Jean 14, 1
Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
I – COMMENT LE CHRIST PRÉPARÉ SES DISCIPLES À VIVRE SA PASSION EN LES FORTIFIANT PAR DES PAROLES
LE CHRIST FORTIFIE SES DISCIPLES QUANT À SON DÉPART
1848. Auparavant le Seigneur a formé ses disciples par des exemples, ici il les fortifie par des paroles : en premier lieu est exposée sa longue exhortation, en second lieu l'explication de ce qu'il a dit [chapitre 16, n° 2068]. À propos du premier point, il faut savoir que deux choses menaçaient les disciples et pouvaient les troubler, l'une concernant le présent, à savoir le départ imminent du Christ, l'autre liée au futur : les tribulations qu'ils auraient à souffrir.
D'abord, donc, il les fortifie au sujet du premier point, c'est-à-dire son départ. Plus tard il les fortifiera quant aux tribulations qu'ils auront à souffrir [chapitre 15, n° 1978]. Ici il les fortifie quant au fait qu'ils allaient rester là, puis au sujet de son départ [n° 1965].
LE CHRIST FORTIFIE SES DISCIPLES QUANT AU FAIT QU'ILS RESTENT
En premier lieu, il annonce qu'il va vers le Père. En second lieu, il leur promet le don de l'Esprit Saint [n° 1907]. Et en troisième lieu, il leur promet sa présence [n° 1921].
A. LE CHRIST ANNONCE QU'IL VA VERS LE PÈRE
Il annonce qu'il va vers le Père, puis il parle du chemin par lequel il va aller vers lui.
D'abord il chasse le trouble de ses disciples, puis il montre sa puissance [n° 1851], enfin il ajoute une promesse [n° 1852].
Le Christ chasse leur trouble.
1849. Il faut savoir que les disciples pouvaient être profondément troublés par les paroles du Seigneur prononcées plus haut à propos de la trahison de Judas, du reniement de Pierre, et de son propre départ. Vraiment tout portait au trouble et à la douleur - Tu as ébranlé la terre, c'est-à-dire les cœurs de tes disciples, et tu l'as bouleversée. Et pour cette raison le Seigneur, voulant guérir leur détresse, dit : QUE VOTRE CŒUR NE SE TROUBLE PAS.
1850. Cependant, il est dit dans les Actes des Apôtres : Jésus commença à agir et à enseigner. Mais plus haut, il est dit : Jésus fut troublé en son esprit. Comment donc peut-il nous apprendre à ne pas être troublés, lui qui fut troublé le premier ? Je réponds : il faut dire qu'il n'a pas enseigné le contraire de ce qu'il a fait. Mais à propos de ce trouble, on dit qu'il fut troublé en son esprit, et non pas que son esprit fut troublé. Or ici, il ne leur défend pas d'être troublés en leur esprit, mais il défend que leur cœur, c'est-à-dire leur esprit, soit troublé. Il y a en effet un certain trouble provenant de l'esprit et de l'intelligence qui est louable et n'est pas défendu - Ce qui en effet est une tristesse selon Dieu produit un repentir salutaire et durable. Autre est la tristesse ou le trouble de la raison elle-même, et cela n'est pas louable parce que cela détourne de la vraie droiture, et cela est interdit - Le juste ne sera pas troublé parce que le Seigneur le soutient de sa main. En effet, qui a toujours Dieu, rien ne peut le troubler.
Le Christ montre sa puissance.
1851. C'est pourquoi le Seigneur montre ensuite la puissance de sa divinité en disant : VOUS CROYEZ EN DIEU, CROYEZ AUSSI EN MOI ; et là il suppose une chose et il en prescrit une autre.
Il suppose leur foi en Dieu en disant : VOUS CROYEZ EN DIEU, car en cela ils avaient déjà été instruits par lui - II faut que celui qui s'approche de Dieu croie.
Et il leur prescrit de croire en lui en disant : CROYEZ AUSSI EN MOI – Si en effet vous croyez en Dieu, vous devez par conséquent croire en moi, puisque moi je suis Dieu. Et cette conséquence est valable, soit que le terme DIEU soit pris essentiellement, puisque le Fils lui-même est Dieu, soit qu'il désigne la personne du Père. Car nul ne peut croire en le Père s'il ne croit pas en le Fils - Qui n'honore pas le Fils, n'honore pas le Père. Et dans ce qu'il dit : CROYEZ AUSSI EN MOI, il atteste qu'il est vraiment Dieu ; car bien qu'on puisse croire à l'homme ou à quelque créature, cependant nous ne devons croire en personne si ce n'est en Dieu. Donc il faut croire en le Christ comme en Dieu - Afin que vous soyez dans son véritable Fils Jésus Christ. Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle. Et plus haut : L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé.
Le Christ ajoute une promesse.
