Jean 1, 51

Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »

Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »
Saint Jean Chrysostome
Nathanaël, en refusant d'admettre que le Christ devait sortir de Nazareth, fait voir l'étude approfondie qu'il avait faite des Écritures; et en consentant à suivre celui qui lui annonçait sa présence, il montre le vif désir qu'il avait de voir le Christ, car il présumait que Philippe pouvait se tromper sur le lieu de sa naissance:«Jésus voyant venir Nathanaël, dit de lui: Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y a point de ruse». Il ne croit pas devoir lui faire aucun reproche, bien que d'après ses paroles, il n'eut pas cru à l'instant même, parce qu'il s'attachait plus que Philippe aux indications des oracles prophétiques. Jésus porte donc de lui ce jugement: «Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y a pas de ruse», parce que ses paroles ne respirent ni flatterie ni aversion.

La question de Nathanaël est la question d'un homme, la réponse de Jésus est celle d'un Dieu: «Avant que Philippe vous appelât, lui dit Jésus, je vous ai vu». Il l'a vu, non pas des yeux de l'homme, mais de ce regard divin que Dieu abaisse sur les hommes du haut des cieux. «Je vous ai vu», c'est-à-dire, j'ai vu les habitudes de votre vie. Il ajoute: «Lorsque vous étiez sous le figuier», là où il n'y avait personne, si ce n'est Philippe et Nathanaël qui s'entretenaient ensemble. L'Évangéliste fait remarquer que c'est en voyant Nathanaël de loin, que Jésus dit de lui: «Voici un vrai Israélite», c'est-à-dire, avant que Philippe se fût approché de Jésus, de manière que vous ne puissiez élever aucun soupçon sur le témoignage du Sauveur. Jésus ne voulut pas répondre: Je ne suis pas né à Nazareth, comme Philippe vous l'a dit, mais à Bethléem, pour ne pas soulever de discussion sur ce point, c'eût été d'ailleurs une preuve insuffisante qu'il était le Christ, et il le prouve bien plus fortement en leur démontrant qu'il était présent à leur entretien.

Nathanaël reconnut donc que Jésus était vraiment le Christ, à la révélation qu'il vient de lui faire, à la connaissance qu'il avait de ses dispositions intérieures, et aussi parce que loin de le reprendre, il a fait son éloge, après le langage peu favorable en apparence que Nathanaël avait tenu à son égard: «Nathanaël lui répondit: Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d'Israël», c'est-à-dire, vous êtes celui que nous attendions, celui que nous cherchions. La preuve indubitable qui vient de lui être donnée, détermine cet aveu; l'hésitation qu'il a manifestée d'abord montre son zèle à chercher la vérité, et son empressement à la reconnaître ensuite est une preuve de sa vertu et de sa religion. (Hom. 21). Ce passage en embarrasse un grand nombre; Pierre, disent-ils, qui a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, après avoir été témoin de ses miracles et de sa doctrine, est proclamé bienheureux, de ce que le Père lui a révélé cette vérité, tandis que Nathanaël, qui confesse la divinité de Jésus, sans avoir ni vu ses miracles, ni entendu ses divins enseignements, ne reçoit point les mêmes louanges. En voici la raison, c'est que Pierre et Nathanaël ont tenu le même langage mais sans y attacher le même sens. Pierre a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, et vrai Dieu lui-même; Nathanaël, au contraire, ne voit encore en lui qu'un homme. Car en lui disant: «Vous êtes le Fils de Dieu»; il ajoute: «Vous êtes le roi d'Israël». Or, le Fils de Dieu n'est pas seulement le roi d'Israël, il est le roi de tout l'univers. La suite du texte rend encore plus sensible cette différence. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ n'ajouta rien à la confession de Pierre, il considéra sa foi comme parfaite, et lui prédit que sur cette confession il bâtirait son Eglise, tandis que pour Nathanaël, dont la confession était moins complète et laissait beaucoup à désirer, il l'élève vers des considérations plus hautes: «Et Jésus lui dit: Parce que je vous ai dit: Je vous ai vu sous le figuier, vous croyez; vous verrez de plus grandes choses», c'est-à-dire, vous regardez comme une chose extraordinaire ce que je vous ai dit, et c'est pour cela que vous me proclamez roi d'Israël; que direz-vous donc, lorsque vous verrez de plus grandes choses? Et quelles sont ces choses? «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme». Voyez comme il l'élève peu à peu au-dessus de la terre, et l'amène à reconnaître que le Christ n'est pas seulement un homme. Car comment celui qui a les anges pour serviteurs, pourrait-il n'être qu'un homme? Il se fait donc ainsi connaître pour le maître des anges qui descendirent sur Jésus et montèrent avec lui comme les ministres de sa divine royauté; ils descendirent sur lui au moment de sa mort sur la croix, et montèrent au temps de sa résurrection et de son ascension. Ils avaient déjà rempli précédemment ce ministère lorsqu'ils s'approchèrent de lui pour le servir dans le désert, et aussi lorsqu'ils annoncèrent sa naissance. Le Sauveur prouve donc ici l'avenir par le passé. En reconnaissant les signes de sa puissance dans le passé, Nathanaël pouvait plus facilement croire à la prédiction que le Sauveur lui faisait pour l'avenir.
Saint Augustin
Ou bien encore, que signifient ces paroles: «Dans lequel il n'y a point de ruse ?» Veulent-elles dire que Nathanaël était pur de tout péché, et qu'il n'avait pas besoin de médecin? Non, sans doute, car il n'est personne de ceux qui reçoivent le jour, qui n'ait besoin de recourir à ce médecin. Or, la ruse consiste à feindre une chose différente de celle qu'on fait. Dans quel sens donc n'y avait-il point de ruse dans Nathanaël? C'est-à-dire, que s'il est pécheur, il ne craint pas de le reconnaître; si au contraire il se disait juste, tout pécheur qu'il est, la ruse se fût trouvée sur ses lèvres. Le Sauveur loue donc dans Nathanaël, de reconnaître sincèrement qu'il est pécheur, mais il ne veut nullement dire qu'il soit sans péché.

