Jean 13, 32

Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.

Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Origène
Après les glorieux témoignages qu'avaient rendus au Sauveur les prodiges qu'il avait opérés, et le miracle de la transfiguration, la glorification du Fils de l'homme commença lorsque Judas, avec Satan, qui était entré en lui, sortirent du lieu où se trouvait Jésus. «Lorsqu'il fut sorti, Jésus dit: Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié». Il ne s'agit pas ici de la gloire du Fils unique et immortel, du Verbe de Dieu, mais de la gloire de l'homme qui est né de la race de David. En effet, si dans la mort de Jésus-Christ, qui a glorifié Dieu, nous voyons s'accomplir ces paroles: «Il a dépouillé les puissances et les principautés, il les a menées hautement on triomphe à la face de tout le monde par le bois de sa croix» ( Col 2,15 ) et ces autres: «Il a pacifié, par le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre, que ce qui est dans le ciel» ( Col 1,20 ); la gloire qui en est résultée pour le Fils de l'homme, est inséparable de la gloire du Père, qui a été glorifié en lui; car, on ne peut glorifier Jésus-Christ sans glorifier en même temps le Père. Mais comme celui qui est glorifié l'est nécessairement par quelqu'un, si vous demandez par qui le l'ils de l'homme a été glorifié, il vous répond lui-même: «Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même».

Disons encore que le mot gloire n'a pas ici le sens que lui donnent quelques païens qui définissent la gloire, la réunion des louanges qui sont données par un grand nombre, car il est évident que ce n'est pas là le sens du mot gloire dans l'Exode, où il est dit: «Que le tabernacle fut rempli de la gloire de Dieu» (Ex 40, 32), et encore que la figure de Moïse fut resplendissante de gloire (Ex 34, 35). Dans le sens premier et littéral, on doit entendre qu'il y eut comme une apparition plus spéciale de la gloire divine dans le tabernacle aussi bien que sur le visage de Moïse, qui venait de s'entretenir avec Dieu. Mais dans le sens figuré, la gloire de Dieu apparut, parce que l'intelligence déifiée et s'élevant au-dessus de toutes les choses matérielles pour scruter la vision de Dieu, participe à l'éclat de la divinité qu'elle contemple, c'est dans ce sens que le visage de Moïse resplendit de gloire, parce que son intelligence fut comme déifiée; or, on ne peut établir aucune comparaison entre la prééminence divine de Jésus-Christ et l'éclat qui rejaillissait de l'intelligence de Moïse sur son visage, car le Fils est la splendeur de toute la gloire, divine au témoignage de saint Paul: «Et comme il est la splendeur de sa gloire et l'image de sa substance» (He 1, 3). Bien plus, de ce foyer complet de gloire et de lumière partent des rayons éclatants qui se répandent sur la créature raisonnable, car je ne pense pas qu'aucune créature puisse comprendre toute la splendeur de la gloire divine, le Fils seul en est capable. Le Fils n'était donc, pas glorifié dans le monde, alors qu'il n'en était pas connu, mais lorsque le Père eut donné la connaissance de Jésus à quelques-uns de ceux qui existaient dans le monde, le Fils de l'homme fut glorifié dans ceux dont il était connu. Cette connaissance fut une cause de gloire pour ceux qui la possédaient, car ceux qui contemplent à visage découvert la gloire du Seigneur sont transformés en sa ressemblance (2 Co 3, 13) par la gloire de celui qui est glorifié qui rejaillit sur ceux qui le glorifient. Lors donc qu'il vit s'approcher l'accomplissement de ce mystère qui devait le faire connaître au monde et lui mériter cette gloire qui devait se répondre sur ceux qui le glorifieraient, il dit.: «C'est maintenant que le Fils de l'homme est glorifié». Et comme nul n'a connu le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils l'a révélé, et qu'il entrait dans le plan de l'incarnation divine que le Fils fit connaître le Père, Dieu fut par cela même glorifié en lui. Pour bien comprendre ces paroles: «Dieu a été glorifié en lui», vous les rapprocherez de ces autres: «Celui qui me voit, voit aussi mon Père» (Jn 14). On voit, en effet, le Père, parce que le Verbe est Dieu, et l'image invisible de Dieu le Père qui l'a engendré. On peut encore donner de ce passage une explication plus développée et plus claire. De même que le nom de Dieu est blasphémé par quelques-uns parmi les nations (Rm 2, 24), ainsi ce nom divin du Père est glorifié par les saints, dont les oeuvres parfaites brillent aux yeux des autres hommes. Mais par qui Dieu a-t-il été plus glorifié que par Jésus, qui n'a commis aucun péché, et dans la bouche de qui le mensonge ne s'est point trouvé? (1 P 2, 22). C'est donc ainsi que le Fils a été glorifié, et que Dieu a été glorifié en lui; mais si Dieu a été glorifié en lui, il lui rend une gloire bien supérieure à celle que le Fils lui a donnée, car la gloire que le Père donne au Fils de l'homme, lorsqu'il le glorifie, est incomparablement plus grande que celle qu'il rend lui-même à Dieu le Père qui est glorifié en lui. Il était convenable, en effet, que celui qui était le plus puissant, rendît aussi une gloire plus grande, et comme cette gloire que le Père devait accorder au Fils de l'homme ne devait point tarder, Jésus ajoute: «Et bientôt il le glorifiera».
Saint Hilaire de Poitiers
Ces paroles: «Dieu a été glorifié en lui», se rapportent à la gloire du corps de Jésus-Christ, qui a fait ressortir la gloire de Dieu par celle qu'il empruntait lui-même de son union avec la nature divine. Dieu, en retour de cette gloire que son Fils lui donnait, l'a glorifié en lui-même, en augmentant la gloire que le Fils donnait en lui à Dieu, de telle sorte que celui qui règne dans la gloire (qui est la gloire de Dieu), fût comme transformé dans la gloire de Dieu, en demeurant tout entier Dieu par l'union de son humanité avec la divinité. Il ne veut pas laisser ignorer le temps de cette glorification: «Et bientôt il le glorifiera», c'est-à-dire, qu'au moment où Judas sort pour le trahir, Jésus prédit la gloire que doit lui procurer bientôt sa résurrection après sa passion, et réserve pour un temps plus éloigné la gloire par laquelle Dieu devait le glorifier en lui-même, en faisant éclater aux yeux de tous la puissance de sa résurrection, tandis que lui-même devait rester en Dieu en vertu de cette mystérieuse disposition qui le soumet à son Père.

