Jean 1, 5
la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
On nous demande pourquoi ce n'est point le Verbe qui est appelé la lumière des hommes, mais la vie qui est dans le Verbe? Nous répondons que la vie dont il est ici question n'est pas la vie qui est commune aux créatures raisonnables, mais celle qui est unie au Verbe et qui nous est donnée par la participation à ce Verbe primitif et essentiel, pour nous faire discerner la vie apparente et sans réalité et désirer la véritable vie. Nous participons donc premièrement à la vie qui, pour quelques-uns, n'est point encore la possession actuelle de la lumière, mais la faculté de la recevoir, parce qu'ils n'ont point un désir assez vif de ce qui peut leur donner la science. Pour d'autres, au contraire, cette vie est la participation actuelle à la lumière, ce sont ceux qui, suivant le conseil de l'Apôtre, recherchent les dons les plus parfaits (1Co 12), c'est le Verbe de la sagesse qui est suivi de près par les enseignements de la science.
Il faut savoir que le mot ténèbres, comme le nom d'hommes, signifie deux choses spirituelles. Nous disons d'un homme qui est en possession de la lumière, qu'il fait les oeuvres de la lumière, et qu'il puise la connaissance au sein même de la lumière de la science. Tout au contraire, nous appelons ténèbres les actes coupables et la fausse science qui n'a que l'apparence de la science. Mais de même que le Père est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres (1Jn 1,5), ainsi en est-il du Sauveur. Toutefois, comme il a revêtu la ressemblance de la chair du péché (Rm 8), on peut dire sans inconvenance, qu'il y a en lui quelques ténèbres, puisqu'il a pris sur lui nos ténèbres pour les dissiper. Cette lumière, qui est devenue la vie des hommes, brille au milieu des ténèbres de nos âmes, et répand ses clartés là où le prince de ces ténèbres est en guerre avec le genre humain. (Ep 6) Les ténèbres ont persécuté cette lumière, comme le prouve ce que le Sauveur et ses disciples ont eu à souffrir dans ce combat des ténèbres contre les enfants de lumière. Mais grâce à la protection divine, ces ténèbres restent sans force, et ne peuvent s'emparer de la lumière, ou parce que la lenteur naturelle de leur marche ne leur permet pas de suivre la course rapide de la lumière, ou parce qu'elles sont mises en fuite à son approche si elles attendent son arrivée. Remarquons que les ténèbres ne sont pas toujours prises en mauvaise part, et qu'elles sont quelquefois le symbole d'une bonne chose, par exemple, dans ce passage du Psalmiste: «Il a choisi sa retraite dans les ténèbres» (Ps 12,12), c'est-à-dire, que tout ce qui a rapport à Dieu, est comme caché et incompréhensible pour l'intelligence humaine. Les ténèbres, entendues dans ce sens, conduisent à la lumière et finissent par la saisir, car ce que l'ignorance couvrait comme d'un nuage devient une lumière éclatante pour celui qui a cherché à la connaître.
Si la vie est la même chose que la lumière des hommes, aucun de ceux qui sont dans les ténèbres ne vit véritablement, comme aucun de ceux qui sont vivants n'est dans les ténèbres, car tout homme qui a la vie est dans la lumière, comme réciproquement tout homme qui est dans la lumière a la vie en lui. Or, d'après ce que nous avons dit des contraires, nous pouvons comprendre et apprécier ici les contraires dont l'Évangéliste ne parle pas. Le contraire de la vie c'est la mort, et le contraire de la lumière des hommes, ce sont les ténèbres qui couvrent leur intelligence. Donc celui qui est dans les ténèbres est aussi dans la mort, et celui qui fait des oeuvres de mort ne peut être que dans les ténèbres; celui au contraire qui fait des oeuvres de lumière, ou celui dont les oeuvres brillent devant les hommes, et qui a toujours présent le souvenir de Dieu, n'est point dans la mort, d'après cette parole du Psaume sixième: "Celui qui se souvient de vous n'est point redevable à la mort" (Ps 6). Que les ténèbres des hommes et de la mort soient telles de leur nature ou pour d'autres causes, c'est une autre question. Or, nous étions autrefois ténèbres, mais nous sommes devenus lumière en Notre-Seigneur (Ep 5), si nous sommes tant soit peu initiés à la sainteté et à la vie spirituelle. Tout homme qui a été autrefois ténèbres, l'a été comme l'apôtre saint Paul, tout en demeurant capable de devenir lumière dans le Seigneur. - (Hom. 2 sur div. suj). Ou bien encore, dans un autre sens, la lumière des hommes, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s'est manifesté lui-même dans la nature humaine à toute créature raisonnable et intelligente, et a révélé aux coeurs des fidèles les mystères de sa divinité qui le rend égal au Père; ce que saint Paul exprime en ces termes: "Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur". Dites donc: "La lumière luit dans les ténèbres", parce que le genre humain tout entier était plonge, non par nature, mais par suite du péché originel dans les ténèbres de l'ignorance qui lui dérobaient la connaissance de la vérité; or Jésus-Christ, après être né d'une Vierge, a brillé comme une vive lumière dans le coeur de tous ceux qui veulent le connaître. Il en est toutefois qui persistent à demeurer dans les ténèbres épaisses de l'impiété et de l'incrédulité, voilà pourquoi l'Évangéliste ajoute: "Et les ténèbres ne l'ont point comprise", c'est-à-dire, la