Jean 11, 42

Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »

Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Saint Thomas d'Aquin
1528. Puis c’est la dévotion de Marie envers Jésus qui est mise en lumière, et d’abord la dévotion qu’elle a témoignée par un geste, puis la dévotion qu’elle a témoignée par la parole .

1529. À propos [de son geste], remarquons en Marie l’assurance et l’humilité.

L’assurance, parce qu’à l’encontre de l’ordre donné par les chefs, que personne ne confesse le Christ, elle n’a pas peur de la foule, ni ne craint la suspicion des Juifs au sujet du Christ : alors que plusieurs des ennemis du Christ étaient présents, elle courut vers le Christ — Le juste hardi comme le lion sera sans terreur .

Puis son humilité, parce qu’ELLE TOMBA À SES PIEDS, ce qu’on ne dit pas de Marthe — Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu’il vous élève au temps de sa visite — Nous adorerons dans le lieu où se sont arrêtés ses pieds .

1530. Lorsqu’elle lui a dit cela, elle a manifesté sa dévotion par la parole. Elle croyait en effet que lui était la Vie, et que là où il se trouve, la mort n’a pas lieu — Il n’existe pas d’union de la lumière avec les ténèbres . "Tant qu’il fut présent avec nous, comme le dit Augustin, aucune maladie, aucune infirmité n’a osé apparaître dans la maison de celles chez qui elle [la maladie] savait que la Vie était reçue. O infidèle union ! Alors que tu es encore dans le monde, Lazare ton ami meurt. Si l’ami meurt, l’ennemi, que souffrira-t-il ?"

L’amour du Christ.

1531. À la suite de cela est exposé tout ce qui relève de l’amour du Christ. Le Christ en effet ne répond pas à Marie comme il répondit à Marthe; mais à cause de la foule qui se tient là, il ne dit rien, démontrant sa puissance par des gestes.

D’abord l’Évangéliste expose l’amour que le Christ montre à Marie, puis la discussion au sujet de l’amour du Christ . Il commence par montrer l’amour du Christ, celui qu’il a eu dans le cœur, puis comment il l’exprima par des paroles , enfin, comment il le manifesta par des larmes .

1532. Il faut noter ici que le Christ est vrai Dieu et vrai homme ; et c’est pourquoi presque partout dans ce qu’il a fait, l’humain se lit mêlé au divin et le divin à l’humain. Et ainsi, toutes les fois qu’on montre quelque chose d’humain au sujet du Christ, on ajoute aussitôt quelque chose de divin. En effet, nous ne lisons rien de plus fragile au sujet du Christ que sa Passion. Et cependant, lorsqu’il est suspendu à la Croix, les faits divins sont évidents le soleil est obscurci, les rochers se fendent, les corps des saints qui étaient endormis ressuscitent. À la Nativité aussi, alors qu’il est couché dans une mangeoire, du ciel brille une étoile, l’Ange chante des louanges, des mages et des rois offrent des présents. Or nous avons quelque chose de semblable en ce lieu : car le Christ, selon la vulnérabilité de son humanité, souffre une certaine fragilité, éprouvant en lui un trouble au sujet de la mort de Lazare.

C’est pourquoi L’Evangéliste dit : IL FRÉMIT EN SON ESPRIT ET SE TROUBLA.

1533. Au sujet de ce trouble, remarquons la piété, puis la discrétion , enfin la puissance .

La piété parce que la cause en est juste. En effet, quelqu’un se trouble d’une manière juste quand il se trouble de la tristesse et du mal des autres; et quant à cela l’Evangéliste dit : LORSQU’IL LA VIT PLEURER — Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie et pleurez avec ceux qui pleurent .

1534. La discrétion, parce qu’il se trouble selon le jugement de la raison. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : IL FRÉMIT EN SON ESPRIT, comme gardant le jugement de la raison. Dans le trouble, en effet, l’esprit est dit pensée ou mieux, raison selon cette parole : Que vous soyez renouvelés par l’esprit de votre pensée. Or il arrive parfois que les passions de cette sorte, de la partie sensitive, ne proviennent pas de l’esprit, ni ne gardent la conduite de la raison; bien plus, elles la perturbent plutôt davantage : cela certes ne fut pas en lui, parce qu’IL FRÉMIT EN SON ESPRIT.

