Jean 1, 31

Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »

Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »
Origène
Après ce témoignage de Jean-Baptiste, Jésus vient à lui; le saint Précurseur, non seulement persévère dans son témoignage, mais il expose des effets plus merveilleux encore de la venue du Rédempteur, et qui sont comme figurés par le second jour dont il est question: «Le jour suivant, Jean vit Jésus venant à lui». Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu'elle l'eut conçu, était allé visiter la mère de Jean qui était encore enceinte, et aussitôt que la voix de Marie, qui saluait sa parente, eut frappé les oreilles d'Elisabeth, Jean tressaillit dans le sein de sa mère. Ici Jean-Baptiste voit venir à lui et s'approcher de lui Jésus lui-même, à qui il a rendu témoignage. Il est dans l'ordre que l'homme soit d'abord instruit par le témoignage des autres, avant de juger par ses yeux de la vérité de ce qui lui a été enseigné. La visite de Marie à Elisabeth, qui était son inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui vient trouver Jean-Baptiste, nous apprennent l'humilité et le zèle avec lequel nous devons nous rendre utiles à ceux qui sont nos inférieurs. Nous ne voyons pas ici de quel endroit le Sauveur vint trouver Jean-Baptiste, mais nous pouvons le conclure de ces paroles de saint Matthieu: «Alors Jésus vint de la Galilée sur les bords du Jourdain, pour être baptisé par lui» (Mt 2,13).

On offrait dans le temple comme victimes cinq espèces d'animaux, trois choisies parmi les animaux terrestres, le veau, la brebis et la chèvre, deux parmi les oiseaux, la tourterelle et la colombe. L'espèce ovine en fournissait trois: le bélier, la brebis et l'agneau, et parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste choisit l'agneau comme figure du Sauveur, parce que l'agneau était la victime des sacrifices qu'on offrait chaque jour, l'un le matin et l'autre le soir. Or, quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit offrir à Dieu chaque jour, si ce n'est le Verbe toujours plein de force, de vie et de beauté, et qui nous est ici représenté sous la figure d'un agneau? C'est lui qui sera notre sacrifice du matin, qui applique notre intelligence à la méditation des vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée à des choses aussi relevées, à cause de son étroite union avec ce corps mortel qui l'appesantit. De cette vérité que Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions tirer encore plusieurs conséquences très-utiles, et nous arriverions ainsi jusqu'au sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or, celui qui a offert cet agneau en sacrifice, c'est Dieu qui était comme caché dans l'homme; c'est le grand-prêtre qui a dit: «Personne ne m'ôte la vie, mais je la donne de moi-même», (Jn 10,18) et c'est pour cela qu'il est appelé l'Agneau de Dieu; car il a pris sur lui toutes nos infirmités (Is 53); il a effacé tous les péchés du monde (1P 2); et a reçu la mort comme un baptême (Lc 12). Dieu, en effet, ne laisse passer sans les reprendre et les châtier aucune de nos actions contraires à sa loi, et ce n'est qu'au prix des plus grands efforts qu'elles peuvent être ramenées à cette règle divine.