Examinons si ce figuier a ici une signification particulière. Nous trouvons dans l'Évangile, un figuier maudit, parce qu'il n'avait que des feuilles et point de fruit (Mt 21,18-22 Mc 11,12-24). Au commencement du monde Adam et Eve, après leur péché, se firent une ceinture de feuilles de figuier. (Gn 3,7) Les feuilles du figuier sont donc la figure des péchés. Or, Nathanaël était assis sous un figuier comme à l'ombre de la mort, et le Seigneur semble lui dire: O Israël ! vous qui êtes sans ruse ! O peuple qui vivez de la foi ! avant que je vous aie appelé par mes Apôtres, lorsque vous étiez encore à l'ombre de la mort, et avant que vous ayez pu me voir, je vous ai vu.

Nathanaël se souvint qu'il était sous le figuier où Jésus n'était présent que par sa science spirituelle et divine, et comme il savait qu'il était seul sous ce figuier, il reconnut que celui qui lui parlait ainsi était Dieu.

Rappelons-nous l'ancienne histoire de Jacob, qui vit dans son sommeil une échelle posée sur la terre et dont le sommet touchait au ciel, et les anges de Dieu qui montaient et descendaient le long de l'échelle. (Gn 28,12-18) Jacob, comprenant la signification mystérieuse de cette vision, prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête et répandit de l'huile dessus. Est-ce qu'il voulut en cela faire une idole? Non, l'action de Jacob est ici figurative, et il ne rend aucun culte d'adoration à cette pierre. Vous voyez ici l'onction, reconnaissez aussi le Christ. Il est la pierre qui a été repoussée par ceux qui bâtissent. Puisque Jacob, qui fut appelé Israël (Gn 32,29), a vu cette échelle en songe, et que, d'un autre côté, Nathanaël, au témoignage de Jésus, est un vrai Israélite, c'est avec raison que le Sauveur lui rappelle le songe de Jacob, comme s'il lui disait: Le songe de celui dont vous portez le nom se réalisera pour vous-même, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. S'ils descendent sur lui, ils montent aussi jusqu'à lui, car il est tout à la fois dans les hauteurs des cieux et sur la terre, il est en haut dans sa propre nature, il est en bas dans la personne des siens.

Les bons prédicateurs qui annoncent vraiment Jésus-Christ, sont les anges de Dieu, ils montent et descendent sur le Fils de l'homme, à l'exemple de saint Paul, qui monta jusqu'au troisième ciel (2Co 2), et qui est descendu jusqu'à donner du lait pour nourriture aux petits enfants. (1Co 3,1-2) Jésus dit à Nathanaël: «Vous verrez encore de plus grandes choses», car la justification de ceux que le Seigneur a appelés à la foi est un plus grand miracle que de nous avoir vus couchés et étendus à l'ombre de la mort. Que nous aurait-il servi, en effet, qu'il nous vit, si nous étions restés à l'ombre de la mort? Mais pourquoi Nathanaël, à qui le Fils de Dieu a rendu un si glorieux témoignage, ne fait-il point partie des douze Apôtres? Nous avons dû voir qu'il était instruit et versé dans la science de la loi, et c'est la raison pour laquelle le Seigneur ne voulut point l'admettre au nombre de ses Apôtres; il aima mieux choisir des ignorants pour confondre la vaine science du monde. Dans le dessein qu'il avait formé d'abaisser la tête altière des orgueilleux, ce n'est point par l'éloquence d'un orateur qu'il voulut amener à lui un pêcheur, c'est par ce simple pêcheur qu'il convertit à lui les empereurs. Cyprien a été un grand orateur, mais avant lui nous voyons Pierre, qui n'était que pêcheur, et c'est par lui que devaient croire dans la suite, non seulement les orateurs, mais les empereurs eux-mêmes.
Saint Grégoire le Grand
Ou bien, je vous ai vu pendant que vous étiez sous le figuier, c'est-à-dire, je vous ai choisi lorsque vous étiez encore sous les ombres de la loi.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Mais Nathanaël, malgré cet éloge, ne se rend pas aussitôt, il attend une preuve plus évidente, et il interroge le Sauveur: «Nathanaël lui dit: D'où me connaissez-vous ?»
Saint Thomas d'Aquin
309. Après avoir exposé le fruit de la prédication de Jean-Baptiste et de son disciple , l’Evangéliste manifeste le fruit de la prédication du Christ : il rapporte d’abord la conversion d’un disciple grâce à la prédication du Christ; ensuite la conversion des autres grâce à la prédication du disciple converti au Christ .

A ce propos, l'Evangéliste considère trois choses.

En premier lieu, il expose l’occasion de l’appel du disciple; ensuite l’appel lui-même ; enfin sa condition .