Mais que signifie le frémissement du Christ? Il semble signifier la colère : Comme le frémissement du lion, ainsi la colère du roi De même, il semble signifier l’indignation, selon le psalmiste : Il frémira de ses dents et dépérira.

Je réponds : il faut dire que ce frémissement, dans le Christ, signifie une colère et l’indignation du cœur. Toute colère et indignation sont causées par une douleur ou une tristesse. Or ici deux choses étaient sous-jacentes. L’une, dont le Christ se troublait, qui était la mort infligée à l’homme à cause du péché; l’autre, contre laquelle il s’indignait, à savoir la fureur de la mort et du diable. C’est pourquoi, de même que quand quelqu’un veut repousser un ennemi, il souffre de maux qui lui arrivent par lui et s’indigne pour le punir, de même le Christ a souffert et s’est indigné.

1535. La puissance enfin, parce qu’il se troubla lui-même par son commandement. Car les passions de cette sorte surgissent quelquefois d’une cause indue, comme lorsque quelqu’un se réjouit de choses mauvaises et s’attriste des bonnes — Ceux qui se réjouissent alors qu’ils ont fait le mal et exultent dans les choses les plus mauvaises ; et cela ne fut pas dans le Christ. C’est pourquoi il dit : QUAND IL LA VIT PLEURER... Quelquefois elles surgissent d’une cause bonne, cependant elles ne sont pas maîtrisées par la raison. Et contre cela il dit : IL FRÉMIT EN SON ESPRIT. Quelquefois, bien qu’elles soient maîtrisées par quelqu’un, elles devancent cependant le jugement de la raison; de telles passions sont des mouvements subits. Et cela, certes, ne fut pas dans le Christ, parce que tout mouvement de l’appétit sensible fut en lui selon le mode et le commandement de la raison. Et c’est pourquoi il dit : IL SE TROUBLA, autrement dit : par le jugement de la raison, il assuma en lui cette tristesse.

Mais à l’encontre de cela, il est dit : Il ne sera pas triste, ni troublé .

Je réponds en disant que cela est à entendre de la tristesse qui devance [la raison] et est incontrôlée. Or le Christ voulut se troubler et s’attrister pour trois causes. D’abord pour éprouver la condition et la vérité de la nature humaine. Ensuite, pour que, en s’attristant et se contenant, il enseigne la mesure qu’on doit observer dans les tristesses. Les stoïciens en effet ont dit qu’aucun sage ne s’attriste. Mais il semble tout à fait inhumain que quelqu’un ne s’attriste pas de la mort d’un autre. Cependant il en est qui, dans les tristesses au sujet du mal de leurs amis, dépassent la mesure. Mais le Seigneur voulut s’attrister pour te signifier que tu dois parfois t’attrister, ce qui va contre les stoïciens. Et dans la tristesse il a tenu une mesure, ce qui va contre les seconds. C’est pourquoi l’Apôtre dit : Nous ne voulons pas que vous soyez dans l’ignorance au sujet de ceux qui s’endorment, pour que vous ne vous attristiez pas. Mais là il ne dit pas simplement pour que vous ne vous attristiez pas, mais il ajoute : Gomme les autres qui n’ont pas d’espérance — Pleure sur un mort, parce que sa lumière a manqué, et plus loin : Pleure peu sur un mort, parce qu’il a trouvé le repos.

La troisième raison est pour indiquer que nous, nous devons nous attrister devant les morts et pleurer d’une manière sensible [CORPORALITER ] selon cette parole : J’ai été affligé et trop humilié .

1536. Ici le Seigneur montre l’affection de son cœur par des paroles .

Mais le Seigneur ignorait-il le lieu où il avait été déposé? Il semble que non. Car de même que, étant absent, il sut par la puissance de sa divinité la mort de Lazare, de même il sut aussi le lieu du sépulcre. Pourquoi donc interroge-t-il à partir de ce qu’il a su?

Je réponds : il faut dire que ce n’est pas en ignorant qu’il interroge; mais pendant que le sépulcre lui est montré par le peuple, il veut que [les Juifs] confessent Lazare mort et enseveli; et ainsi il peut soustraire le miracle à l’emprise de tout soupçon.