1852. Ensuite, lorsqu'il dit DANS LA MAISON DE MON PÈRE IL Y A BEAUCOUP DE DEMEURES, il ajoute la promesse que, par le Christ, ils iront vers le Père et seront introduits auprès de lui. Or la promesse de l'accès de quelques-uns en quelque lieu implique deux choses : l'une précède, à savoir la préparation du lieu ; l'autre suit, à savoir l'introduction dans le lieu. Et c'est pourquoi le Seigneur fait ici deux promesses : l'une concerne la préparation du lieu, l'autre l'introduction dans le lieu. Or la première n'est pas nécessaire, puisque déjà le lieu a été préparé ; mais la seconde l'est, et c'est pourquoi à propos de cela, il fait deux choses.
En premier lieu, il exclut la nécessité de la première promesse : d'abord en écartant la nécessité d'une préparation, puis en montrant qu'il aurait la faculté de préparer le lieu, si c'était nécessaire [n° 1857]. En second lieu, il donne la seconde promesse [n° 1858].
1853. Là il faut savoir que, puisque la maison de quelqu'un est celle où il habite, on appelle maison de Dieu celle où Dieu habite ; or Dieu habite dans les saints - Toi tu es en nous. Seigneur. Dans certains, c'est par la foi - J'habiterai en eux. - Que le Christ habite en vos cœurs par la foi. Mais en d'autres c'est par la jouissance parfaite- Afin que Dieu soit tout en tous. La maison de Dieu est donc double. L'une est l'Église militante, à savoir l'assemblée des fidèles - Afin que tu saches comment il faut te comporter dans la maison de Dieu -, et Dieu habite celle-ci par la foi - Voici la tente de Dieu avec les hommes, et j'habiterai en eux. L'autre est l'Église triomphante, à savoir le rassemblement des saints dans la gloire - Nous serons rassasiés des biens de ta maison.
Mais est appelée maison du Père non seulement celle qu'il habite, mais aussi lui-même parce que lui-même est en lui-même. Et dans cette maison il nous rassemble. Or, que Dieu soit lui-même une maison, on le voit dans la deuxième Épître aux Corinthiens : Nous avons une maison venant de Dieu, qui n'est pas faite de main d'hommes. Et cette maison est une maison de gloire, qui est Dieu lui-même - Le trône de ta gloire élevé depuis le commencement, lieu de notre sanctification*'. Or l'homme demeure en ce lieu, à savoir en Dieu lui-même, quant à la volonté et l'amour par la jouissance de la charité - Qui demeure dans la chanté, demeure en Dieu -, et quant à l'intelligence par la connaissance de la vérité - Sanctifie-les dans la venté.
Donc, dans cette maison, c'est-à-dire dans la gloire qui est Dieu, IL Y A BEAUCOUP DE DEMEURES, c'est-à-dire diverses participations à sa béatitude ; parce que celui qui aime plus et connaît plus, aura une place plus grande. Donc les diverses participations à la connaissance et à la jouissance divines sont les diverses demeures.
1854. Mais ici se pose la question de savoir si l'un peut être plus bienheureux que l'autre. Il semble que non. En effet la béatitude est la fin, et ce qui est parfait n'accepte pas le plus et le moins : donc elle ne peut être possédée plus ou moins.
Je réponds : il faut dire que quelque chose est dit parfait de deux manières : absolument, et sous un certain aspect. Certes, la perfection absolue de la béatitude appartient à Dieu seul, parce que lui seul se connaît et s'aime autant qu'il est connaissable et aimable (en effet il connaît infiniment et il aime sa vérité et sa bonté infinies). Et quant à cela, le souverain bien lui-même, qui est l'objet de la béatitude et sa cause, ne peut pas être une béatitude plus grande qu'une autre, car il n'est qu'un seul souverain bien, qui est Dieu. Et quelque chose est dit parfait sous un certain aspect, c'est-à-dire selon certaines conditions de temps, de nature et de grâce ; ainsi l'un peut être plus bienheureux que l'autre selon l'acquisition de ce bien et la capacité de chaque homme. Parce que l'homme est d'autant plus capable de la béatitude qu'il y participe plus en tant qu'il est mieux disposé et ordonné à en jouir. Et on se dispose à cela de deux manières. En effet, la béatitude consiste en deux choses : en la vision divine, et à celle-ci on se dispose par la pureté ; et pour cette raison, plus quelqu'un a le cœur élevé au-dessus des choses terrestres, plus il verra Dieu, et plus parfaitement. De même, la béatitude consiste en la parfaite jouissance de cette vision, et à celle-là on se dispose par l'amour ; et pour cette raison, celui dont le cœur brûlera plus de l'amour de Dieu, goûtera plus de joie dans la jouissance divine. À propos de la première il est dit : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur parce qu'ils verront Dieu
1855. De même, on s'interroge sur ce qui est dit dans Matthieu, qu'un seul denier est donné à tous ceux qui ont travaillé. Or ce denier n'est rien d'autre qu'une demeure dans la maison du Père. Il n'y a donc pas de nombreuses demeures. À cela je réponds : il faut dire que la récompense de la vie éternelle est une, et qu'elle est multiple. Multiple, certes, selon la capacité différente des participants, selon laquelle il y a diverses demeures dans la maison du Père. Mais une, de trois manières. Premièrement, à cause de l'unité de l'objet : en effet, ce que tous les bienheureux voient et ce dont tous jouissent est le même ; et c'est pourquoi il y a un seul denier, mais il sera vu et aimé de diverses manières - Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant'. - En ce jour-là, le Seigneur des armées sera une couronne de gloire et un sceptre d'exultation pour le reste de son peuple . Et c'est comme si quelqu'un indiquait à un autre une source, afin que tous y puisent à volonté ; celui qui aurait un plus grand vase, recevrait plus de la source, et celui qui en aurait un plus petit, moins. Donc la source, quant à elle, est unique, mais la mesure des récipients, elle, n'est pas la même. Et c'est l'avis du bienheureux Grégoire. En second lieu, à cause de la mesure même de l'éternité, selon Augustinparce que tous auront la béatitude éternelle, puisque les justes iront vers la vie éternelle, mais diversement selon leur capacité. En troisième lieu, à cause de la charité qui unit tout, faisant des joies de chacun les joies de tous, et réciproquement - Se réjouir avec ceux qui se réjouissent.
