Jean 13, 5
puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Le Père lui a remis toutes choses entre les mains, c'est-à-dire, a tout remisa son action, à sa puissance, car mon Père, dit le Sauveur, ne cesse d'agir jusqu'à présent, et moi-même j'agis également. Ou bien encore, son Père a remis tout entre ses mains qui embrassent toutes choses, afin que toutes choses lui soient soumises.
Dans le sens allégorique, le dîner qui est le premier repas, a été servi à ceux qui ne sont encore qu'initiés avant qu'ils soient arrivés an terme du jour spirituel qui s'accomplit dans cette vie, tandis que le souper est le dernier repas, celui qu'on sert à ceux qui ont atteint une perfection plus grande. On peut dire encore que le dîner c'est l'intelligence des Écritures anciennes, tandis que le souper, c'est la connaissance des mystères cachés dans le Nouveau Testament. Je pense que ceux qui doivent prendre ce dernier repas avec Jésus et s'asseoir à la même table au dernier jour de cette vie, ont besoin d'être purifiés, non point dans les parties les plus élevées du corps et de l'âme, mais dans les parties extrêmes et qui sont en contact nécessaire avec la terre. L'Évangéliste raconte qu'il commença à laver les pieds de ses disciples (car il acheva plus tard cette opération), parce que les pieds des apôtres avaient été salis selon cette parole: «Vous serez tous scandalisés cette nuit à mon occasion». Il acheva ensuite ce lavement des pieds, en donnant à ses apôtres une pureté qu'ils ne devaient plus perdre.
Sur le point de quitter ses disciples, il leur donne des marques plus sensibles de son amour, c'est ce que l'Évangéliste veut nous exprimer par ces paroles: «Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin», c'est-à-dire, il n'oublia rien de ce que peut inspirer un grand amour. Il n'avait pas agi de la sorte dès le commencement, mais il avait été progressivement pour augmenter leur affection pour lui, et leur préparer une source de consolation au milieu des épreuves qui les attendaient. Il les appelle siens, à cause de l'intimité qu'il avait avec eux, car dans un autre endroit, il donne ce nom à ceux qui n'avaient avec lui que les rapports de nature: «Les siens ne l'ont point reçu, dit saint Jean». Il ajoute: «Qui étaient dans le monde», parce qu'il y en avait aussi des siens parmi les morts (comme Abraham, Isaac et Jacob), mais qui n'étaient pas dans le monde. Il aima donc sans jamais cesser, les siens qui étaient dans le monde, et leur donna des témoignages d'un amour parfait, c'est ce que signifient ces paroles: «Il les aima jusqu'à la fin».
Il le savait auparavant, et non-seulement de ce moment, et ce passage c'est sa mort.
L'Évangéliste rapporte avec un profond étonnement, que le Seigneur a lavé les pieds de celui qui était déjà résolu à le trahir, et il fait ressortir la profonde malice de ce traître disciple, qui ne fut point arrêté par cette douce et intime communauté de table et de vie, qui éteint ordinairement tout sentiment de haine.
Ce tout qui lui est remis entre les mains, c'est surtout le salut des fidèles. Mais que cette expression ne vous fasse soupçonner rien d'humain, elle exprime simplement l'honneur que le Fils rend à son Père, et la parfaite harmonie qui existe entre eux. En effet, de même que le Père lui a remis toutes choses, lui aussi a remis toutes choses à son Père, comme le dit saint Paul: «Lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu et au Père». ( 1Co 15 )
Il était en effet digne de celui qui est sorti de Dieu et qui retournait à Dieu, de fouler aux pieds toute enflure et tout orgueil. Ecoutons la suite:» Il se lève de table, il pose ses habits, et ayant pris un linge, il s'en ceignit; il versa ensuite de l'eau dans le bassin, et il commença à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qui était autour de lui». Voyez quelle profonde humilité, non-seulement dans l'action même de leur laver les pieds, mais dans les circonstances qui l'accompagnent, car ce n'est pas avant de se mettre à table, c'est après que tous sont assis qu'il se lève, et non-seulement il leur lave les pieds, mais il pose ses vêtements, il se ceint d'un linge, et verse de l'eau dans le bassin, sans donner cette commission jà un autre, il veut tout faire lui-même pour nous apprendre avec quel soin nous devons pratiquer les oeuvres de charité.
Le mot pâque n'est pas un mot grec, comme quelques-uns le pensent, c'est un mot hébreu, cependant ce mot a dans les deux langues un rapport frappant d'analogie: souffrir se dit en grec p Üóåéí, et c'est pour cela que le mot pa que a été considérer comme synonyme de passion, comme s'il tirait de là son étymologie. Dans sa langue propre, au contraire, c'est-à-dire, dans l'hébreu, le mot Pâque signifie passage, et la raison de ce nom, c'est que le peuple de Dieu a célébré pour la première fois cette fête, lorsqu'après s'être enfui de l'Egypte, il eut traversé la mer Rouge. Or, cette figure prophétique a trouvé son accomplissement véritable, lorsque Jésus-Christ a été conduit comme une brebis à la mort. C'est alors que par la vertu de son sang qui a marqué les poteaux de nos portes, c'est-à-dire, par la vertu du sig ne de la croix empreint sur nos fronts, nous avons été délivrés de la servitude de ce monde, comme de la captivité d'Egypte, et nous accomplissons de nouveau ce passage salutaire, lorsque nous passons du démon à Jésus-Christ, et de ce monde inconstant dans le royaume dont les fondements sont inébranlables. L'Évangéliste semble nous donner cette explication du mot pâque, lorsqu'il dit: «Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père. Voilà la Pàque, voilà le passage».
