Jean 13, 21
Après avoir ainsi parlé, Jésus fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. »
Après avoir ainsi parlé, Jésus fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. »
L'annonce de la trahison future est exposée, et d'abord le crime de trahison, ensuite la personne du traître [n° 1800].
Puis, pour confirmer la vérité de cette prédiction, l'exécution de la trahison elle-même [n° 1814].
La trahison.
1796. L'Évangéliste présente d'abord le sentiment de celui qui annonce, puis ce qui est effectivement annoncé. Celui qui annonce est donc le Christ, qui est affecté jusqu'au trouble. Et quant à cela il dit : AYANT DIT CELA, en les réinvitant à la charité dont il voyait le disciple traître privé, JÉSUS FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT.
À ce sujet il faut savoir que le trouble désigne un certain mouvement. Cela apparaît dans ce qui a été dit plus hautL'ange du Seigneur descendait de temps en temps dans la piscine, et l'eau s'agitait. Et ensuiteSeigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine quand Veau a été troublée. Et il est dit indifféremment que l'eau est troublée et qu'elle est mue. C'est aussi de cette manière que nous disons que la mer est troublée quand elle est agitée. Donc le trouble de l'âme désigne son mouvement. Mais certains actes de l'âme sont sans mouvement du corps, à savoir les actes de la partie intellective.
Les actes de l'appétit sensible s'accompagnent d'un mouvement du corps : c'est pourquoi les affections de l'appétit sensible sont appelées passions. Et parmi toutes les affections ou les passions de l'appétit sensible, c'est la tristesse qui a le plus la puissance de mouvoir. En effet la jouissance, puisqu'elle exprime le repos dans le bien présent, a davantage le sens de repos que de mouvement. De même la crainte, puisqu'elle porte sur un mal futur, meut moins que la tristesse qui porte sur le mal présent. Et de là vient que c'est surtout la tristesse qu'on appelle trouble de l'âme. Jésus donc fut troublé, c'est-à-dire attristé.
1797. Il faut remarquer ici que certains philosophes, à savoir les stoïciens, disent qu'un trouble et des passions de cette sorte ne viennent pas chez le sage. Selon eux, en effet, le sage a beau craindre, se réjouir et désirer, en aucune façon cependant il n'est attristé. Mais leur erreur apparaît clairement du fait que Jésus, qui est la Sagesse souveraine, a été troublé.
Il faut cependant savoir qu'il existe deux troubles. L'un provient de la chair, quand quelqu'un est triste ou troublé à partir d'une perception sensible, au-delà du jugement de la raison. Ce trouble se borne parfois aux limites de la raison et ne l'obnubile en aucune manière. Et cette passion n'est pas parfaite, elle est appelée par saint Jérôme « propassion ». Et elle peut se trouver chez le sage. Mais parfois elle excède la limite de la raison et la trouble, alors elle n'est pas seulement une passion, mais aussi un trouble ; et celui-ci ne se produit pas chez le sage.
Autre est le trouble qui procède de la raison, c'est-à-dire quand, à partir d'un jugement et d'une délibération de sa raison, quelqu'un est troublé dans son appétit sensible. Et c'est ce trouble que connut le Christ. C'est pourquoi, l'Évangéliste dit clairement qu'il FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT, et ce trouble qu'il y eut dans l'appétit sensible fut dans le Christ à partir du jugement de sa raison. C'est pourquoi, plus haut, il dit qu'il se troubla. Dans le Christ, en effet, tout provenait de la délibération de la raison, même ce qui se trouve dans la partie inférieure de l'appétit sensible. C'est pourquoi il n'y eut pas dans le Christ ces mouvements soudains de sensibilité.
1798. Mais Jésus voulut ici être troublé pour deux raisons. D'abord certes pour l'instruction de notre foi. Car sa Passion et sa mort, que la nature humaine fuit naturellement, étaient imminentes ; et quand il les sent imminentes pour lui, il s'en attriste comme d'un mal et un danger pour lui déjà présents. Donc, pour montrer qu'il avait une vraie nature humaine, il voulut être affecté jusque dans son âme elle-même par ce trouble qui provient du jugement de la raison. Par là est exclue l'erreur d'Apollinaire qui dit que dans le Christ il n'y eut pas d'âme, mais le Verbe à la place de l'âme.
En second lieu, pour notre édification. En effet, selon Augustin, le Christ voyait que le traître allait sortir afin de conduire les Juifs vers lui pour qu'ils le prennent. Et, par cela, il se trouvait séparé du collège des saints et recevait contre lui la sentence de mort. C'est pourquoi le Christ, par un sentiment de piété, s'attristait pour lui, donnant par cela aux prélats cet exemple ; que si parfois il leur arrive de proférer une sentence dure contre ceux qui leur sont soumis, ils la profèrent d'un cœur douloureux - Le juste me corrigera dans la miséricorde. Car lui-même, voulant manifester aux autres la séparation de Judas, FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT ET IL ATTESTA, afin que Judas ne trahît pas dans l'ignorance, ET [IL] DIT : « AMEN, AMEN, JE VOUS DIS QUE L'UN D'ENTRE VOUS ME LIVRERA. »
1799. Le Christ dit clairement L'UN D'ENTRE VOUS, de ceux qui ont été choisis pour le collège saint, pour donner à entendre qu'aucun collège ne sera si saint qu'on ne puisse trouver en lui quelque pécheur et méchant - Alors que les fils de Dieu étaient venus se présenter devant le Seigneur, Satan vint aussi parmi eux. Il dit UN, et non pas deux ou plusieurs, pour ne pas sembler maudire le collège, mais seulement le traître issu du collège des Apôtres. Car le collège [tout entier] ne doit pas être jugé mauvais à cause d'un seul homme mauvais issu de ce collège. Alors que s'il y avait plusieurs mauvais le collège pourrait être jugé mauvais.
L'UN, dit-il, D'ENTRE VOUS, quant au nombre et non quant au mérite ou au lien de l'esprit - Ils sont sortis de chez nous, mais ils n'étaient pas des nôtres. S'ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous -, ME LIVRERA, c'est-à-dire : ME LIVRERA, moi, dis-je, le Maître, moi le Seigneur, moi le Sauveur.
1800. L'Évangéliste désigne d'une manière cachée la personne du traître. Et tout d'abord il montre ce qui en fut l'occasion, puis la désignation de la personne [n° 1808], enfin son effet [n° 1810].
Or l'occasion est double : l'hésitation commune des disciples et l'interrogation du disciple aimé d'un amour de prédilection [n° 1802].
L'occasion pour désigner le traître
1801. Il faut savoir que les bons disciples avaient pour le Christ une très grande charité, et une très grande fermeté de foi. Assurément, en raison de cette charité, chacun d'entre eux présumait qu'aucun ne le renierait. Mais, par la fermeté de leur foi, ils tenaient pour absolument certain que la parole du Christ ne pouvait être fausse. Et c'est pourquoi, bien qu'ils n'eussent pas conscience d'avoir en eux-mêmes quelque chose de mauvais, ils estimaient cependant que la prédiction du Christ était plus vraie et plus crédible que leurs propres pensées. C'est pourquoi, se rappelant qu'ils étaient des hommes et que le sentiment de l'homme, même celui des plus avancés, est changeant de telle sorte qu'il peut vouloir le contraire de ce qu'il a d'abord voulu, ils doutaient plus d'eux-mêmes que de la vérité du Christ. Et c'est pourquoi ils SE REGARDAIENT DONC LES UNS LES AUTRES, NE SACHANT PAS DE QUI IL PARLAIT - Que celui qui croit tenir debout, prenne garde de tomber. -Si j'avais été lavé comme dans de l'eau de neige, et si mes mains brillaient comme étant très pures, cependant tu me plongerais dans la fange.