La première signification de ces paroles: «Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié», ne peut être douteuse à mon avis, car ce n'est point le Verbe, mais la chair qu'il s'était unie qui était susceptible d'une nouvelle gloire. Mais je me demande ce que signifient les paroles qui suivent: «Et Dieu a été glorifié en lui»; en effet, le Fils de l'homme n'est point autre que le Fils de Dieu (puisque c'est le Verbe qui s'est fait chair); je cherche donc comment Dieu a été glorifié dans ce Fils de l'homme qui est en même temps le Fils de Dieu. Examinons encore le sens de ces autres paroles: «Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu le glorifiera en lui-même». L'homme ne peut être glorifié par lui-même, et d'autre part le Dieu qui est glorifié dans l'homme (bien qu'il reçoive de la gloire), ne peut être autre chose que Dieu; il faut donc ou que ce soit le Christ qui est glorifié dans la chair, ou le Père qui est glorifié dans le Christ. Si c'est le Christ, il est certain que le Christ qui est glorifié dans la chair, est Dieu; si c'est le Père (qui est Dieu), le Père est glorifié dans le Fils en vertu du mystère de l'unité. Mais de ce que Dieu glorifie en lui-même, le Dieu qui a été glorifié dans le Fils, comment peut-on encore tirer cette conclusion impie, que le Christ ne soit point vrai Dieu, et n'ait point une même nature avec Dieu le Père? Est-ce que celui qu'il glorifie en lui-même serait en dehors de lui? Celui que le Père, glorifie en lui-même partage nécessairement la même gloire, et celui qui doit être glorifié de la gloire du Père, entre nécessairement en participation de toutes les perfections du Père.
Saint Jean Chrysostome
C'est-à-dire par lui-même et non par un autre. «Et c'est bientôt qu'il le glorifiera». Comme il disait: Ce ne sera pas après un long espace de temps, car la croix fera bientôt éclater ces glorieux témoignages; en effet, le soleil s'éclipsa, les rochers furent brisés, et un grand nombre de ceux qui étaient morts ressuscitèrent. C'est ainsi qu'il relève l'esprit abattu de ses disciples, et qu'il les excite non-seulement à bannir la tristesse, mais à se livrer à la joie.

Ou bien encore: Le disciple impur étant sorti, tous ceux qui étaient purs demeurèrent avec celui qui les avait purifiés. Il arrivera quelque chose de semblable lorsque l'ivraie, étant séparée du froment, les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père ( Mt 13 ). C'est dans la prévision de cette séparation future que Notre-Seigneur, lorsque Judas fut sorti, c'est-à-dire lorsque l'ivraie fut séparée et qu'il ne resta plus que le bon grain, c'est-à-dire les saints Apôtres, dit: «Maintenant, le Fils de l'homme est glorifié». Il semble dire: Voilà ce qui aura lieu dans ma glorification; ou n'y verra aucun méchant; aucun des bons qui s'y trouveront ne périra. Remarquez que Notre-Seigneur ne dit pas: C'est maintenant qu'est figurée la glorification du Fils de l'homme, mais: «C'est maintenant que le Fils de l'homme est glorifié»; de même que l'Apôtre ne dit pas: La pierre signifiait le Christ; mais: «La pierre était le Christ» ( 1Co 10 ). Car, les écrivains sacrés ont coutume de donner aux figures le nom des choses figurées. Or, la glorification du Fils de l'homme a pour but que Dieu soit glorifié en lui, comme Notre-Seigneur l'ajoute: «Et Dieu est glorifié en lui». Il donne ensuite l'explication de ces paroles: «Si Dieu a été glorifié en lui (parce qu'il n'est point venu faire sa volonté, mais la volonté de celui qui l'a envoyé), Dieu aussi le glorifiera en lui-même», en donnant l'immortalité à la nature humaine, à laquelle le Verbe s'est uni. «Et bientôt il le glorifiera», paroles qui sont une prédiction de sa résurrection, qui ne sera point retardée, comme la nôtre, à la fin du monde, mais qui suivra presque immédiatement sa mort. Ou peut aussi entendre, de cette résurrection prochaine, ce qu'il a dit plus haut: «Maintenant, le Fils de l'homme est glorifié»; et l'expression: «Maintenant», s'appliquerait non point à sa passion, qui était proche, mais à sa résurrection, qui devait suivre, et qui regardait comme déjà faite parce qu'elle devait arriver bientôt.
Saint Thomas d'Aquin
1825. Après que Judas fut sorti pour comploter la mort du Seigneur, le Seigneur traite de son propre départ vers la gloire. Il leur annonce d'abord la gloire vers laquelle il va, pour qu'ils en soient consolés [n° 1826], puis son départ [n° 1831].

