même; sa réponse peut se comprendre de deux manières.

Selon Origène , les prêtres et les lévites étaient venus à lui dans une bonne intention. Ils conjecturaient en effet, par les Ecritures et surtout par la prophétie de Daniel, qu’était venu le temps de l’avènement du Christ. Aussi, voyant la sainteté de Jean, ils supposaient qu’il était le Christ. C’est pourquoi ils lui envoyèrent des délégués pour savoir si à leur question : "QUI ES-TU?", il déclarerait être le Christ. Aussi répondit-il à leur pensée : "JE NE SUIS PAS LE CHRIST".

Mais d’après Chrysostome , prêtres et lévites interrogeaient Jean d’une manière perfide; Jean, en effet, était parent des prêtres, puisque fils d’un prince des prêtres. De plus, il était consacré; et pourtant il rendait témoignage au Christ dont la naissance parais sait sans noblesse. D’où ce que disaient les Juifs : N’est-ce pas là le fils du charpentier? ; et Il leur restait inconnu. Désirant donc avoir pour maître Jean plutôt que le Christ, ils lui envoyèrent des émissaires chargés de le séduire par des flatteries, pour l’amener à s’attribuer cet honneur et à se dire le Christ. Mais, voyant leur malice, le Précurseur dit : "JE NE SUIS PAS LE CHRIST".

228. L’Evangéliste rapporte ici la deuxième interrogation. A ce sujet, il faut se rappeler que si le peuple juif attendait la venue du Seigneur, il attendait aussi Elie qui devait Le précéder selon cette prophétie : Voici que je vais vous envoyer Elie le prophète, avant que n’arrive le jour du Seigneur grand et redoutable Aussi les envoyés, voyant que Jean confessait n’être pas le Christ, insistent pour que du moins il dise s’il est Elie : "QUOI DONC? ES-TU ELIE?"

229. Or il y a des hérétiques qui pensent que l’âme est transmissible d’un corps à un autre et que ce dogme était alors professé chez les Juifs. Ceux-ci croyaient donc en raison de la ressemblance des œuvres de Jean et d’Elie, que l’âme de ce dernier était dans le corps de Jean. Aussi, pour ces hérétiques, lorsque les envoyés demandaient au Précurseur s’il était Elie, cela revenait à lui demander si l’âme d’Elie était dans son corps. Ils citent en faveur de leur opinion ces paroles du Seigneur au sujet de Jean : Si vous voulez comprendre, l’Elie qui doit venir, c’est lui . Mais aussitôt la réponse de Jean : "JE NE SUIS PAS ELIE" dit le contraire. A cela ils répondent que Jean parla par ignorance, ne sachant pas que son âme était l’âme d’Elie. Mais On gène réfute cette idée : il paraît tout à fait déraison nable que Jean, le prophète illuminé par l’Esprit, qui a dit de si grandes choses du Fils unique de Dieu, ait pu ignorer à son propre sujet que son âme ait été celle d’Elie.

230. Ce n’était donc pas dans cette intention qu’ils lui demandaient : "ES-TU ELIE?" Mais comme les Ecritures racontent qu’Elie n’était pas mort et qu’un char de feu l’avait enlevé vivant jusqu’au ciel, ils le croyaient réapparu subitement parmi eux.

Contre cette interprétation, il y a le fait que le Pré curseur était né de parents connus et que sa naissance n’était ignorée de personne. Luc écrit sujet des événements qui marquèrent sa venue au monde : Tous furent étonnés (...) et ils gravaient ces merveilles dans leur cœur, en disant : "Que sera donc cet enfant?"

On peut dire qu’il n’est pas incroyable que les Juifs aient pensé de Jean ce qu’on vient de rapporter, car on constate un fait analogue dans saint Matthieu Hérode croyait que le Christ était Jean qu’il avait décapité; et pourtant le Christ avait prêché et avait été connu long temps avant que le Précurseur n’eût été décapité. Ce serait avec une démence et un aveuglement semblable que les Juifs auraient demandé à Jean s’il était Elie.

231. Mais pourquoi Jean dit-il JE NE SUIS PAS ELIE, alors que le Christ dira : l’Elie qui doit venir, c’est lui? L’ange Gabriel résout cette difficulté quand il dit que Jean marchera devant le Seigneur avec l’esprit et la puissance d’Elie . Il ne fut donc pas Elie en personne, mais il le fut par l’esprit et la puissance, parce que dans ses œuvres se manifestait la ressemblance d’Elie.

232. On peut en effet remarquer trois points de ressemblance entre Jean et Elie.

En premier lieu dans la fonction : car Elie précédera le second avènement du Seigneur, comme Jean devança le premier. Aussi l’ange a-t-il dit : Il marchera devant le Seigneur. Ensuite, dans leur mode de vie : Elie séjournait dans le désert, mangeant peu et couvert de vêtements rudes Jean vivait au désert, se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage, et sa ceinture était de poil de chameau.