Ou bien encore: «Il les aima jusqu'à la fin», pour les faire passer par le moyen de l'amour de ce monde à celui qui était leur chef. Que signifient, en effet, ces paroles: «Jusqu'à la fin ?» Jusque dans Jésus-Christ, car Jésus-Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient (Rm 10), la fin qui perfectionne et non la fin qui donne la mort. Il me semble qu'on pourrait encore entendre ces paroles dans ce sens trop naturel peut-être, que Jésus-Christ a aimé les siens jusqu'à la mort, mais à Dieu ne plaise, que la mort ait mis fin à l'amour de celui dont elle n'a pu faire cesser l'existence, à moins qu'on ne l'entende de cette manière: Il les a aimés jusqu'à la mort, c'est-à-dire, son amour l'a porté à mourir pour eux.
«Et le souper étant fait», c'est-à-dire, étant complètement préparé et servi sur la table devant les convives, car nous ne devons pas entendre qu'il fut fait en ce sens qu'il fut tout à fait terminé; le souper durait encore, lorsque Jésus se leva de table pour laver les pieds de ses disciples, puisqu'il se remit ensuite à table, et donna un morceau de pain à son traître disciple. Quant à ces paroles: «Le démon ayant déjà mis dans le coeur de Judas», etc.; si vous me demandez ce que le démon mit dans le coeur de ce perfide disciple, je répondrai que ce fut le dessein de le trahir, cette action du démon fut une suggestion intérieure qui eut lieu, non par l'oreille, mais par la pensée, car le démon envoie pour ainsi dire ses suggestions dans les âmes pour les mêler aux pensées de l'homme. Il avait donc déjà mis dans le coeur de Judas le dessein de trahir son maître.
Avant de nous décrire la profonde humilité du Sauveur, l'Évangéliste veut nous remplir de l'idée de ses grandeurs: «Jésus sachant que son Père lui avait remis toutes choses entre les mains», etc., donc jusqu'au traître lui-même.
Sachant qu'il sort de Dieu et qu'il retourne à Dieu, bien qu'il ne se soit pas séparé de Dieu lorsqu'il en est sorti et qu'il ne nous abandonne pas lorsqu'il retourne vers Dieu.
Alors que le Père lui avait tout remis entre les mains, il lave non pas les mains, mais les pieds de ses disciples; et lui qui savait qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il remplit l'office qui convient, non au Seigneur Dieu, mais à un homme et à un serviteur.
Il a déposé ses vêtements, lorsqu'il s'est anéanti lui-même, lui qui était Dieu; il s'est ceint d'un linge, lorsqu'il a pris la forme de serviteur; il a versé de l'eau dans un bassin pour laver les pieds de ses disciples, lorsqu'il a versé son sang sur la terre pour laver toutes les souillures de nos péchés, il a essuyé leurs pieds avec le linge dont il était ceint, lorsqu'il affermit les pas des évangélistes, par la chair mortelle dont il était revêtu; avant de se ceindre avec le linge, il quitta les habits dont il était revêtu; mais pour prendre la forme d'esclave dans laquelle il s'est anéanti, il n'a point quitté ce qu'il avait, il a pris seulement ce qu'il n'avait pas. Lorsqu'il fut crucifié, il fut dépouillé de ses vêtements, et après sa mort son corps fut enveloppé dans un linceul, et sa passion tout entière a pour fin de nous purifier.
Il savait que Dieu lui avait remis entre les mains jusqu'à ses persécuteurs eux-mêmes, afin qu'il fît servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux, tout ce que leur cruauté à qui Dieu avait comme lâché les rênes, pourrait inventer contre lui.
Les Juifs avaient plusieurs fêtes, mais la plus célèbre et la plus solennelle était celle de Pâque, comme l'Évangéliste veut le faire remarquer par ces paroles: «Avant la fête de Pâque», etc.
Notre-Seigneur, sur le point de quitter ce monde, veut nous faire connaître l'amour qu'il avait pour les siens: «Avant la fête de Pâque, dit l'Évangéliste, Jésus sachant que son heure était venue», etc.
Comme le Père lui avait remis toutes choses entre les mains, c'est-à-dire, le salut des fidèles, il jugeait convenable de leur enseigner tout ce qui pouvait contribuer à leur salut. Il savait également qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il ne pouvait donc diminuer sa gloire en lavant les pieds de ses disciples, car cette gloire il ne l'avait point usurpée et il n'y a que ceux qui usurpent injustement les honneurs, qui refusent de s'abaisser dans la crainte de perdre les dignités dont ils se sont emparé sans aucun droit.
1739. L'Évangéliste poursuit en indiquant l'action par laquelle il donnait l'exemple.
D'abord il décrit l'heure de l'action. Ensuite, il ajoute la dignité de celui qui la réalise [n° 1743], enfin il poursuit en montrant l'humilité de cette action [n° 1744].
L'heure de Faction.
Au sujet du moment, il souligne deux aspects. L'un qui se rapporte à la charité du Christ, et l'autre qui insiste sur l'iniquité de Judas [n° 1741].