La gloire vers laquelle il va.

1826. La gloire vers laquelle il va est la glorification et l'exaltation du Christ en tant qu'il est Fils de l'homme. Et c'est ce qui est dit : LORS DONC QU'IL FUT SORTI, à savoir Judas, JÉSUS DIT à ses disciples : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ (clarificatus) LE FILS DE L'HOMME, ET DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ (clarificatus) EN LUI.

Ici il faut savoir que clarificari et glorificari ont la même signification ; la gloire (gloria) est dite en effet comme une clarté (claritas). D'où, selon Ambroise *, « la gloire est une connaissance lumineuse accompagnée de louange ». C'est pourquoi les commentateurs, là où dans le grec il y a clarificare, transposent en glorificare, et inversement. Et ainsi ce qu'on dit ici : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ [clarificatus] LE FILS DE L'HOMME est la même chose que si on disait glorificatus.

Cela peut donc être expliqué de quatre manières, en se référant aux quatre aspects de la gloire du Christ. D'abord certes à la gloire de la Croix [n° 1827], ensuite à la gloire du pouvoir de juger [n° 1828], puis à la gloire de la Résurrection [n° 1829], enfin à la gloire qui est la connaissance du Christ dans la foi des peuples [n° 1830]. En effet l'Écriture attribue ces quatre gloires au Christ.

1827. En premier lieu, le Christ fut donc glorifié dans l'exaltation de la Croix, c'est pourquoi aussi Paul dit que sa gloire est dans la Croix elle-même - Pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la Croix de notre Seigneur Jésus Christ. Et c'est de cette gloire que Chrysostome parle. Et le Seigneur traite de quatre manières de la gloire de la Croix : en premier la gloire elle-même, en second le fruit de la gloire, en troisième l'auteur de la gloire, enfin l'heure de la gloire.

Il faut savoir en effet que, quand quelque chose commence à exister, cela semble être comme déjà fait. Judas étant sorti pour conduire les soldats [à Jésus], il semble que le négoce de la Passion du Christ par lequel il devait être glorifié ait commencé, et c'est pourquoi il dit : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, c'est-à-dire commence la Passion dans laquelle il sera glorifié. En effet le Christ a été glorifié par la Passion de la Croix, parce que par elle il a triomphé de ses ennemis, à savoir la mort et le diable - Afin de détruire par la mort celui qui avait l'empire de la mort.

De même, parce que par elle il a uni les choses terrestres aux choses célestes - Pacifiant par le sang de sa Croix, soit ce qui est sur la terre, soit ce qui est dans les deux . De même, parce que par elle il reçut en sa possession toutes les royautés, selon cet autre passage du psaume : Dites parmi les nations que le Seigneur a régné par le bois . De même encore parce qu'en elle il a manifesté de nombreux miracles : le voile du Temple se déchira, la terre fut ébranlée, les pierres furent brisées, le soleil fut obscurci, et de nombreux corps de saints ressuscitèrent, comme le dit Matthieu. À cause de cela donc, sa Passion étant imminente, il dit : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, comme pour dire : Maintenant commence ma Passion, qui est ma glorification.

Le fruit de cette gloire est que par là Dieu soit glorifié. Et c'est pourquoi il dit : ET DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI, c'est-à-dire dans le Fils de l'homme glorifié, parce que la gloire de la Passion tend à ce que Dieu soit par là glorifié. En effet, si Dieu est glorifié par la mort de Pierre – Il dit cela indiquant par quelle mort il devait glorifier Dieu -, il a été glorifié bien davantage par la mort du Christ.