Enfin dans leur zèle : Elie fut d’un zèle extrême; aussi disait-il : Je suis rempli d’un zèle jaloux pour le Seigneur . De même Jean mourut à cause de son zèle pour la vérité, comme on le voit dans saint Matthieu.

233. Telle est la troisième question que rapporte l’Evangéliste. Mais d’abord, comment se fait-il que Jean, à la question : "ES-TU LE PROPHETE?" ait répondu qu’il ne l’était pas, et que Zacharie dit de lui : "Toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut"

On peut répondre de trois manières. D’abord, Jean n’est pas simplement un prophète, il est plus que prophète. En effet, les autres prophètes n’annonçaient l’avenir que longtemps à l’avance. d'où la recommandation d’Habacuc : Si tarde la réalisation de la vision, attendez-la. Mais Jean a annoncé le Christ présent, en Le montrant en quelque sorte du doigt — "Voici l’Agneau de Dieu. Voici celui qui enlève les péchés du monde" . C’est pourquoi le Seigneur dit de lui qu’il est plus qu’un prophète .

Ensuite, d’après Origène , les Juifs, à partir d’une mauvaise interprétation des Ecritures, s’imaginaient que paraîtraient, au moment de la venue du Christ, trois personnages éminents : le Christ Lui-même, Elie et un autre très grand prophète dont Moïse avait dit : le Seigneur ton Dieu nous suscitera du milieu de nous, d’entre nos frères, un prophète tel que moi .

Ce très grand prophète, en réalité, n’est autre que le Christ; mais, selon les Juifs, c’est un autre personnage. Voilà pourquoi ils ne demandent pas simplement au Précurseur s’il est prophète, mais s’il est ce très grand Prophète. Cela se voit à l’ordre des questions, car ils demandent d’abord s’il est le Christ, ensuite s’il est Elle, enfin s’il est ce Prophète. Ce qui explique, en grec, la présence d’un article, pour signifier LE prophète par excellence.

Enfin, les Pharisiens en voulaient à Jean parce qu’il s’était attribué le ministère du baptême en dehors de la Loi et de leurs traditions. Il y a en effet dans l’Ancien Testament trois personnages auxquels il pouvait convenir de baptiser : le Christ, à qui Ezéchiel fait dire : Je ferai sur vous une aspersion d’eaux pures

Elie qui, d’après le Deuxième livre des Rois , partagea les eaux du Jourdain et, les ayant passées, fut enlevé; Elisée qui, selon le même livre , ordonna à Naaman le Syrien de se laver sept fois dans le Jourdain pour être purifié de sa lèpre.

Les Juifs donc, voyant Jean baptiser, croyaient qu’il était l’une de ces trois personnes, le Christ, Elie ou Elisée. Aussi, lorsqu’ici ils disent à Jean : "ES-TU LE PROPHETE?" ils lui demandent s’il n’est pas Elisée. Elisée est appelé le Prophète, d’une manière spéciale, à cause des nombreux miracles qu’il a faits; il dit du reste, en parlant de lui-même : Que le roi d’Israël sache qu’il y a un prophète en Israël . Pour cette raison, Jean répond : JE NE LE SUIS PAS, c’est-à-dire : Je ne suis pas Elisée.

234. L’Evangéliste montre ici comment Jean confessa ce qu’il était. Il expose en premier lieu la question des envoyés; puis la réponse de Jean .

235. Nous avons, disent ici les Juifs, été envoyés pour savoir qui tu es; aussi dis-nous : QUE DIS-TU DE TOI-MEME? Mais remarquons combien Jean est consacré : déjà il a réalisé ces paroles de l’Apôtre : Je vis, mais non pas moi, c’est le Christ qui vit en moi . C’est pourquoi il ne répond pas : "Je suis le fils de Zacharie, ou tel et tel" : il dit uniquement sa dépendance à l’égard du Christ.

236. Jean dit qu’il est une VOIX parce que si, par l’origine, la voix est postérieure au verbe, elle est en revanche première pour la connaissance. En effet, le verbe conçu dans le cœur se fait connaître à nous par l’émission de la parole qui en est le signe. Or Dieu le Père a envoyé le Précurseur Jean, créé dans le temps, pour annoncer son Verbe, conçu de toute éternité; c’est donc à juste titre que Jean dit : JE SUIS LA VOIX.

237. Ce qu’il ajoute : DE CELUI QUI CRIE, peut se comprendre de deux façons : ou c’est Jean qui crie, ou c’est le Christ qui crie en Jean, comme disait saint Paul : Voulez-vous une preuve que celui qui parle en moi, c’est le Christ? .