lumière luit dans les ténèbres des urnes fidèles, ténèbres qu'elle dissipe en faisant naître la foi et en conduisant à l'espérance. Mais l'ignorance et la perfidie des coeurs privés de la véritable sagesse n'ont pu comprendre la lumière du Verbe de Dieu qui brillait dans une chair mortelle. Telle est l'explication morale de ces paroles; en voici le sens littéral: La nature humaine, en la supposant même exempte de péché, ne pourrait pas luire par ses propres forces, car de sa nature elle n'est pas lumière, mais capable seulement de participer à la lumière; elle peut recevoir la sagesse, mais elle n'est pas la sagesse elle-même. L'air qui nous environne ne luit point par lui-même et ne mérite que le nom de ténèbres. Ainsi notre nature, considérée en elle-même, est une certaine substance ténébreuse, capable d'être éclairée par la lumière de la sagesse. Lorsque l'atmosphère est pénétrée par les rayons du soleil, on ne peut pas dire qu'elle luit par elle-même, mais qu'elle est éclairée par la lumière du soleil; ainsi, lorsque la partie intelligente de notre nature jouit de la présence du Verbe, ce n'est point par elle-même qu'elle arrive à la connaissance de son Dieu et des autres choses intelligibles, mais par la lumière divine, qui l'éclairé de ses rayons. La lumière luit donc dans les ténèbres, parce que le Verbe de Dieu, qui est la vie et la lumière des hommes, ne cesse de répandre cette lumière dans notre nature qui, considérée en elle-même, n'est qu'une substance ténébreuse et informe, et comme la lumière par elle-même est incompréhensible à toute créature, c'est avec raison que l'Évangéliste ajoute: "Et les ténèbres ne l'ont point comprise".
On peut encore expliquer ces paroles dans un autre sens: L'Évangéliste a voulu d'abord nous parler de la création, et il nous apprend ensuite les biens spirituels dont le Verbe nous a comblés en venant parmi nous, en disant: «Et la vie était la lumière des hommes». Il ne dit pas: Il était la lumière des Juifs, mais il était la lumière de tous les hommes sans exception; car ce ne sont pas seulement les Juifs, mais les Gentils, qui sont parvenus à la connaissance du Verbe. S'il n'ajoute pas qu'il était la lumière des anges, c'est qu'il parle seulement ici de la nature humaine à laquelle le Verbe de Dieu est venu annoncer de si grands biens.
Ou bien encore, la vie dont parle ici l'Évangéliste, n'est pas seulement celle que nous avons reçue par la création, mais la vie éternelle et immortelle qui nous est préparée par la providence de Dieu. Lorsque nous entrons en possession de cette vie, l'empire de la mort est à jamais détruit, et dès que cette lumière brille à nos yeux, les ténèbres disparaissent sans retour; ni la mort ne peut triompher de cette vie qui est éternelle, ni les ténèbres obscurcir cette lumière qui ne s'éteindra jamais. «Et la lumière luit dans les ténèbres». Ces ténèbres, c'est la mort et l'erreur, car la lumière sensible ne luit pas dans les ténèbres, mais elles disparaissent à son approche, tandis que la prédication de Jésus-Christ a brillé au milieu de l'erreur qui étendait son règne sur toute la terre et l'a chassée devant elle; et Jésus-Christ, par sa mort, a changé la mort en vie et a remporté sur elle un triomphe si complet, qu'il a délivré ceux qu'elle retenait captifs. C'est donc parce que cette prédication n'a pu être vaincue ni par la mort, ni par l'erreur, et qu'elle brille de toute part du plus vif éclat et par sa propre force, que l'Évangéliste ajoute: «Et les ténèbres ne l'ont point comprise».
Un platonicien a dit que le commencement de ce saint Évangile devrait être écrit en lettres d'or et placé dans l'endroit le plus éminent de toutes les Églises.
Cette vie était donc la lumière des hommes, mais les coeurs des insensés ne peuvent comprendre cette lumière, appesantis qu'ils sont par leurs péchés qui leur dérobent la vue de cette divine lumière. Toutefois, qu'ils ne croient pas que cette lumière est loin d'eux, parce qu'ils ne peuvent la voir: «Et la lumière luit dans les ténèbres, dit l'Évangéliste, et les ténèbres ne l'ont pas comprise». Placez un aveugle devant le soleil, le soleil lui est présent, mais il est comme absent pour le soleil. Or, tout insensé est un aveugle; la sagesse est devant lui, mais comme elle est devant un aveugle, elle ne peut éclairer ses yeux, non parce qu'elle est loin de lui, mais parce qu'il est loin d'elle.
En effet, les autres Évangélistes racontent la naissance temporelle du Christ; saint Jean nous affirme qu'il était au commencement. Les autres le font descendre aussitôt du haut du ciel parmi les hommes; saint Jean déclare qu'il a toujours été avec Dieu: «Et le Verbe était avec Dieu». Les trois premiers évangélistes décrivent sa vie mortelle au milieu des hommes; saint Jean nous le présente comme Dieu étant avec Dieu au commencement: «Il était au commencement avec Dieu». Les trois autres racontent les grandes choses qu'il a faites comme homme; saint Jean nous enseigne que Dieu le Père a fait toutes choses par lui: «Toutes choses ont été faites par lui, et rien n'a été fait sans lui».
95. Plus haut, l’Evangéliste a manifesté la puissance du Verbe en tant qu’elle est universellement productrice de toutes les réalités; ici, il manifeste sa puissance dans son rapport spécial aux hommes, en disant que ce Verbe est LA LUMIERE DES HOMMES.