Il y a à cela deux raisons mystiques. L’une est que celui qui interroge semble ne pas connaître ce au sujet de quoi il interroge. Or par Lazare dans le tombeau sont signifiés ceux qui sont morts dans les péchés. Le Seigneur montre donc qu’il ignore le lieu de Lazare, donnant par cela à entendre que, pour ainsi dire, il ne connaît pas les pécheurs, selon cette parole de saint Matthieu : Je ne vous ai pas connus; éloignez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. Et la Genèse : Adam, où es-tu L’autre raison est que si quelques-uns ressuscitent du péché à l’état de la justice divine, cela vient de la profondeur de la prédestination divine; et cette profondeur, certes les hommes l’ignorent — Qui a connu l’esprit du Seigneur, ou qui a été son conseiller? Et : Qui en effet fut présent au conseil du Seigneur, et a vu, et a entendu sa parole Et c’est pourquoi le Seigneur, en interrogeant ainsi, s’est comporté à la manière de quelqu’un qui ne connaît pas, puisque nous-mêmes aussi nous ne connaissons pas cela.

Ainsi donc est exposée l’interrogation du Seigneur, et la réponse du peuple Suit : ILS LUI DIRENT : "SEIGNEUR, VIENS ET VOIS."

VIENS en ayant pitié, VOIS en regardant avec attention — Vois mon humilité et mon labeur, et remets-moi tous mes péchés.

1537. Puis le Seigneur manifeste son affection par des larmes : c’est pourquoi il est ajouté : ET JÉSUS PLEURA. Et certes ces larmes ne provenaient pas d’une nécessité, mais de la piété et d’une cause. Il était en effet la source de la piété , et c’est pourquoi il pleurait pour montrer qu’il n’est pas répréhensible que quelqu’un pleure par piété Fils, sur un mort répands des larmes. Et il pleura pour une cause afin d’enseigner que l’homme, à cause du péché, a besoin de larmes , selon cette parole du psaume : J’ai peiné dans mon gémissement, chaque nuit, je baignerai mon lit de larmes .

1538. L’Évangéliste montre ici la discussion des Juifs au sujet de l’affection du Christ. D’abord il en présente qui admiraient cette affection du Christ; puis d’autres qui, dans le doute, rappellent le miracle accompli auparavant .

L’Evangéliste introduit ceux qui admiraient le miracle du Christ par mode de conclusion, lorsqu’il dit : LES JUIFS DIRENT DONC, c’est-à-dire les signes de l’affection du Christ étant montrés, tant les paroles que les larmes : VOILÀ COMMENT IL L’AIMAIT; car l’amour se manifeste au plus haut point dans les tristesses des hommes . C’est au milieu des biens d’un homme qu’on connaît ses ennemis; c’est dans la tristesse et le malheur qu’on reconnaît son ami . Et, au sens mystique, il est donné par là à entendre que Dieu aime même ceux qui sont dans les péchés. En effet, s’il ne les avait pas aimés, il ne dirait certainement pas : Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, à la pénitence . — D’un amour éternel je t’ai aimé, c’est pourquoi je t’ai attiré, ayant pitié de toi .

1539. Ceux qui voulaient rendre douteux le miracle accompli faisaient partie des ennemis de Jésus. C’est pourquoi il dit : CERTAINS D’ENTRE EUX, c’est-à-dire les Juifs, DIRENT : "NE POUVAIT-IL PAS, LUI QUI A OUVERT LES YEUX DE L’AVEUGLE-NÉ, FAIRE AUSSI QUE CELUI-CI NE MOURÛT PAS?" comme s’ils disaient s’il l’aimait au point d’aller jusqu’à pleurer devant sa mort, il semble qu’il aurait voulu qu’il ne meure pas : car la tristesse provient de choses qui sont arrivées alors que nous ne le voulions pas. Si donc, alors qu’il ne le veut pas, Lazare est mort, il semble qu’il n’a pas pu empêcher la mort; bien plus, il semble qu’il n’a pas pu ouvrir les yeux de l’aveugle-né. Ou bien il faut dire qu’ils ont dit cela en admirant, avec la manière de parler d’Elisée : Où est le Dieu d’Elie main tenant ? et de David dans le psaume : Où sont tes miséricordes d’autrefois, Seigneur ?

