Jean 11, 19
beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
1480. L’Évangéliste montre ici la résurrection du mort, en exposant d’abord le dessein de le ressusciter, puis l’ordre de la résurrection .
A. L’INTENTION DU CHRIST DE RESSUSCITER LAZARE
Le Seigneur d’abord donne lieu à la mort , puis annonce son intention d’aller vers le lieu où Lazare était mort , enfin son intention de le ressusciter .
Le Christ donne lieu à la mort.
1481. Le Seigneur donne lieu à la mort en s’attardant au-delà du Jourdain; et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : QUAND DONC IL APPRIT QUE [CELUI-CI] ÉTAIT MALADE,ALORS IL DEMEURA DEUX JOURS DANS LE MÊME LIEU. Par là il signale que le jour même où le Christ reçut le message des sœurs de Lazare, Lazare mourut; car quand le Christ vint là, au lieu où il mourut, c’était déjà le quatrième jour. Or le Christ, après avoir reçu le message, demeura deux jours dans le même lieu, et le jour suivant se rendit en Judée.
S’il donna lieu à la mort [en tardant] tant de jours, c’est pour deux raisons. D’abord certes pour que la mort de Lazare ne fût pas empêchée par sa présence : car là où la vie est présente, la mort n’a pas lieu. Ensuite, pour que le miracle soit rendu plus crédible et que personne ne puisse dire qu’il l’a ressuscité alors qu’il n’était pas encore mort mais plutôt plongé dans la torpeur .
Le Christ manifeste son dessein de se rendre au lieu de la mort de Lazare.
1482. Le Seigneur manifeste ici le dessein qu’il a de se rendre au lieu [où Lazare était mort]; d’abord il annonce son dessein; puis, à la suite de cela, est notée la crainte des disciples ; enfin, le Seigneur chasse leur crainte .
1483. Là on se demande pourquoi ici seulement il a annoncé aux Apôtres qu’il lui fallait se rendre à nouveau en Judée, alors qu’il ne l’a pas fait ailleurs.
La raison en est que les Juifs avaient récemment persécuté le Christ en Judée, de sorte qu’ils l’avaient presque lapidé. Aussi, à cause de cela, il s’était éloigné de là. C’est pourquoi on doit croire que, le Christ voulant se rendre là-bas une seconde fois, la crainte envahissait le cœur des disciples. Et parce que "les javelots que l’on voit arriver portent moins et que les maux qui sont prévus sont plus facilement supportés", comme le dit Grégoire, le Seigneur, pour enlever leur crainte, leur révèle quel dessein il a en se déplaçant.
Le fait qu’il retourne de nouveau en Judée donne à entendre, au sens mystique, que le Seigneur, à la fin du monde, doit revenir de nouveau vers les Juifs pour qu’ils se tournent vers le Christ La cécité a frappé en Israël [au moins en partie,] jusqu’à ce que soit entrée la plénitude des nations .
1484. L’Évangéliste montre la crainte des disciples. C’est comme si ceux-ci disaient : il semble que de toi-même tu ailles à la mort. Mais cette crainte est irraisonnable, parce que les disciples avaient avec eux Dieu comme protecteur, et celui qui est avec lui ne doit pas craindre — Présentons-nous ensemble : qui est mon adversaire ? — Le Seigneur est ma lumière et mon salut : qui craindrai-je ?
1485. Le Seigneur chasse cette crainte en confortant ses disciples. L’Evangéliste expose d’abord le conditionnement du temps, puis il montre quel temps est propice pour la marche et quel temps ne l’est pas .
1486. Pour l’intelligence de ce passage, il faut savoir qu’il y a trois interprétations. L’une est de Chrysostome. N’Y A-T-IL PAS DOUZE HEURES DE JOUR? comme si on disait vous hésitez à monter en Judée parce que récemment les Juifs ont voulu me lapider; mais le jour a douze heures et ce qui arrive dans une, n’arrive pas dans l’autre. C’est pourquoi, bien qu’alors ils aient voulu me lapider, à une autre heure ils ne le veulent pas — il y a un moment pour tout — Pour toute affaire il y a un temps et un moment favorable .
1487. Mais ici se présente une question littérale, parce qu’on parle soit du jour naturel, soit du jour artificiel Si on parle du jour naturel, alors ce qu’il dit est faux, puisqu’il n’a pas douze mais vingt-quatre heures. Semblablement, si on parle du jour artificiel , ce qu’il dit est faux, parce que cela n’est vrai qu’au moment de l’équinoxe, seulement quand les jours sont égaux aux nuits.
Mais on répondra à cela qu’il faut l’entendre du jour artificiel, parce que chaque jour artificiel a douze heures. On divise en effet les heures des jours artificiels de deux manières : certaines sont égales, d’autres sont inégales. On divise celles qui sont égales selon le cercle de l’équinoxe, et selon cette [manière de faire] tous les jours n’ont pas douze heures, mais les uns plus, les autres moins, sauf seulement à l’équinoxe. On distingue les heures inégales selon les ascensions [des constellations] du zodiaque, à cause de son obliquité, parce que le zodiaque ne monte pas d’une manière égale dans toutes ses parties — c’est à l’équinoxe que c’est égal. Et chaque jour artificiel possède douze de ces heures inégales. Parce que, chaque jour, six constellations montent durant le jour, et six durant la nuit; mais celles qui montent en été sont d’une ascension plus lente que celles qui montent en hiver. L’ascension de chaque constellation fait deux heures .
1488. SI QUELQU’UN MARCHE PENDANT LE JOUR, c’est-à-dire d’une manière droite et sans la conscience d’aucun mal — Marchons dans la droiture comme durant le jour —, IL NE BUTE PAS, il ne rencontre rien qui lui nuise. Et cela PARCE QU’IL VOIT LA LUMIÈRE DE CE MONDE, c’est-à-dire que la lumière de la justice est en lui — La lumière s’est levée pour le juste, et pour les cœurs droits une joie . C’est comme si le Seigneur disait : nous pouvons aller en sécurité puisque nous marchons pendant le jour .