Il nous présente d’abord cette lumière , ensuite son rayonnement , enfin sa participation .
Le tout peut s’interpréter de deux manières, soit selon le don de la lumière naturelle, soit selon la communication de la grâce .
96. Ici, il faut d’abord considérer que, selon Augustin et plusieurs autres, le nom de "lumière" se dit plus proprement des réalités spirituelles que des réalités sensibles. Pourtant Ambroise veut que la splendeur se dise métaphoriquement en Dieu. Mais cela n’a pas grande importance car, quelle que soit la réalité à laquelle il s’applique, le nom de "lumière" se réfère à une manifestation, que celle-ci soit dans l’ordre intelligible ou dans l’ordre sensible. Si donc on compare la manifestation intelligible et la manifestation sensible, le nom de "lumière" se rencontre, selon l’ordre de nature , en premier lieu à propos des réalités intelligibles, tandis que selon l’ordre génétique, c’est en premier lieu à propos des réalités sensibles. Et c’est pourquoi, si nous considérons la nature même de la manifestation, nous parlerons de lumière en premier lieu dans les réalités intelligibles, plutôt que dans les réalités sensibles; mais si nous considérons notre manière de nommer, c’est l’inverse.
97. Pour bien comprendre ces paroles : ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, il faut savoir qu’il y a divers degrés de vie. En effet, certains êtres comme les plantes vivent, mais sans lumière, en ce sens qu’ils sont dépourvus de toute connaissance; aussi leur vie n’est-elle pas lumière. D’autres au contraire, comme les animaux dépourvus de raison, vivent et connaissent; cependant leur connaissance, n’étant que sensible, ne porte que sur les réalités concrètes et matérielles, et c’est pourquoi ils ont la vie et la lumière, mais non LA LUMIERE DES HOMMES; enfin certains êtres vivent et connaissent non seulement les réalités concrètes qui sont vraies, mais ce qu’est la vérité elle-même. Telles sont les créatures douées d’intelligence, qui non seulement connaissent telle ou telle réalité vraiemais sont capables de connaître la vérité elle-même, par laquelle elles peuvent connaître toutes les réalités.
C’est pourquoi l’Evangéliste, parlant du Verbe, dit non seulement qu’Il est LA VIE, mais aussi qu’Il est LA LUMIERE, pour que tu comprennes qu’en lui la vie n’est pas sans connaissance; et il ajoute DES HOMMES, pour que tu n’imagines pas qu’il s’agit seulement de la connaissance sensible telle qu’elle se trouve chez les animaux dépourvus de raison.
98. Mais puisque cette lumière, c’est-à-dire le Verbe, est commune aux anges et aux hommes, il faut se demander pourquoi l’Evangéliste n’a pas dit : "Il était la lumière des hommes et des anges, ou des créatures douées d’intelligence", mais seulement : Il ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES.
A cela on peut répondre de deux manières. Chrysostome dit que l’Evangéliste avait l’intention de nous transmettre ce que l’on peut connaître du Verbe dans son rapport au salut des hommes; c’est pourquoi, étant donné son intention, il rapporte ce qu’il transmet de la connaissance du Verbe davantage aux hommes qu’aux anges. Mais pour Origène , la participation de cette lumière revient aux hommes en tant qu’ils ont une nature douée d’intelligence; et, parce que "homme" est le nom d’une nature douée d’intelligence, il veut ici, par le nom "homme", entendre toute nature douée d’intelligence. En ce sens, ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES s’entend de toute créature douée d’intelligence; et c’est pourquoi l’Evangéliste, en disant IL ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, a voulu dire : de toute nature douée d’intelligence.
99. Ces paroles expriment aussi la perfection et la dignité de la vie du Verbe, puisqu’il s’agit ici de la vie de l’intelligence.
En effet, puisqu’on appelle vivants les êtres qui se meuvent d’une manière ou d’une autre, on appelle vivants parfaits ceux qui se meuvent d’une manière parfaite.
Or se mouvoir d’une manière parfaite et au sens propre n’appartient, parmi les créatures inférieures, qu’à l’homme seul. Les autres en effet, même s’ils se meuvent d’eux-mêmes en vertu d’un principe intrinsèque, ne se meuvent cependant pas librement : ils se meuvent comme mus par un autre et déterminés à ceci ou à cela. Mais l’homme, étant maître de ses actes, se meut librement vers tout ce qu’il veut; aussi a-t-il une vie parfaite, et de même toute nature douée de raison ou d’intelligence.
Donc LA VIE du Verbe, qui est LA LUMIERE de la nature douée d’intelligence, est parfaite.
100. Remarquons aussi à quel point convient l’ordre de ce début du Prologue. En effet, dans l’ordre naturel des réalités, nous trouvons d’abord l’être, comme ce qu’il y a de plus commun, ensuite la vie et enfin l’intelligence. C’est donc à juste titre que l’Evangéliste, en nous décrivant le Verbe , affirme d’abord son être en disant : Dans le principe était le Verbe en second lieu sa vie : En Lui était la vie ; enfin son intelligence : ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES.
C’est pourquoi, d’après Origène , l’Evangéliste attribue à juste titre la lumière à la vie, parce que la lumière ne peut être attribuée qu’au vivant.
