Jean 14, 26

mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Saint Léon le Grand
La solennité de ce jour, mes bien-aimés, doit être vénérée parmi les fêtes principales, tous les coeurs catholiques le savent. Nous devons assurément le plus grand respect à ce jour que l'Esprit Saint a consacré par le prodige suprême du don de lui-même.

Ce jour est en effet le dixième après celui où le Seigneur a dépassé toute la hauteur des cieux pour s'asseoir à la droite de Dieu son Père. Il est le cinquantième jour à briller pour nous depuis sa résurrection, en Jésus par qui le jour a commencé. Ce jour contient en lui-même de grands mystères, ceux de l'économie ancienne et ceux de la nouvelle. Il y est en effet clairement montré que la grâce avait été annoncée d'avance par la Loi, et que la Loi a été accomplie par la grâce.

En effet, c'est cinquante jours après l'immolation de l'agneau que jadis le peuple hébreu, libéré des Égyptiens, reçut la Loi sur la montagne du Sinaï. De même, le cinquantième jour après la passion du Christ, qui fut l'immolation du véritable agneau de Dieu, cinquante jours après sa résurrection, l'Esprit Saint fondit sur les Apôtres et sur le peuple des croyants. Le chrétien attentif reconnaîtra donc facilement que les débuts de l'Ancien Testament étaient au service des débuts de l'Évangile, et que la seconde alliance fut constituée par le même Esprit qui avait fondé la première.

Car, au témoignage de l'histoire apostolique, quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient tous réunis ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent: toute la maison où ils se trouvaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux. Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint. Ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit (Ac 2,1-4).

Comme elle est rapide, cette parole de sagesse, et lorsque Dieu est le maître, comme on apprend vite ce qu'il enseigne! On n'a pas eu besoin de traduction pour comprendre, d'exercice pour pratiquer, ni de temps pour étudier. Mais, l'Esprit de vérité soufflant où il veut (Jn 3,8), les mots qui étaient propres à chacune des nations devinrent communs à tous dans la bouche de l'Église.

A partir de ce jour, la trompette de la prédication évangélique se mit à retentir. Dès ce moment, les ondées de charismes, les flots de bénédictions arrosèrent tout désert et toute terre aride parce que, pour renouveler la face de la terre (Ps 103,30), l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux (Gn 1,2). Pour chasser les anciennes ténèbres, une lumière nouvelle jetait des éclairs. De l'éclat des lampes étincelantes naissaient et le Verbe du Seigneur qui illumine, et la parole enflammée qui, pour créer l'intelligence et consumer le péché, a le pouvoir d'illuminer et la force de brûler.
Syméon le Nouveau Théologien
Quand viendra le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit (Jn 14,26). Et quant à ce que le Christ ne leur a pas dit, c'est l'Esprit Saint qui, en descendant sur les Apôtres, le leur a enseigné. Jésus affirme lui-même: J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même: il redira tout ce qu'il aura entendu; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître (Jn 16,12-13).

Vous savez maintenant d'où vient l'enseignement de ceux qui ont écrit au sujet de ce Jour du Seigneur, de sa manifestation et de ce qui doit advenir aux pécheurs et aux justes. Et de même, pour tout le reste que nous ne voyons pas, eux, éclairés par l'Esprit Saint, l'ont vu en même temps qu'ils écrivaient.

Mais, dites-moi: Qu'est-ce que le Saint-Esprit? Il est Dieu, vrai Dieu, procédant du vrai Dieu, selon la foi que nous confessons. Donc, comme vous voyez, vous l'appelez Dieu conformément à l'enseignement de l'Église. En disant et en pensant qu'il est vrai Dieu, procédant du vrai Dieu, vous montrez que ceux qui ont le Saint-Esprit ont Dieu qui demeure toujours avec eux, conformément à la profession de foi, comme le Christ l'a dit aux Apôtres: Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous (Jn 14,15-16).

Vous avez donc appris qu'il reste et qu'il demeure pour les siècles sans fin. Les mots: qui sera pour toujours avec vous signifient en effet qu'il sera avec eux éternellement et sans fin, qu'il en sera inséparable dans le siècle futur comme dans le temps présent. Quant au fait que les divins Apôtres et tous ceux qui ont été dignes de recevoir le Saint-Esprit le voyaient, écoutez ce qui suit: L'Esprit de vérité, le monde est incapable de le recevoir, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît pas; mais vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous (Jn 14,17). Et pour que vous sachiez qu'il sera vu aussi par ceux qui aiment le Christ et gardent ses commandements, écoutez le Seigneur lui-même qui dit: Celui qui a reçu mes commandements et y reste fidèle, c'est celui-là qui m'aime; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père; moi aussi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui (Jn 14,21).

