Jean 11, 40

Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »

Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
Origène
Le retard que l'on mit à enlever cette pierre, vint de la sœur de Lazare ; si elle n'avait pas dit : « Il sent déjà mauvais, car il y a quatre jours qu'il est là, » Jésus n'eût pas été obligé de donner l'ordre d'ôter la pierre. Ils enlevèrent donc cette pierre, mais plus tard qu'elle n'aurait du l'être. Il est souverainement utile de ne mettre aucun intervalle entre les ordres de Jésus et leur exécution.
Saint Jean Chrysostome
Jésus ne répond rien à Marie, il ne lui tient pas le même langage qu'à sa sœur, il était environné d'une grande multitude, et ce n'était pas le moment de faire de longs discours, mais il s'abaisse, il s'humilie, et dévoile en lui les sentiments de la nature humaine. Comme il allait opérer un grand miracle qui devait lui gagner beaucoup de disciples, il s'entoure d'un grand nombre de témoins, et montre qu'il a véritablement pris notre nature : « Jésus la voyant pleurer, et les Juifs, qui étaient venus avec elle pleurer aussi, fut ému en lui-même et se troubla. »

Il ne veut pas se mettre en avant, et il veut être instruit par les autres et ne rien faire que sur leur prière, pour ne laisser aucune place au soupçon.

Il n'avait encore fait aucun miracle de résurrection, il leur paraissait donc ne se diriger vers le tombeau que pour pleurer sur Lazare, et non pour le ressusciter, c'est pour cela qu'ils lui disent : « Venez et voyez. » 

Ceux qui parlèrent ainsi étaient de ses ennemis, ils se servent pour le calomnier d'un fait qui aurait dû leur faire admirer sa puissance, c'est-à-dire, la guérison de l'aveugle-né, et ils se plaignent que Jésus n'ait pas empêché par un miracle Lazare de mourir. Une nouvelle preuve de leur perversité, c'est qu'ils prennent le rôle d'accusateurs avant même que Jésus soit arrivé au tombeau, et sans attendre l'issue de l'événement : « Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint au tombeau. » L'Evangéliste prend soin de répéter que Jésus pleura, et frémit en lui-même pour vous convaincre qu'il a pris véritablement notre nature. L'Evangéliste saint Jean nous a décrit les grandeurs du Verbe incarné, bien plus magnifiquement que ne l'ont fait les autres évangélistes, et par une même raison, il s'appesantit davantage sur ses humiliations.

Pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas ressuscité Lazare sans que la pierre fût ôtée ? Celui qui, d'une seule parole, rendit la vie et le mouvement à ce cadavre, ne pouvait-il pas, à plus forte raison, ôter la pierre qui fermait le tombeau ? Oui, sans doute, mais il ne l'a pas fait, parce qu'il voulait rendre les Juifs témoins de ce miracle, et les empêcher de dire ce qu'ils avaient dit de l'aveugle-né : « Ce n'est pas lui, » car leurs mains qui roulaient cette pierre et leur présence au tombeau attestaient d'une manière infaillible que c'était bien Lazare.

Elles peuvent servir aussi à fermer la bouche aux incrédules, et nous voyons ainsi concourir à la démonstration de ce miracle les mains qui ont ôté la pierre, les oreilles qui ont entendu la voix de Jésus-Christ, les yeux qui ont vu Lazare sortir du tombeau, et l'odorat qui sentait l'odeur que son cadavre exhalait.

Marthe ne se souvenait plus en effet de ce que Jésus-Christ lui avait dit : « Celui qui croit en moi fût-il mort, vivra. » En parlant à ses disciples, il leur avait dit : « Afin que le Fils de Dieu soit glorifié par cette maladie. » Ici il ne parle que de Dieu le Père, les dispositions imparfaites de ceux qui l'écoutaient le forçaient ainsi de modifier son langage. Il ne voulait point jeter le trouble dans l'âme de ceux qui étaient présents, et c'est pour cela qu'il dit à Marthe : « Vous verrez la gloire de Dieu. »
Saint Augustin
Ce n'est pas qu'il ignorât le lieu où Lazare était enseveli, mais il voulait éprouver la foi de ce peuple.