101. Il faut cependant noter que l’on peut considérer la lumière, par rapport au vivant, de deux manières soit comme son objet, soit comme participée par lui. Cela est manifeste dans la vision sensible. L’œil, en effet, connaît la lumière extérieure comme son objet, mais il faut, pour qu’il la voie, qu’il participe à une certaine lumière intérieure qui le rende apte et le dispose à voir la lumière extérieure.
Ainsi, ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES peut être compris de deux manières.
LA LUMIERE DES HOMMES peut être ici considérée comme l’objet que seuls les hommes peuvent regarder, parce que seule la créature douée d’intelligence peut la regarder, puisqu’elle seule est capable de la vision divine — Il nous a faits plus intelligents que les animaux de la terre, plus sages que les oiseaux du ciel en effet, bien que les autres animaux connaissent les réalités concrètes qui sont vraies, l’homme seul connaît ce qu’est la vérité elle-même.
LA LUMIERE DES HOMMES peut encore être considérée comme participée. En effet, jamais nous ne pourrions contempler le Verbe Lui-même, la lumière elle-même, si l’homme n’avait en lui une participation à cette lumière, qui est la partie supérieure de notre âme, c’est-à-dire cette lumière qui est notre faculté intellectuelle. C’est d’elle que parle le Psaume : Elle a été gravée sur nous (c’est-à-dire dans la partie supérieure de l’âme, à savoir la raison), la lumière de ton visage , c’est-à-dire de ton Fils, qui est ta face, par laquelle tu te révèles.
102. L’Evangéliste nous a parlé plus haut de la lumière; il traite ici de son rayonnement, et ses paroles peuvent s’interpréter de deux manières, selon les deux acceptions du mot "ténèbres".
En premier lieu, prenons "ténèbres" au sens où ce mot désigne l’indigence naturelle propre à l’esprit créé. En effet l’esprit est à la lumière dont parle ici l’Evangéliste ce que l’air est à la lumière du soleil; car bien qu’il soit capable d’être illuminé par le soleil, l’air en lui-même est ténèbre. De même l’esprit créé, bien qu’il soit capable de cette lumière, est cependant, en tant que créé et considéré en lui-même, ténèbre. En ce sens les paroles de l’Evangéliste s’entendent ainsi : LA LUMIERE, c’est-à-dire cette VIE QUI EST LA LUMIERE DES HOMMES, BRILLE DANS LES TENEBRES, c’est-à-dire dans les âmes et les esprits créés, répandant sa lumière sur tous, comme en témoigne l’interrogation de Job : Pourquoi la lumière a-t-elle été donnée aux malheureux et la vie à ceux dont l’âme est remplie d’amertume (...), à l’homme dont la route est cachée?
C’est-à-dire n’ont pu la contenir. En effet, on dit que quelque chose est étreint quand on en circonscrit parfaitement les limites et qu’on les embrasse totalement du regard. Or, comme le dit Augustin, atteindre Dieu par l’esprit est une grande béatitude, mais L’étreindre est impossible. Ainsi les ténèbres, bien qu’elles atteignent à la lumière, ne peuvent cependant l’étreindre — Oui, Dieu est grand, Il surpasse notre science ; Tu es grand dans tes conseils et incompréhensible dans tes pensées .
103. En second lieu, on peut prendre "ténèbres" au sens où, selon Augustin, ce terme désigne la folie qui affecte naturellement les hommes — J’ai vu que la sagesse a autant d’avantages sur la folie que la lumière sur les ténèbres , On est fou, insensé, du fait que l’on est privé de la sagesse divine.
De même, donc, que les esprits des sages sont lumineux en raison de leur participation à cette lumière et sagesse divine, de même les esprits sont ténèbres du fait qu’ils en sont privés. Si donc certains esprits sont ténébreux, cela n’est pas dû à une indigence de la part de cette lumière car, pour ce qui la concerne, elle BRILLE DANS LES TENEBRES et illumine tous les esprits; mais si les insensés sont privés de cette lumière, c’est parce que LES TENEBRES NE L’ONT PAS ETREINTE, c’est-à-dire les insensés ne l’ont pas saisie, incapables qu’ils étaient, à cause de leur folie, de participer à elle, ou plutôt parce que, une fois élevés jusque-là, ils n’en ont eu cure — A ceux qu’enfle la démesure, c’est-à-dire aux orgueilleux, Il cache la lumière, c’est-à-dire la lumière de sagesse, et Il annonce à son ami que la lumière est son partage et qu’il peut s’élever vers elle ; Ils n’ont pas connu la voie de la sagesse et ne se sont pas souvenu de ses sentiers , Cependant, bien que certains esprits soient ténébreux, c’est-à-dire privés de la sagesse savoureuse et lumineuse, aucun pourtant n’est ténébreux au point de ne participer en rien à la lumière divine. En effet, toute vérité connue par qui que ce soit est due totalement à la participation de cette LUMIERE QUI BRILLE DANS LES TENEBRES; car "tout vrai, quel que soit celui qui le dise, vient du Saint-Esprit" , Et cependant LES TENEBRES c’est-à-dire les hommes ténébreux, NE L’ONT PAS ETREINTE comme vérité plénière.
C’est ainsi qu’Origène et Augustin interprète ce verset.
104. On peut encore entendre ces versets comme exprimant la communication de la grâce par laquelle le Christ illumine, et cela est en continuité avec ce que disait précédemment l'Evangéliste. En effet, celui-ci a parlé plus haut de la création par le Verbe; ici il traite de la re-création, par le Christ, de la créature douée d’intelligence.