1856. Mais il faut remarquer que cette parole fut pour les pélagiens une occasion d'erreur. En effet, ils disent que les enfants qui meurent non baptisés seront sauvés dans la maison de Dieu, mais non dans le royaume de Dieu, parce que plus haut il est dit : Personne, à moins de renaître de Veau et de l'Esprit Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu
Contre cela Augustin rapporte que le Seigneur dit que ces demeures sont dans la maison de Dieu. Or rien n'est plus dans le royaume que la maison : car le royaume est constitué de cités, et les cités de quartiers, et les quartiers de maisons. Donc si les demeures sont dans la maison, il est manifeste qu'elles sont dans le royaume.
1857. Ensuite, il montre qu'il serait capable de leur préparer un lieu si cela était nécessaire.
En effet, quelqu'un pourrait dire : C'est vrai que, dans la maison de son Père, de nombreuses demeures ont été préparées ; parce que si cela n'était pas nécessaire, il n'aurait pas à les préparer. Et c'est pourquoi le Seigneur, excluant cela, dit que SINON, c'est-à-dire si les demeures n'avaient pas été préparées, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU.
Là il faut voir ce qu'il dit : VOUS PRÉPARER UN LIEU. Or on prépare un lieu de deux manières. D'une manière, quand on le dispose en lui-même, par exemple quand on nettoie ou qu'on agrandit un lieu - Élargis l'espace de ta tente. D'une autre manière, quand on donne à quelqu'un la possibilité d'entrer ; de là vient que le psaume demandait : Sois-moi un Dieu protecteur et un lieu fortifié, comme s'il disait : que j'aie toujours la possibilité d'entrer. Et on peut comprendre cela de deux manières. Si en effet ce lieu était quelque chose de tel qu'il eût un défaut ou qu'il fût quelque chose de créé, il appartiendrait à ma puissance de le perfectionner, car toute créature est soumise à la puissance du Verbe - Tout a été fait par lui. Si donc il était tel qu'il eût un défaut, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU. Mais le lieu en lui-même a été préparé. En effet, ce lieu est Dieu lui-même, comme il a été dit, en qui réside l'excellence de toutes les perfections. Mais peut-être n'avez-vous pas la possibilité d'entrer ; et c'est pourquoi SINON, c'est-à-dire si vous n'aviez pas la possibilité d'entrer et n'aviez pas été prédestinés à ce lieu, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU. En effet il est en mon pouvoir de vous prédestiner à ce lieu. Car lui-même, avec le Père et l'Esprit Saint, nous a prédestinés à la vie éternelle - Il nous a élus en lui-même.
1858. Mais parce que plus haut il avait dit : Où moi je vais, tu ne peux pas me suivre à présent, il ajoute, afin qu'ils ne croient pas qu'ils seront définitivement séparés de lui : ET QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU, JE VIENDRAI DE NOUVEAU ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI, POUR QUE LÀ OÙ MOI JE SUIS, VOUS SOYEZ AUSSI – Là, il présente la seconde promesse, à savoir celle de les faire entrer dans le royaume. Il semble qu'il y ait là une contradiction dans ses paroles. En effet il dit : SINON JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU, indiquant par là qu'il ne va pas pour préparer un lieu. Or ici il dit : ET QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU, il indique qu'il va pour préparer un lieu. Mais il faut dire que, d'une première manière, on pourrait lire cela « ensemble », et alors le sens serait : SINON, c'est-à-dire si cela était nécessaire, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU. Et il redit : SINON JE VOUS L'AURAIS DIT, c'est-à-dire si je m'en vais et que je vous prépare un lieu.