310. L’occasion de l’appel fut le départ de Jésus de la Judée. C’est pourquoi l'Evangéliste dit : VOULANT PARTIR de la Judée POUR LA GALILEE.

On peut donner trois raisons à ce départ de Jésus pour la Galilée, dont deux sont littérales.

La première est que, après avoir été baptisé par Jean, Jésus, voulant rendre honneur au Baptiste, partit pour la Galilée, se retirant de Judée pour ne pas le gêner par sa présence ni amoindrir l’autorité de maître de Jean, tant que celui-ci devait l’exercer. Le Seigneur nous enseigne par là à nous prévenir d’honneur les uns les autres, comme saint Paul le recommande .

La seconde raison du départ de Jésus est l’absence, en Galilée, de personnalités remarquables — Cherche bien, disent les Pharisiens à Nicodème, et tu verras que de Galilée il ne se lève pas de prophète Jésus voulut donc partir pour ce pays et y choisir les princes de toute la terre qui sont plus grands que les prophètes et, par ce choix, manifester sa puissance — Du désert, il a fait jaillir une source .

La troisième raison du départ de Jésus est mystique. Galilée, en effet, signifie "passage". Jésus voulut donc partir de Judée en Galilée pour faire comprendre que le lendemain, c’est-à-dire au jour de la grâce, au jour de l’Evangile, Il partirait de Judée POUR LA GALILEE, c’est-à-dire pour sauver les nations — Ira t-Il vers ceux qui sont dispersés parmi les nations?

311. L’appel de Jésus au disciple est donc un appel à Le suivre; remarquons que tantôt l’homme trouve Dieu, mais comme inconnu — Qui m’aura trouvé trouvera la vie et obtiendra son salut du Seigneur tantôt c’est Dieu qui trouve l’homme, mais pour le mettre en évidence et le rendre grand — J’ai trouvé David mon serviteur . C’est ainsi que le Christ TROUVE PHILIPPE pour l’appeler à la foi et à la grâce; et c’est pourquoi Il dit aussi tôt : "SUIS-MOI".

312. On peut se demander pourquoi Jésus n’a pas appelé ses disciples dès le début. A cette question Chrysostome répond : Jésus ne voulut appeler personne avant qu’on ne se joigne à Lui spontanément grâce à la prédication de Jean; les hommes en effet sont plus attirés par l’exemple que par les paroles.

313. On peut se demander aussi pourquoi Philippe suivit le Christ sur une seule parole alors qu’André Le suivit en entendant Jean parler du Christ, et Pierre en entendant André. A cette question on peut donner trois réponses .

Voici la première : Philippe suivit Jésus aussitôt parce qu’il avait déjà été instruit par Jean; en effet, selon une explication donnée plus haut, cet autre qui, avec André, avait suivi le Christ, était Philippe.

La seconde raison est que la voix du Christ avait la puissance non seulement d’attirer extérieurement, mais encore de mouvoir intérieurement le cœur — Mes paroles ne sont-elles pas comme un jeu? La voix du Christ, en effet, ne s’adressait pas seulement aux sens, mais enflammait de son amour le cœur des fidèles.

La troisième raison est que peut-être Philippe avait déjà été instruit au sujet du Christ par André et Pierre, car tous trois étaient de la même ville; l’Evangéliste semble l’indiquer par les paroles qu’il ajoute : PHILIPPE ETAIT DE BETHSAIDE.

314. Par ces mots Jean exprime la condition du disciple appelé. Cela s’accorde avec le mystère de sa vocation, car Bethsaïde signifie "demeure des chasseurs", ce qui montre de quel esprit étaient animés Philippe, Pierre et André; il convenait en effet que, de la demeure des chasseurs, le Christ appelât des chasseurs pour prendre les âmes et les conduire à la vie — J’enverrai mes chasseurs...

315. L’Evangéliste expose maintenant le fruit pro duit par le disciple converti au Christ; il en montre d’abord les débuts, puis l’achèvement par le Christ .

Le premier sujet est traité en trois points : la nouvelle qu’annonce Philippe à Nathanaël, la réponse de celui-ci , enfin l’invitation que lui adresse Phi lippe .

316. Au sujet de la nouvelle annoncée à Nathanaël, remarquons que, de même qu’André parfaitement converti s’efforça d’amener son frère au Christ, de même Philippe Lui conduisit son frère Nathanaël. C’est pour quoi Jean dit : PHILIPPE TROUVA NATHANAEL, qu’il cherchait peut-être. Nathanaël signifie "don de Dieu"; or la conversion de quelqu’un au Christ est un don de Dieu.

Philippe annonce à Nathanaël : CELUI DONT IL EST PARLE DANS LA LOI ET LES PROPHETES, NOUS L’AVONS TROUVE; C’EST JESUS. Ces paroles montrent que Nathanaël connaissait parfaitement la Loi et que Philippe, qui le savait et qui lui-même était déjà instruit au sujet du Christ, voulut conduire Nathanaël au Christ à partir de ce que Nathanaël connaissait, c’est-à-dire la Loi et les prophètes; aussi lui dit-il : CELUI DONT MOISE... En effet Moïse a écrit au sujet du Christ comme Lui-même le dira : Si vous croyiez en Moïse, vous croiriez aussi en moi, car il a écrit de moi De même les prophètes ont écrit au sujet du Christ — Tous les prophètes (...) Lui rendent témoignage .