1740. Il dit donc : AU COURS D'UN REPAS, littéralement : le repas ayant été fait. Or, qu'une chose ait été faite, cela se dit autrement pour les choses qui demeurent et pour celles qui passent. Pour les choses qui demeurent, on dit qu'une chose a été faite quand elle est parvenue à la perfection de sa forme et de son espèce propres, comme on dit qu'une maison a été faite quand elle a sa forme propre. Mais pour les choses qui passent, on dit qu'une chose a été faite quand elle est accomplie ; par exemple, on dit que le jeu a été fait quand il est achevé \ Et on dit aussi qu'une chose a été faite en raison de ce qu'elle reçoit son espèce propre.
Donc, quand il dit : ET AU COURS D'UN REPAS, il ne faut pas comprendre que le repas ait été accompli et achevé ; parce que, après avoir lavé les pieds des disciples, il se remit à table et donna la bouchée à Judas. Il faut donc comprendre qu'AU COURS D'UN REPAS signifie : le repas ayant été préparé et amené à sa forme propre. En effet ils avaient déjà commencé à prendre le repas, et c'est plus tard qu'il se leva. C'est donc au milieu du repas [il s'agit du repas du soir] qu'il lava les pieds des disciples.
Au sujet du repas [pris le soir], Luc rapporte dans le chapitre 14 – Un homme fit un grand repas. Or le déjeuner diffère du dîner. Car on appelle « déjeuner » (prandium) le repas qui a lieu dans la première partie du jour, et « dîner » (coena) celui qui a lieu dans la dernière. Ainsi, se refaire spirituellement est appelé « déjeuner » en tant que cela convient aux commençants ; et « dîner » (cène) en tant que cela convient aux parfaits.
1741. L'Évangéliste poursuit en décrivant le moment à partir d'un fait qui insiste sur l'iniquité du traître, et qu'il décrit pour deux raisons. D'abord pour montrer davantage l'iniquité de Judas qui, entouré de tant de marques de charité et de tant de gestes d'humilité, projetait de commettre une si grande iniquité - Celui qui mangeait mon pain a levé insolemment le talon contre moi. En second lieu pour que fût rendue plus admirable la charité du Christ qui, tout en sachant cela, fit cependant à son égard un geste de charité et d'humilité en lui lavant les pieds - Avec ceux qui haïrent la paix, j'étais pacifique.
1742. Mais le diable peut-il jeter quelque chose dans le cœur de l'homme ? Il semble que oui. Un psaume, en effet, parle de l'indignation et de la colère envoyées par des anges mauvais.
En réponse à cela, il faut savoir que ce qui est dans le cœur de l'homme, c'est ce qui est dans sa pensée et dans sa volonté. Aussi quand il dit : ALORS QUE DÉJÀ LE DIABLE AVAIT JETÉ DANS LE CŒUR..., il faut comprendre dans sa volonté. Mais jeter ainsi dans le cœur peut se réaliser de deux manières.
Directement, et ainsi seul celui qui a la puissance de mouvoir intérieurement la volonté de l'homme peut jeter quelque chose dans son cœur ; et cela, Dieu seul le peut. Et c'est pourquoi lui seul peut imprimer directement quelque chose dans la volonté de l'homme - Le cœur du roi est dans la main, c'est-à-dire dans la puissance, du Seigneur ; partout où il le veut, il l'inclinera .
Indirectement : quand la volonté est mue par un objet extérieur comme un bien appréhendé. Ainsi celui qui suggère que quelque chose est un bien jette cela dans le cœur de l'homme, en lui faisant indirectement appréhender ce quelque chose comme un bien par lequel [sa] volonté est mue. Or cela arrive de deux manières : soit en suggérant extérieurement, et de cette façon même l'homme peut jeter quelque chose dans le cœur ; soit en suggérant intérieurement, et c'est de cette manière que le diable jette quelque chose dans le cœur. Car, puisqu'elle est corporelle, la puissance Imaginative, quand Dieu le permet, est soumise à la puissance du démon. C'est pourquoi, que l'homme soit éveillé ou endormi, le démon forme en lui certaines formes qui, lorsqu'elles ont été appréhendées, meuvent la volonté de l'homme à désirer quelque chose. Ainsi le diable jette quelque chose dans le cœur de l'homme, non pas directement à la manière de celui qui meut, mais indirectement, à la manière de celui qui suggère.
La dignité de celui qui réalise cette action.
1743. L'Évangéliste poursuit en traitant de la dignité de celui qui réalise l'action. Dans l'Ecclésiastique, il est dit : Humilie-toi en toutes choses d'autant plus que tu es grand. C'est pourquoi l'Évangéliste, devant dire la très grande humilité du Christ, met en avant sa très grande dignité ; et cela de quatre manières.
D'abord quant à la science. Et quant à cela il dit : SACHANT QUE LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ. En effet, les dons spirituels sont tels que, lorsqu'ils sont donnés, on ne peut les ignorer - Nous, nous avons reçu l'Esprit qui n'est pas de ce monde, mais l'Esprit qui est de Dieu, afin de connaître les dons qui nous ont été faits par Dieu. Et c'est pourquoi le Christ connaissait tout ce qui lui avait été donné par Dieu. L'Évangéliste dit cela précisément pour que son humilité soit davantage mise en lumière. En effet, parfois il arrive que quelqu'un soit d'une grande dignité et cependant, à cause de sa simplicité, ne reconnaisse pas sa dignité. Si donc un tel homme faisait quelque chose d'humble, il ne s'attribuerait pas à lui-même une grande humilité, selon cette parole du Cantique : Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes. Mais si quelqu'un connaît l'état de sa dignité et que cependant sa volonté aimante est inclinée vers des choses humbles, son humilité doit être reconnue. Et c'est pourquoi l'Évangéliste dit que SACHANT QUE LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ, il n'a cependant pas omis de faire des choses qui sont humbles.