Mais selon Augustin on lit « séparément », de sorte qu'il y a une conclusion autre que celle-là. Et il faut dire que le Seigneur a PRÉPARÉ en prédestinant de toute éternité et qu'il a PRÉPARÉ en exécutant. Et il a PRÉPARÉ par son départ. Donc ce qu'il a dit en premier lieu, c'est-à-dire que les demeures avaient été préparées, on le comprend de la première préparation de toute éternité ; mais ce qu'il dit ici - QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ – se comprend de l'exécution de la prédestination éternelle.
1859. Or le Seigneur par son départ nous a préparé un lieu de cinq manières.
Premièrement en donnant le lieu de la foi. En effet, puisque la foi porte sur des choses qu'on ne voit pas, elle n'existait pas chez les disciples à l'égard du Christ quand ils le voyaient en personne. Donc, il s'éloigna d'eux pour que celui qu'ils avaient par la présence corporelle et qu'ils voyaient par les yeux du corps, ils l'aient par une présence spirituelle, et le distinguent par l'œil de l'esprit : et c'est cela, avoir par la foi. En second lieu, en leur montrant le chemin pour aller vers ce lieu - Il monte en ouvrant le chemin devant eux. En troisième lieu, en priant pour eux - S approchant par lui-même de Dieu, il peut sauver. - Celui qui monte sur le ciel est ton aide. En quatrième lieu, en les attirant en haut - Entraîne-moi à ta suite. - Si vous êtes ressuscites avec le Christ, recherchez les choses d'en haut. En cinquième lieu, en leur envoyant l'Esprit-Saint - L'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié
1860. Or l'accomplissement de la glorification du Christ eut lieu dans son Ascension ; et c'est pourquoi, aussitôt qu'il est monté, il a envoyé l'Esprit Saint à ses disciples. Ainsi, il leur a prédit un départ corporel, en disant : ET QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU ; et ensuite il leur promet un retour spirituel, en disant : JE VIENDRAI DE NOUVEAU ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI – Je viendrai à la fin du monde - Il reviendra de la même manière que vous l'avez vu monter au ciel. ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI, glorifiés en votre âme et votre corps - Nous serons emportés avec eux dans les nuées, au-devant du Christ, dans les airs.
1861. Mais les esprits des Apôtres ne sont-ils pas pris par le Christ auprès de lui avant la fin du monde ? À cela il faut répondre que l'opinion des Grecs est que les saints n'entrent pas au paradis avant le jour du jugement. Mais s'il en était ainsi, alors c'est en vain que l'Apôtre aurait eu le désir d'être avec le Christ. Et c'est pourquoi il faut dire qu'aussitôt que notre maison terrestre a été détruite, quant à notre âme nous sommes avec le Christ. Et ainsi, ce qu'il dit - JE VIENDRAI DE NOUVEAU ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI - peut s'entendre de la venue spirituelle par laquelle le Christ visite toujours l'Église des fidèles, et vivifie n'importe lequel des saints dans la mort. Et le sens serait : JE VIENDRAI DE NOUVEAU vers l'Église de manière spirituelle et continue, ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI, c'est-à-dire je vous affermirai dans la foi et dans mon amour - Mon bien-aimé est monté dans le parterre des aromates, c'est-à-dire dans l'assemblée des saints, pour qu'il paisse, c'est-à-dire qu'il se délecte dans leurs vertus, et cueille des lis, c'est-à-dire qu'il attire à lui les âmes pures, quand il vivifie les saints dans la mort.
1862. Ensuite il montre le fruit, en disant : POUR QUE LÀ OU MOI JE SUIS, VOUS SOYEZ AUSSI, c'est-à-dire : où est la Tête, que soient les membres ; où est le Maître, que soient les disciples - Où sera le corps, là aussi s'assembleront les aigles. - Où moi je suis, là aussi sera mon serviteur.
LE CHRIST FORTIFIE SES DISCIPLES QUANT À SON DÉPART
1848. Auparavant le Seigneur a formé ses disciples par des exemples, ici il les fortifie par des paroles : en premier lieu est exposée sa longue exhortation, en second lieu l'explication de ce qu'il a dit [chapitre 16, n° 2068]. À propos du premier point, il faut savoir que deux choses menaçaient les disciples et pouvaient les troubler, l'une concernant le présent, à savoir le départ imminent du Christ, l'autre liée au futur : les tribulations qu'ils auraient à souffrir.
D'abord, donc, il les fortifie au sujet du premier point, c'est-à-dire son départ. Plus tard il les fortifiera quant aux tribulations qu'ils auront à souffrir [chapitre 15, n° 1978]. Ici il les fortifie quant au fait qu'ils allaient rester là, puis au sujet de son départ [n° 1965].
LE CHRIST FORTIFIE SES DISCIPLES QUANT AU FAIT QU'ILS RESTENT
En premier lieu, il annonce qu'il va vers le Père. En second lieu, il leur promet le don de l'Esprit Saint [n° 1907]. Et en troisième lieu, il leur promet sa présence [n° 1921].
A. LE CHRIST ANNONCE QU'IL VA VERS LE PÈRE
Il annonce qu'il va vers le Père, puis il parle du chemin par lequel il va aller vers lui.