Le relèvement de Lazare.

1540. Après avoir montré certains préambules au relèvement de Lazare, l’Evangéliste poursuit en traitant du relèvement lui-même. A ce sujet il fait quatre choses.

D’abord il montre le départ du Christ vers le tombeau, puis l’enlèvement de la pierre , ensuite la prière du Christ , enfin la résurrection du mort .

1541. L’Évangéliste a soin de dire souvent qu’il a pleuré et qu’il a frémi, comme le dit Chrysostome parce que dans la suite il devait montrer la puissance de sa divinité. Donc, pour qu’on ne doute pas de la vérité de son humanité, il affirme du Christ les choses plus faibles et plus humbles de notre nature. Et de même que Jean, parmi les autres Evangélistes, montre plus explicitement dans le Christ la nature et la puissance divines de même aussi il parle à son sujet de certaines choses plus fragiles : qu’il pleura, qu’il frémit, et autres choses de cette sorte, qui mettent en pleine lumière dans le Christ, au plus haut point, l’affection de la nature humaine.

Au sens mystique, il frémit pour donner à entendre que ceux qui ressuscitent de leurs péchés doivent continuellement persister dans la douleur, selon cette parole du psaume : Tout le jour, je marchais contristé . Ou bien il faut dire que plus haut il frémit en son esprit à cause de la mort de Lazare, et qu’ici à nouveau il frémit en lui-même à cause de l’infidélité des Juifs.

C’est pourquoi l’Evangéliste avait annoncé à l’avance le doute, au sujet du miracle, de ceux qui disaient : NE POUVAIT-IL PAS, LUI QUI A OUVERT LES YEUX DE L’AVEUGLE, FAIRE AUSSI QUE CELUI-CI NE MOURÛT PAS? Et ce frémissement vint certes de sa compassion et de sa pitié envers les Juifs — Jésus, voyant les foules, eut pitié d’elles .

1542. Puis l’Évangéliste traite de l’enlèvement de la pierre. D’abord il décrit la pierre, puis il montre le commandement du Christ de bouger la pierre , ensuite la discussion au sujet de l’éloignement de la pierre ; enfin il laisse entendre l’accomplissement du commandement .

1543. La pierre est décrite posée sur le tombeau. Il faut savoir en effet que dans ces régions, on utilise certaines cavernes en manière de grotte comme sépultures pour les hommes, où on peut déposer plusieurs corps de morts, à des moments divers c’est pourquoi elles ont une ouverture, qu’on ferme par une pierre et qu’on ouvre quand c’est nécessaire. Et c’est pourquoi il est dit ici, qu’UNE PIERRE AVAIT ÉTÉ POSÉE SUR ELLE, c’est-à-dire sur l’ouverture de la grotte. On trouve dans la Genèse une chose semblable, quand Abraham acheta un champ et une grotte pour ensevelir Sarah son épouse.

Mystiquement, on entend par la grotte la profondeur des péchés, dont il est dit dans le psaume : Je suis enfoncé dans une boue profonde, et il n’est rien qui tienne. Par la pierre placée sur [la grotte] on entend la Loi, qui a été écrite dans la pierre, et qui n’enlevait pas le péché, mais tenait les [hommes] dans le péché parce que, du fait qu’ils agissaient contre la Loi, ils péchaient plus gravement’ C’est pourquoi il est dit : L’Ecriture a tout enfermé sous le péché.

1544. L’Évangéliste rapporte ici le commandement du Christ, de bouger la pierre.

Mais on se demande : puisqu’il est plus grand de relever un mort que de bouger une pierre, pourquoi n’enleva t-il pas aussi en même temps la pierre par sa puissance?

Chrysostome répond que cela a été fait pour une plus grande certitude du miracle, c’est-à-dire pour que le Christ fasse d’eux des témoins du miracle, et pour qu’ils ne disent pas ce qu’ils avaient dit de l’aveugle ce n’est pas celui-là qui a été mort.