ET LA VIE, celle du Verbe, ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, de tous les hommes et non seulement des Juifs, car le Fils de Dieu assumant la chair est venu dans le monde pour illuminer tous {les hommes — pour autant que cela dépendait de Lui — par la grâce et la vérité — Si je suis né et si je suis venu dans le monde, c’est pour rendre témoignage à la vérité ; Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde C’est pourquoi Jean ne dit pas "la lumière des Juifs" parce que, bien qu’au début Il ait été seulement connu en Judée , par la suite cependant Il se fit connaître au monde entier — Je t’ai donné comme lumière aux nations pour que tu sois mon salut jus qu’aux extrémités de la terre .
C’est encore à juste titre qu’il unit la lumière et la vie en disant ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, pour montrer que l’une et l’autre, la lumière et la vie, nous sont venues par le Christ : la vie, par la participation à la grâce — La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ — ; la lumière, par la con naissance de la vérité et de la sagesse.
105. Ces paroles peuvent, selon cette interprétation, s’entendre de trois manières, suivant les trois acceptions possibles du mot "ténèbres".
Les "ténèbres" peuvent signifier la peine. En effet on peut appeler "ténèbres" toute tristesse et toute affliction du cœur, et "lumière" toute joie — Si je suis assis dans les ténèbres , c’est-à-dire dans l’affliction, le Seigneur est ma lumière, c’est-à-dire ma joie et ma consolation.
C’est pourquoi, suivant cette acception, Origène dit que LA LUMIERE qui BRILLE DANS LES TENEBRES, c’est le Christ qui vient dans le monde avec un corps capable de souffrir et exempt de péché, dans une chair semblable à celle du péché ; Il a brillé dans la chair, cette chair du Christ qui, en tant qu’elle est semblable à celle du péché, est dite ténèbres. Ainsi, la lumière qui a brillé dans le monde, c’est le Verbe de Dieu caché par le voile des ténèbres de la chair — Je cacherai le soleil par des nuages .
106. En un second sens, les "ténèbres" peuvent signifier les démons, selon l’Epître aux Ephésiens : Nous n’avons pas à lutter contre la chair et la sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les dominations de ce monde de ténèbres . Suivant cette acception l’Evangéliste dit : LA LUMIERE BRILLE DANS LES TENEBRES, autrement dit le Fils de Dieu est descendu dans le monde où dominaient les ténèbres, c’est-à-dire les démons — C’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors . ET LES TENEBRES — les démons — NE L’ONT PAS ETREINTE, c’est-à-dire qu’ils n’ont pu obscurcir la lumière, le Christ, en Le tentant, comme on peut le voir en saint Matthieu
107. Enfin les "ténèbres" peuvent signifier les erreurs ou les ignorances dont le monde entier était rempli avant la venue du Christ, comme le dit l’Apôtre : Autrefois vous étiez ténèbres .
Il dit donc : LA LUMIERE, c’est-à-dire le Verbe de Dieu incarné, BRILLE DANS LES TENEBRES, c’est-à-dire dans le monde, qui désigne ici les hommes du monde obscurcis par les ténèbres de l’erreur et de l’ignorance Il est venu nous visiter d’en haut, le soleil levant, pour illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort . Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière .
ET LES TENEBRES NE L’ONT PAS ETREINTE, c’est-à-dire n’en ont pas été victorieuses. En effet, aussi loin que soient allés les hommes, obscurcis par leurs péchés, aveuglés par la jalousie, enténébrés par l’orgueil, dans leur combat contre le Christ (comme on peut le voir dans l’Evangile), en Le chargeant d’opprobre, en Le couvrant d’injures et d’affronts et enfin en Le tuant, cependant ils NE L’ONT PAS ETREINT, c’est-à-dire ils ne L’ont pas vaincu en obscurcissant sa lumière, et son éclat n’en a que brillé davantage dans le monde entier — Comparée à la lumière la Sagesse l’emporte sur elle, car la lumière fait place à la nuit, mais la malice, c’est-à-dire celle des Juifs et des hérétiques, ne prévaut pas contre la Sagesse , c’est-à-dire le Fils de Dieu incarné; car, comme il est dit au livre de la Sagesse, Un rude combat lui a été ménagé, pour qu’il vainquît et qu’il sût que la Sagesse est plus puissante que tout .
Il nous présente d’abord cette lumière , ensuite son rayonnement , enfin sa participation .
Le tout peut s’interpréter de deux manières, soit selon le don de la lumière naturelle, soit selon la communication de la grâce .
96. Ici, il faut d’abord considérer que, selon Augustin et plusieurs autres, le nom de "lumière" se dit plus proprement des réalités spirituelles que des réalités sensibles. Pourtant Ambroise veut que la splendeur se dise métaphoriquement en Dieu. Mais cela n’a pas grande importance car, quelle que soit la réalité à laquelle il s’applique, le nom de "lumière" se réfère à une manifestation, que celle-ci soit dans l’ordre intelligible ou dans l’ordre sensible. Si donc on compare la manifestation intelligible et la manifestation sensible, le nom de "lumière" se rencontre, selon l’ordre de nature , en premier lieu à propos des réalités intelligibles, tandis que selon l’ordre génétique, c’est en premier lieu à propos des réalités sensibles. Et c’est pourquoi, si nous considérons la nature même de la manifestation, nous parlerons de lumière en premier lieu dans les réalités intelligibles, plutôt que dans les réalités sensibles; mais si nous considérons notre manière de nommer, c’est l’inverse.
