Jean 11, 49
Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : « Vous n’y comprenez rien ;
Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : « Vous n’y comprenez rien ;
L’un d’eux : par conséquent, membre, comme eux, du
grand Conseil. - nommé Caïphe (simplement Καϊάφας). Sur ce nom, ou plutôt sur ce surnom, car le vrai nom
de Caïphe était Joseph, voyez Matth. 26, 3 et nos commentaires. - Qui était le pontife… Cette tournure est à
noter : déjà l’évangéliste montre que Caïphe va parler en tant que Pontife suprême du Judaïsme. Cf. verset
51. Les mots de cette année-là répétés de la même manière au verset 51 et 18, 13, ont souvent embarrassé les
exégètes et réjoui au contraire les rationalistes. Il est notoire en effet, d’une part, que le souverain pontificat
était à vie chez les Juifs, et nullement annuel ; d’autre part, que Caïphe en exerça les fonctions pendant onze
années consécutives (25-36 ap. J.-C.) : le narrateur serait ainsi coupable de deux grosses inexactitudes ; donc
ce n’est pas un Juif, ce n’est pas S. Jean, qui a composé notre évangile (Strauss, etc.). On a donné trois
solutions principales de cette difficulté. Nous avons cité et rejeté ailleurs (Évangile selon S. Luc, p. 92) la
première, d’après laquelle Caïphe et Anne son beau-père auraient été pontifes à tour de rôle, chacun une
année. D’après la seconde, la locution prêtre de cette année ne doit pas être prise à la lettre et en toute
rigueur : elle se justifie par la succession fréquente des grands-prêtres depuis la conquête de la Judée par les
Romains ( S. Jean en connut de 20 à 30 ! ). La troisième solution, qui nous paraît être la meilleure et qui est
assez communément reçue, consiste à appuyer sur le pronom cette : « cette année célèbre », l’année si
remarquable de la mort du Christ. On conçoit maintenant que l’évangéliste ait relevé cette grave
circonstance. Caïphe était pontife, non pas en telle ou telle année, ce qui importait peu, mais dans celle où
mourut Jésus. - Vous ne comprenez rien. Plus fortement encore dans le texte grec : vous autres ! Et une
double négation : Vous ne savez rien de rien ! Certes, ce n’est pas un exorde insinuant, mais le langage de
l’orgueilleux dédain. Caïphe, du reste, savait qu’il n’avait pas besoin de plaire à son auditoire actuel pour
l’amener à ses fins : il ne prend donc pas la peine d’abaisser sa fierté sadducéenne. « Les manières des
Sadducéens sont très rudes, lisons-nous dans l’historien Josèphe, Bell. Jud. 2, 8, 14, soit entre eux, soit
envers les autres hommes, qu’ils traitent à la façon d’étrangers. »
« Que signifient ces mots de saint Jean sur Caïphe : il était le pontife de cette année-là ? Les interprètes se divisent dans l’explication de ce passage. Suivant un certain nombre, par ces mots, Pontifex anni illius, répétés encore plus loin, saint Jean voudrait indiquer que c’était la première année du pontificat de Caïphe, le Sadducéen. Suivant d’autres, son intention serait de faire sentir l’avilissement du pontificat, sujet à passer, presque chaque année d’une personne à une autre, au gré des gouverneurs romains, et perdant à la fois l’inamovibilité, la considération et la sainteté. Plusieurs croient qu’il signale cette année entre les autres parce qu’elle a été marquée par des évènements d’une suprême importance, surtout par la substitution du sacerdoce de Jésus-Christ à celui d’Aaron. Toutes ces interprétations sont plausibles à quelque degré. Mais il ne paraît pas qu’on puisse supposer qu’Anne et Caïphe exerçaient alternativement le pontificat d’année en année. On n’a aucun exemple d’un pareil fait. S’il est dit dans les Actes des Apôtres qu’Anne était prince des prêtres, cela signifie seulement qu’il était à la tête d’une famille sacerdotale ; car saint Luc distingue parfaitement en cet endroit le grand-prêtre des princes des prêtres. Quant à la liaison qu’établit saint Jean entre la prophétie de Caïphe et son titre de grand-prêtre : « étant le pontife de cette année-là, il prophétisa, » il ne pouvait en être assuré que par révélation. C’était bien l’usage de recourir aux grands-prêtres dans les cas difficiles pour connaître la volonté de Dieu, et l’Ecriture en certains endroits semble leur attribuer des lumières surnaturelles. Mais rien n’autorise à dire que le don de prophétie fût une de leurs attributions. D’ailleurs ce mot de saint Jean, « il prophétisa », ne doit pas se prendre à la lettre, dit saint Thomas. Ce qui résulte des paroles de l’évangéliste, c’est que l’immolation du Sauveur a été décidée par celui qui avait la charge d’offrir chaque année le sacrifice d’expiation pour le peuple. Le grand-prêtre désigne bien ici et immole en quelque façon la victime divine qui va satisfaire pour les péchés du monde entier. En cela, il est, sans le savoir, l’instrument du ciel et l’organe de l’esprit de Dieu. » (L. BACUEZ.)