1802. Ici est exposée l'interrogation du disciple. D'abord est décrite sa familiarité envers le Christ, puis ce qui l'a poussé à interroger [n° 1805], enfin son interrogation elle-même [n° 1807].
1803. La familiarité du disciple envers le Christ est montrée dans le fait qu'il reposa sur lui ; c'est pourquoi il dit : ÉTAIT ALLONGÉ UN DE SES DISCIPLES.
Ce disciple fut Jean l'Évangéliste, qui écrivit cet Évangile, et qui parle de lui à la troisième personne, voulant éviter la vantardise, suivant la coutume de ceux qui écrivirent les Écritures sacrées . Ainsi Moïse, dans ses livres, parle de lui comme de quelqu'un d'autre, en disant : Le Seigneur a parlé à Moïse en lui disant. De même Matthieu : Jésus vit un homme assis au bureau de percepteur d'impôts, du nom de Matthieu. Et Paul : Je connais un homme dans le Christ (...), cet homme-là fut ravi jusqu'au troisième ciel.
1804. Jean évoque ici trois choses à son sujet. En premier lieu l'amour avec lequel il se reposait dans le Christ, en disant qu'il ÉTAIT ALLONGÉ, c'est-à-dire qu'il se reposait - Tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant, tu lèveras vers Dieu ton visage'. - Vers les eaux du repos, il m'a conduit. En second lieu, la connaissance de secrets que le Christ lui révélait, et spécialement dans la rédaction de cet Évangile. C'est pourquoi il dit qu'il ÉTAIT ALLONGÉ TOUT CONTRE LE SEIN DE JÉSUS. Par le sein, en effet, on signifie le secret. Plus haut : L'unique engendré, qui est dans le sein du Père, lui-même l'a fait connaître. En troisième lieu, la dilection spéciale dont le Christ l'aimait ; c'est pourquoi il dit : CELUI QUE JÉSUS AIMAIT. Il l'aima non d'une manière singulière, mais pour ainsi dire d'une façon plus excellente que les autres.
Comment il l'a aimé d'une façon plus excellente que les autres, on le dit davantage à la fin de ce livre !. Mais pour le moment, il faut savoir que Jean fut plus aimé du Christ à cause de trois choses. En premier lieu à cause de la limpidité de sa pureté : choisi vierge par le Seigneur, il est toujours demeuré vierge - Celui qui aime la pureté du cœur et qui a la grâce sur ses lèvres aura le roi pour ami. En second lieu à cause de la sublimité de sa sagesse, parce que son regard a pénétré les secrets de la divinité plus profondément que les autres. C'est aussi pourquoi on le compare à un aigle- Le serviteur intelligent est agréable au roi. Enfin à cause de la ferveur véhémente de son amour pour le Christ - Moi [dit la Sagesse] j'aime ceux qui m'aiment.
1805. L'Évangéliste montre ici ce qui pousse Pierre à interroger. Mais puisque faire signe, c'est faire comprendre sans recourir à la parole, pourquoi dit-il : PIERRE LUI FAIT DONC SIGNE ET LUI DIT ?
Il faut répondre : on dit que nous « disons » quelque chose quand nous pensons quelque chose intérieurement, selon les paroles du psaume : L'insensé dit dans son cœur. On peut donc d'autant plus affirmer que nous « disons » quelque chose quand nous indiquons déjà extérieurement, par telle ou telle sorte de signes, ce qui avait été conçu en notre cœur. Et voici le sens : SIMON-PIERRE LUI FAIT DONC SIGNE ET LUI DIT, à savoir il dit en faisant un signe.
Ou bien on peut dire qu'il indique tout d'abord par un signe, et qu'ensuite il dit par une parole ce qui suit : QUI EST CELUI DONT IL PARLE ?, à savoir qui est celui qui le livrera.
1806. Mais puisque partout dans les évangiles on trouve Pierre toujours audacieux et le premier à répondre à cause de la ferveur de son amour, pourquoi se tait-il ici ? Pourquoi confie-t-il à un autre son interrogation ?
Selon Chrysostome, la raison en est peut-être que, puisque auparavant il fut réprimandé par le Seigneur pour n'avoir pas supporté que celui-ci lave ses pieds et qu'il avait entendu : Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi, il hésitait maintenant à l'importuner à ce sujet. Une autre raison est que Pierre ne voulait pas que le Seigneur manifestât cela publiquement, de telle sorte que les autres puissent l'entendre. C'est pourquoi, parce que lui-même était éloigné du Christ et qu'il ne l'aurait pas aussi bien entendu, il poussa Jean, qui était proche du Christ, à l'interroger.
Et il y a aussi à cela une raison mystique. Par Jean, en effet, on désigne la vie contemplative ; par Pierre, la vie active. Or Pierre est instruit par le Christ par l'intermédiaire de Jean, parce que la vie active est instruite des choses divines par la médiation de la vie contemplative - Marie, en effet, assise aux pieds du Seigneur, écoutait ses paroles. Mais Marthe était absorbée par les multiples soins du service.
1807. Ici l'Évangéliste montre l'interrogation elle-même. Il faut noter que lorsque Pierre fit signe pour qu'il l'interroge, Jean reposait sur le sein de Jésus. Mais à présent, quand Jean interroge, il se penche sur sa poitrine. En effet, la poitrine est plus proche de la bouche que le sein. Donc Jean, voulant écouter la réponse plus secrètement et plus silencieusement, s'éleva du sein à la poitrine.
Au sens mystique, il est ainsi donné à entendre que plus l'homme veut saisir les secrets de la sagesse divine, plus il doit s'efforcer de se rapprocher de Jésus, selon le psaume : Approchez-vous de lui et vous serez illuminés. Car les secrets de la sagesse divine sont révélés avant tout à ceux qui sont liés à Dieu par l'amour - Et il annonce à son ami que la lumière est son partage. - Son ami est venu et il l’α sondé.
La désignation du traître
1808. Le Seigneur désigne ici la personne du traître, d'abord par la parole, ensuite par un geste [n° 1809].
Par la parole en disant : C'EST CELUI À QUI MOI J'OFFRIRAI LE PAIN TREMPÉ. Et cette parole peut signifier deux choses, selon qu'elle peut être prise de deux manières. Si on prend cette parole ici dans un mauvais sens, elle signifie la simulation de Judas. Car de même que le pain trempé est imprégné de ce dans quoi on le trempe et change de couleur, de même aussi le simulateur, tandis qu'il porte une chose dans son cœur, en laisse entendre une autre par sa bouche. Et ainsi était Judas, qui extérieurement prétendait aimer le Maître et dans son cœur méditait la trahison - Ils parlent de paix à leur prochain, et le mal est dans leur cœur.