97. Pour bien comprendre ces paroles : ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, il faut savoir qu’il y a divers degrés de vie. En effet, certains êtres comme les plantes vivent, mais sans lumière, en ce sens qu’ils sont dépourvus de toute connaissance; aussi leur vie n’est-elle pas lumière. D’autres au contraire, comme les animaux dépourvus de raison, vivent et connaissent; cependant leur connaissance, n’étant que sensible, ne porte que sur les réalités concrètes et matérielles, et c’est pourquoi ils ont la vie et la lumière, mais non LA LUMIERE DES HOMMES; enfin certains êtres vivent et connaissent non seulement les réalités concrètes qui sont vraies, mais ce qu’est la vérité elle-même. Telles sont les créatures douées d’intelligence, qui non seulement connaissent telle ou telle réalité vraiemais sont capables de connaître la vérité elle-même, par laquelle elles peuvent connaître toutes les réalités.
C’est pourquoi l’Evangéliste, parlant du Verbe, dit non seulement qu’Il est LA VIE, mais aussi qu’Il est LA LUMIERE, pour que tu comprennes qu’en lui la vie n’est pas sans connaissance; et il ajoute DES HOMMES, pour que tu n’imagines pas qu’il s’agit seulement de la connaissance sensible telle qu’elle se trouve chez les animaux dépourvus de raison.
98. Mais puisque cette lumière, c’est-à-dire le Verbe, est commune aux anges et aux hommes, il faut se demander pourquoi l’Evangéliste n’a pas dit : "Il était la lumière des hommes et des anges, ou des créatures douées d’intelligence", mais seulement : Il ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES.
A cela on peut répondre de deux manières. Chrysostome dit que l’Evangéliste avait l’intention de nous transmettre ce que l’on peut connaître du Verbe dans son rapport au salut des hommes; c’est pourquoi, étant donné son intention, il rapporte ce qu’il transmet de la connaissance du Verbe davantage aux hommes qu’aux anges. Mais pour Origène , la participation de cette lumière revient aux hommes en tant qu’ils ont une nature douée d’intelligence; et, parce que "homme" est le nom d’une nature douée d’intelligence, il veut ici, par le nom "homme", entendre toute nature douée d’intelligence. En ce sens, ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES s’entend de toute créature douée d’intelligence; et c’est pourquoi l’Evangéliste, en disant IL ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, a voulu dire : de toute nature douée d’intelligence.
99. Ces paroles expriment aussi la perfection et la dignité de la vie du Verbe, puisqu’il s’agit ici de la vie de l’intelligence.
En effet, puisqu’on appelle vivants les êtres qui se meuvent d’une manière ou d’une autre, on appelle vivants parfaits ceux qui se meuvent d’une manière parfaite.
Or se mouvoir d’une manière parfaite et au sens propre n’appartient, parmi les créatures inférieures, qu’à l’homme seul. Les autres en effet, même s’ils se meuvent d’eux-mêmes en vertu d’un principe intrinsèque, ne se meuvent cependant pas librement : ils se meuvent comme mus par un autre et déterminés à ceci ou à cela. Mais l’homme, étant maître de ses actes, se meut librement vers tout ce qu’il veut; aussi a-t-il une vie parfaite, et de même toute nature douée de raison ou d’intelligence.
Donc LA VIE du Verbe, qui est LA LUMIERE de la nature douée d’intelligence, est parfaite.
100. Remarquons aussi à quel point convient l’ordre de ce début du Prologue. En effet, dans l’ordre naturel des réalités, nous trouvons d’abord l’être, comme ce qu’il y a de plus commun, ensuite la vie et enfin l’intelligence. C’est donc à juste titre que l’Evangéliste, en nous décrivant le Verbe , affirme d’abord son être en disant : Dans le principe était le Verbe en second lieu sa vie : En Lui était la vie ; enfin son intelligence : ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES.
C’est pourquoi, d’après Origène , l’Evangéliste attribue à juste titre la lumière à la vie, parce que la lumière ne peut être attribuée qu’au vivant.
101. Il faut cependant noter que l’on peut considérer la lumière, par rapport au vivant, de deux manières soit comme son objet, soit comme participée par lui. Cela est manifeste dans la vision sensible. L’œil, en effet, connaît la lumière extérieure comme son objet, mais il faut, pour qu’il la voie, qu’il participe à une certaine lumière intérieure qui le rende apte et le dispose à voir la lumière extérieure.
Ainsi, ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES peut être compris de deux manières.
LA LUMIERE DES HOMMES peut être ici considérée comme l’objet que seuls les hommes peuvent regarder, parce que seule la créature douée d’intelligence peut la regarder, puisqu’elle seule est capable de la vision divine — Il nous a faits plus intelligents que les animaux de la terre, plus sages que les oiseaux du ciel en effet, bien que les autres animaux connaissent les réalités concrètes qui sont vraies, l’homme seul connaît ce qu’est la vérité elle-même.
LA LUMIERE DES HOMMES peut encore être considérée comme participée. En effet, jamais nous ne pourrions contempler le Verbe Lui-même, la lumière elle-même, si l’homme n’avait en lui une participation à cette lumière, qui est la partie supérieure de notre âme, c’est-à-dire cette lumière qui est notre faculté intellectuelle. C’est d’elle que parle le Psaume : Elle a été gravée sur nous (c’est-à-dire dans la partie supérieure de l’âme, à savoir la raison), la lumière de ton visage , c’est-à-dire de ton Fils, qui est ta face, par laquelle tu te révèles.