En second lieu quant au pouvoir : SACHANT QUE LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ DANS LES MAINS, c'est-à-dire en son pouvoir. Dieu a donné au Christ homme, dans le temps, ce qui avait cependant été au pouvoir du Fils de toute éternité - Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Et s'il dit que LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ DANS LES MAINS, c'est d'abord pour montrer que le Christ ne souffrait pas contre son gré. Car si tout était dans sa main, c'est-à-dire en son pouvoir, il est donc manifeste que ses adversaires ne pouvaient rien lui faire contre sa volonté. C'est ensuite parce que quand quelqu'un de peu d'importance est exalté, il s'enorgueillit facilement et ne fait pas quelque chose d'humble, de peur de paraître déroger à sa dignité. Mais si quelqu'un de condition élevée est exalté, il ne néglige pas les choses humbles. Et c'est pourquoi il fait mention de la dignité du Christ.
En troisième lieu quant à sa noblesse, et quant à cela il dit : ET QU'IL EST SORTI DE DIEU ET QU'IL VA VERS DIEU - Jouissant de l'intimité de Dieu.
Enfin quant à la sainteté, parce qu'IL VA VERS DIEU. En ceci consiste la sainteté de l'homme : qu'il aille vers Dieu. Et c'est pourquoi l'Évangéliste dit qu'IL VA VERS DIEU, parce que, du fait que lui-même va vers Dieu, il lui revient en propre de ramener les autres vers Dieu, ce qui se réalise spécialement par l'humilité et la charité. Et c'est pourquoi il leur donna un exemple d'humilité et de charité.
L'humilité de cette action.
1744. Après avoir mis en lumière la majesté du Christ, l'Évangéliste fait ici valoir son humilité, humilité qu'il manifeste dans le lavement des pieds. D'abord, il met en avant la préparation du Christ au geste d'humilité, ensuite il décrit ce geste lui-même [n° 1747].
1745. Au sujet de ce premier fait il faut savoir que le Christ, dans ce geste d'humilité, se montre serviteur, selon cette parole de Matthieu : Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir.
Or, pour être un bon serviteur, trois choses sont requises. D'abord, qu'il soit attentif à voir tout ce qui peut manquer au service, et il en serait empêché au plus haut point s'il s'asseyait ou s'allongeait ; c'est pourquoi il est propre aux serviteurs de se tenir debout. L'Évangéliste dit donc : IL SE LÈVE DU REPAS - Qui est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ?
En second lieu, le serviteur doit être disponible pour accomplir jusqu'au bout, comme il convient, les choses qui sont nécessaires au service ; et là, un grand nombre de vêtements l'embarrasse beaucoup. C'est pourquoi le Seigneur DÉPOSE SES VÊTEMENTS. Et cela est signifié dans la Genèse où il est dit qu'Abraham choisit des serviteurs disponibles.
En troisième lieu, il doit être prompt à servir, de sorte qu'il ait toutes les choses nécessaires pour son service. Il est dit de Marthe quelle était absorbée par les multiples soins du service*. Et de là vient que le Seigneur, AYANT PRIS UN LINGE, SE CEIGNIT, de sorte qu'ainsi il était prêt non seulement à laver les pieds, mais aussi à les essuyer. Par là il foule aux pieds tout orgueil, puisque lui qui va vers Dieu et qui est sorti de Dieu lave les pieds.
1746. Au sens mystique ce fait peut se rapporter à deux choses, à savoir l'Incarnation du Christ et sa Passion. S'il se rapporte à l'Incarnation, ainsi on reçoit du Christ trois choses. D'abord, certes, sa volonté de secourir le genre humain, dans le fait qu'lL SE LÈVE DU REPAS. Car Dieu, aussi longtemps qu'il supporte que nous soyons dans l'épreuve, semble rester assis ; mais quand il nous arrache de la tribulation, on le voit se lever - Lève-toi, Seigneur, viens à notre aide.
Ensuite son anéantissement ; non qu'il déposât la majesté de sa dignité mais qu'il la cachât en assumant notre petitesse. C'est pourquoi il est dit : Vraiment, tu es un Dieu caché''. Et cela est signifié dans le fait qu'il DÉPOSE SES VÊTEMENTS - Il s'anéantit lui-même.
Enfin l'assomption de notre nature mortelle dans le fait qu'AYANT PRIS UN LINGE, IL SE CEIGNIT - Prenant la condition d'esclave.
Mais si cela se rapporte à la Passion du Christ, alors, au sens littéral, il déposa ses vêtements quand les soldats le dépouillèrent et tirèrent au sort son vêtement, et il fut ceint d'un linge dans le sépulcre. Et dans sa Passion il a aussi déposé les vêtements de notre mortalité et pris UN LINGE, c'est-à-dire la blancheur de l'immortalité - Le Christ, en ressuscitant des morts, ne meurt plus.
1747. L'Évangéliste montre ensuite le geste d'obéissance du Christ, geste qui met en lumière son humilité, et cela de trois manières. D'abord quant au genre de ce service, qui fut assurément très humble puisque le Seigneur de majesté s'abaissait pour laver les pieds de ses serviteurs. En second lieu quant à la multitude des gestes de ce service, parce qu'il versa l'eau dans un bassin, lava les pieds, et les essuya, etc. En troisième lieu quant à sa manière de faire, parce qu'il n'agit pas par les autres, ni avec l'aide des autres, mais par lui-même - Humilie-toi en toutes choses d'autant plus que tu es grand.