Mais si cette parole est prise dans un bon sens, elle est donnée pour amplifier son ingratitude. En effet le pain trempé est plus savoureux. Donc pour montrer que bien que Judas ait reçu de nombreux bienfaits de la part du Christ et que cependant, les oubliant, il le trahit, le Seigneur lui présente le pain trempé - Mais toi, homme qui vivais avec moi dans un même esprit, mon guide et mon intime, toi qui partageais avec moi de douces nourritures (...)
1809. Le Seigneur révèle la personne du traître par un geste en disant : AYANT TREMPÉ LE PAIN, IL LE DONNA À JUDAS, FILS DE SIMON L'ISCARIOTE.
Certains disent à partir de là que ce pain fut le corps du Christ consacré mais, selon Augustin, cela n'est pas vrai. Car, comme on le tient des autres évangiles, le Seigneur alors qu'il était à table donna son corps aux disciples. Et c'est pourquoi il est évident que Judas reçut en même temps que les autres disciples le corps du Christ au cours du repas. Or le Christ, après avoir à peine commencé le repas, se leva du repas, lava les pieds des disciples, et les ayant lavés s'assit à nouveau ; et c'est ensuite qu'il donna à Judas le pain trempé. Il est donc évident que ce n'était pas le corps du Christ.
L'effet : comment Satan entre dans l'homme
1810. Mais ici se pose la question : comment Satan entre-t-il dans l'homme ?
À cela il faut répondre que le fait que Satan entre dans l'homme peut se comprendre de deux manières. Il peut entrer dans le corps de l'homme, comme on le voit chez ceux qui sont tourmentés d'une manière corporelle par le démon, et ainsi le diable peut entrer essentiellement dans l'homme.
Ou bien on peut comprendre qu'il entre dans l'esprit de telle sorte que le démon pénètre essentiellement dans l'esprit. Mais nul ne peut entrer dans l'homme de cette manière, sinon Dieu seu1. En effet l'âme rationnelle ne possède pas les dimensions de la quantité, de telle sorte que l'on dise que quelque chose est en elle comme contenu dans ses dimensions. Et ainsi il ne peut rien y avoir en elle sinon celui qui lui donne d'être, qui est là par sa puissance. Je dis donc que celui qui donne à l'âme d'être est dans l'âme par sa puissance. Or là où est la puissance de Dieu, là est aussi l'essence de Dieu. En Dieu, en effet, l'essence et la puissance ne font qu'un. Il est donc manifeste que Dieu est essentiellement dans l'âme.
On dit cependant que le diable pénètre dans l'esprit humain par l'effet et le sentiment de la malice, en tant que l'homme séduit par lui le suit pour accomplir le mal qu'il suggère. Et c'est de cette manière qu'il entra dans Judas.
1811. Mais puisque l'Évangéliste a dit plus haut : Alors que déjà le diable avait jeté dans le cœur de Judas Iscariote, [fils] de Simon, [le dessein] de le livrer*, et qu'il dit ici : SATAN ENTRA EN LUI, il semble que ce soit autre de « jeter dans le cœur » et d'« entrer ». Mais là il faut préciser que ce n'est pas dit pour désigner une différence mais pour faire comprendre l'augmentation de sa malice. En effet on dit que le diable « jette quelque chose de mauvais » dans le cœur de l'homme quand l'homme lui offre son consentement au mal, et que cependant il se demande avec une certaine agitation s'il doit faire cela. Mais le diable « entre » dans le cœur quand l'homme se donne totalement pour suivre son instinct et ne lui résiste en rien. Satan entra donc en lui, pour le posséder pleinement et le pousser à commettre la malice, lui en qui il avait d'abord mis [l'intention] de tromper.
1812. On se demande pourquoi, en Luc, on dit que Satan entra en lui avant qu'il reçût la bouchée. C'est contraire à ce que Jean dit ici, à savoir qu'APRÈS LA BOUCHÉE, SATAN ENTRA EN LUI.
Réponse : il faut dire qu'alors (selon Luc) il entra pour susciter la trahison, mais que maintenant (selon Jean) il entra pour l'exécuter jusqu'au bout et l'achever.
1813. Mais est-ce que donner la bouchée à Judas après que Satan fut entré en lui fut un mal ? Réponse : il faut dire que non. Mais Judas lui-même, puisqu'il était mauvais, a mal usé du bien. Ainsi quand quelqu'un reçoit d'une manière indigne l'Eucharistie, qui est un bien, et le bien le meilleur, il la reçoit mal et la change pour lui en mal parce qu'il mange et boit son propre jugement.
L'exécution de la trahison.
1814. Après avoir exposé l'annonce de la trahison future, l'Évangéliste expose ici l'accomplissement de la réalité annoncée, c'est-à-dire l'exécution de la trahison.
En premier lieu, le Seigneur permet à Judas d'accomplir ce qu'il avait dit. L'Évangéliste expose d'abord les paroles du Seigneur qui lui permet, ensuite il manifeste l'obscurité des paroles elles-mêmes [n° 1816], enfin il ajoute comment ces paroles furent comprises par les Apôtres [n° 1819]. En second lieu, l'Évangéliste montre comment cela a été accompli [n° 1822].
CE QUE TU FAIS, FAIS-LE TRÈS VITE.
1815. Assurément ces paroles ne sont pas celles de celui qui commande ou qui donne un conseil, puisque le péché ne peut arriver ni sous le commandement ni sous le conseil divin, comme le dit le psaume : Le commandement limpide du Seigneur illumine les yeux. Mais ce sont les paroles de celui qui permet. Car, comme on l'a dit, LE DIABLE AVAIT JETÉ DANS LE CŒUR DE JUDAS [LE DESSEIN] DE LE LIVRER - lui, Jésus - et avait déjà traité de cela avec les chefs des prêtres ; mais il ne pouvait pas l'accomplir sans que le Christ lui-même le lui permît. Parce que, comme il est dit plus haut : Personne ne m'enlève mon âme, mais moi je la livre de moi-même. - II s'est offert parce que lui-même Va voulu.
Ces paroles sont aussi les paroles de celui qui blâme ce crime de la trahison pour montrer que, tandis que celui-ci (le Christ) conférait des bienfaits, celui-là (Judas) projetait sa mort - J'argumenterai contre toi et je me dresserai devant ta face.
Ce sont encore les paroles de celui qui aspire à l'œuvre de notre rédemption, comme le dit Augustin. Il n'a cependant pas prévu le crime, mais il l'a prédit, non pas tant par colère en vue de perdre le perfide que dans sa hâte de sauver les fidèles. C'est pourquoi il disait : Je dois être baptisé d'un baptême, et quel souci m'étreint jusqu'à ce qu'il soit accompli.
1816. Or les paroles du Seigneur étaient obscures pour les disciples. Et c'est pourquoi il dit : OR AUCUN DE CEUX QUI ÉTAIENT À TABLE NE SUT POURQUOI IL LUI AVAIT DIT CELA. En cela il est donné à entendre que les paroles du Christ sont tellement profondes et excèdent tellement l'intelligence humaine que nous ne pouvons pas en saisir plus, si lui-même ne le révèle - La gloire du Seigneur est de cacher sa parole.