1489. SI QUELQU’UN MARCHE LA NUIT, celle des iniquités, il rencontrera facilement de nombreux dangers. De cette nuit, il est dit Ceux qui dorment, dorment la nuit . Et un tel homme BUTE, c’est-à-dire trébuche, PARCE QUE LA LUMIÈRE, celle de la justice, N’EST PAS EN LUI –
1490. Un certain Grec, Théophylacte , explicite ce passage d’une autre manière à partir de : SI QUELQU’UN MARCHE PENDANT LE JOUR, en disant que le jour est la présence du Christ dans le monde, et la nuit le temps qui suit sa Passion. De sorte que le sens est celui-ci : il ne faut pas craindre de la part des Juifs, parce que tant que moi je suis dans le monde, le danger n’est pas menaçant pour vous, mais pour moi. C’est pourquoi, quand les Juifs voulurent le prendre, le Seigneur dit aux foules : "Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez ceux — là s'en aller." Afin que s'accomplît la parole qu’il avait dite : Ceux que tu m’as donnés, je n'en ai pas perdu un . Mais pendant la nuit, c’est-à-dire durant le temps qui suit la Passion, vous devez craindre d’aller en Judée parce que vous souffrirez la persécution des Juifs — Frappe le pasteur, et alors, après que le pasteur aura été frappé, les brebis seront dispersées .
1491. Augustin explicite ce passage d’une autre manière. Par le jour, on entend le Christ Tant qu’il fait jour, il me faut œuvrer aux œuvres de celui qui m’a envoyé […]. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde . Donc les douze heures de ce jour sont les douze Apôtres — Ne vous ai-je pas choisis, vous les Douze ? Mais il faut craindre beaucoup ce qui suit Et l’un de vous est un démon. Judas donc n’était pas une heure de ce jour, parce qu’il ne brillait pas. Mais il faut comprendre que quand le Seigneur a parlé [des douze heures] il n’avait pas en vue Judas mais son successeur Matthias.
Le sens de cette parole : N’Y A-T-IL PAS DOUZE HEURES DE JOUR? revient donc à dire : vous êtes les heures, moi je suis le jour. Si donc les heures suivent le jour, ainsi vous devez me suivre. C’est pourquoi, si moi je veux aller en Judée, vous ne devez pas me précéder ni changer ma volonté, mais vous devez me suivre. Semblablement il dit à Pierre : Va derrière moi, Satan , c’est-à-dire : ne me précède pas, mais suis-moi en imitant ma volonté.
SI QUELQU’UN MARCHE PENDANT LE JOUR, autrement dit : vous ne devez pas craindre le danger, parce que vous marchez avec moi qui suis le Jour l. C’est pourquoi, comme celui qui marche dans le jour ne trébuche pas, c’est-à-dire NE BUTE PAS, ainsi vous non plus qui marchez avec moi — Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Et ceci PARCE QU’IL VOIT LA LUMIÈRE DE CE MONDE, c’est-à-dire qu’il me voit. S’IL MARCHE LA NUIT, dans les ténèbres de l’ignorance et du péché, alors IL BUTE. Et ceci PARCE QUE LA LUMIÈRE, c’est-à-dire la lumière spirituelle, N’EST PAS EN LUI non certes à cause d’un manque de lumière, mais à cause de la rébellion [de l’ignorance et du péché] — Ceux-ci furent rebelles à la lumière .
Le Christ manifeste son dessein de ressusciter Lazare.
. Plus haut, le Seigneur a annoncé l’intention qu’il avait de se rendre dans le lieu de celui qui était mort; ici, il dévoile son intention de le relever.
D’abord il annonce l’intention elle-même, en quelque sorte d’une manière implicite et obscure. Ensuite, l’Evangéliste montre la lenteur d’intelligence des disciples . Puis le Seigneur révèle son intention elle-même d’une manière plus manifeste .
1493. IL DIT CELA, ET ENSUITE IL LEUR DIT, autrement dit : une fois dit ce qui a été exposé plus haut, il dit à ses disciples : LAZARE, NOTRE AMI, DORT. Cela certes, selon Chrysostome, semble constituer une seconde raison chassant la crainte des disciples; car la première procédait de l’innocence des disciples, parce que celui qui marche pendant le jour ne bute pas. Celle-ci est prise à partir d’une nécessité imminente; en quelque sorte il est nécessaire de partir.
1494. C’est pourquoi, à ce sujet, le Seigneur fait trois choses. D’abord il rappelle l’amitié ancienne de celui qui est mort, en disant : LAZARE, NOTRE AMI, ami à cause des nombreux bienfaits et de la faveur qu’il nous a montrés. Et c’est pourquoi nous ne devons pas lui manquer dans la nécessité — Celui qui ne fait pas cas d’un dommage à cause de l’ami, est juste
1495. Puis il montre l’imminence de la nécessité il DORT. C’est pourquoi il faut lui venir en aide — C’est dans la détresse qu’on reconnaît vraiment un frère Il dort, comme le dit Augustin, pour le Seigneur; mais il était mort pour les hommes qui ne pouvaient le relever.
Il faut savoir en effet que le sommeil est pris en de nombreux sens. Parfois pour le sommeil naturel : Samuel dormit jusqu’au matin et : Tu dormiras tranquille ; parfois pour le sommeil de la mort — Nous ne voulons pas que vous soyez ignorants au sujet de ceux qui sont endormis, de sorte que vous ne soyez pas attristés comme tous les autres qui n’ont pas l’espérance ; parfois pour la négligence — Voici qu’il ne sommeillera pas, qu’il ne dormira pas, celui qui garde Israël . Mais parfois aussi pour le sommeil de la faute — Eveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts parfois pour le repos de la contemplation — Je dors, et mon cœur veille ; parfois pour le repos de la gloire future — En paix tout à la fois je m’endors et me repose .
On parle de la mort comme d’un sommeil à cause de l’espérance de la résurrection . C’est pourquoi on a l’habitude d’appeler la mort une dormition, depuis le moment où le Christ est mort et est ressuscité — Et moi, j’ai dormi, je me suis endormi, et je me suis relevé parce que le Seigneur m’a soutenu .