De même qu'au sacrifice de l'agneau figuratif les autres sacrifices prescrits par la loi se trouvaient joints par un lien étroit, ainsi au sacrifice de l'Agneau véritable, viennent s'unir par un lien non moins intime, d'autres sacrifices semblables, le sacrifice des martyrs qui répandent leur sang, et dont la patience, la foi et le zèle ardent détruisent et anéantissent tous les obstacles que les impies voudraient apporter au bien.
Saint Jean Chrysostome
Ou bien, saint Matthieu raconte l'arrivée de Jésus-Christ sur les bords du Jourdain pour recevoir le baptême, et saint Jean une autre démarche du Sauveur pour se rendre près de Jean-Baptiste après son baptême, c'est ce que semble indiquer la suite de son récit: «J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe», etc. Les Évangélistes se sont comme partagé, en effet, les diverses époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence tous les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et passe immédiatement aux événements qui l'ont suivie; tandis que saint Jean s'attache surtout à raconter les faits qui ont eu lieu avant que le saint Précurseur fût jeté dans les fers. C'est ce qu'il fait en ces termes: «Le lendemain, Jean vit Jésus», etc. Pourquoi Jésus vient-il trouver Jean-Baptiste une seconde fois après son baptême? parce que le Sauveur avait été baptisé avec un grand nombre d'autres, et qu'il ne voulait pas qu'on put soupçonner qu'il était venu trouver Jean-Baptiste pour le même motif, c'est-à-dire pour confesser ses péchés, ou recevoir dans le Jourdain le baptême de pénitence. Il revient donc trouver Jean-Baptiste, pour lui donner occasion de détruire cette fausse opinion, ce que Jean fait en ces termes: «Et il dit: Voici l'Agneau de Dieu», etc. Il était de toute évidence, en effet, que celui dont la sainteté infinie devait effacer les péchés des autres, ne venait pas pour confesser ses péchés, mais pour donner occasion à Jean-Baptiste de lui rendre témoignage. Disons encore qu'il vient une seconde fois pour confirmer la vérité des premiers témoignages dans l'esprit de ceux qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir d'autres. Jean-Baptiste dit: «Voici l'Agneau de Dieu», pour signifier que c'est cet Agneau qui était autrefois attendu, pour rappeler la prophétie d'Isaïe, les symboles figuratifs de la loi ancienne, et conduire ainsi plus facilement les hommes à la vérité par les figures.

On pouvait soupçonner Jean-Baptiste d'obéir à la voix de l'amitié ou aux liens du sang qui l'unissaient à Jésus-Christ en lui rendant un si glorieux témoignage; aussi se hâte-t-il d'ajouter: «Et moi, je ne le connaissais pas», ce qui devait paraître vraisemblable, puisque Jean avait toujours vécu dans le désert. Les prodiges qui avaient entouré le berceau de Jésus enfant, par exemple, lors de l'adoration des mages, ou dans d'autres circonstances semblables, remontaient à une époque déjà éloignée, et au temps de la première enfance de Jean-Baptiste. Depuis, le Sauveur avait passé sa vie dans l'obscurité, et sans être connu de personne, comme le déclare Jean-Baptiste lui-même: «Mais c'est afin qu'il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l'eau». Donc tous ces prétendus miracles avec lesquels Jésus se serait joué dès son enfance, sont autant de fictions dénuées de fondement. Si Jésus avait fait des miracles dès sa première enfance, Jean l'aurait connu de quelque manière, et le peuple n'eût pas en besoin qu'on le lui fit connaître. Ce baptême n'était donc nullement nécessaire au Sauveur, et il n'avait d'autre raison que de préparer les hommes à croire en Jésus-Christ. Aussi Jean-Baptiste ne dit pas: Je suis venu pour purifier ceux qui reçoivent mon baptême, ou pour les délivrer de leurs péchés, mais: «Je suis venu, afin qu'il fût manifesté eu Israël». Mais ne pouvait-il donc faire connaître Jésus-Christ, et déterminer le peuple à croire en lui, sans qu'il fût nécessaire de baptiser? Oui, sans doute, mais il atteignait ainsi plus facilement ce but, car la foule ne se fût pas empressée d'accourir à lui, si la prédication n'eût pas été suivie du baptême.
Saint Augustin
Si un agneau est innocent, et que Jean soit un agneau, n'est-il pas innocent par là même? Mais tous les hommes descendent de cette race coupable dont David disait en gémissant: «Voici que j'ai été conçu dans l'iniquité» (Ps 50,7) Il n'y a donc que cet Agneau qui ne soit point né de cette race. Il n'a point été conçu dans l'iniquité, et sa mère ne l'a point nourri dans son sein d'un sang impur. Il a été conçu par une vierge, enfanté par une vierge, parce qu'elle l'a conçu par la foi, et que c'est par la foi qu'elle lui a donné le jour.