Qui pourrait le troubler, si ce n'est lui-même ? Jésus-Christ a été troublé parce qu'il l'a voulu, il a eu faim parce qu'il l'a voulu, il était en son pouvoir de se prêter ou de se soustraire à ces impressions, car le Verbe a pris une âme et un corps, et s'est uni la nature humaine tout entière en unité de personne ; or, là où se trouve une puissance souveraine, la faiblesse humaine ne peut être troublée qu'autant que cette puissance souveraine y consent.

Cette question du Sauveur est comme le symbole de notre vocation qui se passe dans le secret, car la prédestination de notre vocation est une chose cachée, et la marque qu'elle est secrète, c'est la question que fait le Seigneur sur ce sujet comme s'il l'ignorait, alors que c'est nous-mêmes qui l'ignorons. Ou bien peut-être est-ce parce que le Seigneur déclare dans un autre endroit qu'il ne connaît pas les pécheurs auxquels il dit : « Je ne vous connais pas, » (Mt 7, 25) parce que les péchés se commettent en dehors de la loi et de ses préceptes : « Ils lui répondirent : Seigneur, venez et voyez. »

Le Seigneur voit lorsqu'il a compassion, c'est pour celaque le Psalmiste lui dit : « Voyez mon humiliation et ma douleur, et pardonnez-moi tous mes crimes. » (Ps 24)

Or, pourquoi Jésus a-t-il pleuré ? pour enseigner aux hommes à verser eux-mêmes des larmes.

Que signifient ces paroles : Il l'aimait ? » « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs à la pénitence. » « Mais quelques-uns d'entre eux dirent : Ne pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux d'un aveugle-né, faire que cet homme ne mourût point ? » Il fera bien plus, puisqu'il va le ressusciter après sa mort.

Frémissez aussi en vous-même si vous voulez reprendre une nouvelle vie, c'est, ce qu'on peut dire à tout homme qui est accablé sous le poids d'une habitude criminelle : « C'était une grotte et une pierre était posée dessus. » Ce mort étendu sous la pierre, c'est l'homme coupable sous la loi, car la loi qui fut donnée aux Juifs, était écrite sur la pierre. Tous les coupables sont sous la loi, mais la loi n'a pas été établie pour le juste. (1 Tm 1)

Dans le sens allégorique, ces paroles : « Otez la pierre, » signifient : Enlevez le poids de la loi, et annoncez la grâce de la loi nouvelle.

Ceux à qui le Sauveur donne cet ordre, me paraissent figurer les Juifs qui voulaient imposer le fardeau de la circoncision aux Gentils, qui entraient dans l'Eglise ; ou bien, les chrétiens qui, au sein de l'Eglise même, mènent une vie corrompue et sont un scandale pour ceux qui veulent embrasser la foi.

Cependant Marie et Marthe, soeurs de Lazare, qui avaient va souvent Jésus ressusciter des morts ne croient pas entièrement qu'il puisse ressusciter leur frère : « Marthe, la sœur de celui qui était mort, lui dit : « Seigneur, il sent déjà mauvais, » etc

La gloire de Dieu parut en effet dans la résurrection d'un mort de quatre jours exhalant déjà l'odeur infecte du tombeau.
Saint Bède le Vénérable
Les hommes ont coutume de pleurer les personnes chères que la mort leur a enlevées. Les Juifs crurent que Jésus pleurait sons l'impression de ce sentiment, et c'est ce qui leur fait dire : « Voyez comme il l'aimait ! » 

Une grotte est une excavation pratiquée dans un rocher. On appelle monuments ces grottes qui servent de tombeau, parce qu'ils avertissent notre âme (mentem monet), et leur rappellent le souvenir des morts.