1496. Enfin il montre le pouvoir qu’il a de ressusciter, lorsqu’il dit : MAIS JE M’EN VAIS LE TIRER DU SOMMEIL. En cela il donne à entendre qu’il le ferait sortir du sépulcre avec autant de facilité que toi, tu réveilles celui qui dort dans son lit . Ce n’est pas étonnant, car il est lui-même celui qui relève les morts et les vivifie . C’est pourquoi lui-même dit Elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu .
1497. L’Évangéliste montre ensuite la lenteur d’intelligence des disciples.
Il expose d’abord le signe de leur lenteur, à savoir qu’ils ne répondirent pas selon l’intention du Seigneur; puis leur lenteur est montrée d’une façon manifeste .
1498. Il faut savoir que ce que le Seigneur avait dit du sommeil de la mort, ceux-ci le comprirent du sommeil naturel. Et parce que le sommeil des malades est d’ordinaire l’indice de la guérison , les disciples lui dirent SEIGNEUR, S’IL DORT, IL SERA SAUVÉ, comme s’ils disaient : ceci est manifestement un signe de guérison. De telle sorte qu’ensuite, ils concluraient Seigneur, s’il dort, il ne semble donc pas utile que toi, tu ailles le réveiller.
1499. Il montre ici la lenteur elle-même. Jusqu’alors en effet, ils étaient sans intelligence — L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l’Esprit de Dieu C’est pourquoi aussi le Seigneur leur dit : Et vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence ? Il est dit du sage : Il sera attentif à la parabole et à son interprétation, aux paroles des sages et à leurs énigmes .
1500. Le Seigneur manifeste ensuite explicitement son intention de le relever. D’abord il leur annonce la mort de Lazare, ce qui relève de sa science. Ensuite, il laisse entendre l’affection qu’il éprouve au sujet de sa mort, ce qui relève de sa providence . Puis il leur fait comprendre son dessein d’aller auprès du mort, ce qui relève de sa clémence .
1501. Il annonce la mort en disant clairement : LAZARE EST MORT, il a subi la loi commune de la mort qu’aucun homme ne peut esquiver — Quel est l’homme qui vivra et ne verra pas la mort ?
1502. Il montre son affection au sujet de sa mort, en disant : JE ME RÉJOUIS À CAUSE DE VOUS DE N’AVOIR PAS ÉTÉ LÀ, AFIN QUE VOUS CROYIEZ, ce qui peut être expliqué de deux manières.
D’une première manière, ainsi : nous, nous avons appris la maladie de Lazare; mais moi, alors que je suis absent, j’annonce sa mort, ET JE ME RÉJOUIS À CAUSE DE VOUS, c’est-à-dire pour votre intérêt, pour qu’à partir de là vous tiriez l’expérience de ma divinité, parce que, dans l’absence [de la réalité], je vois — Tout est nu et découvert à ses yeux . Ce n’est pas étonnant, parce qu’il est lui-même présent à toutes choses — Est-ce que le ciel et la terre, je ne les remplis pas ? AFIN QUE VOUS CROYIEZ : non afin qu’ils commencent à croire à nouveau, mais pour qu’ils croient davantage et d’une manière plus, vigoureuse — Je crois Seigneur, viens en aide à mon incrédulité .
D’une autre manière, ainsi : JE ME RÉJOUIS qu’il soit mort et ceci, À CAUSE DE VOUS, pour votre intérêt, AFIN QUE VOUS CROYIEZ. Car si j’avais été là, il ne serait pas mort. Mais parce qu’il est mort, le miracle apparaîtra plus grand lorsque je ressusciterai un mort déjà livré à la corruption; et à cause de cela, vous serez davantage fortifiés dans la foi . En effet, c’est plus grand de relever un mort que de préserver un vivant de la mort. Par là est donné à entendre que parfois les maux sont source de joie, en tant qu’ils sont ordonnés au bien — Pour ceux qui aiment Dieu, toutes choses coopèrent au bien.
1503. Puis il leur fait comprendre son dessein de partir en disant : MAIS ALLONS VERS LUI – En cela, il montre la clémence de Dieu en tant qu’il attire, en les devançant miséricordieusement, les hommes qui se trouvent dans le péché et qui sont comme morts, n’étant pas capables par eux-mêmes d’aller vers lui, selon cette parole. D’un amour éternel je t’ai aimé, c’est pourquoi je t’ai attiré, en ayant pitié de toi .
1504. Ici est notée l’affection des disciples, qui peut être expliquée de deux manières, soit comme celle de celui qui doute, soit comme celle de celui qui aime. Elle est expliquée par Chrysostome de la première manière. Car, comme on l’a dit plus haut, tous les disciples craignaient les Juifs, et plus que les autres, Thomas. Car avant la Passion, il était plus faible que les autres et plus infidèle, lui qui cependant, plus tard, a été rendu plus fort et irréprochable, qui seul a parcouru toute la terre. C’est pourquoi, à cause de ce doute, il dit aux autres disciples : ALLONS, NOUS AUSSI, POUR MOURIR AVEC LUI, comme s’il disait lui il ne craint pas la mort, il veut y aller tout entier, voulant se livrer à la mort, et nous avec lui.
Augustin explique [cette parole] de la seconde manière. En effet, Thomas et les autres disciples aimaient tellement le Christ qu’ils voulaient, soit vivre avec lui présent, soit mourir avec lui, pour ne pas rester abandonnés et donc inconsolés après sa mort. C’est pourquoi, à cause de cet amour, Thomas dit aux autres disciples : ALLONS, NOUS AUSSI, POUR MOURIR AVEC LUI; autrement dit il veut s’en aller, le danger de la mort le menace. Et nous, resterons-nous afin de vivre? Loin de là! Allons plutôt, POUR MOURIR AVEC LUI — Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons . — Si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts .
B. L’ORDRE DE LA RÉSURRECTION
. Après avoir annoncé le relèvement de celui qui est mort , l’Evangéliste décrit ici l’ordre de la résurrection. Il commence par montrer ce qui se rapporte aux autres : d’abord la condition de celui qui est mort ; ensuite la consolation des foules à l’égard des deux sœurs ; enfin la dévotion de ces dernières .