D'abord il chasse le trouble de ses disciples, puis il montre sa puissance [n° 1851], enfin il ajoute une promesse [n° 1852].
Le Christ chasse leur trouble.
1849. Il faut savoir que les disciples pouvaient être profondément troublés par les paroles du Seigneur prononcées plus haut à propos de la trahison de Judas, du reniement de Pierre, et de son propre départ. Vraiment tout portait au trouble et à la douleur - Tu as ébranlé la terre, c'est-à-dire les cœurs de tes disciples, et tu l'as bouleversée. Et pour cette raison le Seigneur, voulant guérir leur détresse, dit : QUE VOTRE CŒUR NE SE TROUBLE PAS.
1850. Cependant, il est dit dans les Actes des Apôtres : Jésus commença à agir et à enseigner. Mais plus haut, il est dit : Jésus fut troublé en son esprit. Comment donc peut-il nous apprendre à ne pas être troublés, lui qui fut troublé le premier ? Je réponds : il faut dire qu'il n'a pas enseigné le contraire de ce qu'il a fait. Mais à propos de ce trouble, on dit qu'il fut troublé en son esprit, et non pas que son esprit fut troublé. Or ici, il ne leur défend pas d'être troublés en leur esprit, mais il défend que leur cœur, c'est-à-dire leur esprit, soit troublé. Il y a en effet un certain trouble provenant de l'esprit et de l'intelligence qui est louable et n'est pas défendu - Ce qui en effet est une tristesse selon Dieu produit un repentir salutaire et durable. Autre est la tristesse ou le trouble de la raison elle-même, et cela n'est pas louable parce que cela détourne de la vraie droiture, et cela est interdit - Le juste ne sera pas troublé parce que le Seigneur le soutient de sa main. En effet, qui a toujours Dieu, rien ne peut le troubler.
Le Christ montre sa puissance.
1851. C'est pourquoi le Seigneur montre ensuite la puissance de sa divinité en disant : VOUS CROYEZ EN DIEU, CROYEZ AUSSI EN MOI ; et là il suppose une chose et il en prescrit une autre.
Il suppose leur foi en Dieu en disant : VOUS CROYEZ EN DIEU, car en cela ils avaient déjà été instruits par lui - II faut que celui qui s'approche de Dieu croie.
Et il leur prescrit de croire en lui en disant : CROYEZ AUSSI EN MOI – Si en effet vous croyez en Dieu, vous devez par conséquent croire en moi, puisque moi je suis Dieu. Et cette conséquence est valable, soit que le terme DIEU soit pris essentiellement, puisque le Fils lui-même est Dieu, soit qu'il désigne la personne du Père. Car nul ne peut croire en le Père s'il ne croit pas en le Fils - Qui n'honore pas le Fils, n'honore pas le Père. Et dans ce qu'il dit : CROYEZ AUSSI EN MOI, il atteste qu'il est vraiment Dieu ; car bien qu'on puisse croire à l'homme ou à quelque créature, cependant nous ne devons croire en personne si ce n'est en Dieu. Donc il faut croire en le Christ comme en Dieu - Afin que vous soyez dans son véritable Fils Jésus Christ. Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle. Et plus haut : L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé.
Le Christ ajoute une promesse.
1852. Ensuite, lorsqu'il dit DANS LA MAISON DE MON PÈRE IL Y A BEAUCOUP DE DEMEURES, il ajoute la promesse que, par le Christ, ils iront vers le Père et seront introduits auprès de lui. Or la promesse de l'accès de quelques-uns en quelque lieu implique deux choses : l'une précède, à savoir la préparation du lieu ; l'autre suit, à savoir l'introduction dans le lieu. Et c'est pourquoi le Seigneur fait ici deux promesses : l'une concerne la préparation du lieu, l'autre l'introduction dans le lieu. Or la première n'est pas nécessaire, puisque déjà le lieu a été préparé ; mais la seconde l'est, et c'est pourquoi à propos de cela, il fait deux choses.
En premier lieu, il exclut la nécessité de la première promesse : d'abord en écartant la nécessité d'une préparation, puis en montrant qu'il aurait la faculté de préparer le lieu, si c'était nécessaire [n° 1857]. En second lieu, il donne la seconde promesse [n° 1858].
1853. Là il faut savoir que, puisque la maison de quelqu'un est celle où il habite, on appelle maison de Dieu celle où Dieu habite ; or Dieu habite dans les saints - Toi tu es en nous. Seigneur. Dans certains, c'est par la foi - J'habiterai en eux. - Que le Christ habite en vos cœurs par la foi. Mais en d'autres c'est par la jouissance parfaite- Afin que Dieu soit tout en tous. La maison de Dieu est donc double. L'une est l'Église militante, à savoir l'assemblée des fidèles - Afin que tu saches comment il faut te comporter dans la maison de Dieu -, et Dieu habite celle-ci par la foi - Voici la tente de Dieu avec les hommes, et j'habiterai en eux. L'autre est l'Église triomphante, à savoir le rassemblement des saints dans la gloire - Nous serons rassasiés des biens de ta maison.