1748. Au sens mystique, par ces trois aspects on peut comprendre trois choses. En premier lieu, par le fait qu'lL VERSA DE L'EAU DANS UN BASSIN est signifiée l'effusion de son sang sur la terre. En effet le sang de Jésus peut être appelé eau parce qu'il a la puissance de laver - Il nous a lavés de nos péchés par son sang*. Et de là vient qu'il sortit en même temps de son côté du sang et de l'eau, pour donner à entendre que ce sang était capable de laver les péchés. Ou bien, par l'eau, on peut comprendre la Passion du Christ ; car dans l'Écriture l'eau signifie les tribulations - Viens me sauver, Seigneur, car les eaux, c'est-à-dire les tribulations, sont entrées jusque dans mon âme. IL VERSA DE L'EAU DANS UN BASSIN, c'est-à-dire qu'il imprima dans les âmes des fidèles la mémoire de la Passion par la foi et la dévotion - Souviens-toi de ma pauvreté.
1749. En second lieu, il COMMENÇA À LAVER LES PIEDS DES DISCIPLES suggère l'imperfection humaine. Car les Apôtres, après le Christ, étaient les plus parfaits, et cependant ils avaient besoin d'être lavés, ayant en eux des impuretés. Cela pour nous donner à comprendre qu'aussi parfait que soit un homme, il a néanmoins besoin d'être rendu plus parfait et peut encore contracter certaines impuretés - Qui peut dire : mon cœur est pur ? Cependant c'est seulement aux pieds qu'ils ont des impuretés de cette sorte. Mais certains sont souillés non seulement aux pieds mais aussi entièrement. En effet, ceux qui se traînent dans les impuretés terrestres sont tout entiers salis par elles, et c'est pourquoi ceux qui restent complètement attachés à l'amour des biens terrestres, à la fois selon leur affection et selon leurs sens, sont entièrement impurs.
Mais ceux qui restent debout, c'est-à-dire qui par l'esprit et par le désir tendent vers les réalités célestes, ne contractent une impureté qu'aux pieds. En effet comme un homme qui se tient debout doit toucher la terre au moins par ses pieds, de même, aussi longtemps que nous vivons dans cette vie mortelle qui a besoin des réalités terrestres pour le soutien du corps, nous contractons quelque chose du monde au moins du côté de nos puissances sensibles.
Et c'est pourquoi le Seigneur commanda à ses disciples de secouer la poussière de leurs pieds. Et là il dit : COMMENÇA À LAVER, parce que la purification des affections terrestres commence maintenant et s'achève dans le futur. C'est alors, en effet, que sera réalisé ce qui est dit : On l'appellera la voie sainte.
Mais il faut remarquer, selon Origène, qu'il commença à laver les pieds des disciples alors que sa Passion était imminente, parce que s'il les avait lavés longtemps avant, ils auraient été à nouveau souillés. C'est pourquoi il commença, alors que peu de temps après il allait les laver par l'eau du Saint-Esprit, c'est-à-dire après sa Passion - Vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés, dans peu de jours . Ainsi, donc, l'effusion de son sang est manifestée par le fait qu'IL VERSA DE L'EAU DANS UN BASSIN, et la purification de nos péchés par le fait qu'il COMMENÇA À LAVER LES PIEDS DES DISCIPLES.
1750. En troisième lieu apparaît le fait qu'il a pris sur lui nos peines ; en effet non seulement il a lavé nos taches, mais il a pris sur lui les peines dues à celles-ci. En effet, nos peines et nos pénitences ne suffiraient pas si elles n'étaient pas fondées sur le mérite et la puissance de la Passion du Christ. Et cela apparaît dans le fait qu'il essuya les pieds des disciples avec un linge, c'est-à-dire avec le linge de son corps - Il porta jusqu'au bout nos péchés dans son corps sur le bois.
B. LA FINALITÉ DE L'EXEMPLE
1751. Ensuite l'Évangéliste montre la finalité de l'exemple à travers une concertation entre le disciple et le maître : dans cette concertation, le Seigneur montre que cet exemple est mystique, ensuite qu'il est nécessaire [n° 1757], et enfin qu'il convient [n° 1760].
D'abord il décrit l'heure de l'action. Ensuite, il ajoute la dignité de celui qui la réalise [n° 1743], enfin il poursuit en montrant l'humilité de cette action [n° 1744].
L'heure de Faction.
Au sujet du moment, il souligne deux aspects. L'un qui se rapporte à la charité du Christ, et l'autre qui insiste sur l'iniquité de Judas [n° 1741].
1740. Il dit donc : AU COURS D'UN REPAS, littéralement : le repas ayant été fait. Or, qu'une chose ait été faite, cela se dit autrement pour les choses qui demeurent et pour celles qui passent. Pour les choses qui demeurent, on dit qu'une chose a été faite quand elle est parvenue à la perfection de sa forme et de son espèce propres, comme on dit qu'une maison a été faite quand elle a sa forme propre. Mais pour les choses qui passent, on dit qu'une chose a été faite quand elle est accomplie ; par exemple, on dit que le jeu a été fait quand il est achevé \ Et on dit aussi qu'une chose a été faite en raison de ce qu'elle reçoit son espèce propre.