317. Remarquons encore que Philippe dit du Christ trois choses qui sont bien conformes à la Loi et aux prophètes.

Tout d’abord son nom : NOUS AVONS TROUVE JESUS. Ce nom qui signifie Sauveur est en accord avec les dires des prophètes; Isaïe disait en effet : Je leur enverrai un sauveur , et Habacuc : J’exulterai de joie en Dieu mon sauveur mon Jésus

Philippe nomme ensuite la famille d’où le Christ a tiré son origine humaine, en disant : LE FILS DE JOSEPH. En effet il est dit : On le croyait fils de Joseph Il n’est pas étonnant que Philippe nomme le Christ FILS DE JOSEPH; car sa mère elle-même, consciente de l’Incarnation divine de son fils, l’appelait aussi fils de Joseph : Ton père et moi, tout angoissés, nous te cherchions . Certes, si celui qui est élevé par un autre peut s’appeler son fils, à plus forte raison Joseph pouvait-il être dit le père de Jésus bien qu’il ne fût pas son père selon la chair, car il avait élevé Jésus et, de plus, il était l’époux de la Vierge Mère. D’ailleurs, si Philippe parle ainsi, ce n’est pas qu’il veuille dire que le Christ était né de l’union de Joseph et de la Vierge, mais parce qu’il savait que le Christ devait naître de la race de David, de la maison et de la famille de qui était Joseph, dont Marie était l’épouse : Je susciterai à David un héritier juste .

Enfin Philippe fait mention de la patrie de Jésus DE NAZARETH, non parce qu’Il y était né, car ce fut à Bethléem, mais parce qu’Il y avait été élevé. Le lieu de naissance de Jésus était en effet ignoré de beaucoup; au contraire le lieu où Il avait été élevé était connu de beaucoup. A cause de cela Philippe passe Bethléem sous silence, et nomme Nazareth. Cette précision est en harmonie avec les oracles des prophètes : Un rejeton sort de la souche de Jessé, et une fleur (ou, selon une autre leçon : un Nazaréen) pousse de ses racines .

318. On peut lire cette réponse soit comme une affirmation, soit comme une interrogation; dans les deux cas cette réponse s’accorde bien avec les paroles de Philippe. En effet, si nous la lisons comme une affirmation, selon l’interprétation d’Augustin , le sens est alors : de Nazareth, il peut sortir quelque chose de bon; c’est-à-dire, de la cité qui porte un tel nom, il peut se faire que surgisse pour nous la plus grande grâce, ou un docteur éminent pour nous enseigner la fleur des vertus et la pureté de la sainteté. Nazareth en effet signifie "fleur". Par là il nous est donné à entendre que Nathanaël très savant dans la Loi, avait scruté les Ecritures et savait d’avance qu’il fallait attendre le Sauveur de Nazareth, ce que les autres Scribes et les Pharisiens ne reconnaissent pas facilement; aussi, lorsque Philippe eut dit : NOUS AVONS TROUVE JESUS DE NAZARETH, transporté d’espérance, répondit assurément, de Nazareth il peut sortir quelque chose de bon.

Mais si on lit la réponse de Nathanaël selon Chrysostome , comme une interrogation, le sens est alors : DE NAZARETH PEUT-IL SORTIR QUELQUE CHOSE DE BON? Comme s’il disait : "tout le reste de tes paroles me paraît digne de foi : son nom et sa famille en effet s’accordent avec les oracles des prophètes; mais qu’Il soit de Nazareth, comme tu l’affirmes, ne semble pas possible". Nathanaël en effet avait appris par les Ecritures que le Christ devait venir de Bethléem — Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les principales villes de Juda; car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître mon peuple Israël . Aussi Nathanaël, trouvant que l’affirmation de Philippe ne correspond pas à l’enseignement des prophètes, l’interroge avec prudence et douceur sur la vérité de son dire : DE NAZARETH PEUT-IL SORTIR QUELQUE CHOSE DE BON?

319. Jean rapporte ici l’invitation de Philippe à Nathanaël Cette invitation convient aux deux interprétations possibles de la réponse de Nathanaël. Si celle-ci est affirmative, en voici alors le sens : Tu affirmes que de Nazareth il peut sortir quelque chose de bon; mais moi je dis que le bien que je t’annonce est tel, et si grand, que je suis incapable de l’exprimer; aussi, VIENS ET VOIS. Si la réponse de Nathanaël est interrogative, le sens en est alors : Tu demandes : DE NAZARETH PEUT-IL SORTIR QUELQUE CHOSE DE BON? VIENS ET VOIS, et tu sauras que ce que je dis est vrai.

Philippe entraîne Nathanaël vers le Christ sans être découragé par ses questions, car il sait que Nathanaël ne le contredira plus lorsqu’il aura goûté aux paroles et à l’enseignement du Christ : en cela Philippe suit l’exemple du Christ qui, à ceux qui L’interrogeaient tout à l’heure sur sa demeure, avait répondu : Venez et voyez . Allez à lui, dit le Psaume, et vous serez illuminés .

320. L’Evangéliste montre ici l’achèvement du fruit porté par la prédication de Philippe.

A ce propos il faut savoir que l’on peut se convertir au Christ de deux manières : certains sont convertis grâce à des miracles, d’autres par le moyen de la prophétie ou de la prescience d’événements futurs encore cachés.