Mais est appelée maison du Père non seulement celle qu'il habite, mais aussi lui-même parce que lui-même est en lui-même. Et dans cette maison il nous rassemble. Or, que Dieu soit lui-même une maison, on le voit dans la deuxième Épître aux Corinthiens : Nous avons une maison venant de Dieu, qui n'est pas faite de main d'hommes. Et cette maison est une maison de gloire, qui est Dieu lui-même - Le trône de ta gloire élevé depuis le commencement, lieu de notre sanctification*'. Or l'homme demeure en ce lieu, à savoir en Dieu lui-même, quant à la volonté et l'amour par la jouissance de la charité - Qui demeure dans la chanté, demeure en Dieu -, et quant à l'intelligence par la connaissance de la vérité - Sanctifie-les dans la venté.
Donc, dans cette maison, c'est-à-dire dans la gloire qui est Dieu, IL Y A BEAUCOUP DE DEMEURES, c'est-à-dire diverses participations à sa béatitude ; parce que celui qui aime plus et connaît plus, aura une place plus grande. Donc les diverses participations à la connaissance et à la jouissance divines sont les diverses demeures.
1854. Mais ici se pose la question de savoir si l'un peut être plus bienheureux que l'autre. Il semble que non. En effet la béatitude est la fin, et ce qui est parfait n'accepte pas le plus et le moins : donc elle ne peut être possédée plus ou moins.
Je réponds : il faut dire que quelque chose est dit parfait de deux manières : absolument, et sous un certain aspect. Certes, la perfection absolue de la béatitude appartient à Dieu seul, parce que lui seul se connaît et s'aime autant qu'il est connaissable et aimable (en effet il connaît infiniment et il aime sa vérité et sa bonté infinies). Et quant à cela, le souverain bien lui-même, qui est l'objet de la béatitude et sa cause, ne peut pas être une béatitude plus grande qu'une autre, car il n'est qu'un seul souverain bien, qui est Dieu. Et quelque chose est dit parfait sous un certain aspect, c'est-à-dire selon certaines conditions de temps, de nature et de grâce ; ainsi l'un peut être plus bienheureux que l'autre selon l'acquisition de ce bien et la capacité de chaque homme. Parce que l'homme est d'autant plus capable de la béatitude qu'il y participe plus en tant qu'il est mieux disposé et ordonné à en jouir. Et on se dispose à cela de deux manières. En effet, la béatitude consiste en deux choses : en la vision divine, et à celle-ci on se dispose par la pureté ; et pour cette raison, plus quelqu'un a le cœur élevé au-dessus des choses terrestres, plus il verra Dieu, et plus parfaitement. De même, la béatitude consiste en la parfaite jouissance de cette vision, et à celle-là on se dispose par l'amour ; et pour cette raison, celui dont le cœur brûlera plus de l'amour de Dieu, goûtera plus de joie dans la jouissance divine. À propos de la première il est dit : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur parce qu'ils verront Dieu
1855. De même, on s'interroge sur ce qui est dit dans Matthieu, qu'un seul denier est donné à tous ceux qui ont travaillé. Or ce denier n'est rien d'autre qu'une demeure dans la maison du Père. Il n'y a donc pas de nombreuses demeures. À cela je réponds : il faut dire que la récompense de la vie éternelle est une, et qu'elle est multiple. Multiple, certes, selon la capacité différente des participants, selon laquelle il y a diverses demeures dans la maison du Père. Mais une, de trois manières. Premièrement, à cause de l'unité de l'objet : en effet, ce que tous les bienheureux voient et ce dont tous jouissent est le même ; et c'est pourquoi il y a un seul denier, mais il sera vu et aimé de diverses manières - Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant'. - En ce jour-là, le Seigneur des armées sera une couronne de gloire et un sceptre d'exultation pour le reste de son peuple . Et c'est comme si quelqu'un indiquait à un autre une source, afin que tous y puisent à volonté ; celui qui aurait un plus grand vase, recevrait plus de la source, et celui qui en aurait un plus petit, moins. Donc la source, quant à elle, est unique, mais la mesure des récipients, elle, n'est pas la même. Et c'est l'avis du bienheureux Grégoire. En second lieu, à cause de la mesure même de l'éternité, selon Augustinparce que tous auront la béatitude éternelle, puisque les justes iront vers la vie éternelle, mais diversement selon leur capacité. En troisième lieu, à cause de la charité qui unit tout, faisant des joies de chacun les joies de tous, et réciproquement - Se réjouir avec ceux qui se réjouissent.
1856. Mais il faut remarquer que cette parole fut pour les pélagiens une occasion d'erreur. En effet, ils disent que les enfants qui meurent non baptisés seront sauvés dans la maison de Dieu, mais non dans le royaume de Dieu, parce que plus haut il est dit : Personne, à moins de renaître de Veau et de l'Esprit Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu
Contre cela Augustin rapporte que le Seigneur dit que ces demeures sont dans la maison de Dieu. Or rien n'est plus dans le royaume que la maison : car le royaume est constitué de cités, et les cités de quartiers, et les quartiers de maisons. Donc si les demeures sont dans la maison, il est manifeste qu'elles sont dans le royaume.