Que tous les chrétiens le sachent donc, car le Christ ne ment pas, il est le Dieu de vérité. A ceux qui lui montrent de l'amour en gardant ses commandements, selon la profession de foi, il se manifeste, comme il l'a dit lui-même. Par sa manifestation il leur donne l'Esprit Saint en personne, et, de plus, par l'Esprit Saint, lui-même et le Père demeurent avec eux inséparablement.
Saint Thomas d'Aquin
1952. Ici le Seigneur promet aux disciples ses dons. Il leur avait promis l'Esprit Saint et lui-même, et c'est pourquoi il leur montre d'abord les dons qui proviennent de la venue de l'Esprit Saint, puis les dons qui proviennent de lui-même : Je vous laisse la paix [n° 1961].

Les dons qui proviennent de la venue de l'Esprit Saint.

De la venue de l'Esprit Saint proviennent de grands dons, à savoir l'intelligence de toutes les paroles du Christ. Et c'est pourquoi à ce sujet il commence par leur rappeler ses enseignements, puis il leur en promet l'intelligence [n° 1954].

1953. Il dit donc, quant au premier point : CELA, que j'ai dit, JE VOUS L'AI DIT par l'instrument de mon humanité, DEMEURANT AUPRÈS DE VOUS d'une présence corporelle. Et certes, c'est un très grand bienfait que le Fils lui-même nous parle et nous enseigne - Après avoir à bien des reprises et de bien des manières parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils. - Quelle est toute chair pour qu'elle entende son Seigneur ?

LE CHRIST FORTIFIE SES DISCIPLES QUANT À SON DÉPART

1954. L'intelligence de ses enseignements, il la leur promet par l'Esprit Saint qu'il leur donnera. Et concernant l'Esprit Saint il fait ici trois choses : d'abord il le présente, puis il décrit sa mission [n° 1956], et enfin son effet [n° 1958].

1955. Le Seigneur présente l'Esprit Saint de plusieurs manières : comme Paraclet, comme Esprit et comme Saint. Il est le Paraclet parce qu'il nous console quant aux tristesses provenant des perturbations de ce monde - Au-dehors, des luttes ; au-dedans, des craintes . - Lui qui nous console dans toute notre tribulation. Et il fait cela en tant qu'il est Amour, nous faisant aimer Dieu et reconnaître sa grandeur, et c'est pourquoi nous souffrons les outrages avec joie - Les Apôtres s'en allèrent tout joyeux de devant le grand conseil, parce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir des outrages pour le nom de Jésus. - Réjouissez-vous et exultez, car votre récompense est grande dans les deux.

De même il nous console des tristesses des péchés passés, dont il est dit : Bienheureux ceux qui pleurent. Et cela il le fait en tant qu'il nous donne l'espérance de son pardon - Recevez l'Esprit Saint ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. — Pour que je donne la consolation à ceux qui pleurent en Sion.

Il est l'Esprit parce qu'il meut nos cœurs à obéir à Dieu - Quand il sera venu comme un fleuve impétueux que l'Esprit du Seigneur agite. - Ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu.

Il est Saint parce qu'il nous consacre à Dieu et que tout ce qui est consacré à Dieu est appelé saint - Ne savez-vous pas que nos corps sont le temple de l'Esprit Saint ?- L'impétuosité du fleuve réjouit la cité de Dieu : le Très-Haut a sanctifié son tabernacle .

1956. Il parle ensuite de sa mission : QUE LE PÈRE ENVERRA EN MON NOM. Là, ne comprenons pas qu'il vient vers nous par un mouvement local, mais qu'il doit être en nous d'une manière nouvelle, autre que celle selon laquelle il était en nous auparavant - Envoie ton Esprit et ils seront créés -, c'est-à-dire dans un exister (esse) spiritue1.

Mais remarque ici que l'Esprit Saint est envoyé par le Père et le Fils, et qu'en vue de montrer cela le Christ dit parfois, comme ici, que le Père envoie l'Esprit Saint, et parfois que c'est lui-même qui l'envoie - Que moi je vous enverrai (...) Mais jamais il ne dit que l'Esprit Saint est envoyé par le Père sans faire mention de lui-même ; aussi dit-il ici : QUE LE PÈRE ENVERRA EN MON NOM. Et il ne dit pas non plus qu'il est envoyé par lui, le Fils, sans mentionner le Père, et c'est pourquoi il dit : Que moi je vous enverrai d'auprès du Père.