Puis il met en avant ce qui convient à l’affection du Christ , et en dernier lieu il présente l’accomplissement du relèvement .
La condition de celui qui est mort, la consolation des deux sœurs et leur dévotion.
1506. La condition de celui qui est mort est décrite quant au moment de la mort; elle datait de quatre jours JÉSUS VINT ET LE TROUVA MORT DEPUIS QUATRE JOURS DÉJÀ; et quant au lieu : DANS LE TOMBEAU. A partir de cela il apparaît, selon le sens littéral, comme on l’a dit plus haut, qu’il mourut le jour où la maladie fut annoncée [au Seigneur].
1507. Selon Augustin , par ces quatre jours on signifie quatre morts différentes . Le premier jour est celui du péché originel que l’homme tire de la lignée de la mort — Par un seul homme, le péché est entré dans le monde . Les trois autres jours se rapportent à la mort du péché actuel. Car tout péché mortel est appelé mort, selon cette parole du psaume : La mort des pécheurs est très mauvaise . Et ces trois jours se divisent selon la transgression de trois lois. D’abord celle de la loi naturelle que les hommes ont transgressée; et c’est le second jour de la mort — Ils ont transgressé la Loi et le pacte éternel , c’est-à-dire la loi naturelle. Ensuite celle de la Loi écrite, que les hommes ont aussi transgressée; et ainsi c’est le troisième jour — Moïse ne vous a-t-il pas donné la Loi? Et aucun d’entre vous n’accomplit la Loi . Enfin celle de la loi de l’Evangile et de la grâce, que les hommes ont transgressée. Et c’est le quatrième jour, plus grave que tous les autres — Celui qui rejette la Loi de Moïse est mis à mort sans aucune pitié, sur la parole de deux ou trois témoins. D’un châtiment combien plus grave pensez-vous que sera jugé digne celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l’alliance par lequel il a été sanctifié, et aura outragé l’Esprit de la grâce ?
Mais, d’une autre manière , le premier jour est le péché du cœur — Enlevez le mal de vos pensées . Le second jour est le péché de la bouche — Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche". Le troisième jour est le péché des œuvres, dont il est dit : Cessez d’agir d’une manière perverse . Le quatrième jour est le péché des habitudes mauvaises au sujet duquel il est dit : Ainsi vous aussi, vous auriez pu faire le bien, alors que vous avez appris le mal .
Cependant, de quelque manière que l’on interprète, le Seigneur guérit parfois ceux qui sont morts depuis quatre jours, c’est-à-dire ceux qui ont transgressé la loi de l’Évangile et sont retenus dans l’habitude du péché.
1508. On décrit ensuite la condition de ceux qui viennent visiter [les deux sœurs], quant à l’opportunité de la visite, et quant à leur nombre.
Quant à l’opportunité, certes, parce que le lieu du mort était proche de’Jérusalem; c’est pourquoi ’Evangéliste dit : BÉTHANIE ÉTAIT PROCHE DE JÉRUSALEM, À ENVIRON QUINZE STADES, ce qui faisait presque deux milles; car un mille a huit stades. Et ainsi, pour de nombreux Juifs de Jérusalem, venir en ce lieu était manifestement facile.
Au sens mystique, par Béthanie qui a le sens de "maison de l’obéissance ", et par Jérusalem qui a le sens de "vision de paix", il est donné à entendre que ceux qui sont dans l’état d’obéissance sont proches de la paix de la vie éternelle — Mes brebis écoutent ma voix et moi, je leur donne la vie éternelle . Et on dit "quinze stades", parce que celui qui veut, de Béthanie, c’est-à-dire de l’état d’obéissance, aller dans la Jérusalem céleste, doit franchir quinze stades. D’abord sept, qui se rapportent à l’observance de l’ancienne Loi, car le nombre sept se rapporte à l’ancienne Loi qui sanctifie le septième jour. Ensuite huit, pour l’accomplissement du Nouveau Testament auquel se rapporte le nombre huit, à cause de l’octave de la Résurrection.
La condition de ceux qui viennent visiter les deux sœurs est décrite quant au nombre, parce qu’ils sont nombreux. C’est pourquoi l’Evangéliste dit BEAUCOUP DE JUIFS ÉTAIENT VENUS VERS MARTHE ET MARIE, POUR LES CONSOLER. C’était certes de la piété — Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent. — Ne manque pas de consoler ceux qui pleurent
1509. Puis l’Évangéliste décrit les [deux] sœurs, d’abord Marthe, puis Marie .
Il décrit Marthe sous trois aspects. D’abord en tant qu’elle est accourue au-devant du Christ, puis quant à l’amour de dévotion qu’elle a témoigné au Christ , enfin quant au progrès d’instruction auquel le Christ l’éleva .
A. L’INTENTION DU CHRIST DE RESSUSCITER LAZARE
Le Seigneur d’abord donne lieu à la mort , puis annonce son intention d’aller vers le lieu où Lazare était mort , enfin son intention de le ressusciter .
Le Christ donne lieu à la mort.
1481. Le Seigneur donne lieu à la mort en s’attardant au-delà du Jourdain; et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : QUAND DONC IL APPRIT QUE [CELUI-CI] ÉTAIT MALADE,ALORS IL DEMEURA DEUX JOURS DANS LE MÊME LIEU. Par là il signale que le jour même où le Christ reçut le message des sœurs de Lazare, Lazare mourut; car quand le Christ vint là, au lieu où il mourut, c’était déjà le quatrième jour. Or le Christ, après avoir reçu le message, demeura deux jours dans le même lieu, et le jour suivant se rendit en Judée.
S’il donna lieu à la mort [en tardant] tant de jours, c’est pour deux raisons. D’abord certes pour que la mort de Lazare ne fût pas empêchée par sa présence : car là où la vie est présente, la mort n’a pas lieu. Ensuite, pour que le miracle soit rendu plus crédible et que personne ne puisse dire qu’il l’a ressuscité alors qu’il n’était pas encore mort mais plutôt plongé dans la torpeur .