Au sens mystique, selon Augustin , l’enlèvement de la pierre signifie l’éloignement du poids des observances légales pour les fidèles du Christ venant à l’Eglise des nations païennes, poids que quelques-uns voulaient leur imposer. C’est pourquoi Jacques dit : Il a semblé bon au Saint Esprit et à nous de ne vous imposer aucun autre fardeau . Et Pierre dit : Pourquoi tentez-vous d’imposer sur les têtes des disciples un joug que ni nos pères, ni nous n’avons pu porter ? Au sujet de cela, donc, le Seigneur dit : ÔTEZ LA PIERRE, c’est-à-dire le poids de la Loi, et prêchez la grâce . Ou bien, par la pierre, il signifie ceux qui, dans l’Eglise, vivent d’une manière corrompue et sont une pierre d’achoppement pour ceux qui veulent croire, en les éloignant de la conversion .

Au sujet de cette pierre, il est dit dans le psaume : De peur que peut-être à la pierre tu ne te heurtes le pied . Et certes le Seigneur recommanda qu’elle soit bougée : Otez les obstacles du chemin de mon peuple .

1545. L’Évangéliste expose la discussion de Marthe, et d’abord les paroles de Marthe qui discute, puis les paroles du Christ qui répond .

1546. Il expose les paroles de Marthe en disant : MARTHE, LA SŒUR DE CELUI QUI ÉTAIT MORT, LUI DIT : "SEIGNEUR, IL SENT DÉJÀ; C’EST EN EFFET LE QUATRIÈME JOUR." Au sens littéral, cela eut lieu pour montrer la vérité du miracle, puisque déjà les membres commençaient à être décomposés par la putréfaction.

Au sens mystique, il s’agit de celui qui a l’habitude de pécher; IL SENT DÉJÀ, c’est-à-dire par une renommée très mauvaise, dont, par le péché, s’élève une odeur très repoussante. Car de même que des bonnes œuvres s’exhale une bonne odeur, selon ce que dit l’Apôtre : Pour Dieu nous sommes la bonne odeur du Christ de même à partir des œuvres mauvaises se diffuse une odeur mauvaise, puante. Et on dit aussi avec raison qu’il date de quatre jours, comme pressé sous le poids des péchés terrestres et des cupidités charnelles : la terre en effet est le dernier des quatre éléments — Sa puanteur s’élèvera, et sa putréfaction montera, parce qu’il a agi avec orgueil .

1547. À Marthe le Christ répondit en disant : NE T’AI-JE PAS DIT QUE SI TU CROIS, TU VERRAS LA GLOIRE DE DIEU?

Là, le Seigneur semble reprocher à Marthe de ne pas se souvenir de ce que le Christ lui avait dit : CELUI QUI CROIT EN MOI, MÊME S’IL MEURT, VIVRA. Car Marthe défiait le Christ de pouvoir ressusciter un mort de quatre jours. En effet, alors qu’il avait récemment ressuscité quelques morts, elle croyait cependant cela impossible au sujet de son frère, à cause de la longue durée des jours . Et c’est pourquoi le Seigneur lui dit : NE T’AI-JE PAS DIT QUE SI TU CROIS, TU VERRAS LA GLOIRE DE DIEU? c’est-à-dire le relèvement de ton frère, par lequel Dieu sera glorifié.

Mais, bien que plus haut le Seigneur ait dit aux Apôtres que ce miracle serait pour sa gloire, en disant : AFIN QUE PAR ELLE SOIT GLORIFIÉ LE FILS DE DIEU, c’est-à-dire par la mort, ici cependant il dit à Marthe que ce miracle sera pour la gloire de Dieu. Et cela parce que la gloire du Père est la même que celle du Fils. C’est pourquoi il ne parle pas explicitement ici de la gloire du Fils, pour ne pas troubler les Juifs qui se tenaient là, prompts à la contradiction.

1548. Dans ces paroles du Seigneur, on fait comprendre deux fruits de la foi. Le premier est l’accomplissement des mi racles, qui est dû à la foi : Si vous aviez la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne passe d’ici à là, et elle y passera; et rien ne vous sera impossible .

C’est pourquoi aussi l’Apôtre disait : Quand j’aurais la foi jusqu’à transporter les montagnes . Et en saint Marc il est dit : Et ceux-ci prêchèrent partout, le Seigneur coopérant et confirmant leur parole par les signes qui la suivaient , Et certes cet accomplissement des miracles est pour la gloire de Dieu; c’est pourquoi il dit : SI TU CROIS,

Le second fruit est la vision de la gloire éternelle, qui est due à la foi, comme récompense. C’est pourquoi il dit : TU VERRAS LA GLOIRE DE DIEU. Et selon une version d’Isaïe : Si vous n’avez pas cru, vous ne comprendrez pas . — Nous voyons à présent par le moyen d’un miroir, en énigme, par la foi; mais alors ce sera face à face .