Donc, quand il dit : ET AU COURS D'UN REPAS, il ne faut pas comprendre que le repas ait été accompli et achevé ; parce que, après avoir lavé les pieds des disciples, il se remit à table et donna la bouchée à Judas. Il faut donc comprendre qu'AU COURS D'UN REPAS signifie : le repas ayant été préparé et amené à sa forme propre. En effet ils avaient déjà commencé à prendre le repas, et c'est plus tard qu'il se leva. C'est donc au milieu du repas [il s'agit du repas du soir] qu'il lava les pieds des disciples.
Au sujet du repas [pris le soir], Luc rapporte dans le chapitre 14 – Un homme fit un grand repas. Or le déjeuner diffère du dîner. Car on appelle « déjeuner » (prandium) le repas qui a lieu dans la première partie du jour, et « dîner » (coena) celui qui a lieu dans la dernière. Ainsi, se refaire spirituellement est appelé « déjeuner » en tant que cela convient aux commençants ; et « dîner » (cène) en tant que cela convient aux parfaits.
1741. L'Évangéliste poursuit en décrivant le moment à partir d'un fait qui insiste sur l'iniquité du traître, et qu'il décrit pour deux raisons. D'abord pour montrer davantage l'iniquité de Judas qui, entouré de tant de marques de charité et de tant de gestes d'humilité, projetait de commettre une si grande iniquité - Celui qui mangeait mon pain a levé insolemment le talon contre moi. En second lieu pour que fût rendue plus admirable la charité du Christ qui, tout en sachant cela, fit cependant à son égard un geste de charité et d'humilité en lui lavant les pieds - Avec ceux qui haïrent la paix, j'étais pacifique.
1742. Mais le diable peut-il jeter quelque chose dans le cœur de l'homme ? Il semble que oui. Un psaume, en effet, parle de l'indignation et de la colère envoyées par des anges mauvais.
En réponse à cela, il faut savoir que ce qui est dans le cœur de l'homme, c'est ce qui est dans sa pensée et dans sa volonté. Aussi quand il dit : ALORS QUE DÉJÀ LE DIABLE AVAIT JETÉ DANS LE CŒUR..., il faut comprendre dans sa volonté. Mais jeter ainsi dans le cœur peut se réaliser de deux manières.
Directement, et ainsi seul celui qui a la puissance de mouvoir intérieurement la volonté de l'homme peut jeter quelque chose dans son cœur ; et cela, Dieu seul le peut. Et c'est pourquoi lui seul peut imprimer directement quelque chose dans la volonté de l'homme - Le cœur du roi est dans la main, c'est-à-dire dans la puissance, du Seigneur ; partout où il le veut, il l'inclinera .
Indirectement : quand la volonté est mue par un objet extérieur comme un bien appréhendé. Ainsi celui qui suggère que quelque chose est un bien jette cela dans le cœur de l'homme, en lui faisant indirectement appréhender ce quelque chose comme un bien par lequel [sa] volonté est mue. Or cela arrive de deux manières : soit en suggérant extérieurement, et de cette façon même l'homme peut jeter quelque chose dans le cœur ; soit en suggérant intérieurement, et c'est de cette manière que le diable jette quelque chose dans le cœur. Car, puisqu'elle est corporelle, la puissance Imaginative, quand Dieu le permet, est soumise à la puissance du démon. C'est pourquoi, que l'homme soit éveillé ou endormi, le démon forme en lui certaines formes qui, lorsqu'elles ont été appréhendées, meuvent la volonté de l'homme à désirer quelque chose. Ainsi le diable jette quelque chose dans le cœur de l'homme, non pas directement à la manière de celui qui meut, mais indirectement, à la manière de celui qui suggère.
La dignité de celui qui réalise cette action.
1743. L'Évangéliste poursuit en traitant de la dignité de celui qui réalise l'action. Dans l'Ecclésiastique, il est dit : Humilie-toi en toutes choses d'autant plus que tu es grand. C'est pourquoi l'Évangéliste, devant dire la très grande humilité du Christ, met en avant sa très grande dignité ; et cela de quatre manières.
D'abord quant à la science. Et quant à cela il dit : SACHANT QUE LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ. En effet, les dons spirituels sont tels que, lorsqu'ils sont donnés, on ne peut les ignorer - Nous, nous avons reçu l'Esprit qui n'est pas de ce monde, mais l'Esprit qui est de Dieu, afin de connaître les dons qui nous ont été faits par Dieu. Et c'est pourquoi le Christ connaissait tout ce qui lui avait été donné par Dieu. L'Évangéliste dit cela précisément pour que son humilité soit davantage mise en lumière. En effet, parfois il arrive que quelqu'un soit d'une grande dignité et cependant, à cause de sa simplicité, ne reconnaisse pas sa dignité. Si donc un tel homme faisait quelque chose d'humble, il ne s'attribuerait pas à lui-même une grande humilité, selon cette parole du Cantique : Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes. Mais si quelqu'un connaît l'état de sa dignité et que cependant sa volonté aimante est inclinée vers des choses humbles, son humilité doit être reconnue. Et c'est pourquoi l'Évangéliste dit que SACHANT QUE LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ, il n'a cependant pas omis de faire des choses qui sont humbles.