1957. Mais pourquoi dit-il : EN MON NOM ? L'Esprit Saint sera-t-il nommé Fils ? On pourrait dire que l'Esprit Saint était donné aux fidèles à l'invocation du nom du Christ, mais il vaut mieux dire que, de même que le Fils vient au nom du Père - Moi je suis venu au nom de mon Père -, de même l'Esprit Saint vient au nom du Fils. Or le Fils est venu au nom du Père, non qu'il fût le Père mais parce qu'il était le Fils du Père, et de même (similiter) l'Esprit Saint est venu au nom du Fils, non qu'il fût dit Fils, mais parce qu'il était l'Esprit du Fils - Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. — Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils. - Il les a prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, et cela à cause de la consubstantialité du Fils à l'égard du Père et de l'Esprit Saint à l'égard du Fils. De même, comme le Fils venant au nom du Père a soumis au Père ceux qui croient en lui - Tu as fait de nous pour notre Dieu un royaume et des prêtres -, de même l'Esprit Saint nous configure au Fils en tant qu'il nous adopte comme fils de Dieu - Vous avez reçu un Esprit d'adoption dans lequel nous crions : Abba, Père ! - Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père !

1958. Le Seigneur parle ensuite de l'effet de l'Esprit Saint.

Car, comme l'effet de la mission du Fils fut de conduire au Père, ainsi l'effet de la mission de l'Esprit Saint est de conduire les croyants au Fils. Or le Fils, étant la Sagesse engendrée, est la Vérité elle-même - Moi je suis le Chemin, la Vérité et la Vie -, et c'est pourquoi l'effet de sa mission est de rendre les hommes participants de la sagesse divine et de leur donner la connaissance de la vérité. Le Fils donc nous transmet son enseignement, puisqu'il est le Verbe, mais l'Esprit Saint nous rend capables de le recevoir.

Il dit donc CELUI-LÀ VOUS ENSEIGNERA TOUT parce que, quoi que l'homme enseigne au-dehors, si l'Esprit Saint n'en donne de l'intérieur l'intelligence, c'est en vain qu'il travaille : car si l'Esprit Saint n'est pas présent au cœur de celui qui écoute, la parole de celui qui enseigne sera inutile - L'inspiration du Tout-Puissant donne l'intelligence ; à tel point que même le Fils, parlant par l'instrument de son humanité, ne peut rien s'il n'est lui-même mû de l'intérieur par l'Esprit Saint.

1959. Mais remarque que plus haut il dit : Quiconque s'est mis à l'écoute du Père et à son école vient à moi. Ici le Seigneur parle de l'enseignement que l'homme a reçu, et qu'il ne reçoit qu'en étant enseigné par l'Esprit Saint ; autrement dit, celui qui reçoit du Père et du Fils l'Esprit Saint, celui-là connaît le Père et le Fils et il vient à eux. Or l'Esprit Saint nous fait connaître toutes choses en nous inspirant de l'intérieur, en nous dirigeant, et en nous élevant vers les réalités spirituelles. En effet, de même que celui qui a le goût infecté n'a pas la vraie connaissance des saveurs, de même aussi celui qui est infecté par l'amour du monde ne peut goûter les réalités divines - L'homme charnel (animalis) ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu.

1960. Mais parce qu'il appartient aux inférieurs de rappeler les choses à d'autres, par exemple aux acolytes dans les services divins, va-t-on dire que l'Esprit Saint, qui nous rappelle tout, est inférieur à nous ? Là il faut répondre, selon Grégoire, que s'il est dit que l'Esprit Saint rappelle, ce n'est pas qu'il mette en nous radicalement la science, mais que dans le secret il procure des forces pour connaître, qu'il enseigne en tant qu'il nous fait participer à la sagesse du Fils. Il rappelle en tant qu'il nous meut, étant l'amour. Ou bien [IL] VOUS RAPPELLERA TOUT, c'est-à-dire il vous le remettra en mémoire - Ils se souviendront du Seigneur et se convertiront à lui, tous les confins de la terre.

Il faut savoir en effet que parmi les choses que le Christ a dites à ses disciples, il y en a que ceux-ci n'ont pas comprises, et d'autres dont ils ne se souvenaient pas. Le Seigneur dit donc : CELUI-LÀ VOUS ENSEIGNERA TOUT ce que vous ne pouvez pas comprendre maintenant, et VOUS RAPPELLERA TOUT ce dont vous ne pouvez pas vous souvenir. En effet, comment l'Évangéliste Jean, quarante ans après, aurait-il pu avoir le souvenir de toutes les paroles du Christ qu'il a écrites dans son Évangile, si l'Esprit Saint ne les lui avait rappelées ?

Les dons qui proviennent du Christ lui-même.

1961. Plus haut, le Seigneur a promis à ses disciples quelque chose qu'ils allaient obtenir grâce à la présence de l'Esprit Saint ; or ici il promet un don qu'ils allaient obtenir par sa venue et sa présence.