1817. Mais ici se pose une question. Alors qu'en effet le Seigneur avait désigné la personne du traître à Jean, en disant : C'est celui à qui moi j'offrirai le pain trempé, et qu'il avait donné le pain trempé à Judas, les disciples semblent avoir été extrêmement ignorants de ne pas avoir compris la parole du Seigneur.
A cela il faut répondre que le Seigneur avait dit ces paroles d'une manière cachée, à Jean seulement, pour que le traître ne soit pas manifesté. La raison en est que Pierre était tellement fervent dans son amour pour le Christ que s'il avait tenu pour certain que Judas allait trahir le Christ, il l'aurait tué sur-le-champ.
1818. Mais comme Jean était l'un des convives, surgit encore une autre question, à savoir, pourquoi PÉvangéliste a dit qu'AUCUN DE CEUX QUI ÉTAIENT À TABLE NE SUT POURQUOI IL LUI AVAIT DIT CELA.
À cela il faut répondre que généralement un esprit bon et innocent croit que les autres aussi sont loin de l'iniquité, iniquité dont eux-mêmes se reconnaissent exempts. Donc Jean, parce qu'il était le plus innocent et qu'il était éloigné de l'iniquité du traître, ne soupçonnait absolument pas qu'un disciple irait si loin dans l'iniquité.
1819. Ce que les disciples, qui ignoraient la vraie cause de ces paroles, pensaient à leur sujet, l'Évangéliste l'ajoute ici. Là, il faut savoir que le Seigneur, le Dieu du ciel, qui donne la nourriture à toute chair, a possédé une bourse ; non qu'il possédât quelque chose de terrestre, mais gardant les dons offerts par les fidèles, il subvenait à ses propres besoins et à ceux des autres. Et c'est Judas qui portait cette bourse.
Par là on donne l'exemple, comme le dit Augustin, que l'Église peut avoir de l'argent et le réserver pour les nécessités imminentes. En cela nous apprenons aussi que l'argent de l'Église doit être dépensé seulement pour deux choses. En premier lieu, pour les choses qui se rapportent au culte divin. C'est pourquoi il dit : ACHÈTE CE DONT NOUS AVONS BESOIN POUR LE JOUR DE LA FÊTE, à savoir les choses avec lesquelles nous pouvons honorer Dieu en ce jour de fête - Apportez toute la dîme au Trésor, pour qu'il y ait de la nourriture dans ma maison^. Et enfin pour les choses qui relèvent du soutien à donner aux pauvres, de sorte qu'il ajoute : OU QU'IL LUI AVAIT DIT DE DONNER QUELQUE CHOSE AUX PAUVRES.
1820. Mais si tu objectes contre cela ce que dit le Seigneur : Ne pensez pas au lendemain) Augustin répond que cela ne fut pas enseigné par le Seigneur pour qu'aucun argent ni rien du salaire du jour ne fût gardé par les saints pour le lendemain. S'il a dit cela, c'est pour que nous ne prêchions pas et ne fassions pas les autres services de Dieu en vue de prévoir pour nous l'avenir. Ou bien pour que nous ne nous dérobions pas à ce qui relève de la vertu à cause de l'inquiétude du lendemain. À partir de là il est évident que le Seigneur, en disant : Ne pensez pas au lendemain^ défend deux choses. L'une, de faire le bien pour le lendemain, l'autre, de nous priver de biens par peur d'en manquer le lendemain.
Chrysostome expose [cela] très clairement en disant : Ne pensez pas au lendemain^ c'est-à-dire : le souci qui incombe au lendemain, ne l'anticipez pas aujourd'hui. En effet, à chaque jour suffit sa peine.
1821. Il y a ici un doute parce que le Seigneur a commandé à ses disciples : N'emportez pas en chemin de bourse, ni de besace, ni de sandales. Comment donc lui-même possédait-il une bourse ?
Mais selon Chrysostome, le Seigneur portait une bourse pour le service des pauvres pour que tu apprennes qu'aussi pauvre soit-on et crucifié au monde, il faut avoir souci des pauvres - Il dispersa et donna aux pauvres.
Ou bien, il faut dire que ce qu'il dit - N'emportez rien en chemin - doit se rapporter aux prédicateurs et aux apôtres individuellement, qui ne doivent rien emporter quand ils vont prêcher. Cela ne doit pas se rapporter à tout le collège parce qu'il faut qu'ils aient quelque chose pour eux-mêmes et pour les pauvres.
1822. Ensuite l'Évangéliste montre l'accomplissement de ce qui a été annoncé ; d'abord il montre l'exécution [n° 1823], ensuite il en détermine le moment [n° 1824].
1823. L'exécution est rapide parce qu'AYANT DONC PRIS LA BOUCHÉE, IL SORTIT AUSSITÔT. Là sois attentif, selon Origène, au fait que l'Évangéliste ne dit pas « Ayant mangé la bouchée » mais AYANT PRIS, ce qui peut se comprendre de deux manières.
D'abord que le traître, tellement tourmenté d'obéir en cela au Maître, ayant pris le pain, ne le mangea pas ; mais peut-être qu'ayant quitté la table, il ne contracta aucun retard pour aller exécuter la trahison. La raison de cela peut être que le diable, qui était déjà entré dans le cœur de Judas, craignant de devoir se retirer si celui-ci mangeait le pain, puisqu'il ne pouvait pas être dans le même lieu que Jésus, ne permit pas à Judas de manger le pain - Quel rapport du Christ avec Belial ? -Vous ne pouvez pas en même temps être participants de la table du Seigneur et de la table des démons.
D'une autre manière on peut comprendre qu'il a mangé le pain reçu. Et voici le sens : AYANT DONC PRIS LA BOUCHÉE, non seulement dans la main mais aussi en la mangeant, alors IL SORTIT AUSSITÔT, utilisant le bien pour le ma1. Et de même que celui qui mange le pain du Seigneur ou boit son calice indignement, mange et boit à son propre préjudice et est rendu plus lourd par ses péchés, ainsi le pain donné par Jésus à Judas fut pour sa perte de telle sorte qu'après que celui-ci eût pris le pain, Satan entra en lui.
1824. Le moment est déterminé, c'est l'heure des ténèbres, et l'Évangéliste précise cela pour deux raisons. D'abord pour aggraver la malice de Judas, qui était devenue tellement forte dans son cœur qu'il n'avait pas attendu jusqu'au matin à cause de l'inopportunité de ce moment - L'homicide se lève dès le grand matin (...) et pendant la nuit, il devient voleur^. En second lieu pour désigner la qualité de son espritC'ÉTAIT LA NUIT, parce que l'esprit du traître Judas était obscurci loin de la lumière divine - Si quelqu'un marche pendant le jour il ne bute pas, parce qu'il voit la lumière de ce monde ; mais si quelqu'un marche la nuit, il bute parce que la lumière n'est pas en lui.
Puis, pour confirmer la vérité de cette prédiction, l'exécution de la trahison elle-même [n° 1814].
La trahison.
1796. L'Évangéliste présente d'abord le sentiment de celui qui annonce, puis ce qui est effectivement annoncé. Celui qui annonce est donc le Christ, qui est affecté jusqu'au trouble. Et quant à cela il dit : AYANT DIT CELA, en les réinvitant à la charité dont il voyait le disciple traître privé, JÉSUS FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT.
