Jean 16, 11
En matière de jugement, puisque déjà le prince de ce monde est jugé.
En matière de jugement, puisque déjà le prince de ce monde est jugé.
La tristesse s'était emparée de l'esprit des disciples encore bien imparfaits, en entendant les dernières paroles de leur divin Maître; il les en reprend, et leur en fait un reproche. «Et maintenant je vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande: Où allez-vous ?» En effet, lorsqu'ils l'entendirent déclarer que celui qui les mettrait à mort croirait faire une chose agréable à Dieu, ils gardèrent un profond silence, et ne lui adressèrent plus aucune question, c'est pour cela qu'il ajoute: «Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur», etc. Ce n'était pas pour eux une consolation médiocre que de voir que le Seigneur connaissait la grandeur de leur tristesse produite par la pensée de son départ prochain, par la perspective des maux qu'ils devaient souffrir, et l'ignorance où ils étaient s'ils pourraient les supporter courageusement.
Mais quelle est donc l'objection que font ici ceux qui ne se forment point de l'Esprit saint des idées justes et convenables? Est-il donc utile que le Seigneur s'en aille pour que le serviteur vienne? Or, le Sauveur répond, en nous faisant connaître les avantages de la venue de l'Esprit saint: «Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le péché», etc.
C'est-à-dire, qu'un retournant à mon Père, je leur prouverai que ma vie était irréprochable, et qu'ils ne pourront dire encore comme autrefois: «Cet homme est un pécheur, et ne vient pas de Dieu». Lorsqu'ils verront d'ailleurs que j'ai triomphé de mon ennemi (ce que je n'aurais pu faire si j'avais été un pécheur), il leur sera impossible de dire que je suis possédé du démon, que je suis un séducteur. En apprenant que le démon a été condamné à cause de ce qu'il avait fait à mon égard, ils sauront qu'ils pourront désormais le fouler aux pieds, et ils seront convaincus à n'en pouvoir douter de ma résurrection, parce qu'il n'a pu me retenir dans les liens de la mort.
Ou bien encore: «Il convaincra le monde de pêché», c'est-à-dire, il leur ôtera toute excuse, et leur prouvera qu'ils sont coupables de n'avoir pas voulu croire en moi, alors qu'ils verront l'Esprit saint descendre sur les fidèles d'une manière ineffable par la seule invocation de mon nom.
C'est-à-dire, dût votre tristesse être mille fois plus grande, il vous faut entendre cette vérité, c'est qu'il vous est utile, que je me sépare de vous. Or, quelle est cette utilité? «Car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous».
Ou bien encore, ils lui avaient demandé précédemment où il allait, et il leur avait répondu qu'il allait où ils ne pouvaient le suivre actuellement; maintenant il leur déclare qu'il s'en ira, sans qu'aucun d'eux lui demande où il va: «Aucun de vous ne me demande: Où allez-vous ?» Car lorsqu'il monta aux cieux, ils l'accompagnèrent de leurs regards, mais sans chercher à savoir où il allait. Or, le Seigneur voyait l'effet que produisaient ses paroles dans leur coeur; comme ils n'avaient pas encore cette consolation intérieure que le Saint-Esprit devait répandre dans leur âme, ils craignaient de perdre la présence visible de Jésus-Christ; et comme d'après sa déclaration, ils ne pouvaient douter qu'ils la perdraient, leur affection encore tout humaine s'attristait de ce que leurs yeux allaient être privés de ce qui faisait leur consolation: «Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur». Jésus savait ce qui leur était le plus avantageux; car la vue intérieure que l'Esprit saint devait leur donner comme consolation, était bien préférable: «Cependant je vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m'en aille».
S'il parle de la sor te, ce n'est point qu'il y ait inégalité entre le Verbe de Dieu et l'Esprit saint, mais parce que la présence du Fils de l'homme au milieu d'eux était comme un empêchement à la venue de celui qui ne lui était pas inférieur, parce qu'il ne s'était pas anéanti lui-même jusqu'à prendre la forme d'esclave. ( Ph 2) Il fallait donc faire, disparaître à leurs yeux la forme de serviteur, qui les portait à croire que Jésus-Christ n'était pas ce qu'ils voyaient des yeux au corps: «mais si je m'en vais, je vous l'enverrai». Est-ce qu'il ne pouvait l'envoyer, tout en demeurant sur la terre, lui sur qui nous savons que l'Esprit saint descendit et demeura lorsqu'il fut baptisé et qui ne fut jamais séparé de lui? Quel est donc le sens de ces paroles: «Si je ne m'en vais, le Paraclet ne viendra pas à vous», si ce n'est, vous n'êtes pas capables de recevoir le Saint-Esprit, tant que vous continuez à ne connaître Jésus-Christ que selon la chair. Mais lorsque Jésus-Christ les eut privés de sa présence corporelle, non-seulement l'Esprit saint, mais le Père et le Fils vinrent fixer spirituellement en eux leur séjour.