1857. Ensuite, il montre qu'il serait capable de leur préparer un lieu si cela était nécessaire.
En effet, quelqu'un pourrait dire : C'est vrai que, dans la maison de son Père, de nombreuses demeures ont été préparées ; parce que si cela n'était pas nécessaire, il n'aurait pas à les préparer. Et c'est pourquoi le Seigneur, excluant cela, dit que SINON, c'est-à-dire si les demeures n'avaient pas été préparées, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU.
Là il faut voir ce qu'il dit : VOUS PRÉPARER UN LIEU. Or on prépare un lieu de deux manières. D'une manière, quand on le dispose en lui-même, par exemple quand on nettoie ou qu'on agrandit un lieu - Élargis l'espace de ta tente. D'une autre manière, quand on donne à quelqu'un la possibilité d'entrer ; de là vient que le psaume demandait : Sois-moi un Dieu protecteur et un lieu fortifié, comme s'il disait : que j'aie toujours la possibilité d'entrer. Et on peut comprendre cela de deux manières. Si en effet ce lieu était quelque chose de tel qu'il eût un défaut ou qu'il fût quelque chose de créé, il appartiendrait à ma puissance de le perfectionner, car toute créature est soumise à la puissance du Verbe - Tout a été fait par lui. Si donc il était tel qu'il eût un défaut, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU. Mais le lieu en lui-même a été préparé. En effet, ce lieu est Dieu lui-même, comme il a été dit, en qui réside l'excellence de toutes les perfections. Mais peut-être n'avez-vous pas la possibilité d'entrer ; et c'est pourquoi SINON, c'est-à-dire si vous n'aviez pas la possibilité d'entrer et n'aviez pas été prédestinés à ce lieu, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU. En effet il est en mon pouvoir de vous prédestiner à ce lieu. Car lui-même, avec le Père et l'Esprit Saint, nous a prédestinés à la vie éternelle - Il nous a élus en lui-même.
1858. Mais parce que plus haut il avait dit : Où moi je vais, tu ne peux pas me suivre à présent, il ajoute, afin qu'ils ne croient pas qu'ils seront définitivement séparés de lui : ET QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU, JE VIENDRAI DE NOUVEAU ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI, POUR QUE LÀ OÙ MOI JE SUIS, VOUS SOYEZ AUSSI – Là, il présente la seconde promesse, à savoir celle de les faire entrer dans le royaume. Il semble qu'il y ait là une contradiction dans ses paroles. En effet il dit : SINON JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU, indiquant par là qu'il ne va pas pour préparer un lieu. Or ici il dit : ET QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU, il indique qu'il va pour préparer un lieu. Mais il faut dire que, d'une première manière, on pourrait lire cela « ensemble », et alors le sens serait : SINON, c'est-à-dire si cela était nécessaire, JE VOUS L'AURAIS DIT : JE VAIS VOUS PRÉPARER UN LIEU. Et il redit : SINON JE VOUS L'AURAIS DIT, c'est-à-dire si je m'en vais et que je vous prépare un lieu.
Mais selon Augustin on lit « séparément », de sorte qu'il y a une conclusion autre que celle-là. Et il faut dire que le Seigneur a PRÉPARÉ en prédestinant de toute éternité et qu'il a PRÉPARÉ en exécutant. Et il a PRÉPARÉ par son départ. Donc ce qu'il a dit en premier lieu, c'est-à-dire que les demeures avaient été préparées, on le comprend de la première préparation de toute éternité ; mais ce qu'il dit ici - QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ – se comprend de l'exécution de la prédestination éternelle.
1859. Or le Seigneur par son départ nous a préparé un lieu de cinq manières.
Premièrement en donnant le lieu de la foi. En effet, puisque la foi porte sur des choses qu'on ne voit pas, elle n'existait pas chez les disciples à l'égard du Christ quand ils le voyaient en personne. Donc, il s'éloigna d'eux pour que celui qu'ils avaient par la présence corporelle et qu'ils voyaient par les yeux du corps, ils l'aient par une présence spirituelle, et le distinguent par l'œil de l'esprit : et c'est cela, avoir par la foi. En second lieu, en leur montrant le chemin pour aller vers ce lieu - Il monte en ouvrant le chemin devant eux. En troisième lieu, en priant pour eux - S approchant par lui-même de Dieu, il peut sauver. - Celui qui monte sur le ciel est ton aide. En quatrième lieu, en les attirant en haut - Entraîne-moi à ta suite. - Si vous êtes ressuscites avec le Christ, recherchez les choses d'en haut. En cinquième lieu, en leur envoyant l'Esprit-Saint - L'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié
1860. Or l'accomplissement de la glorification du Christ eut lieu dans son Ascension ; et c'est pourquoi, aussitôt qu'il est monté, il a envoyé l'Esprit Saint à ses disciples. Ainsi, il leur a prédit un départ corporel, en disant : ET QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU ; et ensuite il leur promet un retour spirituel, en disant : JE VIENDRAI DE NOUVEAU ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI – Je viendrai à la fin du monde - Il reviendra de la même manière que vous l'avez vu monter au ciel. ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI, glorifiés en votre âme et votre corps - Nous serons emportés avec eux dans les nuées, au-devant du Christ, dans les airs.