Le Christ manifeste son dessein de se rendre au lieu de la mort de Lazare.
1482. Le Seigneur manifeste ici le dessein qu’il a de se rendre au lieu [où Lazare était mort]; d’abord il annonce son dessein; puis, à la suite de cela, est notée la crainte des disciples ; enfin, le Seigneur chasse leur crainte .
1483. Là on se demande pourquoi ici seulement il a annoncé aux Apôtres qu’il lui fallait se rendre à nouveau en Judée, alors qu’il ne l’a pas fait ailleurs.
La raison en est que les Juifs avaient récemment persécuté le Christ en Judée, de sorte qu’ils l’avaient presque lapidé. Aussi, à cause de cela, il s’était éloigné de là. C’est pourquoi on doit croire que, le Christ voulant se rendre là-bas une seconde fois, la crainte envahissait le cœur des disciples. Et parce que "les javelots que l’on voit arriver portent moins et que les maux qui sont prévus sont plus facilement supportés", comme le dit Grégoire, le Seigneur, pour enlever leur crainte, leur révèle quel dessein il a en se déplaçant.
Le fait qu’il retourne de nouveau en Judée donne à entendre, au sens mystique, que le Seigneur, à la fin du monde, doit revenir de nouveau vers les Juifs pour qu’ils se tournent vers le Christ La cécité a frappé en Israël [au moins en partie,] jusqu’à ce que soit entrée la plénitude des nations .
1484. L’Évangéliste montre la crainte des disciples. C’est comme si ceux-ci disaient : il semble que de toi-même tu ailles à la mort. Mais cette crainte est irraisonnable, parce que les disciples avaient avec eux Dieu comme protecteur, et celui qui est avec lui ne doit pas craindre — Présentons-nous ensemble : qui est mon adversaire ? — Le Seigneur est ma lumière et mon salut : qui craindrai-je ?
1485. Le Seigneur chasse cette crainte en confortant ses disciples. L’Evangéliste expose d’abord le conditionnement du temps, puis il montre quel temps est propice pour la marche et quel temps ne l’est pas .
1486. Pour l’intelligence de ce passage, il faut savoir qu’il y a trois interprétations. L’une est de Chrysostome. N’Y A-T-IL PAS DOUZE HEURES DE JOUR? comme si on disait vous hésitez à monter en Judée parce que récemment les Juifs ont voulu me lapider; mais le jour a douze heures et ce qui arrive dans une, n’arrive pas dans l’autre. C’est pourquoi, bien qu’alors ils aient voulu me lapider, à une autre heure ils ne le veulent pas — il y a un moment pour tout — Pour toute affaire il y a un temps et un moment favorable .
1487. Mais ici se présente une question littérale, parce qu’on parle soit du jour naturel, soit du jour artificiel Si on parle du jour naturel, alors ce qu’il dit est faux, puisqu’il n’a pas douze mais vingt-quatre heures. Semblablement, si on parle du jour artificiel , ce qu’il dit est faux, parce que cela n’est vrai qu’au moment de l’équinoxe, seulement quand les jours sont égaux aux nuits.
Mais on répondra à cela qu’il faut l’entendre du jour artificiel, parce que chaque jour artificiel a douze heures. On divise en effet les heures des jours artificiels de deux manières : certaines sont égales, d’autres sont inégales. On divise celles qui sont égales selon le cercle de l’équinoxe, et selon cette [manière de faire] tous les jours n’ont pas douze heures, mais les uns plus, les autres moins, sauf seulement à l’équinoxe. On distingue les heures inégales selon les ascensions [des constellations] du zodiaque, à cause de son obliquité, parce que le zodiaque ne monte pas d’une manière égale dans toutes ses parties — c’est à l’équinoxe que c’est égal. Et chaque jour artificiel possède douze de ces heures inégales. Parce que, chaque jour, six constellations montent durant le jour, et six durant la nuit; mais celles qui montent en été sont d’une ascension plus lente que celles qui montent en hiver. L’ascension de chaque constellation fait deux heures .
1488. SI QUELQU’UN MARCHE PENDANT LE JOUR, c’est-à-dire d’une manière droite et sans la conscience d’aucun mal — Marchons dans la droiture comme durant le jour —, IL NE BUTE PAS, il ne rencontre rien qui lui nuise. Et cela PARCE QU’IL VOIT LA LUMIÈRE DE CE MONDE, c’est-à-dire que la lumière de la justice est en lui — La lumière s’est levée pour le juste, et pour les cœurs droits une joie . C’est comme si le Seigneur disait : nous pouvons aller en sécurité puisque nous marchons pendant le jour .
1489. SI QUELQU’UN MARCHE LA NUIT, celle des iniquités, il rencontrera facilement de nombreux dangers. De cette nuit, il est dit Ceux qui dorment, dorment la nuit . Et un tel homme BUTE, c’est-à-dire trébuche, PARCE QUE LA LUMIÈRE, celle de la justice, N’EST PAS EN LUI –
1490. Un certain Grec, Théophylacte , explicite ce passage d’une autre manière à partir de : SI QUELQU’UN MARCHE PENDANT LE JOUR, en disant que le jour est la présence du Christ dans le monde, et la nuit le temps qui suit sa Passion. De sorte que le sens est celui-ci : il ne faut pas craindre de la part des Juifs, parce que tant que moi je suis dans le monde, le danger n’est pas menaçant pour vous, mais pour moi. C’est pourquoi, quand les Juifs voulurent le prendre, le Seigneur dit aux foules : "Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez ceux — là s'en aller." Afin que s'accomplît la parole qu’il avait dite : Ceux que tu m’as donnés, je n'en ai pas perdu un . Mais pendant la nuit, c’est-à-dire durant le temps qui suit la Passion, vous devez craindre d’aller en Judée parce que vous souffrirez la persécution des Juifs — Frappe le pasteur, et alors, après que le pasteur aura été frappé, les brebis seront dispersées .