Cependant, il faut savoir que si l'on considère la propriété des personnes, à savoir du Fils et de l'Esprit Saint, le Seigneur semble alterner les dons. En effet, puisque le Fils est le Verbe, il semble que le don de la sagesse et de la connaissance lui appartienne en propre. Mais à l'Esprit Saint est appropriée la paix, puisqu'il est l'amour qui est cause de paix. Mais cependant, parce que l'Esprit Saint est celui du Fils, et que ce que donne l'Esprit Saint, il le tient du Fils, il attribue ce don de la connaissance à l'Esprit Saint, quand il dit : CELUI-LÀ VOUS ENSEIGNERA TOUT, ET VOUS RAPPELLERA TOUT CE QUE JE VOUS AURAI DIT, ce qui est cependant approprié au Fils. Mais parce que l'Esprit Saint procède du Fils, ce que l'Esprit Saint fait en propre est attribué au Fils. Et selon ce mode, le Christ s'attribue à lui-même la paix, disant : JE VOUS LAISSE LA PAIX. En premier lieu, il promet le don de la paix qu'il laisse, en second lieu il distingue cette paix de la paix du monde [n° 1964].

1962. Il faut savoir que la paix n'est rien d'autre que la tranquillité de l'ordre * : en effet on dit que des choses sont dans la paix quand leur ordre demeure non troublé. Or dans l'homme il y a un ordre triple : de l'homme vers lui-même, de l'homme vers Dieu, et de l'homme vers le prochain ; et ainsi il y a dans l'homme une triple paix. Une certaine paix intrinsèque selon laquelle il est pacifié en lui-même sans trouble de ses puissances - Paix abondante pour ceux qui aiment ta loi. Une autre par laquelle l'homme est en paix avec Dieu, totalement soumis à son ordre - Étant donc justifiés par la foi, ayons la paix avec Dieu. La troisième paix est à l'égard du prochain - Recherchez la paix avec tous les saints et la sainteté sans laquelle nul ne verra Dieu .

Mais il faut remarquer qu'en nous, trois choses doivent être mises en ordre, à savoir l'intelligence, la volonté et l'appétit sensible : la volonté doit être dirigée selon l'esprit, ou la raison ; et l'appétit sensible selon l'intelligence et la volonté. Et c'est pourquoi Augustin dans le livre Des paroles du Seigneur, définissant la paix des saints, dit : « La paix est la sérénité de l'esprit, la tranquillité de l'âme, la simplicité du cœur, le lien de l'amour, la communion de la charité. » La sérénité de l'esprit se rapporte ainsi à la raison, qui doit être libre, non pas liée ou absorbée par quelque affection désordonnée ; la tranquillité de l'âme se rapporte à la puissance sensible, qui doit se reposer du tracas des passions ; la simplicité du cœur se rapporte à la volonté, qui doit être totalement portée vers Dieu, son objet ; le lien de l'amour se rapporte au prochain et la communion de la charité à Dieu.

Cette paix, les saints l'ont ici-bas et ils l'auront dans le futur ; mais ici-bas imparfaitement, parce que ni envers nous-mêmes, ni envers Dieu, ni envers le prochain, nous ne pouvons avoir la paix sans quelque perturbation ; mais dans le futur nous l'aurons parfaitement, quand nous régnerons sans ennemi : là, jamais nous ne pourrons être en désaccord.

Et ici le Seigneur nous promet l'une et l'autre. La première quand il dit : JE VOUS LAISSE LA PAIX, à savoir dans ce siècle, afin que vous vainquiez l'ennemi, et afin que vous vous aimiez les uns les autres, ce qui est comme le testament établi pour nous par le Christ pour que nous le gardions - II a fait avec lui une alliance de paix, et il l'a fait prince. Comme dit Augustin, ne pourra pas parvenir à l'héritage du Seigneur celui qui n'aura pas voulu observer son testament, et celui qui aura voulu être en désaccord avec le chrétien ne peut avoir de concorde avec le Christ. Et le Seigneur nous promet la seconde quand il dit : JE VOUS DONNE MA PAIX, à savoir dans le futur - Je ferai couler sur elle, à savoir la Jérusalem céleste, comme un fleuve de paix.

1963. Mais puisque, soit dans le monde, soit dans la Patrie, toute la paix des saints leur parvient par le Christ - En moi vous aurez la paix’ -, pourquoi le Seigneur ne dit-il pas JE VOUS DONNE MA PAIX quand il parle de la paix des saints qui sont en chemin, mais seulement quand il parle de la paix des saints dans la Patrie ?