1861. Mais les esprits des Apôtres ne sont-ils pas pris par le Christ auprès de lui avant la fin du monde ? À cela il faut répondre que l'opinion des Grecs est que les saints n'entrent pas au paradis avant le jour du jugement. Mais s'il en était ainsi, alors c'est en vain que l'Apôtre aurait eu le désir d'être avec le Christ. Et c'est pourquoi il faut dire qu'aussitôt que notre maison terrestre a été détruite, quant à notre âme nous sommes avec le Christ. Et ainsi, ce qu'il dit - JE VIENDRAI DE NOUVEAU ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI - peut s'entendre de la venue spirituelle par laquelle le Christ visite toujours l'Église des fidèles, et vivifie n'importe lequel des saints dans la mort. Et le sens serait : JE VIENDRAI DE NOUVEAU vers l'Église de manière spirituelle et continue, ET JE VOUS PRENDRAI PRÈS DE MOI, c'est-à-dire je vous affermirai dans la foi et dans mon amour - Mon bien-aimé est monté dans le parterre des aromates, c'est-à-dire dans l'assemblée des saints, pour qu'il paisse, c'est-à-dire qu'il se délecte dans leurs vertus, et cueille des lis, c'est-à-dire qu'il attire à lui les âmes pures, quand il vivifie les saints dans la mort.
1862. Ensuite il montre le fruit, en disant : POUR QUE LÀ OU MOI JE SUIS, VOUS SOYEZ AUSSI, c'est-à-dire : où est la Tête, que soient les membres ; où est le Maître, que soient les disciples - Où sera le corps, là aussi s'assembleront les aigles. - Où moi je suis, là aussi sera mon serviteur.
Que votre cœur ne se trouble pas : expression très énergique. Plusieurs incidents étaient venus coup
sur coup alarmer, bouleverser les disciples depuis quelques instants : la dénonciation du traître, la nouvelle
du départ de leur Maître, la prédiction du reniement de S. Pierre. Ils pressentaient enfin que des événements
tragiques étaient imminents. Le cœur, ce siège perpétuel des angoisses et des troubles. - Vous croyez en Dieu.
Premier motif de calme : une parfaite confiance, soit en Dieu, soit en lui-même. Beaucoup d'anciens
interprètes grecs (notamment S. Cyrille, Nonnus, Théophylacte, Euthymius), et des commentateurs
modernes, traduisent deux fois de suite le verbe à l'impératif : croyez en Dieu et croyez en moi. Et rien de
plus légitime au point de vue du contexte et de la grammaire. Néanmoins, la traduction de la Vulgate donne
plus de force et plus de solennité à la pensée. Jésus établit d'abord un fait : Vous croyez en Dieu ; puis il en
tire cette juste conséquence : croyez aussi en moi. Comme s'il disait : Mon Père et moi nous sommes
solidaires l'un de l'autre, à cause de notre parfaite unité. Si vous avez confiance en lui, vous pouvez
pareillement vous fier à moi, car notre puissance est la même.
Les discours contenus dans les chapitres 14 à 17 comptent parmi les plus beaux morceaux de l’Evangile. « Il y a un sermon de la Cène qui me paraît contenir toute notre religion, dit La Harpe, où chaque parole est un oracle du ciel ; je ne l’ai jamais lu sans une émotion singulière, et que de fois je me suis dit ce que disait aux Pharisiens cet agent de la Synagogue, en s’excusant de n’avoir pas fait arrêter Jésus-Christ (voir Jean, 7, 46) : Que voulez-vous ? jamais homme n’a parlé comme cet Homme ! et c’est un juif qui disait cela. Quel terrible arrêt contre les chrétiens infidèles ! Il m’est impossible, à chaque verset de ce sermon, de ne pas entendre un Dieu, et j’en suis aussi sûr que si je l’avais entendu en personne. »
Pour le chrétien, croire en Dieu, c’est inséparablement croire en Celui qu’Il a envoyé, " son Fils bien-aimé " en qui Il a mis toute sa complaisance (cf. Mc 1, 11) ; Dieu nous a dit de L’écouter (cf. Mc 9, 7). Le Seigneur Lui-même dit à ses disciples : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi " (Jn 14, 1). Nous pouvons croire en Jésus-Christ parce qu’Il est Lui-même Dieu, le Verbe fait chair : " Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, Lui, L’a fait connaître " (Jn 1, 18). Parce qu’il " a vu le Père " (Jn 6, 46), Il est seul à Le connaître et à pouvoir Le révéler (cf. Mt 11, 27).