L'auteur de cette gloire n'est ni un ange, ni un homme, mais Dieu lui-même. Et c'est pourquoi il dit : SI DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI – Si la gloire est telle que Dieu soit par là glorifié, il ne devait pas être glorifié par un autre. Mais DIEU AUSSI LE GLORIFIERA EN LUI-MÊME, c'est-à-dire par lui-même - Glorifie-moi, Père, de la gloire que j'ai eue auprès de toi avant que fût le monde.

L'heure de cette gloire est immédiate parce que BIENTÔT, c'est-à-dire tout de suite, IL LE GLORIFIERA, il lui donnera la glorification de la Croix.

En effet la Croix, bien qu'elle soit folie pour les Gentils et ceux qui périssent, est cependant pour nous, qui croyons, la plus grande sagesse de Dieu et la puissance de Dieu.

1828. La seconde gloire du Christ est la gloire liée au pouvoir de juger - Alors on verra le Fils de l'homme venant dans les nuées avec une grande puissance et une grande gloire. Augustin parle de cette gloire, comme on le voit dans la Glose, et il le fait de quatre manières. En premier lieu il expose la gloire liée au pouvoir de juger. En second lieu il montre le mérite par lequel on parvient à cette gloire. En troisième lieu il explique cela. Enfin il montre le principe de cette gloire.

Là il faut savoir que, dans la Sainte Écriture, les réalités signifiées sont désignées par le nom des réalités signifiantes , la signification n'étant pas exprimée, selon cet [exemple] : Or cette pierre était le Christ. Là il ne dit pas que « pierre » signifie « Christ ». Or dans le fait que Judas quitta les Apôtres est représentée la figure du jugement futur où les mauvais seront séparés des bons, quand il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche, comme Matthieu le rapporte. Donc dans le fait que Judas parte était figuré le jugement futur. C'est pourquoi le Seigneur, après le départ de Judas, parle de la gloire de son pouvoir de juger, pouvoir en vertu duquel il jugera, en disant : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, c'est-à-dire que par le départ de Judas a été représentée la gloire que le Fils de l'homme possédera au jugement, où aucun des mauvais ne sera plus et où aucun bon ne périra. Or il n'est pas dit : maintenant « a été signifiée la glorification du Fils de l'homme », mais MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, selon l'usage de l'Écriture sainte dont nous avons parlé.

Le mérite de cette glorification est que Dieu soit glorifié en lui. En effet, Dieu est glorifié en ceux qui cherchent à faire sa volonté, non la leur. Or tel était le Christ - Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé^". Et c'est pourquoi DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI.

Il explique cela quand il dit : SI DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI, c'est-à-dire si en faisant la volonté de Dieu il glorifie Dieu, C'est à juste titre que DIEU AUSSI LE GLORIFIERA EN LUI-MÊME, pour qu'à la nature humaine assumée par le Verbe éternel soit aussi donnée une éternité immortelle ; et c'est pourquoi il dit EN LUI-MÊME, c'est-à-dire dans sa gloire - C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. Donc cette glorification par laquelle Dieu a été glorifié dans le Christ est le mérite par lequel le Christ en tant qu'homme a été glorifié EN LUI-MÊME, c'est-à-dire dans la gloire de Dieu. Et cela se réalisa quand sa nature humaine, ayant déposé sa faiblesse par la mort de la Croix, reçut la gloire de l'immortalité dans la Résurrection. De là vient que la Résurrection elle-même fut le principe par lequel fut commencée cette gloire. Et c'est pourquoi il dit : ET C'EST BIENTÔT QU'IL LE GLORIFIERA, dans la Résurrection, qui sera aussitôt, selon ce psaume : Je me lèverai au point du jour. Et cet autre psaume : Tu ne laisseras pas ton saint voir la corruption.

1829. La troisième gloire du Christ est la gloire de la Résurrection dont il est dit : Comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père. Et c'est cette gloire que commente Hilaire, et en partie aussi Augustin. Et selon cela, le Christ annonce tout d'abord cette gloire qui est la sienne, en disant : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME. Et il parle du futur en utilisant un temps du passé, parce que ce que nous croyons être bientôt fait, nous le tenons pour déjà fait. Or la gloire de la Résurrection était toute proche, et c'est pourquoi il dit : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, comme si son corps par son union à la nature divine avait acquis en quelque sorte la gloire de la divinité.

En second lieu il ajoute la cause de cette glorification, et cela fort subtilement ; car, comme le dit Hilaire \ l'humanité du Christ a été glorifiée dans la Résurrection par son union à la nature divine qui l'assumait dans la personne du Verbe, et cela est dit dans le psaume : Tu n'abandonneras pas mon âme dans l'enfer, ni ne laisseras ton saint - qui est le Saint des saints - voir la corruption.