Celui qui, en prenant notre nature, n'a point pris notre péché, est celui-là même qui efface notre péché. Vous savez qu'il est des hommes qui tiennent ce langage: Nous remettons les péchés aux hommes, parce que nous sommes saints; car si celui qui baptise n'a pas la sainteté, comment peut-il effacer le péché d'un autre, lui dont l'âme est souillée par toute sorte de péchés? A ces prétentions, nous nous contentons d'opposer ces paroles: «Voici celui qui efface le péché du monde», paroles qui détruisent toute confiance présomptueuse dans les hommes.

Il est venu après moi, parce que sa naissance a suivi la mienne, mais «il a été fait avant moi», c'est-à-dire qu'il a été placé au-dessus de moi.

Mais dès que le Seigneur fut connu, il était inutile de lui préparer les voies, puisqu'il devenait lui-même la voie pour ceux qui le connaissaient. Aussi le baptême de Jean ne dura plus longtemps, et seulement jusqu'à ce qu'il eût fait connaître suffisamment le Sauveur, si humble dans tout son extérieur. (Tr. 5). C'est donc pour nous donner un exemple d'humilité, et nous engager à recevoir le baptême qui efface les péchés et nous donne le salut, que le Seigneur a daigné être baptisé des mains de son serviteur. Mais afin que le baptême du serviteur ne fût pas mis au-dessus du baptême du Seigneur, d'autres reçurent aussi le baptême du serviteur. Or ceux qui recevaient le baptême du serviteur, devaient encore nécessairement recevoir le baptême du Seigneur, tandis que ceux qui recevaient le baptême du Seigneur, n'avaient nul besoin du baptême du serviteur.
Saint Grégoire le Grand
Il ôtera entièrement le péché du genre humain, lorsque notre corruption sera remplacée par la glorieuse incorruptibilité; car nous ne pouvons être affranchis de tout péché tant que nous sommes retenus captifs dans ce corps de mort.

La raison de cette prééminence de Jésus, c'est, ajoute-t-il: «Qu'il était avant moi», c'est-à-dire, quoique ma naissance précède la sienne, il ne laisse pas d'être au-dessus de moi, parce que son existence n'est point limitée par l'époque de sa naissance, car celui qui a voulu naître d'une mère dans le temps, a été engendré par son Père on dehors de toute succession de temps.
Saint Bède le Vénérable
Ou bien, le péché du monde signifie le péché originel, qui est commun au genre humain tout entier. Or, c'est ce péché originel, et tous ceux que les hommes y ont ajoutés, que Jésus-Christ efface par sa grâce.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Mais pourquoi dit-il: «Le péché du monde», et non pas: Les péchés du monde? C'est pour renfermer dans cette dénomination générale l'universalité des péchés, comme lorsque nous disons: l'homme a été chassé du paradis, c'est-à-dire le genre humain tout entier.

Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, en ce sens que sa mort a été acceptée par Dieu le Père pour notre salut, ou parce qu'il l'a livré lui-même à la mort pour nous sauver. C'est ainsi que nous avons coutume de dire: «Cette offrande est de tel homme», c'est-à-dire que cet homme l'a offerte; de même Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, parce que Dieu a offert son Fils à la mort pour notre salut. L'agneau figuratif n'a effacé le péché d'aucun homme; l'Agneau véritable a effacé le péché du monde tout entier qu'il a délivré de la colère de Dieu, aux châtiments de laquelle il était exposé. C'est pour cela que Jean-Baptiste dit: «Voici celui qui efface le péché du monde». Il ne dit pas: Qui effacera, mais: «Qui efface les péchés du monde», c'est-à-dire qu'il continue toujours de le faire. Ce n'est pas seulement dans sa passion et sur la croix qu'il efface le péché du monde, il n'a cessé de l'effacer depuis sa mort jusqu'à présent, il n'est pas toujours crucifié, il est vrai, puisqu'il n'a offert qu'un seul sacrifice pour nos péchés, mais il ne cesse de les effacer par la vertu de ce sacrifice.

Jean-Baptiste avait dit précédemment à ceux qu'on lui avait envoyés: «Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas», il le fait connaître maintenant à ceux qui l'ignoraient: «C'est celui dont j'ai dit: Un homme vient après moi», etc. Il appelle le Seigneur un homme, parce qu'il avait atteint la plénitude de l'âge, puisqu'il fut baptisé à l'âge de trente ans; ou encore, parce qu'il est le mari spirituel de l'âme et l'époux de l'Eglise, ce qui a fait dire à saint Paul: «Je vous ai fiancés à un seul homme qui est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure» (2Co 2,2).