Mais pour se convertir, les prophéties ou la prescience des choses futures sont une voie plus efficace que les miracles. En effet les démons eux-mêmes et des hommes aidés par eux peuvent faire miroiter des prodiges, mais prédire les événements futurs est le fait de la seule puissance divine — Annoncez ce qui arrivera et nous dirons que vous êtes des dieux Les prophéties ne sont pas pour les infidèles, mais pour les fidèles , Voilà pourquoi le Seigneur attire Nathanaël à la foi non par des miracles, mais en lui annonçant à l’avance des choses cachées; aussi dit-Il de lui : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, UN HOMME SANS ARTIFICE.

321. Le Seigneur révèle ici intérieurement à Nathanaël trois vérités qui lui sont cachées : celles du présent qui sont dans son cœur, puis des faits passés, enfin des réalités célestes à venir; or connaître ces trois choses cachées est quelque chose de divin.

Assurément le Christ révèle à Nathanaël le présent caché lorsqu’Il déclare : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, UN HOMME SANS ARTIFICE. A ce sujet, l’Evangéliste expose en premier lieu l’annonce du Christ; ensuite la question de Nathanaël : D'OÙ ME CONNAIS-TU?

322. L’Evangéliste dit en effet : JESUS VIT NATHANAEL QUI VENAIT A LUI, comme pour dire : avant que Nathanaël ne fût arrivé jusqu’à Lui, Jésus avait dit à son sujet : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, UN HOMME SANS ARTIFICE. Jésus a dit cela de Nathanaël avant que celui-ci ne soit auprès de Lui, car s’Il avait dit ces paroles après son arrivée, Nathanaël aurait pu croire que Jésus avait appris cela de Philippe.

Au sujet des paroles de Jésus : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, notons qu’"Israël" peut s’interpréter de deux manières. Il peut signifier "très droit". nous lisons en effet dans Isaïe : Ne crains pas, mon serviteur, toi le très droit que j’ai choisi or la Glose dit ici que "très droit" est le sens du mot hébreu Israël. D’autre part, "Israël" peut signifier" l’homme qui voit Dieu". Or, selon ces deux acceptions d’"Israël", Nathanaël est UN VERITABLE ISRAELITE; en effet on qualifie d’homme droit celui qui est sans artifice, et c’est pour cela que le Seigneur dit : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, UN HOMME SANS ARTIFICE, comme pour dire : tu représentes véritablement ta race, parce que tu es droit et sans artifice. D’autre part, c’est par la pureté et la simplicité que l’homme voit Dieu; aussi Jésus dit-Il : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, c’est-à-dire : tu es un homme qui voit Dieu véritablement, parce que tu es simple et sans artifice. Jésus dit encore UN HOMME SANS ARTIFICE pour qu’on ne croie pas que Nathanaël ait dit avec une mauvaise intention sur un ton interrogatif : DE NAZARETH PEUT-IL SORTIR QUELQUE CHOSE DE BON?

323. Augustin explique autrement les paroles de Jésus. Manifestement, tous naissent dans le péché; et on dit pleins d’artifice ceux qui cachent le péché dans leur cœur et qui extérieurement feignent d’être justes; mais celui qui est pécheur et le confesse est exempt d’artifice. Si donc Jésus a dit : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, UN HOMME SANS ARTIFICE, ce n’est pas que Nathanaël n’eût pas de péché, ni que le médecin ne lui fût nécessaire, car personne en effet n’est né tel qu’il n’ait besoin d’aucun médecin; mais ce que le Christ loua en lui, ce fut l’aveu du péché.

324. L’Evangéliste rapporte ensuite l’interrogation de Nathanaël : D'OÙ ME CONNAIS-TU? Nathanaël reconnaît avec étonnement la puissance de Dieu dans la manifestation des choses cachées, car c’est bien le fait de Dieu seul — Pervers est le cœur de l’homme et insondable. Qui peut le pénétrer? Moi, le Seigneur, je scrute le cœur et je sonde les reins ; L’homme ne voit que l’apparence, mais Dieu pénètre le cœur C’est pourquoi Nathanaël demande : D'OÙ ME CONNAIS-TU? Ces paroles font valoir son humilité car, malgré la louange du Seigneur, il ne s’est pas enorgueilli; il a plutôt tenu pour suspecte la louange qu’on lui adresse; C'est dans ce sens que le Seigneur parle par la bouche du prophète : Mon peuple, ceux qui te disent heureux te séduisent .

325. Jean expose maintenant le dévoilement des faits passés en l’absence de Jésus : AVANT QUE PHILIPPE T’APPELÂT, QUAND TU ETAIS SOUS LE FIGUIER, JE T’AI VU; puis la confession de Nathanaël : NATHANAEL LUI REPONDIT : "RABBI, TU ES LE FILS DE DIEU, TU ES LE ROI D’ISRAEL".

326. Concernant le premier point, il faut savoir que Nathanaël pouvait avoir deux soupçons au sujet du Christ : l’un, que le Christ aurait dit ces paroles : VOICI UN VERITABLE ISRAELITE, UN HOMME SANS ARTIFICE, dans l’intention de le flatter; l’autre, que Jésus aurait connu antérieurement par un autre qu’il était un homme sans artifice. Pour écarter tout soupçon et élever son esprit à des réalités plus hautes, Jésus lui manifeste des faits cachés que nul n’aurait pu savoir si ce n’est divinement, c’est-à-dire ce qui venait juste de lui arriver.

