Jean 11, 48

Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. »

Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. »
Louis-Claude Fillion
S’alarmant et s’échauffant de plus en plus, ainsi qu’il arrive aisément dans les assemblées délibérantes, ils développent les dangers de leur inaction, et signalent les résultats terribles qui ne manqueront pas de se produire s’ils ne trouvent un prompt remède à la situation. - Si nous le laissons agir ainsi, « ainsi » avec emphase ; comme jusqu’ici, sans intervenir, en nous bornant à des résolutions stériles. - Tous croiront en lui. Ils disaient juste. Oui, sans eux, la nation en masse se serait convertie à Jésus, toute l’histoire évangélique en fait foi. - Et les Romains viendront… A leur point de vue, il faut le reconnaître, cette crainte n’était nullement chimérique. Ce n’est donc pas, comme on l’a dit quelquefois, un cri d’alarme hypocrite qu’ils poussent ici pour légitimer ensuite leur cruauté à l’égard de Jésus ; ils pensaient bien exprimer une inquiétude sérieuse et réelle. Ils connaissaient Rome, et ils connaissaient leur peuple. Rome était tout à fait jalouse de ses droits sur les provinces qu’elle avait conquises, et des séditions antérieures, écrasées sans pitié, lui inspiraient des sentiments de grande méfiance envers les Juifs. Cf. 18, 33 ; Act. 16, 21 ; 17, 7, 8, etc. A la moindre occasion sa colère éclaterait, violente, irrésistible. D’un autre côté, la masse du peuple juif, remplie de préjugés, concevait le Messie comme un puissant libérateur, qui secouerait tout d’abord le joug de Rome, et dominerait en roi sur le monde ; on n’attendait que son apparition pour accourir sous ses étendards, et marcher avec lui à la victoire, à la vengeance. Les hiérarques savaient cela, et l’avenir justifia parfaitement leurs sinistres prévisions. Ce fut la rébellion des Juifs qui amena la ruine de leur État et de leur capitale. Toutefois ils connaissaient bien mal Jésus, le vrai Messie, dont le royaume était tout céleste, et qui voulait seulement la conquête des âmes. Sous son empire pacifique, si les Juifs l’eussent proclamé, les conséquences désastreuses redoutées par les pharisiens n’auraient pas eu la moindre raison d’être. « Ils craignaient de perdre les biens temporels, et ils ne se soucièrent pas de la vie éternelle. C’est ainsi qu’ils perdirent les deux », S. Augustin. - Les Romains viendront. Ils étaient déjà en Judée, comme conquérants ; mais ils avaient laissé aux Juifs certaines libertés, grâce auxquelles ceux-ci pouvaient supposer, l’amour-propre patriotique aidant, que Rome n’avait pas encore pris pied à Jérusalem. - Et ruineront notre ville et notre nation. Il y a, dans le grec, une nuance expressive, que la Vulgate n’a pas entièrement rendue. Remarquez ce notre mis en avant de la façon la plus superbe, comme si les choses nommées ensuite étaient le bien propre des Sanhédristes ! « τόπον » peut désigner la ville de Jérusalem, ou le temple (Cf. 2 Mach. 5, 19), ou la Palestine entière.
Fulcran Vigouroux
Les Romains viendront et ruineront notre pays. ― Les Romains viendront, et ils détruiront notre ville, notre temple et toute notre nation. C’est le prétexte dont ils couvraient leur intérêt caché et leur ambition. Le bien public impose aux hommes, et peut-être que les pontifes et les pharisiens en étaient véritablement touchés, car la politique mal entendue est le moyen le plus sûr pour jeter les hommes dans l’aveuglement et les faire résister à Dieu.

« On voit ici tous les caractères de la fausse politique et une imitation de la bonne, mais à contresens. La véritable politique est prévoyante et par là se montre sage. Ceux-ci font aussi les sages et les prévoyants : Les Romains viendront. Ils viendront, il est vrai, non pas comme vous pensez, parce qu’on aura reconnu le Sauveur ; mais au contraire, parce qu’on aura manqué de le reconnaître. La nation périra : vous l’avez bien prévu ; elle périra en effet ; mais ce sera par les moyens dont vous prétendiez vous servir pour la sauver, tant est aveugle votre politique et votre prévoyance. La politique est habile et capable : ceux-ci font les capables. Voyez avec quel air de capacité Caïphe disait : Vous n’y entendez rien ; il n’y entendait rien lui-même. Il faut qu’un homme meure pour le peuple ; il disait vrai, mais c’était d’une autre façon qu’il ne l’entendait. La politique sacrifie le bien particulier au bien public, et cela est juste jusqu’à un certain point. Il faut qu’un homme meure pour le peuple : il entendait qu’on pouvait condamner un innocent au dernier supplice, sous prétexte du bien public, ce qui n’est jamais permis car au contraire le sang innocent crie vengeance contre ceux qui le répandent. La grande habileté des politiques, c’est de donner de beaux prétextes à leurs mauvais desseins. Il n’y a pas de prétexte plus spécieux que le bien public, que les pontifes et leurs adhérents font semblant de se proposer. Mais Dieu les confondit, et leur politique ruina le temple, la ville, la nation qu’ils faisaient semblant de vouloir sauver. » (BOSSUET.)
Catéchisme de l'Église catholique
Les autorités religieuses de Jérusalem n’ont pas été unanimes dans la conduite à tenir vis-à-vis de Jésus (cf. Jn 9, 16 ; 10, 19). Les pharisiens ont menacé d’excommunication ceux qui le suivraient (cf. Jn 9, 22). A ceux qui craignaient que " tous croient en Jésus et que les Romains viennent détruire notre Lieu Saint et notre nation " (Jn 11, 48), le grand prêtre Caïphe proposa en prophétisant : " Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière " (Jn 11, 49-50). Le Sanhédrin, ayant déclaré Jésus " passible de mort " (Mt 26, 66) en tant que blasphémateur, mais ayant perdu le droit de mise à mort (cf. Jn 18, 31), livre Jésus aux Romains en l’accusant de révolte politique (cf. Lc 23, 2) ce qui mettra celui-ci en parallèle avec Barrabas accusé de " sédition " (Lc 23, 19). Ce sont aussi des menaces politiques que les grands prêtres exercent sur Pilate pour qu’il condamne Jésus à mort (cf. Jn 19, 12. 15. 21).