1491. Augustin explicite ce passage d’une autre manière. Par le jour, on entend le Christ Tant qu’il fait jour, il me faut œuvrer aux œuvres de celui qui m’a envoyé […]. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde . Donc les douze heures de ce jour sont les douze Apôtres — Ne vous ai-je pas choisis, vous les Douze ? Mais il faut craindre beaucoup ce qui suit Et l’un de vous est un démon. Judas donc n’était pas une heure de ce jour, parce qu’il ne brillait pas. Mais il faut comprendre que quand le Seigneur a parlé [des douze heures] il n’avait pas en vue Judas mais son successeur Matthias.
Le sens de cette parole : N’Y A-T-IL PAS DOUZE HEURES DE JOUR? revient donc à dire : vous êtes les heures, moi je suis le jour. Si donc les heures suivent le jour, ainsi vous devez me suivre. C’est pourquoi, si moi je veux aller en Judée, vous ne devez pas me précéder ni changer ma volonté, mais vous devez me suivre. Semblablement il dit à Pierre : Va derrière moi, Satan , c’est-à-dire : ne me précède pas, mais suis-moi en imitant ma volonté.
SI QUELQU’UN MARCHE PENDANT LE JOUR, autrement dit : vous ne devez pas craindre le danger, parce que vous marchez avec moi qui suis le Jour l. C’est pourquoi, comme celui qui marche dans le jour ne trébuche pas, c’est-à-dire NE BUTE PAS, ainsi vous non plus qui marchez avec moi — Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Et ceci PARCE QU’IL VOIT LA LUMIÈRE DE CE MONDE, c’est-à-dire qu’il me voit. S’IL MARCHE LA NUIT, dans les ténèbres de l’ignorance et du péché, alors IL BUTE. Et ceci PARCE QUE LA LUMIÈRE, c’est-à-dire la lumière spirituelle, N’EST PAS EN LUI non certes à cause d’un manque de lumière, mais à cause de la rébellion [de l’ignorance et du péché] — Ceux-ci furent rebelles à la lumière .
Le Christ manifeste son dessein de ressusciter Lazare.
. Plus haut, le Seigneur a annoncé l’intention qu’il avait de se rendre dans le lieu de celui qui était mort; ici, il dévoile son intention de le relever.
D’abord il annonce l’intention elle-même, en quelque sorte d’une manière implicite et obscure. Ensuite, l’Evangéliste montre la lenteur d’intelligence des disciples . Puis le Seigneur révèle son intention elle-même d’une manière plus manifeste .
1493. IL DIT CELA, ET ENSUITE IL LEUR DIT, autrement dit : une fois dit ce qui a été exposé plus haut, il dit à ses disciples : LAZARE, NOTRE AMI, DORT. Cela certes, selon Chrysostome, semble constituer une seconde raison chassant la crainte des disciples; car la première procédait de l’innocence des disciples, parce que celui qui marche pendant le jour ne bute pas. Celle-ci est prise à partir d’une nécessité imminente; en quelque sorte il est nécessaire de partir.
1494. C’est pourquoi, à ce sujet, le Seigneur fait trois choses. D’abord il rappelle l’amitié ancienne de celui qui est mort, en disant : LAZARE, NOTRE AMI, ami à cause des nombreux bienfaits et de la faveur qu’il nous a montrés. Et c’est pourquoi nous ne devons pas lui manquer dans la nécessité — Celui qui ne fait pas cas d’un dommage à cause de l’ami, est juste
1495. Puis il montre l’imminence de la nécessité il DORT. C’est pourquoi il faut lui venir en aide — C’est dans la détresse qu’on reconnaît vraiment un frère Il dort, comme le dit Augustin, pour le Seigneur; mais il était mort pour les hommes qui ne pouvaient le relever.
Il faut savoir en effet que le sommeil est pris en de nombreux sens. Parfois pour le sommeil naturel : Samuel dormit jusqu’au matin et : Tu dormiras tranquille ; parfois pour le sommeil de la mort — Nous ne voulons pas que vous soyez ignorants au sujet de ceux qui sont endormis, de sorte que vous ne soyez pas attristés comme tous les autres qui n’ont pas l’espérance ; parfois pour la négligence — Voici qu’il ne sommeillera pas, qu’il ne dormira pas, celui qui garde Israël . Mais parfois aussi pour le sommeil de la faute — Eveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts parfois pour le repos de la contemplation — Je dors, et mon cœur veille ; parfois pour le repos de la gloire future — En paix tout à la fois je m’endors et me repose .
On parle de la mort comme d’un sommeil à cause de l’espérance de la résurrection . C’est pourquoi on a l’habitude d’appeler la mort une dormition, depuis le moment où le Christ est mort et est ressuscité — Et moi, j’ai dormi, je me suis endormi, et je me suis relevé parce que le Seigneur m’a soutenu .
1496. Enfin il montre le pouvoir qu’il a de ressusciter, lorsqu’il dit : MAIS JE M’EN VAIS LE TIRER DU SOMMEIL. En cela il donne à entendre qu’il le ferait sortir du sépulcre avec autant de facilité que toi, tu réveilles celui qui dort dans son lit . Ce n’est pas étonnant, car il est lui-même celui qui relève les morts et les vivifie . C’est pourquoi lui-même dit Elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu .
1497. L’Évangéliste montre ensuite la lenteur d’intelligence des disciples.
Il expose d’abord le signe de leur lenteur, à savoir qu’ils ne répondirent pas selon l’intention du Seigneur; puis leur lenteur est montrée d’une façon manifeste .
1498. Il faut savoir que ce que le Seigneur avait dit du sommeil de la mort, ceux-ci le comprirent du sommeil naturel. Et parce que le sommeil des malades est d’ordinaire l’indice de la guérison , les disciples lui dirent SEIGNEUR, S’IL DORT, IL SERA SAUVÉ, comme s’ils disaient : ceci est manifestement un signe de guérison. De telle sorte qu’ensuite, ils concluraient Seigneur, s’il dort, il ne semble donc pas utile que toi, tu ailles le réveiller.
1499. Il montre ici la lenteur elle-même. Jusqu’alors en effet, ils étaient sans intelligence — L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l’Esprit de Dieu C’est pourquoi aussi le Seigneur leur dit : Et vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence ? Il est dit du sage : Il sera attentif à la parabole et à son interprétation, aux paroles des sages et à leurs énigmes .