Et voici ce qu’Il dit : AVANT QUE PHILIPPE T’APPELAT, QUAND TU ETAIS SOUS LE FIGUIER, JE T’AI VU. En effet, au sens littéral, Nathanaël était sous un figuier quand il fut appelé par Philippe et le Christ l’avait su par sa puissance divine — car Les yeux du Seigneur sont infiniment plus lumineux que le soleil .

Au sens mystique, le figuier représente le péché : soit parce que nous voyons en Matthieu que le figuier maudit ne portait que des feuilles et pas de fruits , ce qui eut lieu pour figurer le péché; soit encore parce que, lorsqu’Adam et Eve eurent péché, ils se firent des ceintures de feuilles de figuier .

Aussi Jésus dit-Il à Nathanaël : QUAND TU ETAIS SOUS LE FIGUIER, c’est-à-dire à l’ombre du péché, avant d’avoir été appelé à la grâce, JE T’AI VU, c’est-à-dire des yeux de la miséricorde; car la prédestination de Dieu à l’égard des hommes demeure même quand ils sont dans le péché — Dieu le Père (...) nous a élus dans le Christ avant la fondation du monde, (...) nous ayant prédestinés à être pour Lui des fils adoptifs par Jésus-Christ .

C’est de ce regard que Jésus parle ici : JE T’AI VU, c’est-à-dire en te prédestinant de toute éternité. Ou bien, selon Grégoire QUAND TU E TAIS SOUS LE FIGUIER, c’est-à-dire à l’ombre de la Loi, je t’ai vu, car la Loi n’a que l’ombre des biens à venir

327. Aussitôt converti par les paroles du Christ et reconnaissant en Lui la puissance divine, Nathanaël proclame sa foi et sa louange : RABBI, TU ES LE FILS DE DIEU. Ce faisant, il reconnaît dans le Christ trois choses. D’abord la plénitude de sa science, lorsqu’il l’appelle RABBI (ce qui veut dire Maître), comme pour dire : tu possèdes la perfection de toute science. Déjà Nathanaël pressentait ce que dirait le Seigneur : Vous n’avez qu’un Maître, le Christ .

Ensuite l’excellence de la grâce qui est propre au Christ : TU ES LE FILS DE DIEU. Car ce n’est que par grâce qu’un homme est fils adoptif de Dieu; et même, être Fils de Dieu par l’union hypostatique, ce qui est propre à l’homme-Christ, se réalise encore par la grâce : en effet, ce n’est pas par des mérites antérieurs mais par la grâce de l’union que cet homme est Fils de Dieu.

Enfin l’immensité de la puissance du Christ : TU ES LE ROI D’ISRAEL, c’est-à-dire Celui qu’attendait Israël comme roi et défenseur — Sa puissance, dit Daniel, est une puissance éternelle .

328. A ce propos, Chrysostome se pose une question : Pierre, qui avait vu beaucoup de miracles, entendu de nombreux enseignements, fit sur le Christ la même confession de foi que fit ici Nathanaël : TU ES LE FILS DE DIEU, et pour cela il mérita d’être proclamé bien heureux par le Seigneur : Bienheureux es-tu, Simon fils de Jonas... . Pourquoi alors Nathanaël, qui avait parlé de même sans avoir vu de signes ni reçu d’enseignement, ne fut-il pas proclamé bienheureux?

C’est que, répond Chrysostome, Nathanaël et Pierre avaient bien prononcé les mêmes paroles, mais sans que leur intention fût la même. Pierre confessa que le Christ était le vrai Fils de Dieu par nature, c’est-à-dire qu’Il était homme de telle manière que cependant Il était vrai Dieu; tandis que Nathanaël confessa que Jésus est fils de Dieu par adoption, d’après ce Psaume : J’ai dit : Vous êtes des dieux, et tous des fils du Très-Haut . Les paroles que prononce ensuite Nathanaël le montrent clairement. Si en effet il avait compris que Jésus était Fils de Dieu par nature, il n’aurait pas conclu seulement TU ES LE ROI D’ISRAEL, mais : "Tu es le Roi de tout l’univers". Cela apparaît nettement aussi dans le fait que le Christ n’ajouta rien à la foi de Pierre, à cause de sa perfection, mais au contraire dit qu’Il bâtirait son Eglise sur sa confession de foi. Tandis qu’à celle de Nathanaël, il manquait le plus important; aussi Jésus l’élève-t-Il à des vérités plus grandes, c’est-à-dire à la connaissance de sa divinité.

329. Voilà pourquoi Jésus déclare : TU VERRAS MIEUX ENCORE. Jésus révèle ici intérieurement à Nathanaël des réalités futures, comme s’Il disait : parce que je t’ai révélé des événements passés, tu me crois fils de Dieu par adoption et roi d’Israël seulement; mais je te mènerai à une connaissance plus grande, et alors tu croiras que je suis par nature le Fils de Dieu et le Roi de tous les siècles.