Une telle gloire est aussi due au Christ homme en tant qu'il est Dieu. Nous aurons nous aussi la gloire de la résurrection dans la mesure où nous sommes participants de la divinité - Celui qui a ressuscité d'entre les morts le Christ Jésus, ressuscitera aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Et c'est pourquoi il dit que LE FILS DE L'HOMME, à savoir le Christ, selon sa nature humaine, A ÉTÉ GLORIFIÉ par sa Résurrection. Et qui le glorifiera ? DIEU, dit-il, LE GLORIFIERA EN LUI-MÊME, de telle sorte que le Christ homme, qui règne dans la gloire qui est la gloire venant de Dieu, passe aussi lui-même de là dans la gloire de Dieu, pour demeurer tout entier en Dieu, comme déifié en vertu de cette économie (dispensatio) divine par laquelle il est homme. Comme si je disais : la lampe est lumineuse parce que le feu brille en elle. Donc ce qui envoie des rayons de gloire à l'humanité sainte du Christ, c'est Dieu.

Et ainsi l'humanité du Christ est glorifiée par la gloire de sa divinité et est conduite dans la gloire de la divinité, non par changement de nature mais par une participation à la gloire, en tant que le Christ homme lui-même est adoré comme Dieu - C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom . Et c'est pourquoi il dit : SI DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI, c'est-à-dire si la gloire de sa divinité rejaillit sur la gloire de son humanité, Dieu l’α glorifié^ c'est-à-dire l'a rendu participant de sa gloire, en l'assumant dans sa propre gloire - Que toute langue confesse que le Seigneur Jésus est dans la gloire de Dieu le Père.

Et ainsi la gloire du Christ est double : l'une est dans son humanité dérivée de sa divinité, et l'autre est celle de sa divinité en laquelle est en quelque sorte assumée son humanité, comme on l'a dit. Mais c'est tout autre. Car la première gloire a eu un commencement dans le temps, et c'est pourquoi à son sujet il parle au passé en disant : et Dieu l'a glorifié en lui-même^ ce qui eut lieu au jour de la Résurrection, alors que la seconde gloire est éternelle, parce que de toute éternité le Verbe de Dieu est Dieu. Et l'humanité du Christ assumée dans cette gloire sera glorifiée à jamais. C'est pourquoi au sujet de cette gloire il parle au futur, disant : ET C'EST BIENTÔT, c'est-à-dire toujours, QU'IL LE GLORIFIERA, qu'il fera qu'il soit dans cette gloire à jamais.

1830. Le quatrième aspect de la gloire du Christ est la gloire de sa connaissance par les peuples dans la foi. Et c'est cette gloire dont parle Origène \ Là il faut noter que cette gloire, selon lui, est comprise dans le langage commun des hommes autrement que dans les Écritures. Car selon l'usage commun, la gloire n'est rien d'autre que des éloges proférés par plusieurs ou bien « une connaissance lumineuse accompagnée de louanges », comme le dit Ambroise. Dans l'Écriture sacrée, la gloire implique un certain signe divin au-dessus des hommes - La gloire du Seigneur apparut au-dessus de la tente, c'est-à-dire qu'un signe divin reposa sur elle. Et c'est également ce qui est dit du visage de Moïse qui avait été glorifié. Et de même que la gloire exprime d'une manière sensible un signe divin au-dessus des hommes, de même spirituellement on dit que l'intelligence de l'homme est glorifiée quand elle a été ainsi déifiée et que, transcendant toutes choses matérielles, elle est élevée à la connaissance de Dieu : par cela en effet elle est rendue participante de sa gloire - Nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image.

Si donc tout homme qui connaît Dieu est glorifié et rendu participant de sa gloire, il est manifeste que le Christ, qui connaît Dieu très parfaitement en tant qu'il est la splendeur de toute la gloire divine et qu'il peut prendre l'éclat de toute la gloire divine, a été glorifié très parfaitement et que tous ceux qui connaissent Dieu reçoivent cela du Christ. Mais les hommes ne savaient pas encore que le Christ serait ainsi glorifié dans la plus parfaite connaissance et participation de la divinité. Et c'est pourquoi, bien qu'il fut glorifié en lui-même, il n'avait cependant pas été glorifié dans la connaissance des hommes. Mais il commença à avoir cette gloire dans sa Résurrection et dans sa Passion par lesquelles les hommes commencèrent à connaître sa puissance et sa divinité.

Parlant ici de cette glorification qui est la sienne, le Seigneur dit : MAINTENANT A ÉTÉ GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, c'est-à-dire selon son humanité, dans sa Passion et sa Résurrection qui étaient imminentes, et il a été manifesté à la connaissance des hommes. ET DIEU, c'est-à-dire le Père, A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI – Le Fils en effet non seulement se révèle, mais révèle aussi le Père - Père, j'ai manifesté ton nom ; et c'est pourquoi non seulement le Fils a été glorifié mais aussi le Père - Personne ne connaît le Père si ce n'est le Fils. Et il dit EN LUI parce que celui qui voit le Fils, voit aussi le Père. Or c'est le propre du plus grand de rendre en retour quelque chose de plus grand et c'est pourquoi il ajoute : SI DIEU A ÉTÉ GLORIFIÉ EN LUI, c'est-à-dire, si par la gloire du Fils de l'homme grandit en quelque sorte la gloire pour Dieu le Père, en tant qu'il est plus connu par tous les hommes, DIEU AUSSI LE GLORIFIERA EN LUI-MÊME, c'est-à-dire fera connaître que le Christ Jésus est dans sa gloire. Et cela sans délai parce que C'EST BIENTÔT QU'IL LE GLORIFIERA, à savoir sur-le-champ.