À cela il faut dire que l'une et l'autre paix, à savoir la présente et la future, sont celles du Christ ; mais la présente est du Christ en tant qu'il en est seulement l'auteur, tandis que la paix future est de lui en tant qu'il en est l'auteur et le possesseur car il a toujours eu cette paix, ayant toujours été sans contradiction. Or la paix présente existe avec une certaine contradiction, comme il a été dit : et c'est pourquoi, bien que ce soit lui qui la réalise, cependant il ne la possède pas.

Et selon ce qui a été dit plus haut, l'explication traite de la paix de ce siècle et de la paix de l'éternité. Mais, selon Augustin, l'une et l'autre chose peuvent être expliquées de la paix de ce siècle ; et il dit : JE VOUS LAISSE LA PAIX par l'exemple, mais : JE VOUS DONNE MA PAIX par la puissance et la force.

1964. Ensuite, il distingue cette paix-là de la paix du monde. Or on distingue la paix des saints de la paix du monde quant à trois choses. Premièrement quant à l'intention : car la paix du monde est ordonnée à la jouissance calme et paisible des choses qui ne durent qu'un temps, ce qui entraîne qu'elle coopère parfois avec les hommes pour qu'ils pèchent - Vivant dans une grande lutte causée par l'ignorance, ils appellent paix tant de maux, et de si grands maux. Mais la paix des saints est ordonnée aux biens éternels. Le sens est donc : MOI, JE NE VOUS LA DONNE PAS COMME LE MONDE LA DONNE, c'est-à-dire ce n'est pas en vue de la même fin, parce que le monde donne de posséder en toute tranquillité des choses extérieures, alors que moi je donne ce qui concerne l'acquisition des biens éternels.

En second lieu on la distingue quant à l'apparence et la vérité, parce que la paix du monde est fausse, étant seulement extérieure - Ils parlent de paix avec leur prochain et ont le mal dans leurs cœurs. Mais la paix du Christ est vraie parce qu'elle est intérieure et extérieure. Et ainsi le sens est : Ce n'est pas COMME LE MONDE LA DONNE, c'est-à-dire ce n'est pas une apparence de paix que je donne, comme le monde, mais la vraie paix.

En troisième lieu on la distingue quant à la perfection : parce que la paix du monde est imparfaite puisqu'elle est seulement liée au repos de l'homme extérieur et non pas de l'homme intérieur - Il n'est pas de paix pour les impies, dit le Seigneur ; mais la paix du Christ donne le repos intérieurement et extérieurement - Paix abondante pour ceux qui aiment ta loi. Et le sens est : PAS COMME LE MONDE LA DONNE, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'une paix imparfaite.

II – LE CHRIST RÉCONFORTE SES DISCIPLES QUANT À SON DÉPART

1965. Plus haut, le Seigneur a consolé ses disciples en donnant des raisons prises du côté des disciples eux-mêmes, leur promettant l'accès auprès du Père, la venue de l'Esprit Saint et son propre retour ; mais ici il les console en donnant des raisons prises de son côté à lui, de qui pouvait leur venir une double cause de consolation : l'une provenant de l'utilité du fruit qui suivrait le départ du Christ, et l'autre provenant de la cause de sa mort. Il montre d'abord la première, puis la seconde [n° 1974].

A. IL LES CONSOLE PAR L'UTILITE DU FRUIT QUI SUIVRAIT SON DEPART

1966. Or le fruit qui suivrait le départ du Christ était son exaltation, aussi les disciples pouvaient-ils être consolés. En effet, quand un ami va vers son exaltation, ce sont les mœurs des amis d'être moins affligés de son départ, et c'est pourquoi le Seigneur montre cette cause pour leur consolation. Et en premier lieu il exclut le doute de leur cœur ; en second lieu, il rappelle une chose qui les consolait en partie et les troublait en partie [n° 1968] ; en troisième lieu, il ajoute la cause qui les console totalement [n° 1969] ; puis il répond à une question tacite [n° 1973].

1967. Il exclut le trouble de leur cœur en disant : QUE VOTRE CŒUR NE SOIT PAS TROUBLÉ NI NE S'EFFRAIE. Le trouble se rapporte à la tristesse, la peur à la crainte. Or la tristesse et la crainte se rejoignent en ceci, que l'une et l'autre portent sur le mal ; mais elles diffèrent, parce que la tristesse porte sur le mal présent et la crainte sur le mal futur. Or le Seigneur dit : QUE VOTRE CŒUR NE SOIT PAS TROUBLÉ du mal présent - Le juste ne sera pas ébranlé -, NI NE S'EFFRAIE du mal futur - Qui es-tu pour craindre un homme mortel ?, ce qu'il faut comprendre de la crainte humaine car il n'exclut pas la crainte divine.