Or, après que la forme de serviteur que le Sauveur a prise dans le sein de la Vierge, eut été éloignée des yeux de la chair, l'Esprit consolateur leur procura ce bonheur singulier de pouvoir contempler avec les yeux purifiés de leur intelligence la nature de Dieu elle-même, par laquelle le Fils était égal à son Père, alors même qu'il daigna se manifester dans la chair.
Est-ce donc que Jésus-Christ n'a pas convaincu le monde? Serait-ce parce qu'il n'a fait entendre sa voix qu'aux Juifs, qu'on ne pourrait dire qu'il a convaincu le monde, tandis que l'Esprit saint, au contraire, dans la personne de ses disciples répandus par tout l'univers, n'a pas seulement convaincu une nation, mais le monde tout entier? Mais qui oserait dire que l'Esprit saint a convaincu le monde par la bouche des disciples, tandis que Jésus-Christ ne peut le convaincre; alors que l'Apôtre s'écrie: «Est-ce que vous voulez éprouver la puissance du Jésus-Christ qui parle par ma bouche ?» ( 2Co 13,3 ). Jésus-Christ peut donc convaincre ceux que l'Esprit saint convainc lui-même. Mais Notre-Seigneur dit: «Il convaincra le monde», c'est-à-dire, il répandra la charité dans vos coeurs, et en dissipant toutes vos craintes, vous donnera la liberté de convaincre le monde. Il explique, ensuite ce qu'il venait de dire: «En ce qui touche le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi». Notre-Seigneur ne parle que de ce péché à l'exclusion de tous les autres, parce que tant qu'il reste, les autres péchés ne peuvent être pardonnés, et que s'il vient à être effacé, tous les autres le sont avec lui.
Le monde est donc convaincu de péché, parce qu'il ne croit pas en Jésus-Christ, et il est convaincu aussi en ce qui touche la justice de ceux qui croient, car le seul exemple des fidèles est la condamnation des infidèles: «Il convaincra le monde en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père». Nous entendons souvent sortir de la bouche des infidèles cette question: Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons pas? Il fallait donc définir de la sorte le caractère de la justice des croyants: «Parce que je m'en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus». Bienheureux, en effet, ceux qui ne voient point et ne laissent pas de croire, car si la foi de ceux qui ont vu Jésus-Christ a reçu des éloges, ce n'est point parce qu'ils croyaient ce qu'ils voyaient (c'est-à-dire, le Fils de l'homme), mais parce qu'ils croyaient ce qu'ils ne voyaient pas (c'est-à-dire, le Fils de Dieu). Lorsqu'au contraire, la forme de serviteur eut disparu à leurs regards, alors cette, parole du prophète fut entièrement accomplie: «Le juste vit de la foi». Votre justice donc qui convaincra le monde, consistera à croire en moi, alors que vous ne me verrez plus; et lorsque vous me verrez tel que je serai alors, vous ne me verrez plus tel que je suis maintenant au milieu de vous, c'est-à-dire, vous ne me verrez plus soumis à la mort, mais environné d'immortalité. Et en effet, en leur disant: «Vous ne me verrez plus», il leur prédit qu'ils ne verront plus désormais le Christ tel qu'ils le voient.