Son départ.

1831. Plus haut le Seigneur a montré la gloire qu'il allait recevoir à travers son départ ; ici il leur annonce ce départ lui-même : tout d'abord il leur annonce son départ, puis il montre que les disciples n'étaient pas encore capables de le suivre [n° 1834]. Enfin il leur enseigne comment le devenir [n° 1835].

1832. Il leur annonce brièvement ce départ à venir en disant : PETITS ENFANTS, POUR PEU DE TEMPS ENCORE, et il emploie ce terme de filiation pour les enflammer d'amour. Car quand des amis se séparent, c'est alors qu'ils brûlent le plus d'amour. Plus haut : Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin.

Mais il dit PETITS ENFANTS, employant le diminutif, pour leur montrer leur imperfection ; en effet ils n'étaient pas encore parfaitement fils parce qu'ils n'aimaient pas encore parfaitement, ils n'étaient pas encore parfaits dans la charité - Mes petits enfants que j'enfante à nouveau jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous. Néanmoins ils avaient suffisamment grandi en perfection, puisque de serviteurs ils sont devenus petits enfants, comme on le voit ici, et frères -Va trouver mes frères et dis-leur.

1833. Notons cependant que ce qui est dit : POUR PEU DE TEMPS ENCORE peut être pris de trois manières, selon que le Christ est avec ses disciples de trois manières.

En effet le Christ était avec ses disciples corporellement. Or son corps peut être considéré de deux manières. Tout d'abord en ce qu'il est semblable à la condition de la nature humaine, car le Christ selon son corps était mortel comme les autres hommes ; et ainsi POUR PEU DE TEMPS ENCORE s'entend du temps qui allait s'écouler entre les paroles de cet entretien et sa mort. Le sens de POUR PEU DE TEMPS ENCORE JE SUIS AVEC VOUS est donc : je reste PEU DE TEMPS ENCORE, le temps que je sois pris et que je meure, et alors je ressusciterai, désormais immortel aussi selon mon corps - Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus, la mort ne dominera plus sur lui. Et c'est pourquoi il leur dit : Je vous ai dit ces choses tant que j'étais encore avec vous.

Deuxièmement il fut avec eux présent par son corps mais dans la mesure où son corps avait déjà été glorifié. Et ainsi PEU DE TEMPS ENCORE se rapporte au temps écoulé jusqu'à son Ascension - Un peu de temps et vous ne me verrez plus ; et encore un peu, et vous me verrez ; parce que je vais vers le Père . - Un peu de temps encore et j'ébranlerai ciel, terre, mer et désert.

Troisièmement, cela s'explique en tant qu'il fut avec eux spirituellement selon la présence de sa divinité et dans les sacrements ; ainsi POUR PEU DE TEMPS ENCORE s'entend du temps qui restait jusqu'à la consommation des siècles, et certes on peut dire de ce temps qu'il est peu en comparaison de l'éternité - Mes petits enfants, c'est la dernière heure. Et c'est le sens de ces paroles : POUR PEU DE TEMPS ENCORE JE SUIS AVEC VOUS, c'est-à-dire : bien que je me sépare de vous corporellement, cependant spirituellement je suis avec vous encore un peu de temps, ce temps qui reste jusqu'à la consommation des siècles - Voici que je suis avec vous jusqu'à la fin du monde. Mais cette explication ne convient pas selon la présence de sa divinité, parce qu'il sera avec eux non seulement jusqu'à la fin du monde, mais encore pour toujours. Et c'est pourquoi Origène l'explique autrement, en disant que le Christ est toujours avec les parfaits qui ne pèchent pas mortellement, mais n'est pas toujours avec les imparfaits parce que, lorsqu'ils pèchent, il s'éloigne d'eux.

Or, après un peu de temps, les disciples allaient être séparés du Christ, souffrir le scandale et l'abandonner - Tous vous souffrirez le scandale à cause de moi cette nuit. Et ainsi le Christ se séparait d'eux même spirituellement ; c'est à ce propos qu'il dit : POUR PEU DE TEMPS ENCORE JE SUIS AVEC VOUS, c'est-à-dire que dans peu de temps vous fuirez, m'ayant abandonné, et ainsi je ne serai plus avec vous.

1834. En leur disant ensuite : VOUS ME CHERCHEREZ, il leur montre leur incapacité à le suivre ; d'abord il montre leur effort en disant : VOUS ME CHERCHEREZ, moi que vous avez abandonné spirituellement par la fuite et par le reniement. VOUS ME CHERCHEREZ, dis-je, par le repentir, comme Pierre qui pleura amèrement - Cherchez le Seigneur tant qu'on peut le trouver. - Dans leur détresse, au matin ils reviendront vers moi. VOUS ME CHERCHEREZ, c'est-à-dire ma présence corporelle, par le désir - Des jours viendront où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l'homme et vous ne le verrez pas.