1968. Il rappelle ensuite ce qui les troublait en partie. En effet, d'une part ils étaient troublés à cause du départ du Christ, mais d'autre part ils se consolaient de ce qu'il ajoute : ET JE VIENS VERS VOUS. Cependant ils ne s'en consolaient pas entièrement, craignant que peut-être pendant ce temps le loup n'attaque le troupeau en l'absence du pasteur, selon cette parole : Frappe le pasteur et les brebis seront dispersées. Donc il dit : QUE VOTRE CŒUR NE SOIT PAS TROUBLÉ parce que JE M'EN VAIS, NI NE S'EFFRAIE, parce que JE VIENS VERS VOUS.

Il s'en est allé, certes, en mourant de son propre pouvoir, et il vient en ressuscitant - Le Fils de l'homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes, et ils le condamneront à mort (...) et le troisième jour il ressuscitera \ II s'en est allé en montant - Il est beau dans sa robe, il marche dans la grandeur de sa force. Il viendra pour juger - Ils verront le Fils de l'homme venant dans une nuée, avec grande puissance et majesté.

1969. Mais il les console totalement quand il dit : SI VOUS M'AIMIEZ, VOUS VOUS RÉJOUIRIEZ DE CE QUE JE VAIS VERS LE PÈRE, PARCE QUE LE PÈRE EST PLUS GRAND QUE MOI, comme s'il disait : Si vous m'aimez, vous ne devez pas être contristes mais vous devez plutôt vous réjouir de mon départ, parce que je vais vers mon exaltation, c'est-à-dire que JE VAIS VERS LE PÈRE, PARCE QUE LE PÈRE EST PLUS GRAND QUE MOI.

1970. À partir de cela, Arius donne cours à son insolence en disant que le Père est plus grand que le Fils, mais son erreur est exclue par les paroles mêmes du Seigneur. Car d'après ce qu'il comprend, LE PÈRE EST PLUS GRAND QUE MOI se comprend de la même manière que JE VAIS VERS LE PÈRE. Or le Fils ne va pas vers le Père ni ne vient vers nous en tant qu'il est Fils de Dieu, selon qu'il fut avec le Père de toute éternité - Dans le Principe était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu. Mais on dit qu'il va vers le Père selon sa nature humaine. Ainsi, quand il dit : LE PÈRE EST PLUS GRAND QUE MOI, il ne le dit pas en tant que Fils de Dieu, mais en tant que Fils de l'homme, et là il est non seulement moindre que le Père et l'Esprit Saint mais aussi que les anges eux-mêmes - Mais ce Jésus qui a été abaissé un peu au-dessous des anges, nous le voyons, à cause de la mort qu'il a soufferte, couronné de gloire et d'honneur. De même, il était soumis à certains hommes, à savoir ses parents, sous un certain aspect, comme on lit en Luc : Et il leur était soumis. Ainsi donc, il est moindre que le Père selon son humanité, mais égal selon sa divinité - II n'a pas considéré comme une usurpation d'être égal à Dieu, mais il s'est anéanti lui-même, prenant la condition d'esclave, devenant semblable aux hommes.

1971. On peut dire aussi, selon Hilaire, que même selon sa divinité le Père est plus grand que le Fils, mais cependant que le Fils n'est pas moindre, mais éga1. En effet, le Père est plus grand que le Fils non pas par la puissance, l'éternité et la grandeur, mais par l'autorité de celui qui donne ou qui est principe. Car le Père ne reçoit rien d'un autre, mais le Fils reçoit sa nature, pour ainsi dire, du Père par la génération éternelle. Donc le Père est plus grand, parce qu'il donne ; mais le Fils n'est pas moindre, mais égal, parce que tout ce que le Père a, il le reçoit - II lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom . En effet, il n'est désormais pas moindre que celui qui donne, avec qui il lui est donné d'être un.

1972. Mais Chrysostome explique cela en disant que le Seigneur parle à cause de la suspicion des Apôtres, qui n'avaient pas encore connu ce qu'est la Résurrection et ne le croyaient pas égal au Père. Et c'est pourquoi il leur dit : Et si vous ne croyez pas en moi et dans le fait que je peux me relever moi-même et si vous n'avez pas confiance que, après la Croix, je vous verrai de nouveau, cependant croyez-moi parce que JE VAIS VERS LE PÈRE qui EST PLUS GRAND QUE MOI.

1973. Ici il répond à une question tacite, en disant : ET MAINTENANT JE VOUS AI DIT CELA AVANT QUE CELA N'ARRIVE AFIN QUE, QUAND CE SERA ARRIVÉ, VOUS CROYIEZ. Ils pouvaient, en effet, demander pourquoi il disait ces paroles et c'est pourquoi, les devançant, il dit : MAINTENANT JE VOUS AI DIT CELA...