À ce sujet il faut savoir que le trouble désigne un certain mouvement. Cela apparaît dans ce qui a été dit plus hautL'ange du Seigneur descendait de temps en temps dans la piscine, et l'eau s'agitait. Et ensuiteSeigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine quand Veau a été troublée. Et il est dit indifféremment que l'eau est troublée et qu'elle est mue. C'est aussi de cette manière que nous disons que la mer est troublée quand elle est agitée. Donc le trouble de l'âme désigne son mouvement. Mais certains actes de l'âme sont sans mouvement du corps, à savoir les actes de la partie intellective.
Les actes de l'appétit sensible s'accompagnent d'un mouvement du corps : c'est pourquoi les affections de l'appétit sensible sont appelées passions. Et parmi toutes les affections ou les passions de l'appétit sensible, c'est la tristesse qui a le plus la puissance de mouvoir. En effet la jouissance, puisqu'elle exprime le repos dans le bien présent, a davantage le sens de repos que de mouvement. De même la crainte, puisqu'elle porte sur un mal futur, meut moins que la tristesse qui porte sur le mal présent. Et de là vient que c'est surtout la tristesse qu'on appelle trouble de l'âme. Jésus donc fut troublé, c'est-à-dire attristé.
1797. Il faut remarquer ici que certains philosophes, à savoir les stoïciens, disent qu'un trouble et des passions de cette sorte ne viennent pas chez le sage. Selon eux, en effet, le sage a beau craindre, se réjouir et désirer, en aucune façon cependant il n'est attristé. Mais leur erreur apparaît clairement du fait que Jésus, qui est la Sagesse souveraine, a été troublé.
Il faut cependant savoir qu'il existe deux troubles. L'un provient de la chair, quand quelqu'un est triste ou troublé à partir d'une perception sensible, au-delà du jugement de la raison. Ce trouble se borne parfois aux limites de la raison et ne l'obnubile en aucune manière. Et cette passion n'est pas parfaite, elle est appelée par saint Jérôme « propassion ». Et elle peut se trouver chez le sage. Mais parfois elle excède la limite de la raison et la trouble, alors elle n'est pas seulement une passion, mais aussi un trouble ; et celui-ci ne se produit pas chez le sage.
Autre est le trouble qui procède de la raison, c'est-à-dire quand, à partir d'un jugement et d'une délibération de sa raison, quelqu'un est troublé dans son appétit sensible. Et c'est ce trouble que connut le Christ. C'est pourquoi, l'Évangéliste dit clairement qu'il FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT, et ce trouble qu'il y eut dans l'appétit sensible fut dans le Christ à partir du jugement de sa raison. C'est pourquoi, plus haut, il dit qu'il se troubla. Dans le Christ, en effet, tout provenait de la délibération de la raison, même ce qui se trouve dans la partie inférieure de l'appétit sensible. C'est pourquoi il n'y eut pas dans le Christ ces mouvements soudains de sensibilité.
1798. Mais Jésus voulut ici être troublé pour deux raisons. D'abord certes pour l'instruction de notre foi. Car sa Passion et sa mort, que la nature humaine fuit naturellement, étaient imminentes ; et quand il les sent imminentes pour lui, il s'en attriste comme d'un mal et un danger pour lui déjà présents. Donc, pour montrer qu'il avait une vraie nature humaine, il voulut être affecté jusque dans son âme elle-même par ce trouble qui provient du jugement de la raison. Par là est exclue l'erreur d'Apollinaire qui dit que dans le Christ il n'y eut pas d'âme, mais le Verbe à la place de l'âme.
En second lieu, pour notre édification. En effet, selon Augustin, le Christ voyait que le traître allait sortir afin de conduire les Juifs vers lui pour qu'ils le prennent. Et, par cela, il se trouvait séparé du collège des saints et recevait contre lui la sentence de mort. C'est pourquoi le Christ, par un sentiment de piété, s'attristait pour lui, donnant par cela aux prélats cet exemple ; que si parfois il leur arrive de proférer une sentence dure contre ceux qui leur sont soumis, ils la profèrent d'un cœur douloureux - Le juste me corrigera dans la miséricorde. Car lui-même, voulant manifester aux autres la séparation de Judas, FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT ET IL ATTESTA, afin que Judas ne trahît pas dans l'ignorance, ET [IL] DIT : « AMEN, AMEN, JE VOUS DIS QUE L'UN D'ENTRE VOUS ME LIVRERA. »
1799. Le Christ dit clairement L'UN D'ENTRE VOUS, de ceux qui ont été choisis pour le collège saint, pour donner à entendre qu'aucun collège ne sera si saint qu'on ne puisse trouver en lui quelque pécheur et méchant - Alors que les fils de Dieu étaient venus se présenter devant le Seigneur, Satan vint aussi parmi eux. Il dit UN, et non pas deux ou plusieurs, pour ne pas sembler maudire le collège, mais seulement le traître issu du collège des Apôtres. Car le collège [tout entier] ne doit pas être jugé mauvais à cause d'un seul homme mauvais issu de ce collège. Alors que s'il y avait plusieurs mauvais le collège pourrait être jugé mauvais.
L'UN, dit-il, D'ENTRE VOUS, quant au nombre et non quant au mérite ou au lien de l'esprit - Ils sont sortis de chez nous, mais ils n'étaient pas des nôtres. S'ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous -, ME LIVRERA, c'est-à-dire : ME LIVRERA, moi, dis-je, le Maître, moi le Seigneur, moi le Sauveur.
1800. L'Évangéliste désigne d'une manière cachée la personne du traître. Et tout d'abord il montre ce qui en fut l'occasion, puis la désignation de la personne [n° 1808], enfin son effet [n° 1810].
Or l'occasion est double : l'hésitation commune des disciples et l'interrogation du disciple aimé d'un amour de prédilection [n° 1802].
L'occasion pour désigner le traître
1801. Il faut savoir que les bons disciples avaient pour le Christ une très grande charité, et une très grande fermeté de foi. Assurément, en raison de cette charité, chacun d'entre eux présumait qu'aucun ne le renierait. Mais, par la fermeté de leur foi, ils tenaient pour absolument certain que la parole du Christ ne pouvait être fausse. Et c'est pourquoi, bien qu'ils n'eussent pas conscience d'avoir en eux-mêmes quelque chose de mauvais, ils estimaient cependant que la prédiction du Christ était plus vraie et plus crédible que leurs propres pensées. C'est pourquoi, se rappelant qu'ils étaient des hommes et que le sentiment de l'homme, même celui des plus avancés, est changeant de telle sorte qu'il peut vouloir le contraire de ce qu'il a d'abord voulu, ils doutaient plus d'eux-mêmes que de la vérité du Christ. Et c'est pourquoi ils SE REGARDAIENT DONC LES UNS LES AUTRES, NE SACHANT PAS DE QUI IL PARLAIT - Que celui qui croit tenir debout, prenne garde de tomber. -Si j'avais été lavé comme dans de l'eau de neige, et si mes mains brillaient comme étant très pures, cependant tu me plongerais dans la fange.
1802. Ici est exposée l'interrogation du disciple. D'abord est décrite sa familiarité envers le Christ, puis ce qui l'a poussé à interroger [n° 1805], enfin son interrogation elle-même [n° 1807].