1549. L’Évangéliste expose l’accomplissement du commandement en mettant en avant : ILS ÔTÈRENT DONC LA PIERRE. Là il faut considérer, selon Origène , que le retard à enlever la pierre placée là a été causé par la sœur du défunt. Et c’est pourquoi la résurrection de son frère a été retardée aussi longtemps qu’elle a retenu le Christ par des paroles; mais, dès que, en obéissant, elle suit jusqu’au bout le commandement du Christ, son frère est ressuscité. Pour que, par là, nous apprenions à ne rien interposer entre les ordres de Jésus et leur exécution, si nous désirons que l’effet du salut s’ensuive aussitôt — A l’instant où son oreille m’a entendu, il m’a obéi .

1550. Il s’agit ici de la prière du Christ, dans laquelle il rend grâces. A propos de cette prière l’Evangéliste expose quatre choses. D’abord il montre la manière de prier, puis l’efficacité de la prière . Ensuite il exclut la nécessité de prier , enfin il souligne l’utilité de la prière .

1551. Il montre que la manière de prier convient. JÉSUS, LES YEUX LEVÉS EN HAUT, DIT, c’est-à-dire : il éleva son intelligence, l’amenant par la prière vers le Père [qui est] le Très-Haut. Ainsi, pour nous, si nous voulons prier, à l’exemple de la prière du Christ, il est nécessaire de lever les yeux de notre esprit vers Dieu en les détournant des choses présentes, de la mémoire, des pensées et des intentions .

Nous levons aussi les yeux vers Dieu quand, ne mettant pas notre confiance dans nos mérites, nous espérons en la seule miséricorde de Dieu, selon cette affirmation : Vers toi j’ai levé les yeux, qui habites dans les cieux; les voici comme les yeux des serviteurs vers les mains de leurs maîtres, comme les yeux de la servante vers les mains de sa maîtresse; ainsi nos yeux vers le Seigneur notre Dieu, jusqu‘à ce qu’il ait pitié de nous — Elevons nos cœurs avec nos mains vers le Seigneur qui est dans les cieux .

1552. Il montre l’efficacité de la prière quand il dit : PÈRE, JE TE RENDS GRÂCES DE M’AVOIR ÉCOUTÉ. Et en cela nous avons une preuve que Dieu est [toujours] disposé à donner avec largesse, selon le psaume : Le désir des pauvres, le Seigneur l’a exaucé, de telle sorte qu’il exauce le désir avant même qu’on profère des paroles — A la voix de ta clameur, aussitôt qu’il l’entendra, il te répondra . — Eux parlant encore, je dirai : Me voici présent . Il est donc d’autant plus à propos de penser du Seigneur sauveur que Dieu le Père, prévenant sa prière, l’exaucerait. Car les larmes que le Christ avait versées pour la mort de Lazare ont eu le rôle de prière.

Par le fait qu’il rend grâces au commencement de la prière, nous est donné l’exemple que, lorsque nous voulons prier nous devons, avant de demander des choses futures, rendre grâces à Dieu pour les bienfaits reçus — En toutes choses rendez grâces .

1553. La parole : DE M’AVOIR ÉCOUTÉ, si on l’entend du Christ en tant qu’il est homme, ne présente pas de difficulté. En tant qu’homme en effet, le Christ était moindre que le Père; et ainsi il lui convient de prier le Père et d’être exaucé par lui. Mais si, comme le veut Chrysostome , on l’entend du Christ selon qu’il est Dieu, alors cette parole présente une difficulté; car selon qu’il est Dieu, il ne lui convient pas de prier ni d’être exaucé, mais plutôt d’exaucer les prières des autres.