On peut donner encore cette explication: Il n'ont pas cru en lui, et il s'en va vers son Père; le péché est donc pour eux, et la justice pour lui. En effet, lorsqu'il est venu du sein de son Père vers nous; c'est un acte de miséricorde, mais c'est par un effet de sa justice qu'il retourne à son Père, selon ces p aroles de l'Apôtre: «C'est pour cela que Dieu l'a exalté». ( Ph 2) Mais s'il s'en va seul à son Père, quelle utilité pouvons-nous en retirer? S'en est-il allé seul, parce que le Christ ne fait qu'un avec tous ses membres, comme le chef ne fait qu'un avec son corps? Le monde est donc convaincu de péché dans la personne de ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, et il est convaincu en ce qui touche la justice dans ceux qui ressuscitent comme membres de Jésus-Christ: «Et en ce qui touche le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé», c'est-à-dire, le démon, le prince des méchants, dont le coeur est tout entier fixé dans ce monde, objet de leurs affections. Par-là même qu'il a été jeté dehors, il a été jugé, et le monde est convaincu de ce j ugement, parce qu'il se plaint inutilement du démon, lui qui ne veut point croire en Jésus-Christ. En effet, ce prince du monde qui est jugé, c'est-à-dire, jeté dehors, et à qui Dieu permet de nous attaquer extérieurement pour nous exercer à la vertu, a été vaincu, non-seulement par des hommes, mais par de simples femmes, par des enfants, par de tendres vierges qui ont souffert le martyre pour Jésus-Christ.
Ou bien encore, il est déjà jugé, parce qu'il est irrévocablement condamné au feu éternel. Or, le monde est convaincu de ce jugement, parce qu'il est jugé lui-même avec son chef dont il imite l'orgueil et l'impiété. Que tous les hommes croient donc en Jésus-Christ, pour n'être point convaincus du péché d'incrédulité qui est comme un lien qui retient tous les autres péchés; qu'ils passent au nombre des fidèles, pour n'être point convaincus en ce qui touche la justice de ceux dont ils n'imitent point la conduite, et qu'ils se mettent en garde contre le jugement à venir, afin de n'être pas jugé avec le prince du monde qu'ils ont imité malgré son jugement et sa condamnation.
L'Esprit saint a encore convaincu le monde de péché par les prodiges qu'il a opérés au nom du Sauveur, que le monde avait rejeté. Pour le Sauveur lui-même, ayant réservé la justice, il n'a point hésité de retourner à celui qui l'avait envoyé, et en retournant vers lui, il a prouvé qu'il en était venu: «Et en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père».
Les démons eux-mêmes en voyant les âmes délivrées des enfers monter vers les cieux, ont connu que le prince de ce monde était déjà jugé, et que par suite du crime qu'il avait commis dans le jugement du Sauveur, il était condamné lui-même à perdre tout ce qu'il avait en sa possession, c'est ce que les Apôtres virent à l'ascension de Jésus-Christ, mais ce qui leur fut pleinement découvert, lorsque l'Esprit saint descendit sur eux.
Mais il y a une grande différence entre croire que Jésus est le Christ, et croire en Jésus-Christ; les démons eux-mêmes n'ont pu s'empêcher de croire qu'il était le Christ, mais celui qui croit en Jésus-Christ, espère eu même temps en Jésus-Christ, aime Jésus-Christ.
Il semble leur dire ouvertement: «Si je ne dérobe pas mon corps aux yeux de votre affection, il me sera impossible de vous conduire à l'intelligence invisible par l'Esprit consolateur.
En ce qui concerne le jugement : désigne ici un jugement de condamnation, porté par l'Esprit Saint
contre le monde. Cf. 3, 18. - Parce que introduit pour la troisième fois le motif. Et ce motif est tout à fait
péremptoire : le prince de ce monde (c'est-à-dire, Satan. Cf. 12, 31 ; 14, 30) est déjà jugé. Notez l'emploi du
parfait. Déjà la chose est accomplie pour ainsi dire, tant elle est certaine à l'avance. En Satan s'était concentré
l'esprit du monde ; or Satan verra son règne renversé par la prédication de l’Évangile : son jugement et sa
condamnation sont le gage d'un jugement analogue pour les mondains, ses sujets. Que le monde ne se croie
donc pas victorieux parce que Jésus va mourir sur la croix. - Faisons encore une rapide synthèse (voyez la
note du v. 8). Au verset 9, il a été question de l'homme en général ou du monde ; les versets 10 et 11 nous ont
ensuite présenté les deux princes spirituels qui ont influencé les hommes de manières si différentes : N.-S.
Jésus-Christ et le chef des démons. L'homme est mis en corrélation avec le péché, Jésus-Christ avec la
justice, Satan avec la damnation. Ces idées ne sont-elles pas aussi belles que profondes ?