Jean 16, 23
En ce jour-là, vous ne me poserez plus de questions. Amen, amen, je vous le dis : ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
En ce jour-là, vous ne me poserez plus de questions. Amen, amen, je vous le dis : ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
2135. Précédemment, le Seigneur s'est attaché à donner deux raisons capables de réconforter ses Apôtres : la promesse du Paraclet et de son propre retour ; à présent, il donne la troisième raison qui les réconforte : la promesse de leur accès auprès du Père. Il leur promet d'abord l'accès intimeauprès du Père ; puis il en précise la raison [n° 2147].
La promesse de l'accès intime auprès du Père.
En ce qui concerne cette promesse, le Seigneur affermit d'abord la confiance des Apôtres ; puis il les exhorte à vivre de cette confiance [n° 2143].
D'abord il écarte la nécessité d'une interrogation, puis il leur promet qu'ils seront exaucés [n° 2141].
2136. Selon Augustin, là où dans cette phrase nous avons INTERROGEREZ (rogabitis), les Grecs ont un verbe qui signifie deux choses : « chercher à obtenir » (petere) et « interroger » (interrogare). Aussi peut-on comprendre la phrase de deux manières : « Vous ne chercherez pas à obtenir de moi quoi que ce soit », ou « Vous ne m'interrogerez sur rien ».
Le Seigneur dit donc : EN CE JOUR-LÀ. Quel est ce jour, cela paraît évident à partir de ce qu'il a dit précédemment - Mais de nouveau je vous verrai -, ce qui peut s'entendre de la Résurrection et aussi de la vision dans la gloire [n° 2139].
2137. De la Résurrection, selon Chry-sostomeEN CE JOUR-LÀ, à savoir : quand je serai ressuscité des morts, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, c'est-à-dire vous ne direz pas : Montre-nous le Père, ni rien de ce genre.
À l'encontre de cette interprétation, Augustin objecte qu'après la Résurrection, les disciples disent : Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétabliras le royaume d'Israël ? Et dans l'Évangile de Jean, plus loin, Pierre interroge en disant : Et de lui, qu'en sera-t-ïl ?
Mais en soutenant l'interprétation de Chrysostome, il faut dire que le Seigneur appelle CE JOUR-LÀ non seulement le jour de la Résurrection, mais aussi le jour où les disciples devaient être enseignés par l'Esprit Saint - Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de venté, il vous enseignera la vérité tout entière. Et ainsi, lorsqu'il parle de ce temps-là sans précision, il inclut aussi la venue de l'Esprit Saint ; c'est comme s'il disait : EN CE JOUR-LÀ, c'est-à-dire une fois l'Esprit Saint donné, vous ne m'interrogerez pas, puisque vous saurez tout grâce à l'Esprit Saint - Son onction vous enseigne sur tout.
Pareillement, selon le même auteur, EN CE JOUR de la venue de l'Esprit Saint, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, c'est-à-dire il n'y aura pour vous aucune nécessité de m'interroger.
2138. Mais après la Résurrection, les Apôtres n'ont-ils pas fait de prière au Christ ? On verra que si, puisque l'Apôtre Paul dit : A ce sujet, trois fois j'ai sollicité le Seigneur S c'est-à-dire le Christ.
Voici la réponse : on doit dire que dans le Christ il y avait une double nature : une nature humaine, par laquelle il est médiateur entre Dieu et les hommes, et une nature divine, par laquelle il est un seul Dieu avec le Père. Or, en tant qu'homme, le Christ n'était pas un médiateur tel qu'il ne pourrait jamais nous unir à Dieu, comme les médiateurs qui n'unissent jamais les extrêmes. Il nous unit donc au Père. Or l'union à Dieu le Père et l'union au Christ selon sa nature divine est la même ; aussi dit-il : il ne sera plus nécessaire d'utiliser ma médiation, en tant que je suis homme. Ainsi donc, EN CE JOUR-LÀ VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS comme médiateur, parce que vous aurez par vous-mêmes accès auprès de Dieu ; mais vous me solliciterez comme Dieu. Et quoique le Christ intercède en notre faveur, comme le dit l'Apôtre Paul, l'Église toutefois ne le sollicite pas comme un intercesseur, et c'est pourquoi nous ne disons pas : « Ô Christ, prie pour nous » ; mais l'Église le sollicite en tant qu'il est Dieu, en adhérant à lui comme à Dieu, par l'amour et la foi.
2139. Selon Augustin, il s'agit du jour de la vision de gloire, de la manière suivante : EN CE JOUR-LÀ, quand je vous verrai dans la gloire, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, c'est-à-dire vous ne chercherez pas à obtenir quoi que ce soit, car il ne restera rien à désirer, puisque dans la patrie tous les biens surabondent pour nous - Tu m'empliras d'allégresse près de ta face ; et encore : Je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire . De même, vous ne m'interrogerez sur rien, parce que vous serez comblés de la connaissance de Dieu - Dans ta lumière nous verrons la lumière.