Aussi Jésus ajoute-t-Il : EN VERITE, EN VERITE JE VOUS LE DIS, VOUS VERREZ LE CIEL OUVERT ET LES ANGES DE DIEU MONTER ET DESCENDRE AU-DESSUS DU FILS DE L’HOMME. Par ces paroles, le Seigneur, selon Chrysostome , veut prouver qu’Il est vrai Fils de Dieu et Dieu Lui-même; c’est en effet le propre des anges de servir le Seigneur et de Lui être soumis — Bénissez le Seigneur, vous tous ses anges, ses ministres, qui accomplissez sa volonté . C’est comme si le Seigneur disait : Lors donc que vous verrez les anges me servir, vous serez certains que je suis le vrai Fils de Dieu. L'épître aux Hébreux dira : Lorsqu’il introduit le Premier-né dans le monde, Dieu dit : "Que tous les anges de Dieu L’adorent"

330. Mais quand les Apôtres virent-ils cela? Ils le virent dans sa passion, quand un ange du Seigneur fut présent auprès de Lui, qui Le réconfortait . De nouveau à la Résurrection, lorsque les Apôtres trouvèrent deux anges qui se tenaient sur le sépulcre . Enfin, à l’Ascension, quand les anges dirent aux Apôtres : Hommes de Galilée, que restez-vous là à regarder le ciel? Ce Jésus, qui du milieu de vous a été enlevé au ciel, en reviendra de la même manière que vous L’avez vu monter .

331. Et parce qu’au sujet des événements passés Jésus avait déjà dit la vérité, ce qu’Il annonce à Nathanaël de l’avenir en disant VOUS VERREZ LE CIEL OUVERT, lui paraît plus croyable. En effet, si quelqu’un a manifesté des faits cachés du passé, c’est une preuve évidente de la vérité de ce qu’il dit au sujet des événements futurs.

Le Seigneur dit : VOUS VERREZ (...) LES ANGES MONTER ET DESCENDRE AU-DESSUS DU FILS DE L’HOMME. En effet, bien que, selon la chair mortelle, Il soit un peu au-dessous des anges — et c’est pourquoi en tant qu’Il est le FILS DE L’HOMME, les anges MONTENT ET DESCENDENT AU-DESSUS DE LUI —, cependant, en tant qu’Il est le Fils de Dieu, Il est Lui-même au-dessus des anges, comme on l’a déjà dit.

332. Selon Augustin , le Christ manifeste sa divinité par les paroles précédentes de façon très heureuse.

On lit en effet dans la Genèse que Jacob vit une échelle (...) et des anges monter et descendre . Comprenant ce qu’il avait vu, Jacob se leva, oignit d’huile la pierre sur laquelle reposait sa tête et dit : En vérité le Seigneur est en ce lieu . Cette pierre que les bâtisseurs ont rejetée, c’est le Christ ; elle est ointe de l’huile invisible du Saint-Esprit; mais elle est dressée comme une stèle , car elle devait être le fondement de l'Eglise, ainsi que le dit l’Apôtre : Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, à savoir Jésus-Christ . Les anges cependant montent et descendent au-dessus de Lui en tant qu’ils Lui sont présents pour faire sa volonté et Le servir. Jésus affirme donc : EN VERITE, EN VERITE JE VOUS LE DIS, VOUS VERREZ LE CIEL OUVERT..., comme pour dire : Nathanaël, parce que tu es un véritable Israélite, sois donc attentif à ce qu’Israël a vu, afin de croire que je suis Celui que pré figure la pierre ointe par Jacob; en effet, toi aussi tu verras au-dessus d’elle monter et descendre les anges.

333. Selon Augustin , les anges sont les prédicateurs prêchant le Christ — Allez, messagers rapides, vers le peuple renversé et déchiré .

Or les prédicateurs montent par la contemplation, comme Paul était monté jusqu’au troisième ciel , et descendent pour instruire les peuples sur LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire pour l’honneur du Christ, car, comme le dit l’Apôtre : Ce n’est pas nous-mêmes que nous prêchons, mais le Christ Jésus notre Seigneur .

Or, pour permettre aux anges de monter et de descendre, le ciel a été ouvert, car il faut que la grâce céleste soit donnée aux prédicateurs pour qu’ils montent et qu’ils descendent — Les cieux se fondirent devant Dieu (...) Tu fis tomber une pluie bienfaisante, ô Dieu ! — Je vis (...) le ciel ouvert, dit Jean .