Mais Augustin demande : puisque la foi porte sur des choses qu'on ne voit pas, l'homme ne doit-il pas croire avant qu'elles se soient réalisées, et non après ? Là il faut dire qu'ils voyaient une chose et en croyaient une autre. En effet, ils virent la mort du Christ et sa Résurrection, et ayant vu cela, ils crurent qu'il était le Christ, le Fils de Dieu. C'est pourquoi, lorsque cela fut accompli, ils ne crurent pas d'une foi nouvelle, mais augmentée. Ou bien, après sa mort, d'une foi affaiblie ; mais après sa Résurrection, d'une foi renouvelée, comme dit encore Augustin.
Louis-Claude Fillion
Mais le Consolateur... L'antithèse est visible. A son action nécessairement limitée, Jésus va opposer celle de l'Esprit Saint. Il n'a pu, lui, donner aux apôtres qu'une instruction imparfaite, à cause des circonstances où ils se trouvaient : cette instruction, le Paraclet viendra la compléter. - Esprit-Saint sert d'apposition à Consolateur. L'épithète Saint est jointe quatre fois au substantif Esprit dans l'évangile selon S. Jean (1, 33 ; 7, 39 ; ici, et 20, 22), cinq fois dans S. Matthieu, quatre dans S. Marc, douze dans S. Luc, environ quarante fois au livre des Actes. - Que le Père enverra en mon nom : c'est-à-dire, comme mon représentant et le continuateur de mon œuvre. Cf. v. 13, et 16, 13, 14. - Dans le texte grec, le pronom « celui-là » (εκεινος) reprend le sujet, à la façon ordinaire à S. Jean, pour appuyer sur le développement de la pensée. Comme au v. 16, les trois personnes de la sainte Trinité sont mentionnées séparément et explicitement. - Vous enseignera toutes choses. L'Esprit révélateur instruira les apôtres de deux manières. l° N.-S. Jésus-Christ, durant sa vie publique, avait posé dans leurs intelligences la base de toutes les vérités chrétiennes : le saint Esprit élargira cette base ; sous son action fécondante, les germes arriveront à maturité. Cf. 16, 13. Les mots « enseignera toutes choses » ne désignent donc pas l'enseignement de choses absolument nouvelles. - 2° Et vous rappellera tout... Dans le grec : « il s’en souviendra, il le commémorera » (S. Augustin). Le Paraclet rappellera aux disciples, selon les occasions, tels ou tels préceptes, telles ou telles paroles de leur Maître qu'ils n'avaient pas bien compris tout d'abord. Voyez 2, 22 ; 12, 16 ; Luc. 9, 45 ; 18, 34 ; 24, 8. - La conclusion du verset, tout ce que je vous ai dit, retombe, suivant l'opinion la plus probable et la plus commune, sur les deux « tout » qui précèdent.
Catéchisme de l'Église catholique
L’origine éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission temporelle. L’Esprit Saint est envoyé aux apôtres et à l’Église aussi bien par le Père au nom du Fils, que par le Fils en personne, une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 14). L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.

La mission du Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils (cf. Jn 14, 26) et par le Fils " d’auprès du Père " (Jn 15, 26) révèle qu’il est avec eux le même Dieu unique. " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ".

L’Esprit et l’Église coopèrent à manifester le Christ et son œuvre de salut dans la Liturgie. Principalement dans l’Eucharistie, et analogiquement dans les autres sacrements, la Liturgie est Mémorial du Mystère du salut. L’Esprit Saint est la mémoire vivante de l’Église (cf. Jn 14, 26).

Le jour de la Pentecôte, l’Esprit de la Promesse a été répandu sur les disciples, " assemblés en un même lieu " (Ac 2, 1), l’attendant " tous d’un même cœur, assidus à la prière " (Ac 1, 14). L’Esprit qui enseigne l’Église et lui rappelle tout ce que Jésus a dit (cf. Jn 14, 26), va aussi la former à la vie de prière.
Pape Saint Jean-Paul II
Ce qui a été dit précédemment sur le dialogue œcuménique mené depuis la conclusion du Concile conduit à rendre grâce à l'Esprit de vérité promis par le Christ Seigneur aux Apôtres et à l'Église (cf. Jn 14, 26). Pour la première fois dans l'histoire, l'action en faveur de l'unité des chrétiens a atteint de telles proportions et s'est étendue de manière aussi large. C'est déjà un don immense que Dieu a accordé et qui mérite toute notre gratitude. De la plénitude du Christ, nous recevons « grâce pour grâce » (Jn 1, 16). Reconnaître ce que Dieu nous a déjà accordé est la condition qui nous prédispose à recevoir des dons encore nécessaires, pour porter jusqu'à son achèvement l'action œcuménique en faveur de l'unité.