Celui qui crie peut le faire pour quatre raisons. En effet, le cri implique d’abord une manifestation et c’est pourquoi Jean crie, pour montrer que le Christ parlait manifestement en lui, comme lorsqu’Il criera Lui-même : Le dernier jour de la fête, le plus solennel, Jésus debout s’écriait : "Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive"; alors que, dans les prophéties, Il n’a pas crié, parce que les prophéties furent données de manière énigmatique et sous des figures; aussi le Psalmiste dit-il : La tente de Dieu autour de lui, c’est l’eau ténébreuse des nuées de l’air .

Ensuite, le cri s’adresse à des personnes éloignées; or les Juifs s’étaient éloignés de Dieu; aussi fallait-il crier — Tu as éloigné de moi mes amis et mes proches .

En troisième lieu, le cri s’adresse à des sourds — Qui est sourd, sinon mon serviteur?

Enfin, le cri exprime qu’on parle avec indignation, parce que celui qui crie s’adresse à ceux qui ont mérité la colère de Dieu — Le Seigneur leur parlera dans sa colère.

238. Mais remarquons qu’il crie DANS LE DESERT, car Le Seigneur fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert . On peut trouver là un sens littéral et un sens mystique.

Au sens littéral, Jean reste DANS LE DESERT pour être exempt de tout péché, afin d’être ainsi plus digne de porter témoignage pour le Christ et de rendre, par sa vie, son témoignage plus digne de foi auprès des hommes.

Au sens mystique, le DESERT s’explique de deux façons. Le DESERT, en effet, signifie d’abord les païens, conformément à cette parole d’Isaïe : Les fils de la délaissée du latin desertae sont plus nombreux que les fils de celle qui avait un époux Ainsi, pour montrer que la connaissance de Dieu ne doit pas être prêchée seulement à Jérusalem, mais chez toutes les nations, il cria DANS LE DESERT — Le royaume de Dieu dira le Christ aux Juifs vous sera enlevé et il sera donné à une nation qui en produira les fruits.

Par DESERT, d’autre part, on entend la Judée, qui était alors déserte — Voici que votre maison vous est laissée déserte . Jean cria donc DANS LE DESERT, c’est-à-dire en Judée, pour faire comprendre que le peuple à qui il prêchait était alors déserté par Dieu — Dans cette terre déserte et où il n’y a ni chemin ni eau, je me suis présenté devant toi, dans ton sanctuaire, pour contempler ta puissance et ta gloire .

239. Mais que crie Jean? RENDEZ DROIT LE CHEMIN DU SEIGNEUR. C’est en effet pour cela qu’il fut envoyé — Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses voies Or le chemin préparé pour recevoir le Seigneur, le chemin DROIT, c’est le chemin de justice selon Isaïe : Le chemin du juste est droit, droite est la voie que tu aplanis pour le juste .

La voie du juste est droite lorsque l’homme tout entier est soumis à Dieu : l’intelligence par la foi, la volonté par l’amour, l’agir par l’obéissance à Dieu. Et, à ces paroles : JE SUIS LA VOIX DE CELUI QUI CRIE DANS LE DESERT : RENDEZ DROIT LE CHEMIN DU SEIGNEUR, Jean ajoute : COMME LE DIT LE PROPHETE ISAIE, c’est-à-dire comme l’a prédit Isaïe. C’est comme si Jean disait : "Je suis celui en qui ces paroles s’accomplissent."
Louis-Claude Fillion
Il dit. La réponse désirée ne se fait point attendre, et elle est aussi claire que possible pour quiconque avait un vrai désir de s’instruire. En effet, pour bien définir sa mission, Jean s’approprie un passage d’Isaïe (40, 3) qui l’avait depuis longtemps prédite. C’est la mission d’un précurseur, et le Seigneur précédé de son héraut n’est autre que le Messie. Voyez l’Évangile selon saint Matth. p. 68. - Je suis la voix : seulement une voix, un cri, « un souffle qui se perd en l’air ». Bossuet. Il y a un grand acte d’humilité dans cette citation, qui n’attribue au Baptiste qu’un rôle très secondaire. - Rendez droit le chemin du Seigneur, dans le grec, « applanissez ». Les synoptiques et les Septante ont « préparez ».
Catéchisme de l'Église catholique
Jean est " plus qu’un prophète " (Lc 7, 26). En lui l’Esprit Saint accomplit de " parler par les prophètes ". Jean achève le cycle des prophètes inauguré par Elie (cf. Mt 11, 13-14). Il annonce l’imminence de la Consolation d’Israël, il est la " voix " du consolateur qui vient (Jn 1, 23 ; cf. Is 40, 1-3). Comme le fera l’Esprit de Vérité, " il vient comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière " (Jn 1, 7 ; cf. Jn 15, 26 ; 5, 33). Au regard de Jean, l’Esprit accomplit ainsi les " recherches des prophètes " et la " convoitise " des anges (1 P 1, 10-12) : " Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit (...). Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est Lui, le Fils de Dieu. (...) Voici l’Agneau de Dieu " (Jn 1, 33-36).