1803. La familiarité du disciple envers le Christ est montrée dans le fait qu'il reposa sur lui ; c'est pourquoi il dit : ÉTAIT ALLONGÉ UN DE SES DISCIPLES.
Ce disciple fut Jean l'Évangéliste, qui écrivit cet Évangile, et qui parle de lui à la troisième personne, voulant éviter la vantardise, suivant la coutume de ceux qui écrivirent les Écritures sacrées . Ainsi Moïse, dans ses livres, parle de lui comme de quelqu'un d'autre, en disant : Le Seigneur a parlé à Moïse en lui disant. De même Matthieu : Jésus vit un homme assis au bureau de percepteur d'impôts, du nom de Matthieu. Et Paul : Je connais un homme dans le Christ (...), cet homme-là fut ravi jusqu'au troisième ciel.
1804. Jean évoque ici trois choses à son sujet. En premier lieu l'amour avec lequel il se reposait dans le Christ, en disant qu'il ÉTAIT ALLONGÉ, c'est-à-dire qu'il se reposait - Tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant, tu lèveras vers Dieu ton visage'. - Vers les eaux du repos, il m'a conduit. En second lieu, la connaissance de secrets que le Christ lui révélait, et spécialement dans la rédaction de cet Évangile. C'est pourquoi il dit qu'il ÉTAIT ALLONGÉ TOUT CONTRE LE SEIN DE JÉSUS. Par le sein, en effet, on signifie le secret. Plus haut : L'unique engendré, qui est dans le sein du Père, lui-même l'a fait connaître. En troisième lieu, la dilection spéciale dont le Christ l'aimait ; c'est pourquoi il dit : CELUI QUE JÉSUS AIMAIT. Il l'aima non d'une manière singulière, mais pour ainsi dire d'une façon plus excellente que les autres.
Comment il l'a aimé d'une façon plus excellente que les autres, on le dit davantage à la fin de ce livre !. Mais pour le moment, il faut savoir que Jean fut plus aimé du Christ à cause de trois choses. En premier lieu à cause de la limpidité de sa pureté : choisi vierge par le Seigneur, il est toujours demeuré vierge - Celui qui aime la pureté du cœur et qui a la grâce sur ses lèvres aura le roi pour ami. En second lieu à cause de la sublimité de sa sagesse, parce que son regard a pénétré les secrets de la divinité plus profondément que les autres. C'est aussi pourquoi on le compare à un aigle- Le serviteur intelligent est agréable au roi. Enfin à cause de la ferveur véhémente de son amour pour le Christ - Moi [dit la Sagesse] j'aime ceux qui m'aiment.
1805. L'Évangéliste montre ici ce qui pousse Pierre à interroger. Mais puisque faire signe, c'est faire comprendre sans recourir à la parole, pourquoi dit-il : PIERRE LUI FAIT DONC SIGNE ET LUI DIT ?
Il faut répondre : on dit que nous « disons » quelque chose quand nous pensons quelque chose intérieurement, selon les paroles du psaume : L'insensé dit dans son cœur. On peut donc d'autant plus affirmer que nous « disons » quelque chose quand nous indiquons déjà extérieurement, par telle ou telle sorte de signes, ce qui avait été conçu en notre cœur. Et voici le sens : SIMON-PIERRE LUI FAIT DONC SIGNE ET LUI DIT, à savoir il dit en faisant un signe.
Ou bien on peut dire qu'il indique tout d'abord par un signe, et qu'ensuite il dit par une parole ce qui suit : QUI EST CELUI DONT IL PARLE ?, à savoir qui est celui qui le livrera.
1806. Mais puisque partout dans les évangiles on trouve Pierre toujours audacieux et le premier à répondre à cause de la ferveur de son amour, pourquoi se tait-il ici ? Pourquoi confie-t-il à un autre son interrogation ?
Selon Chrysostome, la raison en est peut-être que, puisque auparavant il fut réprimandé par le Seigneur pour n'avoir pas supporté que celui-ci lave ses pieds et qu'il avait entendu : Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi, il hésitait maintenant à l'importuner à ce sujet. Une autre raison est que Pierre ne voulait pas que le Seigneur manifestât cela publiquement, de telle sorte que les autres puissent l'entendre. C'est pourquoi, parce que lui-même était éloigné du Christ et qu'il ne l'aurait pas aussi bien entendu, il poussa Jean, qui était proche du Christ, à l'interroger.
Et il y a aussi à cela une raison mystique. Par Jean, en effet, on désigne la vie contemplative ; par Pierre, la vie active. Or Pierre est instruit par le Christ par l'intermédiaire de Jean, parce que la vie active est instruite des choses divines par la médiation de la vie contemplative - Marie, en effet, assise aux pieds du Seigneur, écoutait ses paroles. Mais Marthe était absorbée par les multiples soins du service.
1807. Ici l'Évangéliste montre l'interrogation elle-même. Il faut noter que lorsque Pierre fit signe pour qu'il l'interroge, Jean reposait sur le sein de Jésus. Mais à présent, quand Jean interroge, il se penche sur sa poitrine. En effet, la poitrine est plus proche de la bouche que le sein. Donc Jean, voulant écouter la réponse plus secrètement et plus silencieusement, s'éleva du sein à la poitrine.
Au sens mystique, il est ainsi donné à entendre que plus l'homme veut saisir les secrets de la sagesse divine, plus il doit s'efforcer de se rapprocher de Jésus, selon le psaume : Approchez-vous de lui et vous serez illuminés. Car les secrets de la sagesse divine sont révélés avant tout à ceux qui sont liés à Dieu par l'amour - Et il annonce à son ami que la lumière est son partage. - Son ami est venu et il l’α sondé.
La désignation du traître
1808. Le Seigneur désigne ici la personne du traître, d'abord par la parole, ensuite par un geste [n° 1809].
Par la parole en disant : C'EST CELUI À QUI MOI J'OFFRIRAI LE PAIN TREMPÉ. Et cette parole peut signifier deux choses, selon qu'elle peut être prise de deux manières. Si on prend cette parole ici dans un mauvais sens, elle signifie la simulation de Judas. Car de même que le pain trempé est imprégné de ce dans quoi on le trempe et change de couleur, de même aussi le simulateur, tandis qu'il porte une chose dans son cœur, en laisse entendre une autre par sa bouche. Et ainsi était Judas, qui extérieurement prétendait aimer le Maître et dans son cœur méditait la trahison - Ils parlent de paix à leur prochain, et le mal est dans leur cœur.
Mais si cette parole est prise dans un bon sens, elle est donnée pour amplifier son ingratitude. En effet le pain trempé est plus savoureux. Donc pour montrer que bien que Judas ait reçu de nombreux bienfaits de la part du Christ et que cependant, les oubliant, il le trahit, le Seigneur lui présente le pain trempé - Mais toi, homme qui vivais avec moi dans un même esprit, mon guide et mon intime, toi qui partageais avec moi de douces nourritures (...)
1809. Le Seigneur révèle la personne du traître par un geste en disant : AYANT TREMPÉ LE PAIN, IL LE DONNA À JUDAS, FILS DE SIMON L'ISCARIOTE.