Ensuite il montre ce qui leur manque en disant : ET COMME J'AI DIT AUX JUIFS : « OÙ MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR. » Mais c'est de manière toute différente car, comme parmi les Juifs il y en avait certains qui ne se convertiraient jamais, il leur a été dit de manière absolue qu'ils ne pouvaient pas aller là où le Christ allait. Mais désormais, après le départ de Judas, aucun parmi les disciples ne devait se séparer du Christ, et c'est pourquoi il n'a pas dit de manière absolue : VOUS NE POUVEZ VENIR mais il a ajouté : À VOUS AUSSI JE LE DIS À PRÉSENT. Comme s'il disait : J'ai dit aux Juifs « jamais » dans la mesure où je m'adressais à des obstinés, mais à vous, je dis qu'À PRÉSENT vous ne pouvez me suivre parce que vous n'êtes pas encore parfaits dans la charité, au point de vouloir mourir pour moi ; moi, en effet, c'est par la mort que je vais partir. De même, moi je m'en vais vers la gloire du Père à laquelle nul ne peut venir s'il n'est parfait dans la charité

De même, moi je dois être glorifié maintenant parce que, comme on l'a dit : Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, mais il n'est pas encore temps que vos corps soient glorifiés ; et c'est pourquoi là OÙ MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR.

1835. En conséquence, lorsqu'il dit : JE VOUS DONNE UN COMMANDEMENT NOUVEAU, il leur enseigne comment se rendre capable de le suivre. Premièrement il montre la condition du commandement. Deuxièmement il montre la raison pour laquelle ils doivent l'accomplir [n° 1839].

Pour la première partie il fait trois choses : d'abord il montre la qualité du commandement, puis son contenu dont il donne ensuite un exemple.

1836. La qualité du commandement est mise en lumière par sa nouveauté, et c'est pourquoi il dit : UN COMMANDEMENT NOUVEAU. Pourtant, dans l'ancienne Loi, le commandement de l'amour du prochain n'a-t-il pas été donné ? Il a été donné certes parce que le Christ, à un scribe qui lui demandait quel était le premier commandement, répondit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ajoute : et ton prochain comme toi-même. - Tu aimeras ton prochain comme toi-même .

Mais ce commandement est dit NOUVEAU spécialement pour trois raisons. D'abord pour l'effet de renouveau qu'il réalise - Dévêtez-vous du vieil homme avec ses actes et revêtez le nouveau qui se renouvelle dans la connaissance à l'image de celui qui l'a créé. Ce renouveau se réalise par la charité à laquelle ce commandement exhorte.

Deuxièmement pour la cause qui réalise cela, parce qu'il provient d'un esprit nouveau. Il y a en effet deux esprits, l'ancien et le nouveau. Or l'ancien est un esprit d'esclavage, le nouveau un esprit d'amour. Celui-là engendre des esclaves, celui-ci des fils adoptifs - Vous n'avez pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte. - Je vous donnerai un cœur nouveau. Et cet esprit enflamme en vue de la charité - Parce que la charité de Dieu a été répandue dans nos cœur par l'Esprit Saint.

Troisièmement par l'effet qu'il établit, à savoir le nouveau Testament. Car la petite différence qui existe entre le nouveau et l'ancien Testament est celle qui existe entre la crainte et l'amour, comme le dit Augustin - Je conclurai avec la maison d'Israël une alliance nouvelle. Et parce que ce commandement dans l'ancien Testament provenait d'une crainte et d'un amour saints, il appartenait au nouveau Testament. C'est pourquoi ce commandement était dans la Loi ancienne, non pas comme lui étant propre mais comme préparatoire à la Loi nouvelle.

1837. Le contenu de ce commandement est la dilection mutuelle. Aussi dit-il : QUE VOUS VOUS AIMIEZ LES UNS LES AUTRES. C'est en effet le propre (ratio) de l'amitié de ne pas être cachée, autrement elle ne serait pas une amitié mais seulement une bienveillance. Et c'est pourquoi il faut, pour une amitié vraie et ferme, que les amis s'aiment mutuellement, parce qu'alors l'amitié est juste et ferme, comme doublée. Le Seigneur donc, voulant qu'entre ses fidèles et ses disciples l'amitié soit parfaite, leur donna le commandement de la dilection mutuelle - Qui craint le Seigneur aura une bonne amitié.

1838. Il donne un exemple de ce contenu en disant : COMME JE VOUS AI AIMÉS. En effet le Christ nous a aimés de trois manières : gratuitement, efficacement et de façon droite.

Gratuitement parce que c'est lui qui a commencé et qu'il n'a pas attendu que nous commencions à l'aimer - Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui-même qui nous a aimés le premier. Ainsi nous aussi nous devons aimer les premiers nos proches, et ne pas attendre leurs prévenances ou leurs bienfaits.