334. La raison pourquoi Nathanaël ne fut pas choisi comme Apôtre après une telle confession de foi, c’est que le Christ ne voulut pas que la conversion du monde à la foi fût attribuée à la sagesse humaine, mais à la seule puissance de Dieu. C’est pour cela qu’Il ne voulut pas choisir comme Apôtre Nathanaël, qui était très versé dans la Loi, mais qu’Il choisit des gens simples et incultes — Il n’y a pas beaucoup de sages (...) mais ce que le monde tient pour insensé, Dieu l’a choisi .
Louis-Claude Fillion
L’évangéliste introduit par une nouvelle formule de transition (et il lui dit) l’importante révélation qui va suivre. Jésus l’introduit lui-même par une assertion solennelle : En vérité, en vérité, je vous le dis. A part deux passages de l’Ancien Testament (Num. 5, 22 ; Neh. 8, 6), ce double « en vérité » n’apparaît que dans le quatrième évangile, où nous le rencontrons jusqu’à vingt-cinq fois, toujours sur les lèvres du Sauveur. Il est remarquable que Jésus parle maintenant au pluriel (« vous verrez ») ; il ne s’adresse donc plus exclusivement à Nathanaël (Cf. verset 50 : tu verras ») ; quoique sa prédiction le concerne d’une manière plus directe (« il lui dit »), mais aussi à Philippe et aux autres disciples qui l’entouraient alors. Voyez la note du verset 47. - Vous verrez le ciel ouvert. Le texte grec ajoute « dorénavant vous verrez… » Il est vrai que cette locution adverbiale est omis par de graves témoins (les manuscrits sinaït., B, L, les versions ital., copt., éthiop., armén.), et regardée comme un glossème par Alford, Tischendorf, Lachmann, etc. Néanmoins elle peut fort bien avoir été supprimée pour faciliter l’interprétation de ce passage obscur. - Et les anges de Dieu monter et descendre. Il y a dans ces mots, tout le monde en convient, une allusion nouvelle (voir la notre du verset 47) à l’histoire du patriarche Jacob. « Il (Jacob) eut un songe : voici qu’une échelle, appuyée sur la terre, avait son sommet qui touchait les cieux et que les anges de Dieu montaient et descendaient sur elle. Et voici que Yahweh qui se tenait debout devant lui, dit : « Je suis Yahweh… » Gen. 28, 12 et 13. Ce que l’ancien Israël avait vu, le « véritable Israélite » son petit-fils, devait le voir aussi ; avec cette différence que, pour l’un, tout se passait en songe, tandis que, pour l’autre, la scène mystérieuse s’était transformée en réalité. Mais quel sens faut-il donner aux paroles de Jésus ? Devons-nous les interpréter à la lettre, ou bien nous contenterons-nous de les prendre au moral et au figuré ? La première opinion a été soutenue dans l’antiquité par S. Jean Chrysostome, S. Cyrille, Euthymius. Suivant ces grands commentateurs, les « anges qui montent et descendent sur le Fils de l'Homme » seraient les anges qui apparurent après la tentation de Notre-Seigneur, durant son agonie, après sa Résurrection et son Ascension. Toutefois, sons compter que les disciples de Jésus ne contemplèrent point la première de ces apparitions, un si petit nombre de faits semblerait réaliser bien mal une telle prophétie. Aussi d’autres interprètes ont-ils conjecturé, mais d’une façon toute gratuite, que Nathanaël et Philippe auraient été favorisés de visions d’anges passées sous silence dans la narration évangélique. Il est donc difficile d’accepter l’interprétation littérale. S. Augustin la rejetait déjà (Cf. Tract. 7 in Joan. ; Contr. Faust. 12, 26) ; de même, le Vénérable Bède, Tolet, Maldonat, A. Maier, Beelen, Klofutar. Mgr Haneberg et la majorité des auteurs contemporains se déclarent pareillement favorables à la signification mystique, quoique de différentes manières. Selon l’idée la plus simple et la plus naturelle, les anges figurent ici, conformément à leur rôle accoutumé, un échange perpétuel de relation entre le ciel et la terre, ces deux royaumes autrefois divisés, mais qui ne formeront désormais, grâce à N.-S. Jésus-Christ, qu’un tout inséparable. Autour de Jésus, il y aura un incessant va-et-vient de forces divines d’étonnantes merveilles : ce qui s’était passé naguère au moment de son baptême devait se reproduire sans cesse pendant sa vie publique. De la sorte, il serait vraiment le point central du monde, un parfait intermédiaire entre Dieu et les hommes. Cf. Eph. 1, 10 ; Col. 1, 20. Les apôtres furent témoins de ces prodiges : « Et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique » (verset 14). - Il paraît surprenant, au premier regard, que les anges soient représentés « montant et descendant », surtout après les mots « vous verrez le ciel ouvert », qui demanderaient la construction inverse, « descendant et montant ». Mais 1° telle était déjà la description de la Genèse (voyez les commentaires), et l’on conçoit que Jésus en ait conservé l’agencement ; 2° le Fils de l’homme est depuis longtemps sur la terre, et, partout où il se trouve, les anges l’environnent en grand nombre : il est donc juste qu’il se prenne lui-même comme point de départ. Voyez dans Platon, Sympos. 23, un beau passage relatif aux puissances médiatrices qui contribuent à maintenir des relations entre les dieux et les hommes. Il n’est pas sans analogie avec la présente parole de Jésus. - Sur le Fils de l’homme. Nous avons expliqué ce nom mystérieux dans notre commentaire sur le premier évangile (p. 161 et s.). Notre-Seigneur se le donne à lui-même quatre-vingts fois environ dans les écrits évangéliques (d’après Westcott : S. Matth. trente fois, S. Marc treize fois, S. Luc vingt-cinq fois, S. Jean douze fois. Le P. Patrizi, In Joan. Comment. p. 26, établit une règle assez exacte à propos de son emploi : « Tu noteras que le Christ s’est appelé ainsi en certaines circonstances, surtout quand il s’attribue des choses qui sont divines ou qui excèdent la nature humaine. Il s’appelle autrement quand il parle des choses pour lui avilissantes, mais pour nous salutaires, qu’il endurait ou qu’il était sur le point d’endurer ». Cf. S. August., De cons. Evang., 1. - Combien de titres attribués à Jésus dans le cours de ce chapitre ! Il est le Verbe (versets 1, 14), la lumière par excellence (verset 9), le Fils unique du Père (verset 14), le Fils de Dieu (versets 34, 49), l’agneau de Dieu (verset 36), un maître révéré (versets 38, 49), le Messie (verset 41, 45), le roi d’Israël (verset 49), enfin le Fils de l’homme.