Certains disent à partir de là que ce pain fut le corps du Christ consacré mais, selon Augustin, cela n'est pas vrai. Car, comme on le tient des autres évangiles, le Seigneur alors qu'il était à table donna son corps aux disciples. Et c'est pourquoi il est évident que Judas reçut en même temps que les autres disciples le corps du Christ au cours du repas. Or le Christ, après avoir à peine commencé le repas, se leva du repas, lava les pieds des disciples, et les ayant lavés s'assit à nouveau ; et c'est ensuite qu'il donna à Judas le pain trempé. Il est donc évident que ce n'était pas le corps du Christ.
L'effet : comment Satan entre dans l'homme
1810. Mais ici se pose la question : comment Satan entre-t-il dans l'homme ?
À cela il faut répondre que le fait que Satan entre dans l'homme peut se comprendre de deux manières. Il peut entrer dans le corps de l'homme, comme on le voit chez ceux qui sont tourmentés d'une manière corporelle par le démon, et ainsi le diable peut entrer essentiellement dans l'homme.
Ou bien on peut comprendre qu'il entre dans l'esprit de telle sorte que le démon pénètre essentiellement dans l'esprit. Mais nul ne peut entrer dans l'homme de cette manière, sinon Dieu seu1. En effet l'âme rationnelle ne possède pas les dimensions de la quantité, de telle sorte que l'on dise que quelque chose est en elle comme contenu dans ses dimensions. Et ainsi il ne peut rien y avoir en elle sinon celui qui lui donne d'être, qui est là par sa puissance. Je dis donc que celui qui donne à l'âme d'être est dans l'âme par sa puissance. Or là où est la puissance de Dieu, là est aussi l'essence de Dieu. En Dieu, en effet, l'essence et la puissance ne font qu'un. Il est donc manifeste que Dieu est essentiellement dans l'âme.
On dit cependant que le diable pénètre dans l'esprit humain par l'effet et le sentiment de la malice, en tant que l'homme séduit par lui le suit pour accomplir le mal qu'il suggère. Et c'est de cette manière qu'il entra dans Judas.
1811. Mais puisque l'Évangéliste a dit plus haut : Alors que déjà le diable avait jeté dans le cœur de Judas Iscariote, [fils] de Simon, [le dessein] de le livrer*, et qu'il dit ici : SATAN ENTRA EN LUI, il semble que ce soit autre de « jeter dans le cœur » et d'« entrer ». Mais là il faut préciser que ce n'est pas dit pour désigner une différence mais pour faire comprendre l'augmentation de sa malice. En effet on dit que le diable « jette quelque chose de mauvais » dans le cœur de l'homme quand l'homme lui offre son consentement au mal, et que cependant il se demande avec une certaine agitation s'il doit faire cela. Mais le diable « entre » dans le cœur quand l'homme se donne totalement pour suivre son instinct et ne lui résiste en rien. Satan entra donc en lui, pour le posséder pleinement et le pousser à commettre la malice, lui en qui il avait d'abord mis [l'intention] de tromper.
1812. On se demande pourquoi, en Luc, on dit que Satan entra en lui avant qu'il reçût la bouchée. C'est contraire à ce que Jean dit ici, à savoir qu'APRÈS LA BOUCHÉE, SATAN ENTRA EN LUI.
Réponse : il faut dire qu'alors (selon Luc) il entra pour susciter la trahison, mais que maintenant (selon Jean) il entra pour l'exécuter jusqu'au bout et l'achever.
1813. Mais est-ce que donner la bouchée à Judas après que Satan fut entré en lui fut un mal ? Réponse : il faut dire que non. Mais Judas lui-même, puisqu'il était mauvais, a mal usé du bien. Ainsi quand quelqu'un reçoit d'une manière indigne l'Eucharistie, qui est un bien, et le bien le meilleur, il la reçoit mal et la change pour lui en mal parce qu'il mange et boit son propre jugement.
L'exécution de la trahison.
1814. Après avoir exposé l'annonce de la trahison future, l'Évangéliste expose ici l'accomplissement de la réalité annoncée, c'est-à-dire l'exécution de la trahison.
En premier lieu, le Seigneur permet à Judas d'accomplir ce qu'il avait dit. L'Évangéliste expose d'abord les paroles du Seigneur qui lui permet, ensuite il manifeste l'obscurité des paroles elles-mêmes [n° 1816], enfin il ajoute comment ces paroles furent comprises par les Apôtres [n° 1819]. En second lieu, l'Évangéliste montre comment cela a été accompli [n° 1822].
CE QUE TU FAIS, FAIS-LE TRÈS VITE.
1815. Assurément ces paroles ne sont pas celles de celui qui commande ou qui donne un conseil, puisque le péché ne peut arriver ni sous le commandement ni sous le conseil divin, comme le dit le psaume : Le commandement limpide du Seigneur illumine les yeux. Mais ce sont les paroles de celui qui permet. Car, comme on l'a dit, LE DIABLE AVAIT JETÉ DANS LE CŒUR DE JUDAS [LE DESSEIN] DE LE LIVRER - lui, Jésus - et avait déjà traité de cela avec les chefs des prêtres ; mais il ne pouvait pas l'accomplir sans que le Christ lui-même le lui permît. Parce que, comme il est dit plus haut : Personne ne m'enlève mon âme, mais moi je la livre de moi-même. - II s'est offert parce que lui-même Va voulu.
Ces paroles sont aussi les paroles de celui qui blâme ce crime de la trahison pour montrer que, tandis que celui-ci (le Christ) conférait des bienfaits, celui-là (Judas) projetait sa mort - J'argumenterai contre toi et je me dresserai devant ta face.
Ce sont encore les paroles de celui qui aspire à l'œuvre de notre rédemption, comme le dit Augustin. Il n'a cependant pas prévu le crime, mais il l'a prédit, non pas tant par colère en vue de perdre le perfide que dans sa hâte de sauver les fidèles. C'est pourquoi il disait : Je dois être baptisé d'un baptême, et quel souci m'étreint jusqu'à ce qu'il soit accompli.
1816. Or les paroles du Seigneur étaient obscures pour les disciples. Et c'est pourquoi il dit : OR AUCUN DE CEUX QUI ÉTAIENT À TABLE NE SUT POURQUOI IL LUI AVAIT DIT CELA. En cela il est donné à entendre que les paroles du Christ sont tellement profondes et excèdent tellement l'intelligence humaine que nous ne pouvons pas en saisir plus, si lui-même ne le révèle - La gloire du Seigneur est de cacher sa parole.
1817. Mais ici se pose une question. Alors qu'en effet le Seigneur avait désigné la personne du traître à Jean, en disant : C'est celui à qui moi j'offrirai le pain trempé, et qu'il avait donné le pain trempé à Judas, les disciples semblent avoir été extrêmement ignorants de ne pas avoir compris la parole du Seigneur.
A cela il faut répondre que le Seigneur avait dit ces paroles d'une manière cachée, à Jean seulement, pour que le traître ne soit pas manifesté. La raison en est que Pierre était tellement fervent dans son amour pour le Christ que s'il avait tenu pour certain que Judas allait trahir le Christ, il l'aurait tué sur-le-champ.