Il a aussi aimé de manière efficace, ce qui se manifeste dans une œuvre : « La preuve de l'amour, c'est l'accomplissement d'une œuvre. » Ce qu'un homme peut faire de plus grand pour son ami, c'est de se donner pour lui, et c'est ce que le Christ a fait - Il nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous. C'est pourquoi il dit : Personne n'a de plus grand amour que celui qui livre son âme pour ses amis. Aimons-nous donc les uns les autres à cet exemple, de manière efficace et fructueuse - N'aimons ni de mots ni de langue mais par des actes et en vérité.

De manière droite puisque, toute amitié étant fondée sur une certaine mise en commun (la similitude en effet est cause d'amour), est droite l'amitié qui existe à cause de la similitude ou de la communication dans le bien. Or le Christ nous a aimés dans la mesure où nous lui sommes semblables par la grâce d'adoption, en nous aimant selon cette similitude afin de nous attirer à Dieu - D'un amour de charité éternel je t'ai aimé, c'est pourquoi je t'ai attiré dans ma miséricorde. Ainsi donc nous aussi nous devons aimer dans l'ami non seulement le fait qu'il est source de bienfait ou de plaisir, mais le fait qu'il est de Dieu. Et dans un tel amour du prochain est aussi inclus l'amour de Dieu.

1839. Par suite, lorsqu'il dit : EN CELA TOUS CONNAÎTRONT QUE VOUS ÊTES MES DISCIPLES, SI VOUS AVEZ DE L'AMOUR LES UNS POUR LES AUTRES, il donne la raison d'accomplir ce commandement.

Là il faut savoir que tout homme compté dans la milice d'un roi se doit d'en porter les insignes. Or les insignes du Christ sont les insignes de la charité. Donc quiconque veut être compté dans la milice du Christ doit être marqué du sceau de la charité. Et c'est ce qu'il dit : EN CELA TOUS CONNAÎTRONT QUE VOUS ÊTES MES DISCIPLES, SI VOUS AVEZ DE L'AMOUR LES UNS POUR LES AUTRES, je veux dire un amour saint une dilection sainte - Moi je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance et de la sainte espérance. Mais remarque que, bien que les Apôtres aient reçu du Christ beaucoup de dons, comme la vie, l'intelligence, la santé du corps, et aussi des dons spirituels comme le pouvoir de faire des miracles - Moi je vous donnerai un langage et une sagesse -, toutes ces choses ne sont pas les signes qu'on est disciple du Christ, puisqu'elles peuvent être communes aux bons et aux mauvais. Mais, de manière toute spéciale, le signe qu'on est disciple du Christ est la charité ainsi que l'amour mutuel - Il nous a marqués d'un sceau et donné l'Esprit.

B. LA DÉFAILLANCE DU DISCIPLE QUI RENIE LE CHRIST

1840. Après avoir exposé la défaillance d'un disciple, c'est-à-dire la trahison de Judas, l'Évangéliste montre à présent celle d'un autre disciple, le reniement de Pierre ; premièrement est rapportée l'occasion de cette prédiction et deuxièmement la prédiction du reniement elle-même [n° 1844].
Louis-Claude Fillion
Jésus insiste, mais dans l'ordre inverse, sur cette double gloire qui sera le fruit de ses souffrances et de sa mort. - Si Dieu... La conjonction « si » exprime une relation de causalité, elle équivaut à « parce que » (« Cette façon de s’exprimer ne réfère pas à une condition, mais à une cause », Maldonat). Quoique cette ligne entière, si Dieu a été glorifié en Lui, manque dans les manuscrits א, B, C, D, L, X, on a de fortes raisons de la croire authentique. Sans elle, le rythme si admirable des versets 31 et 32 serait en partie effacé : Maintenant, le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en Lui. Si Dieu a été glorifié en Lui, Dieu Le glorifiera aussi en Lui-même ; et c'est bientôt qu'Il Le glorifiera. On voit, par ce tableau, combien la répétition des mots « si Dieu... » ajoute de vigueur à la pensée. Leur disparition s'explique sans peine par une distraction de copiste, la ligne précédente étant presque identique. - Dieu le glorifiera. Dieu aussi, Dieu à son tour. Admirable échange d'honneurs et de glorification. En Lui-même correspond à « en lui » : le Fils de l'homme sera glorifié en Dieu, de même que Dieu aura été glorifié dans le Fils de l'homme. Mais, pour Dieu, « Le glorifier aussi en Lui-même » ce sera s'associer N.-S. Jésus-Christ de la façon la plus intime, faire asseoir à sa droite le Fils de l'homme pour régner et gouverner avec lui à tout jamais. Belle observation d'Origène : le Père donne plus au Fils de l'homme qu'il n'en a reçu. - Et c’est bientôt... Avec emphase : sans aucun retard. En effet, l'heure du triomphe de Jésus était proche. - Remarquez ces nuances délicates : au verset 31, le Sauveur envisageait son triomphe comme accompli déjà ; il le place maintenant dans un très prochain avenir ; plus loin, 17, 1, il en demandera la réalisation. Au fond cela revient au même.