En second lieu quant au pouvoir : SACHANT QUE LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ DANS LES MAINS, c'est-à-dire en son pouvoir. Dieu a donné au Christ homme, dans le temps, ce qui avait cependant été au pouvoir du Fils de toute éternité - Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Et s'il dit que LE PÈRE LUI A TOUT DONNÉ DANS LES MAINS, c'est d'abord pour montrer que le Christ ne souffrait pas contre son gré. Car si tout était dans sa main, c'est-à-dire en son pouvoir, il est donc manifeste que ses adversaires ne pouvaient rien lui faire contre sa volonté. C'est ensuite parce que quand quelqu'un de peu d'importance est exalté, il s'enorgueillit facilement et ne fait pas quelque chose d'humble, de peur de paraître déroger à sa dignité. Mais si quelqu'un de condition élevée est exalté, il ne néglige pas les choses humbles. Et c'est pourquoi il fait mention de la dignité du Christ.
En troisième lieu quant à sa noblesse, et quant à cela il dit : ET QU'IL EST SORTI DE DIEU ET QU'IL VA VERS DIEU - Jouissant de l'intimité de Dieu.
Enfin quant à la sainteté, parce qu'IL VA VERS DIEU. En ceci consiste la sainteté de l'homme : qu'il aille vers Dieu. Et c'est pourquoi l'Évangéliste dit qu'IL VA VERS DIEU, parce que, du fait que lui-même va vers Dieu, il lui revient en propre de ramener les autres vers Dieu, ce qui se réalise spécialement par l'humilité et la charité. Et c'est pourquoi il leur donna un exemple d'humilité et de charité.
L'humilité de cette action.
1744. Après avoir mis en lumière la majesté du Christ, l'Évangéliste fait ici valoir son humilité, humilité qu'il manifeste dans le lavement des pieds. D'abord, il met en avant la préparation du Christ au geste d'humilité, ensuite il décrit ce geste lui-même [n° 1747].
1745. Au sujet de ce premier fait il faut savoir que le Christ, dans ce geste d'humilité, se montre serviteur, selon cette parole de Matthieu : Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir.
Or, pour être un bon serviteur, trois choses sont requises. D'abord, qu'il soit attentif à voir tout ce qui peut manquer au service, et il en serait empêché au plus haut point s'il s'asseyait ou s'allongeait ; c'est pourquoi il est propre aux serviteurs de se tenir debout. L'Évangéliste dit donc : IL SE LÈVE DU REPAS - Qui est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ?
En second lieu, le serviteur doit être disponible pour accomplir jusqu'au bout, comme il convient, les choses qui sont nécessaires au service ; et là, un grand nombre de vêtements l'embarrasse beaucoup. C'est pourquoi le Seigneur DÉPOSE SES VÊTEMENTS. Et cela est signifié dans la Genèse où il est dit qu'Abraham choisit des serviteurs disponibles.
En troisième lieu, il doit être prompt à servir, de sorte qu'il ait toutes les choses nécessaires pour son service. Il est dit de Marthe quelle était absorbée par les multiples soins du service*. Et de là vient que le Seigneur, AYANT PRIS UN LINGE, SE CEIGNIT, de sorte qu'ainsi il était prêt non seulement à laver les pieds, mais aussi à les essuyer. Par là il foule aux pieds tout orgueil, puisque lui qui va vers Dieu et qui est sorti de Dieu lave les pieds.
1746. Au sens mystique ce fait peut se rapporter à deux choses, à savoir l'Incarnation du Christ et sa Passion. S'il se rapporte à l'Incarnation, ainsi on reçoit du Christ trois choses. D'abord, certes, sa volonté de secourir le genre humain, dans le fait qu'lL SE LÈVE DU REPAS. Car Dieu, aussi longtemps qu'il supporte que nous soyons dans l'épreuve, semble rester assis ; mais quand il nous arrache de la tribulation, on le voit se lever - Lève-toi, Seigneur, viens à notre aide.
Ensuite son anéantissement ; non qu'il déposât la majesté de sa dignité mais qu'il la cachât en assumant notre petitesse. C'est pourquoi il est dit : Vraiment, tu es un Dieu caché''. Et cela est signifié dans le fait qu'il DÉPOSE SES VÊTEMENTS - Il s'anéantit lui-même.
Enfin l'assomption de notre nature mortelle dans le fait qu'AYANT PRIS UN LINGE, IL SE CEIGNIT - Prenant la condition d'esclave.
Mais si cela se rapporte à la Passion du Christ, alors, au sens littéral, il déposa ses vêtements quand les soldats le dépouillèrent et tirèrent au sort son vêtement, et il fut ceint d'un linge dans le sépulcre. Et dans sa Passion il a aussi déposé les vêtements de notre mortalité et pris UN LINGE, c'est-à-dire la blancheur de l'immortalité - Le Christ, en ressuscitant des morts, ne meurt plus.
1747. L'Évangéliste montre ensuite le geste d'obéissance du Christ, geste qui met en lumière son humilité, et cela de trois manières. D'abord quant au genre de ce service, qui fut assurément très humble puisque le Seigneur de majesté s'abaissait pour laver les pieds de ses serviteurs. En second lieu quant à la multitude des gestes de ce service, parce qu'il versa l'eau dans un bassin, lava les pieds, et les essuya, etc. En troisième lieu quant à sa manière de faire, parce qu'il n'agit pas par les autres, ni avec l'aide des autres, mais par lui-même - Humilie-toi en toutes choses d'autant plus que tu es grand.