1500. Le Seigneur manifeste ensuite explicitement son intention de le relever. D’abord il leur annonce la mort de Lazare, ce qui relève de sa science. Ensuite, il laisse entendre l’affection qu’il éprouve au sujet de sa mort, ce qui relève de sa providence . Puis il leur fait comprendre son dessein d’aller auprès du mort, ce qui relève de sa clémence .
1501. Il annonce la mort en disant clairement : LAZARE EST MORT, il a subi la loi commune de la mort qu’aucun homme ne peut esquiver — Quel est l’homme qui vivra et ne verra pas la mort ?
1502. Il montre son affection au sujet de sa mort, en disant : JE ME RÉJOUIS À CAUSE DE VOUS DE N’AVOIR PAS ÉTÉ LÀ, AFIN QUE VOUS CROYIEZ, ce qui peut être expliqué de deux manières.
D’une première manière, ainsi : nous, nous avons appris la maladie de Lazare; mais moi, alors que je suis absent, j’annonce sa mort, ET JE ME RÉJOUIS À CAUSE DE VOUS, c’est-à-dire pour votre intérêt, pour qu’à partir de là vous tiriez l’expérience de ma divinité, parce que, dans l’absence [de la réalité], je vois — Tout est nu et découvert à ses yeux . Ce n’est pas étonnant, parce qu’il est lui-même présent à toutes choses — Est-ce que le ciel et la terre, je ne les remplis pas ? AFIN QUE VOUS CROYIEZ : non afin qu’ils commencent à croire à nouveau, mais pour qu’ils croient davantage et d’une manière plus, vigoureuse — Je crois Seigneur, viens en aide à mon incrédulité .
D’une autre manière, ainsi : JE ME RÉJOUIS qu’il soit mort et ceci, À CAUSE DE VOUS, pour votre intérêt, AFIN QUE VOUS CROYIEZ. Car si j’avais été là, il ne serait pas mort. Mais parce qu’il est mort, le miracle apparaîtra plus grand lorsque je ressusciterai un mort déjà livré à la corruption; et à cause de cela, vous serez davantage fortifiés dans la foi . En effet, c’est plus grand de relever un mort que de préserver un vivant de la mort. Par là est donné à entendre que parfois les maux sont source de joie, en tant qu’ils sont ordonnés au bien — Pour ceux qui aiment Dieu, toutes choses coopèrent au bien.
1503. Puis il leur fait comprendre son dessein de partir en disant : MAIS ALLONS VERS LUI – En cela, il montre la clémence de Dieu en tant qu’il attire, en les devançant miséricordieusement, les hommes qui se trouvent dans le péché et qui sont comme morts, n’étant pas capables par eux-mêmes d’aller vers lui, selon cette parole. D’un amour éternel je t’ai aimé, c’est pourquoi je t’ai attiré, en ayant pitié de toi .
1504. Ici est notée l’affection des disciples, qui peut être expliquée de deux manières, soit comme celle de celui qui doute, soit comme celle de celui qui aime. Elle est expliquée par Chrysostome de la première manière. Car, comme on l’a dit plus haut, tous les disciples craignaient les Juifs, et plus que les autres, Thomas. Car avant la Passion, il était plus faible que les autres et plus infidèle, lui qui cependant, plus tard, a été rendu plus fort et irréprochable, qui seul a parcouru toute la terre. C’est pourquoi, à cause de ce doute, il dit aux autres disciples : ALLONS, NOUS AUSSI, POUR MOURIR AVEC LUI, comme s’il disait lui il ne craint pas la mort, il veut y aller tout entier, voulant se livrer à la mort, et nous avec lui.
Augustin explique [cette parole] de la seconde manière. En effet, Thomas et les autres disciples aimaient tellement le Christ qu’ils voulaient, soit vivre avec lui présent, soit mourir avec lui, pour ne pas rester abandonnés et donc inconsolés après sa mort. C’est pourquoi, à cause de cet amour, Thomas dit aux autres disciples : ALLONS, NOUS AUSSI, POUR MOURIR AVEC LUI; autrement dit il veut s’en aller, le danger de la mort le menace. Et nous, resterons-nous afin de vivre? Loin de là! Allons plutôt, POUR MOURIR AVEC LUI — Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons . — Si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts .
B. L’ORDRE DE LA RÉSURRECTION
. Après avoir annoncé le relèvement de celui qui est mort , l’Evangéliste décrit ici l’ordre de la résurrection. Il commence par montrer ce qui se rapporte aux autres : d’abord la condition de celui qui est mort ; ensuite la consolation des foules à l’égard des deux sœurs ; enfin la dévotion de ces dernières .
Puis il met en avant ce qui convient à l’affection du Christ , et en dernier lieu il présente l’accomplissement du relèvement .
La condition de celui qui est mort, la consolation des deux sœurs et leur dévotion.
1506. La condition de celui qui est mort est décrite quant au moment de la mort; elle datait de quatre jours JÉSUS VINT ET LE TROUVA MORT DEPUIS QUATRE JOURS DÉJÀ; et quant au lieu : DANS LE TOMBEAU. A partir de cela il apparaît, selon le sens littéral, comme on l’a dit plus haut, qu’il mourut le jour où la maladie fut annoncée [au Seigneur].
1507. Selon Augustin , par ces quatre jours on signifie quatre morts différentes . Le premier jour est celui du péché originel que l’homme tire de la lignée de la mort — Par un seul homme, le péché est entré dans le monde . Les trois autres jours se rapportent à la mort du péché actuel. Car tout péché mortel est appelé mort, selon cette parole du psaume : La mort des pécheurs est très mauvaise . Et ces trois jours se divisent selon la transgression de trois lois. D’abord celle de la loi naturelle que les hommes ont transgressée; et c’est le second jour de la mort — Ils ont transgressé la Loi et le pacte éternel , c’est-à-dire la loi naturelle. Ensuite celle de la Loi écrite, que les hommes ont aussi transgressée; et ainsi c’est le troisième jour — Moïse ne vous a-t-il pas donné la Loi? Et aucun d’entre vous n’accomplit la Loi . Enfin celle de la loi de l’Evangile et de la grâce, que les hommes ont transgressée. Et c’est le quatrième jour, plus grave que tous les autres — Celui qui rejette la Loi de Moïse est mis à mort sans aucune pitié, sur la parole de deux ou trois témoins. D’un châtiment combien plus grave pensez-vous que sera jugé digne celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l’alliance par lequel il a été sanctifié, et aura outragé l’Esprit de la grâce ?