1818. Mais comme Jean était l'un des convives, surgit encore une autre question, à savoir, pourquoi PÉvangéliste a dit qu'AUCUN DE CEUX QUI ÉTAIENT À TABLE NE SUT POURQUOI IL LUI AVAIT DIT CELA.
À cela il faut répondre que généralement un esprit bon et innocent croit que les autres aussi sont loin de l'iniquité, iniquité dont eux-mêmes se reconnaissent exempts. Donc Jean, parce qu'il était le plus innocent et qu'il était éloigné de l'iniquité du traître, ne soupçonnait absolument pas qu'un disciple irait si loin dans l'iniquité.
1819. Ce que les disciples, qui ignoraient la vraie cause de ces paroles, pensaient à leur sujet, l'Évangéliste l'ajoute ici. Là, il faut savoir que le Seigneur, le Dieu du ciel, qui donne la nourriture à toute chair, a possédé une bourse ; non qu'il possédât quelque chose de terrestre, mais gardant les dons offerts par les fidèles, il subvenait à ses propres besoins et à ceux des autres. Et c'est Judas qui portait cette bourse.
Par là on donne l'exemple, comme le dit Augustin, que l'Église peut avoir de l'argent et le réserver pour les nécessités imminentes. En cela nous apprenons aussi que l'argent de l'Église doit être dépensé seulement pour deux choses. En premier lieu, pour les choses qui se rapportent au culte divin. C'est pourquoi il dit : ACHÈTE CE DONT NOUS AVONS BESOIN POUR LE JOUR DE LA FÊTE, à savoir les choses avec lesquelles nous pouvons honorer Dieu en ce jour de fête - Apportez toute la dîme au Trésor, pour qu'il y ait de la nourriture dans ma maison^. Et enfin pour les choses qui relèvent du soutien à donner aux pauvres, de sorte qu'il ajoute : OU QU'IL LUI AVAIT DIT DE DONNER QUELQUE CHOSE AUX PAUVRES.
1820. Mais si tu objectes contre cela ce que dit le Seigneur : Ne pensez pas au lendemain) Augustin répond que cela ne fut pas enseigné par le Seigneur pour qu'aucun argent ni rien du salaire du jour ne fût gardé par les saints pour le lendemain. S'il a dit cela, c'est pour que nous ne prêchions pas et ne fassions pas les autres services de Dieu en vue de prévoir pour nous l'avenir. Ou bien pour que nous ne nous dérobions pas à ce qui relève de la vertu à cause de l'inquiétude du lendemain. À partir de là il est évident que le Seigneur, en disant : Ne pensez pas au lendemain^ défend deux choses. L'une, de faire le bien pour le lendemain, l'autre, de nous priver de biens par peur d'en manquer le lendemain.
Chrysostome expose [cela] très clairement en disant : Ne pensez pas au lendemain^ c'est-à-dire : le souci qui incombe au lendemain, ne l'anticipez pas aujourd'hui. En effet, à chaque jour suffit sa peine.
1821. Il y a ici un doute parce que le Seigneur a commandé à ses disciples : N'emportez pas en chemin de bourse, ni de besace, ni de sandales. Comment donc lui-même possédait-il une bourse ?
Mais selon Chrysostome, le Seigneur portait une bourse pour le service des pauvres pour que tu apprennes qu'aussi pauvre soit-on et crucifié au monde, il faut avoir souci des pauvres - Il dispersa et donna aux pauvres.
Ou bien, il faut dire que ce qu'il dit - N'emportez rien en chemin - doit se rapporter aux prédicateurs et aux apôtres individuellement, qui ne doivent rien emporter quand ils vont prêcher. Cela ne doit pas se rapporter à tout le collège parce qu'il faut qu'ils aient quelque chose pour eux-mêmes et pour les pauvres.
1822. Ensuite l'Évangéliste montre l'accomplissement de ce qui a été annoncé ; d'abord il montre l'exécution [n° 1823], ensuite il en détermine le moment [n° 1824].
1823. L'exécution est rapide parce qu'AYANT DONC PRIS LA BOUCHÉE, IL SORTIT AUSSITÔT. Là sois attentif, selon Origène, au fait que l'Évangéliste ne dit pas « Ayant mangé la bouchée » mais AYANT PRIS, ce qui peut se comprendre de deux manières.
D'abord que le traître, tellement tourmenté d'obéir en cela au Maître, ayant pris le pain, ne le mangea pas ; mais peut-être qu'ayant quitté la table, il ne contracta aucun retard pour aller exécuter la trahison. La raison de cela peut être que le diable, qui était déjà entré dans le cœur de Judas, craignant de devoir se retirer si celui-ci mangeait le pain, puisqu'il ne pouvait pas être dans le même lieu que Jésus, ne permit pas à Judas de manger le pain - Quel rapport du Christ avec Belial ? -Vous ne pouvez pas en même temps être participants de la table du Seigneur et de la table des démons.
D'une autre manière on peut comprendre qu'il a mangé le pain reçu. Et voici le sens : AYANT DONC PRIS LA BOUCHÉE, non seulement dans la main mais aussi en la mangeant, alors IL SORTIT AUSSITÔT, utilisant le bien pour le ma1. Et de même que celui qui mange le pain du Seigneur ou boit son calice indignement, mange et boit à son propre préjudice et est rendu plus lourd par ses péchés, ainsi le pain donné par Jésus à Judas fut pour sa perte de telle sorte qu'après que celui-ci eût pris le pain, Satan entra en lui.
1824. Le moment est déterminé, c'est l'heure des ténèbres, et l'Évangéliste précise cela pour deux raisons. D'abord pour aggraver la malice de Judas, qui était devenue tellement forte dans son cœur qu'il n'avait pas attendu jusqu'au matin à cause de l'inopportunité de ce moment - L'homicide se lève dès le grand matin (...) et pendant la nuit, il devient voleur^. En second lieu pour désigner la qualité de son espritC'ÉTAIT LA NUIT, parce que l'esprit du traître Judas était obscurci loin de la lumière divine - Si quelqu'un marche pendant le jour il ne bute pas, parce qu'il voit la lumière de ce monde ; mais si quelqu'un marche la nuit, il bute parce que la lumière n'est pas en lui.
La formule
de transition lorsqu’il eut dit marque vraisemblablement une pause rapide. - Jésus fut troublé. Trait spécial.
Jésus se trouble en face de Judas et de la monstrueuse ingratitude de cet homme qu'il avait tant aimé. Cette
émotion, qui le gagnait visiblement depuis quelques instants (voyez l'explication du v. 18), est rattachée,
comme dans une circonstance non moins touchante (11 39), non pas à sa sensibilité, mais à la partie la plus
relevée de son être humain, le πνεύμα (esprit). Qu'il est beau encore de le voir semblable à l'un de nous !
mais quel calme et quelle dignité divine dans ses actes, malgré la vivacité des impressions qui l'agitaient ! -
Et il fit cette déclaration. Mot tout à fait solennel : il attesta, il déclara ouvertement. Cf. 4, 44. - C'est avec
une pleine et entière connaissance de cause que Jésus prédit la trahison de Judas (en vérité... pour la
troisième fois), et il le fait, dans le quatrième évangile, en termes identiques à ceux qui nous ont été
conservés par S. Matthieu et par S. Marc. S. Marc ajoute : « qui mange avec moi ». Comp. la narration de S.
Luc.