102. L’Evangéliste nous a parlé plus haut de la lumière; il traite ici de son rayonnement, et ses paroles peuvent s’interpréter de deux manières, selon les deux acceptions du mot "ténèbres".
En premier lieu, prenons "ténèbres" au sens où ce mot désigne l’indigence naturelle propre à l’esprit créé. En effet l’esprit est à la lumière dont parle ici l’Evangéliste ce que l’air est à la lumière du soleil; car bien qu’il soit capable d’être illuminé par le soleil, l’air en lui-même est ténèbre. De même l’esprit créé, bien qu’il soit capable de cette lumière, est cependant, en tant que créé et considéré en lui-même, ténèbre. En ce sens les paroles de l’Evangéliste s’entendent ainsi : LA LUMIERE, c’est-à-dire cette VIE QUI EST LA LUMIERE DES HOMMES, BRILLE DANS LES TENEBRES, c’est-à-dire dans les âmes et les esprits créés, répandant sa lumière sur tous, comme en témoigne l’interrogation de Job : Pourquoi la lumière a-t-elle été donnée aux malheureux et la vie à ceux dont l’âme est remplie d’amertume (...), à l’homme dont la route est cachée?
C’est-à-dire n’ont pu la contenir. En effet, on dit que quelque chose est étreint quand on en circonscrit parfaitement les limites et qu’on les embrasse totalement du regard. Or, comme le dit Augustin, atteindre Dieu par l’esprit est une grande béatitude, mais L’étreindre est impossible. Ainsi les ténèbres, bien qu’elles atteignent à la lumière, ne peuvent cependant l’étreindre — Oui, Dieu est grand, Il surpasse notre science ; Tu es grand dans tes conseils et incompréhensible dans tes pensées .
103. En second lieu, on peut prendre "ténèbres" au sens où, selon Augustin, ce terme désigne la folie qui affecte naturellement les hommes — J’ai vu que la sagesse a autant d’avantages sur la folie que la lumière sur les ténèbres , On est fou, insensé, du fait que l’on est privé de la sagesse divine.
De même, donc, que les esprits des sages sont lumineux en raison de leur participation à cette lumière et sagesse divine, de même les esprits sont ténèbres du fait qu’ils en sont privés. Si donc certains esprits sont ténébreux, cela n’est pas dû à une indigence de la part de cette lumière car, pour ce qui la concerne, elle BRILLE DANS LES TENEBRES et illumine tous les esprits; mais si les insensés sont privés de cette lumière, c’est parce que LES TENEBRES NE L’ONT PAS ETREINTE, c’est-à-dire les insensés ne l’ont pas saisie, incapables qu’ils étaient, à cause de leur folie, de participer à elle, ou plutôt parce que, une fois élevés jusque-là, ils n’en ont eu cure — A ceux qu’enfle la démesure, c’est-à-dire aux orgueilleux, Il cache la lumière, c’est-à-dire la lumière de sagesse, et Il annonce à son ami que la lumière est son partage et qu’il peut s’élever vers elle ; Ils n’ont pas connu la voie de la sagesse et ne se sont pas souvenu de ses sentiers , Cependant, bien que certains esprits soient ténébreux, c’est-à-dire privés de la sagesse savoureuse et lumineuse, aucun pourtant n’est ténébreux au point de ne participer en rien à la lumière divine. En effet, toute vérité connue par qui que ce soit est due totalement à la participation de cette LUMIERE QUI BRILLE DANS LES TENEBRES; car "tout vrai, quel que soit celui qui le dise, vient du Saint-Esprit" , Et cependant LES TENEBRES c’est-à-dire les hommes ténébreux, NE L’ONT PAS ETREINTE comme vérité plénière.
C’est ainsi qu’Origène et Augustin interprète ce verset.
104. On peut encore entendre ces versets comme exprimant la communication de la grâce par laquelle le Christ illumine, et cela est en continuité avec ce que disait précédemment l'Evangéliste. En effet, celui-ci a parlé plus haut de la création par le Verbe; ici il traite de la re-création, par le Christ, de la créature douée d’intelligence.
ET LA VIE, celle du Verbe, ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, de tous les hommes et non seulement des Juifs, car le Fils de Dieu assumant la chair est venu dans le monde pour illuminer tous {les hommes — pour autant que cela dépendait de Lui — par la grâce et la vérité — Si je suis né et si je suis venu dans le monde, c’est pour rendre témoignage à la vérité ; Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde C’est pourquoi Jean ne dit pas "la lumière des Juifs" parce que, bien qu’au début Il ait été seulement connu en Judée , par la suite cependant Il se fit connaître au monde entier — Je t’ai donné comme lumière aux nations pour que tu sois mon salut jus qu’aux extrémités de la terre .
C’est encore à juste titre qu’il unit la lumière et la vie en disant ET LA VIE ETAIT LA LUMIERE DES HOMMES, pour montrer que l’une et l’autre, la lumière et la vie, nous sont venues par le Christ : la vie, par la participation à la grâce — La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ — ; la lumière, par la con naissance de la vérité et de la sagesse.
105. Ces paroles peuvent, selon cette interprétation, s’entendre de trois manières, suivant les trois acceptions possibles du mot "ténèbres".
Les "ténèbres" peuvent signifier la peine. En effet on peut appeler "ténèbres" toute tristesse et toute affliction du cœur, et "lumière" toute joie — Si je suis assis dans les ténèbres , c’est-à-dire dans l’affliction, le Seigneur est ma lumière, c’est-à-dire ma joie et ma consolation.