Mais, d’une autre manière , le premier jour est le péché du cœur — Enlevez le mal de vos pensées . Le second jour est le péché de la bouche — Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche". Le troisième jour est le péché des œuvres, dont il est dit : Cessez d’agir d’une manière perverse . Le quatrième jour est le péché des habitudes mauvaises au sujet duquel il est dit : Ainsi vous aussi, vous auriez pu faire le bien, alors que vous avez appris le mal .
Cependant, de quelque manière que l’on interprète, le Seigneur guérit parfois ceux qui sont morts depuis quatre jours, c’est-à-dire ceux qui ont transgressé la loi de l’Évangile et sont retenus dans l’habitude du péché.
1508. On décrit ensuite la condition de ceux qui viennent visiter [les deux sœurs], quant à l’opportunité de la visite, et quant à leur nombre.
Quant à l’opportunité, certes, parce que le lieu du mort était proche de’Jérusalem; c’est pourquoi ’Evangéliste dit : BÉTHANIE ÉTAIT PROCHE DE JÉRUSALEM, À ENVIRON QUINZE STADES, ce qui faisait presque deux milles; car un mille a huit stades. Et ainsi, pour de nombreux Juifs de Jérusalem, venir en ce lieu était manifestement facile.
Au sens mystique, par Béthanie qui a le sens de "maison de l’obéissance ", et par Jérusalem qui a le sens de "vision de paix", il est donné à entendre que ceux qui sont dans l’état d’obéissance sont proches de la paix de la vie éternelle — Mes brebis écoutent ma voix et moi, je leur donne la vie éternelle . Et on dit "quinze stades", parce que celui qui veut, de Béthanie, c’est-à-dire de l’état d’obéissance, aller dans la Jérusalem céleste, doit franchir quinze stades. D’abord sept, qui se rapportent à l’observance de l’ancienne Loi, car le nombre sept se rapporte à l’ancienne Loi qui sanctifie le septième jour. Ensuite huit, pour l’accomplissement du Nouveau Testament auquel se rapporte le nombre huit, à cause de l’octave de la Résurrection.
La condition de ceux qui viennent visiter les deux sœurs est décrite quant au nombre, parce qu’ils sont nombreux. C’est pourquoi l’Evangéliste dit BEAUCOUP DE JUIFS ÉTAIENT VENUS VERS MARTHE ET MARIE, POUR LES CONSOLER. C’était certes de la piété — Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent. — Ne manque pas de consoler ceux qui pleurent
1509. Puis l’Évangéliste décrit les [deux] sœurs, d’abord Marthe, puis Marie .
Il décrit Marthe sous trois aspects. D’abord en tant qu’elle est accourue au-devant du Christ, puis quant à l’amour de dévotion qu’elle a témoigné au Christ , enfin quant au progrès d’instruction auquel le Christ l’éleva .
Beaucoup de Juifs. Avant l’arrivée du vrai Consolateur, d’autres
consolateurs, parents et amis de la famille, sont venus de Jérusalem à Béthanie. Le mot « Juifs » représente
ici le parti de l’opposition contre Jésus. Cf. verset 37 et 1, 19, etc. - Auprès de Marthe et de Marie. La
locution grecque est à remarquer, littéralement : vers celles qui entouraient Marthe et Marie. Ce n’est pas une
tournure oiseuse. « On ne rencontre pas souvent cette expression, sauf dans le cas de personnages illustres ou
de ceux qui faisaient partie du cercle de leurs amis ou de leurs ministres. On peut donc en déduire que
Marthe et Marie étaient membres de la haute classe », Lampe, Comment. in h. l. Conclusion d’autant plus
légitime, que, nous l’avons vu, d’autres considérations la favorisent aussi. La leçon πρὸς τὴν Μάρθαν καὶ
Μαριάμ des manuscrits N, B, C, L, X, etc., a tout l’air d’une correction tardive ; nous regrettons que des
critiques récents l’aient adoptée. - Pour les consoler. De tout temps les Juifs, formalistes comme tous les
Orientaux, ont eu leur étiquette de deuil, rigoureusement suivie. Cf. Gen. 50, 11 ; 1 Reg. 31, 13 ; Judith, 16,
14 ; Eccli. 22, 10 ; Josèphe, Antiq. 17, 8, 4 ; Buxtorf, Synagoga judaica, cap. 35 ; Keil, Biblische
Archaelogie, t. 2, p. 105 ; Smith, Dictionary of the Bible, s. v. Mourning, etc… Au retour de la procession
funéraire, Marthe et Marie, rentrées chez elles, s’assirent à terre, les pieds nus, la tête voilée, et les visites de
condoléance commencèrent. Leurs amis, assis auprès d’elles, manifestaient leur sympathie par de profonds
soupirs, mais sans rien dire, à moins qu’elles ne proférassent elles-mêmes les premières paroles ; ainsi le veut
l’usage. Les sept premiers jours surtout étaient consacrés aux visites, et considérés comme le temps d’un
deuil plus solennel. Du reste, ces rites subsistent encore en grande partie dans le judaïsme moderne. Cf.
Stauben, Scènes de la vie juive en Alsace, Paris 1860, p. 92 et ss. ; E. Coypel, le Judaïsme, esquisse des
mœurs juives, Mulhouse 1876, p. 159-162. Évidemment, dans la circonstance présente, c’est la Providence
qui avait conduit tous ces Juifs à Béthanie pour les rendre témoins, et témoins hostiles, témoins forcés, du
miracle de Jésus. - Au sujet de leur frère. Le pronom [mot grec] est omis par les manuscrits N, B, D, X.