Ecoutez ces paroles, ô Arius ! Jean ne dit pas: Il a été créé avant moi, mais: «Il était avant moi». Que les sectateurs de Paul de Samosate entendent aussi ces paroles, et qu'ils apprennent que Jésus ne tire pas sa première origine de Marie, car s'il avait reçu d'elle le principe de son existence, comment aurait-il pu exister avant son précurseur, puisqu'il est évident que la naissance de Jean-Baptiste précédait de six mois la naissance temporelle de Jésus-Christ ?
Louis-Claude Fillion
Dans ce verset et dans les trois suivants, Jean-Baptiste raconte comment il lui a été donné de connaître le Messie d’une manière infaillible, toute divine. - Et moi je ne le connaissais pas. Saint Jean Chrysostome, Théophylacte, Euthymius, etc., pensent qu’en réalité le Précurseur n’avait jamais vu N.-S. Jésus-Christ avant de le baptiser sur les bords du Jourdain, car le fils de Zacharie et d’Elisabeth semble s’être retiré au désert dès ses années les plus tendres. Cf. Luc. 1, 80. On suppose néanmoins plus communément que le verbe « connaissais » ne doit pas être pris dans un sens absolu ; on a en effet de la peine à concevoir que la personne, la nature et la mission de Jésus aient pu demeurer si longtemps inconnues de son cousin. Il s’agit donc d’une ignorance relative. Jean ne connaissait pas officiellement le caractère messianique de Jésus tant qu’il n’avait pas reçu d’en haut le signe miraculeux qui devait le lui attester. Cette distinction simple et naturelle fait disparaître toute apparence de contradiction entre ce passage et Matth. 3, 14 (voyez le commentaire). - Pour qu'il soit manifesté… L’orateur appuie sur ces deux expressions, qui mettent en relief le but principal du baptême administré par le Précurseur. Le but secondaire, qui était de préparer les cœurs à la venue du Messie en les excitant à la pénitence, s’accorde du reste fort bien avec cette fin principale et dominante. Quel beau rôle que celui de manifester N.-S. Jésus-Christ ! - En Israël. Saint Jean-Baptiste sait que sa mission est limitée aux Juifs et qu’elle ne concerne pas les Gentils. Cf. Luc. 1, 16, 17, 76, 77.
Catéchisme de l'Église catholique
La consécration messianique de Jésus manifeste sa mission divine. " C’est d’ailleurs ce qu’indique son nom lui-même, car dans le nom de Christ est sous-entendu Celui qui a oint, Celui qui a été oint et l’Onction même dont il a été oint : Celui qui a oint, c’est le Père, Celui qui a été oint, c’est le Fils, et il l’a été dans l’Esprit qui est l’Onction " (S. Irénée, hær. 3, 18, 3). Sa consécration messianique éternelle s’est révélée dans le temps de sa vie terrestre lors de son baptême par Jean quand " Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance " (Ac 10, 38) " pour qu’il fût manifesté à Israël " (Jn 1, 31) comme son Messie. Ses œuvres et ses paroles le feront connaître comme " le saint de Dieu " (Mc 1, 24 ; Jn 6, 69 ; Ac 3, 14).

Le Fils unique du Père en étant conçu comme homme dans le sein de la Vierge Marie est " Christ ", c’est-à-dire oint par l’Esprit Saint (cf. Mt 1, 20 ; Lc 1, 35), dès le début de son existence humaine, même si sa manifestation n’a lieu que progressivement : aux bergers (cf. Lc 2, 8-20), aux mages (cf. Mt 2, 1-12), à Jean-Baptiste (cf. Jn 1, 31-34), aux disciples (cf. Jn 2, 11). Toute la vie de Jésus-Christ manifestera donc " comment Dieu l’a oint d’Esprit et de puissance " (Ac 10, 38).