1748. Au sens mystique, par ces trois aspects on peut comprendre trois choses. En premier lieu, par le fait qu'lL VERSA DE L'EAU DANS UN BASSIN est signifiée l'effusion de son sang sur la terre. En effet le sang de Jésus peut être appelé eau parce qu'il a la puissance de laver - Il nous a lavés de nos péchés par son sang*. Et de là vient qu'il sortit en même temps de son côté du sang et de l'eau, pour donner à entendre que ce sang était capable de laver les péchés. Ou bien, par l'eau, on peut comprendre la Passion du Christ ; car dans l'Écriture l'eau signifie les tribulations - Viens me sauver, Seigneur, car les eaux, c'est-à-dire les tribulations, sont entrées jusque dans mon âme. IL VERSA DE L'EAU DANS UN BASSIN, c'est-à-dire qu'il imprima dans les âmes des fidèles la mémoire de la Passion par la foi et la dévotion - Souviens-toi de ma pauvreté.
1749. En second lieu, il COMMENÇA À LAVER LES PIEDS DES DISCIPLES suggère l'imperfection humaine. Car les Apôtres, après le Christ, étaient les plus parfaits, et cependant ils avaient besoin d'être lavés, ayant en eux des impuretés. Cela pour nous donner à comprendre qu'aussi parfait que soit un homme, il a néanmoins besoin d'être rendu plus parfait et peut encore contracter certaines impuretés - Qui peut dire : mon cœur est pur ? Cependant c'est seulement aux pieds qu'ils ont des impuretés de cette sorte. Mais certains sont souillés non seulement aux pieds mais aussi entièrement. En effet, ceux qui se traînent dans les impuretés terrestres sont tout entiers salis par elles, et c'est pourquoi ceux qui restent complètement attachés à l'amour des biens terrestres, à la fois selon leur affection et selon leurs sens, sont entièrement impurs.
Mais ceux qui restent debout, c'est-à-dire qui par l'esprit et par le désir tendent vers les réalités célestes, ne contractent une impureté qu'aux pieds. En effet comme un homme qui se tient debout doit toucher la terre au moins par ses pieds, de même, aussi longtemps que nous vivons dans cette vie mortelle qui a besoin des réalités terrestres pour le soutien du corps, nous contractons quelque chose du monde au moins du côté de nos puissances sensibles.
Et c'est pourquoi le Seigneur commanda à ses disciples de secouer la poussière de leurs pieds. Et là il dit : COMMENÇA À LAVER, parce que la purification des affections terrestres commence maintenant et s'achève dans le futur. C'est alors, en effet, que sera réalisé ce qui est dit : On l'appellera la voie sainte.
Mais il faut remarquer, selon Origène, qu'il commença à laver les pieds des disciples alors que sa Passion était imminente, parce que s'il les avait lavés longtemps avant, ils auraient été à nouveau souillés. C'est pourquoi il commença, alors que peu de temps après il allait les laver par l'eau du Saint-Esprit, c'est-à-dire après sa Passion - Vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés, dans peu de jours . Ainsi, donc, l'effusion de son sang est manifestée par le fait qu'IL VERSA DE L'EAU DANS UN BASSIN, et la purification de nos péchés par le fait qu'il COMMENÇA À LAVER LES PIEDS DES DISCIPLES.
1750. En troisième lieu apparaît le fait qu'il a pris sur lui nos peines ; en effet non seulement il a lavé nos taches, mais il a pris sur lui les peines dues à celles-ci. En effet, nos peines et nos pénitences ne suffiraient pas si elles n'étaient pas fondées sur le mérite et la puissance de la Passion du Christ. Et cela apparaît dans le fait qu'il essuya les pieds des disciples avec un linge, c'est-à-dire avec le linge de son corps - Il porta jusqu'au bout nos péchés dans son corps sur le bois.
B. LA FINALITÉ DE L'EXEMPLE
1751. Ensuite l'Évangéliste montre la finalité de l'exemple à travers une concertation entre le disciple et le maître : dans cette concertation, le Seigneur montre que cet exemple est mystique, ensuite qu'il est nécessaire [n° 1757], et enfin qu'il convient [n° 1760].
Puis il versa de l’eau dans un
bassin. Le bassin de cuivre a toujours fait partie du mobilier des maisons orientales, pour ce même usage.
Voyez encore notre Atlas archéologique de la Bible, pl. 17, fig. 4, 5, 6, et comp. 4 Reg. 3, 11. - Il commença
à laver les pieds... D'ordinaire, les serviteurs rendaient cet office à leur maître avant le repas ou en d'autres
circonstances, ainsi que le disent les Rabbins : « Parmi les hommes, c'est le rôle de l'esclave de laver son
seigneur ; mais il n'en est pas ainsi pour Dieu », ajoutent-ils comme s'ils avaient eu à la pensée cette action de
Jésus. Cf. Lightfoot, Horæ hebr. h. l. Voyez, à propos de cette coutume, Gen. 18, 4 ; 19, 2 ; Jud. 19, 21 ; Luc.
7, 44, etc. On ne rencontre qu'en cet unique passage de S. Jean le verbe pittoresque « il commença »,
employé si fréquemment par les trois premiers évangélistes. Les convives avaient les pieds nus selon l'usage,
et appuyés sur la partie extérieure du divan. Voyez l'explication du v. 23 et notre commentaire de Luc. 7, 36. - Qui n'a vu, dans l'original ou d'après des reproductions, quelques-uns des chefs-d'œuvre inspirés à nos
peintres et sculpteurs chrétiens par cet émouvant épisode ? Voyez Grimouard de S. Laurent, Guide de l'art
chrétien, t. 4, p. 275 et suiv. Giotto, fra Angelico, Valentin, Nic. Poussin ont des tableaux et des fresques
particulièrement remarquables. Il faut noter aussi, dans l'admirable liturgie du jeudi saint, la reproduction
annuelle et vivante du lavement des pieds.