Et c’est pourquoi il faut dire que quelqu’un est écouté quand sa volonté est accomplie. Or la volonté du Père est toujours accomplie, comme il est dit dans le psaume : Tout ce qu’il a voulu, il l’a fait . Donc, puisque la volonté du Père et du Fils est la même, toutes les fois que le Père accomplit sa volonté, il accomplit la volonté du Fils. Le Fils dit donc, en tant que Verbe : JE TE RENDS GRÂCES DE M’AVOIR ÉCOUTÉ, c’est-à-dire, tu as fait ce qui était dans ton Verbe pour être fait — Car il a dit, et cela a été fait .

1554. Il exclut la nécessité de prier en disant : MOI JE SAVAIS QUE TU M’ÉCOUTES TOUJOURS. Là, le Seigneur montre sa divinité comme d’une manière obscure, comme s’il disait : pour faire ma volonté, je n’ai pas besoin de prière, parce que depuis l’éternité ma volonté est accomplie — En tout il fut exaucé à cause de sa révérence . CAR MOI, JE SAVAIS, c’est-à-dire avec certitude, QUE TOUJOURS moi, le Verbe, TU M’ÉCOUTES, parce que tout ce que tu fais est en moi pour être fait.

1555. De même, moi, homme, TU M’ÉCOUTES TOUJOURS, parce que ma volonté est toujours conforme à ta volonté, MAIS C’EST À CAUSE DE LA FOULE QUI M’ENTOURE QUE J’AI PARLÉ, AFIN QU’ILS CROIENT QUE C’EST TOI QUI M’AS ENVOYÉ. En cela il nous est donné à entendre qu’il a fait et dit beaucoup de choses en vue de l’utilité des autres — C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous . Car toute action du Christ nous instruit.

Or le Christ voulut spécialement démontrer par cette prière qu’il n’était pas étranger au Père, mais qu’il le reconnaissait comme son principe. Et c’est pourquoi il ajoute AFIN QU’ILS CROIENT QUE C’EST TOI QUI M’AS ENVOYÉ — Telle est la vie éternelle : qu’ils te connaissent toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ — Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la Loi . Et en cela est montrée l’utilité de la prière.

1556. Ici l’Évangéliste traite du relèvement de Lazare, et à ce sujet fait trois choses. D’abord il montre la voix de celui qui le fait se dresser, puis l’effet de la voix , enfin le commandement de délier celui qui s’est redressé .
Louis-Claude Fillion
Pour moi, je savais… L’imparfait, temps de la durée : J’ai toujours su. Le pronom est emphatique. Moi qui connais nos relations réciproques. Jésus s’explique davantage : il ne veut pas qu’il puisse entrer un seul instant dans l’esprit de personne que ses précédentes prières n’auraient pas été toujours bien reçues de Dieu. - Vous m’écoutez toujours. C’est un fait ordinaire et commun (l’adverbe mis en avant fortifie l’idée). Jésus « n’est pas un thaumaturge d’occasion, mais le dépositaire des forces divines d’une manière permanente » (Reuss). - Mais je parle ainsi à cause du peuple qui m’entoure (il a dit : « je vous rends grâces de ce que vous m’avez écouté »), afin qu’ils croient… Voilà le but du miracle très clairement accentué. Après cela, « si Lazare reste dans la tombe, que Jésus soit reconnu comme un imposteur, et que tous ses autres miracles soient attribués à Béelzébul ! Si Dieu, solennellement invoqué, déploie son bras, que Jésus soit reconnu son envoyé « son propre Fils) ! C’est ainsi que cette action de grâces anticipée, en face de ce sépulcre encore habité, fait de ce moment celui d’une épreuve décisive, … et donne à ce miracle, dans l’ensemble de la vie de Jésus, un caractère unique et suprême… Jésus met positivement Dieu à partie dans l’œuvre qui va se faire ; cette œuvre devient par là celle de Dieu même. Jéhova, le Dieu d’Israël, sera désormais le garant de sa mission, ou le complice de son imposture ». Godet, Comment. sur l’Evang. de S. Jean, 2è édit., t. 2, p. 225. - Quand, malgré la beauté de cette invocation de Jésus, les rationalistes (décidés à blâmer malgré tout les plus magnifiques passages de cette scène) la traitent de « pièce d’apparat » (Baur, Strauss, etc.), il suffit, pour les réfuter, de leur riposter avec le Dr Stier : « Vous êtes des juges incompétents lorsqu’il s’agit de la prière ». Reden des Herrn Jesu, h. l.