On peut dire encore que ces paroles sont l'expression de J'étonnement et de l'admiration plutôt que de la défiance.
Alcuin d'York
Il était la source inépuisable de la bonté, et il pleurait comme homme celui qu'il pouvait ressusciter par un acte de sa puissance divine. 
Saint Théophylacte d'Ohrid
Nôtre-Seigneur rappelle à la sœur de Lazare ce qu'il lui avait déjà dit, et qu'elle paraissait avoir presque oublié : « Jésus lui répondit : Ne vous ai-je pas dit que si vous croyiez, vous verriez la gloire de Dieu ? »

C'est afin de prouver la vérité de sa nature humaine, qu'il lui commande de manifester les sentiments qui lui sont propres, et c'est par la vertu de l'Esprit saint qu'il lui donne cet ordre, et qu'il réprime ses trop vives émotions. Le Seigneur vent que la nature humaine subisse ces épreuves, pour nous prouver qu'il était homme en réalité et non-seulement en apparence, et aussi pour nous enseigner à mettre des bornes à la tristesse comme à la joie, car n'être accessible à aucun sentiment de compassion ou de tristesse, c'est l'insensibilité de la brute, comme aussi il n'appartient qu'aux caractères efféminés de se livrer sans mesure à ces affections.

Marthe parle de la sorte sous l'impression d'un sentiment de défiance qui lui fait regarder comme impossible la résurrection de son frère après quatre jours qu'il était dans le tombeau.
Louis-Claude Fillion
Marthe, on l’a compris, ne soupçonnait pas l’intention de Jésus ; elle pensait qu’il voulait seulement jeter un dernier regard sur son ami : c’est pourquoi elle avait essayé de l’en détourner. Le Sauveur ranime par une grande parole cette fois chancelante : Ne t’ai-je pas dit … ? Il le lui avait dit, sinon en propres termes, du moins équivalemment, soit par l’entremise du messager, verset 4, soit par lui-même quelques instants auparavant, versets 23-26 - Tu verras la gloire de Dieu : la gloire de Dieu manifestée par la résurrection de ton frère. « Spectacle magnifique que Jésus promet à Marthe, et qu’il oppose aux impressions pénibles qu’elle redoute pour les assistants et pour elle-même une fois que la pierre aura été enlevée » (Godet). Tu verras est en corrélation avec si tu crois. D’ordinaire, l’homme aime à contempler les choses avant de croire : c’est le contraire que demande Jésus.
Pape Francois
La lumière de la foi (Lumen Fidei) : Par cette expression, la tradition de l’Église a désigné le grand don apporté par Jésus, qui, dans l’Évangile de Jean, se présente ainsi : « Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12, 46). Saint Paul aussi s’exprime en ces termes : « Le Dieu qui a dit ‘Que des ténèbres resplendisse la lumière’, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs » (2 Co 4, 6). Dans le monde païen, épris de lumière, s’était développé le culte au dieu Soleil, le Sol invictus, invoqué en son lever. Même si le soleil renaissait chaque jour, on comprenait bien qu’il était incapable d’irradier sa lumière sur l’existence de l’homme tout entière. En effet, le soleil n’éclaire pas tout le réel ; son rayon est incapable d’arriver jusqu’à l’ombre de la mort, là où l’œil humain se ferme à sa lumière. « S’est-il trouvé un seul homme qui voulût mourir en témoignage de sa foi au soleil ? » demande le martyr saint Justin. Conscients du grand horizon que la foi leur ouvrait, les chrétiens appelèrent le Christ le vrai soleil, « dont les rayons donnent la vie ». À Marthe qui pleure la mort de son frère Lazare, Jésus dit : « Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? » (Jn 11, 40). Celui qui croit, voit ; il voit avec une lumière qui illumine tout le parcours de la route, parce qu’elle nous vient du Christ ressuscité, étoile du matin qui ne se couche pas.