C’est pourquoi, suivant cette acception, Origène dit que LA LUMIERE qui BRILLE DANS LES TENEBRES, c’est le Christ qui vient dans le monde avec un corps capable de souffrir et exempt de péché, dans une chair semblable à celle du péché ; Il a brillé dans la chair, cette chair du Christ qui, en tant qu’elle est semblable à celle du péché, est dite ténèbres. Ainsi, la lumière qui a brillé dans le monde, c’est le Verbe de Dieu caché par le voile des ténèbres de la chair — Je cacherai le soleil par des nuages .
106. En un second sens, les "ténèbres" peuvent signifier les démons, selon l’Epître aux Ephésiens : Nous n’avons pas à lutter contre la chair et la sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les dominations de ce monde de ténèbres . Suivant cette acception l’Evangéliste dit : LA LUMIERE BRILLE DANS LES TENEBRES, autrement dit le Fils de Dieu est descendu dans le monde où dominaient les ténèbres, c’est-à-dire les démons — C’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors . ET LES TENEBRES — les démons — NE L’ONT PAS ETREINTE, c’est-à-dire qu’ils n’ont pu obscurcir la lumière, le Christ, en Le tentant, comme on peut le voir en saint Matthieu
107. Enfin les "ténèbres" peuvent signifier les erreurs ou les ignorances dont le monde entier était rempli avant la venue du Christ, comme le dit l’Apôtre : Autrefois vous étiez ténèbres .
Il dit donc : LA LUMIERE, c’est-à-dire le Verbe de Dieu incarné, BRILLE DANS LES TENEBRES, c’est-à-dire dans le monde, qui désigne ici les hommes du monde obscurcis par les ténèbres de l’erreur et de l’ignorance Il est venu nous visiter d’en haut, le soleil levant, pour illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort . Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière .
ET LES TENEBRES NE L’ONT PAS ETREINTE, c’est-à-dire n’en ont pas été victorieuses. En effet, aussi loin que soient allés les hommes, obscurcis par leurs péchés, aveuglés par la jalousie, enténébrés par l’orgueil, dans leur combat contre le Christ (comme on peut le voir dans l’Evangile), en Le chargeant d’opprobre, en Le couvrant d’injures et d’affronts et enfin en Le tuant, cependant ils NE L’ONT PAS ETREINT, c’est-à-dire ils ne L’ont pas vaincu en obscurcissant sa lumière, et son éclat n’en a que brillé davantage dans le monde entier — Comparée à la lumière la Sagesse l’emporte sur elle, car la lumière fait place à la nuit, mais la malice, c’est-à-dire celle des Juifs et des hérétiques, ne prévaut pas contre la Sagesse , c’est-à-dire le Fils de Dieu incarné; car, comme il est dit au livre de la Sagesse, Un rude combat lui a été ménagé, pour qu’il vainquît et qu’il sût que la Sagesse est plus puissante que tout .
Encore
un pas en avant. Nous allons apprendre ce qu’est le Verbe pour l’homme déchu. - Et la lumière. Le Logos
suivant la belle expression de S. Pierre (1 Petr. 1, 19). Rien de plus grandiose que ces propositions si riches,
simplement alignées les unes à la suite des autres. - Dans les ténèbres. Mais d’où peuvent bien venir ces
ténèbres ? Que s’est-il passé dans le monde créé par le Verbe ? Le chap. 3 de la Genèse répond à ces
questions. Entre les versets 4 et 5 il faut donc intercaler la terrible catastrophe de la chute des premiers
hommes, qui amena sur la terre tant de ténèbres. Malgré cela la lumière luit. Remarquez ce présent, le seul
que nous trouvions dans les cinq premiers versets. Il est pittoresque et plein de signification. En dépit du
démon, en dépit du péché, des passions humaines qui tendent à tout obscurcir moralement, le Verbe luit de la
façon la plus sereine, conformément à sa nature et à son but. Il est là comme un réparateur après la chute. -
Et les ténèbres. Hélas ! il ne réparera pas tout le mal produit. Car ces ténèbres sont intelligentes ; elles
résistent, et refusent de se laisser entièrement pénétrer par la lumière. Cf. 3, 19 : « la lumière est venue dans
le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière ». Ce passage nous présente le premier
exemple de ce que nous appellerons le « ton tragique » de S. Jean. L’évangéliste cite d’abord un fait heureux,
puis il lui rattache sans transition un autre fait, extrêmement douloureux et triste, qui est en contradiction
complète avec les bons résultats que l’on croyait pouvoir attendre du premier. Cf. versets 10, 11 ; 3, 11, 19,
32 ; 5, 39, 40 ; 6, 36, 43, etc. Sur l’emploi métaphorique du mot « ténèbres » voyez 8, 12 ; 14, 35, 46 ; 1
Joan. 1, 5 ; 2, 8, 9, 11. - Ne l’ont pas saisie. Ce tableau est vivant. On croirait voir une masse d’épaisses
ténèbres qui se resserrent et se rendent de plus en plus compactes, pour empêcher le soleil de pénétrer parmi
elles et de les dissoudre. La Vulgate a bien traduit le verbe grec. Cf. Eph. 3, 18. C’est à tort qu’on lui a donné
parfois (à la suite, il est vrai, d’illustres exégètes, tels qu’Origène et S. Jean Chrysostome) le sens de
« arrêter, dominer ».