Le dialogue entre Jésus et le jeune homme riche se poursuit, d'une certaine manière, dans toutes les périodes de l'histoire, et encore aujourd'hui. La question « Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? » naît dans le cœur de tout homme, et c'est toujours le Christ, et lui seul, qui donne la réponse intégrale et finale. Le Maître, qui enseigne les commandements de Dieu, qui invite à sa suite et qui accorde la grâce pour une vie nouvelle, est toujours présent et agissant au milieu de nous, selon sa promesse : « Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28, 20). La présence du Christ aux hommes de tous les temps se réalise dans son corps qui est l'Eglise. Pour cela, le Seigneur a promis à ses disciples l'Esprit Saint, qui leur « rappellerait » et leur ferait comprendre ses commandements (cf. Jn 14, 26) et qui serait le principe et la source d'une vie nouvelle dans le monde (cf. Jn 3, 5-8 ; Rm 8, 1-13).

Le Concile Vatican II parle de l'Eglise en marche, établissant une analogie avec l'Israël de l'Ancienne Alliance en marche à travers le désert. Le pèlerinage garde encore un caractère extérieur, visible dans le temps et dans l'espace où il est historiquement réalisé. L'Eglise est destinée, en effet, «à s'étendre à toutes les parties du monde, elle prend place dans l'histoire humaine, bien qu'elle soit en même temps transcendante aux limites des peuples dans le temps et dans l'espace». Cependant le caractère essentiel de son pèlerinage est intérieur: il s'agit d'un pèlerinage par la foi, «par la vertu du Seigneur ressuscité» 56, un pèlerinage dans l'Esprit Saint donné à l'Eglise comme le Consolateur invisible (paraklètos) (cf. Jn 14, 26; 15, 26; 16, 7). «Marchant à travers les tentations, les tribulations, l'Eglise est soutenue par la vertu de la grâce de Dieu, à elle promise par le Seigneur pour que ... elle se renouvelle sans cesse sous l'action de l'Esprit Saint jusqu'à ce que, par la Croix, elle arrive à la lumière sans couchant».
Pape Francois
La transmission de la foi, qui brille pour tous les hommes et en tout lieu, traverse aussi l’axe du temps, de génération en génération. Puisque la foi naît d’une rencontre qui se produit dans l’histoire et éclaire notre cheminement dans le temps, elle doit se transmettre au long des siècles. C’est à travers une chaîne ininterrompue de témoignages que le visage de Jésus parvient jusqu’à nous. Comment cela est-il possible ? Comment être sûr d’atteindre le « vrai Jésus » par delà les siècles ? Si l’homme était un être isolé, si nous voulions partir seulement du « moi » individuel qui veut trouver en lui-même la certitude de sa connaissance, une telle certitude serait alors impossible. Je ne peux pas voir par moi-même ce qui s’est passé à une époque si distante de moi. Mais tel n’est pas toutefois le seul moyen dont dispose l’homme pour connaître. La personne vit toujours en relation. Elle provient d’autres personnes, appartient à d’autres, sa vie est enrichie par la rencontre avec les autres. De même, la connaissance que nous avons de nous-mêmes — la conscience de soi — est également de type relationnel, et elle est liée aux autres qui nous ont précédés : en premier lieu nos parents, qui nous ont donné la vie et le nom. Même le langage — les mots avec lesquels nous interprétons notre vie et notre réalité — nous parvient à travers d’autres, il est conservé dans la mémoire vivante d’autres. La connaissance de nous-mêmes n’est possible que lorsque nous participons à une mémoire plus vaste. Il en est ainsi aussi de la foi, qui porte à sa perfection la manière humaine de comprendre. Le passé de la foi, cet acte d’amour de Jésus qui a donné au monde une vie nouvelle, nous parvient par la mémoire d’autres, des témoins, et il est de la sorte conservé vivant dans ce sujet unique de mémoire qu’est l’Église. L’Église est une Mère qui nous enseigne à parler le langage de la foi. Saint Jean a insisté sur cet aspect dans son Évangile, en reliant foi et mémoire, et en les associant toutes deux à l’action du Saint Esprit qui, comme dit Jésus, « vous rappellera tout » (Jn 14, 26). L’Amour, qui est l’Esprit, et qui demeure dans l’Église, maintient réunies toutes les époques entre elles et nous rend contemporains de Jésus, devenant ainsi le guide de notre cheminement dans la foi.