2140. À ces deux interprétations d'Augustin on peut objecter que les saints prient dans la patrie, selon ce passage du livre de Job : Appelle donc, s'il y a quelqu'un pour te répondre, et tourne-toi vers l'un des saints’. Et au second livre des Maccabées, il est dit qu'une personne [du ciel] priait pour son peuple. Et l'on ne peut pas dire qu'un saint prie pour les autres et non pour lui-même, puisque l'Apocalypse dit : Jusques à quand, Seigneur saint et véridique, ne juges-tu pas, et ne venges-tu pas notre sang ?
De même, les saints interrogent. Car ils seront égaux aux anges, d'après Matthieu ; or les anges interrogent, lorsqu'ils disent : Qui est ce roi de gloire ? Et au livre d'Isaïe : Qui est-il donc, celui qui arrive d'Édom ?, c'est selon Denys la voix des anges. Les saints interrogent donc, eux aussi.
Mais il y a une double réponse à l'une et l'autre objection. La première, c'est que le temps de la gloire peut être considéré de deux points de vue : selon le commencement de la gloire, et selon sa consommation plénière. Or le temps du commencement de la gloire va jusqu'au jour du jugement ; car quant à leur âme, les saints ont reçu la gloire, mais ils attendent encore de recevoir quelque chose : pour eux-mêmes, la gloire du corps, et pour les autres, que soit complet le nombre des élus. C'est ainsi que jusqu'au jour du jugement ils peuvent chercher à obtenir et interroger, mais cependant pas en ce qui concerne l'essence de la béatitude. Quant au temps de la gloire pleinement consommée, il vient après le jour du jugement ; après ce jour, il ne reste rien à demander, et rien non plus à connaître, et c'est de ce jour que le Seigneur dit : EN CE JOUR-LÀ, c'est-à-dire au jour de la gloire consommée, vous ne chercherez plus à obtenir quoi que ce soit, vous n'interrogerez plus sur rien.
Quant à ce qui est dit des anges, à savoir qu'ils interrogent, cela est vrai en ce qui concerne les mystères de l'humanité et de l'Incarnation du Christ, mais non en ce qui concerne sa divinité.
2141. Ici le Seigneur leur promet qu'ils seront exaucés : il y a là une continuité avec ce qui précède, continuité qui peut être comprise de deux manières. D'une première manière, selon Chrysostome , cela se réfère au temps de la Résurrection et à la venue de l'Esprit Saint. Comme s'il disait : II est vrai qu'EN CE JOUR de la Résurrection et de l'Esprit Saint, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, et cependant vous aurez mon aide, parce que vous demanderez EN MON NOM, AU PÈRE, auprès de qui vous aurez accès par moi.
D'une autre manière, selon AugustinEN CE JOUR-LÀ, celui de la gloire, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, mais en attendant, tant que vous vivez ensemble le pèlerinage de la misère présente, SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE (...) IL VOUS LE DONNERA. Et en ce sens, SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE ne se réfère pas à CE JOUR-LÀ, mais à ce qui précède ce jour-là.
2142. Or le Seigneur donne sept conditions d'une bonne prière. La première, c'est de demander des biens spirituels, et cela lorsqu'il dit : SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE. Car ce qui est entièrement terrestre, même si c'est en soi quelque chose, n'est rien comparativement aux réalités spirituelles - En comparaison de la sagesse, j'ai tenu les richesses pour rien. - J'ai regardé la terre, et voici qu'elle était vide, une terre de néant. Mais en Matthieu, le Seigneur n'enseigne-t-il pas au contraire à demander des biens temporels - notre pain de chaque jour* ? Mais il faut dire que la demande d'un bien temporel, si elle se réfère à celle d'un bien spirituel, est déjà QUELQUE CHOSE.
La deuxième condition, c'est que la prière soit faite avec persévérance. Aussi le Seigneur dit-il à ce propos : DEMANDEZ, sous-entendu, en persévérant - Il faut prier toujours, et ne jamais se décourager ; et : Priez sans cesse.
La troisième condition, c'est que la prière soit faite dans la concorde ; c'est pourquoi le Seigneur parle au pluriel : SI VOUS DEMANDEZ - Si deux d'entre vous se mettent d'accord sur la terre pour demander quoi que ce soit, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les deux. Aussi est-il impossible, selon la Glose de l'épître aux Romains, que la prière de beaucoup ne soit pas exaucée.
La quatrième condition, c'est que la prière provienne d'un amour filial (ex filiali affectu), quand il dit : AU PÈRE. Car celui qui demande par crainte, ce n'est pas au père qu'il demande, mais au maître de maison ou à l'ennemi - Si donc vous, mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les deux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent ?
La cinquième condition, c'est que la prière soit faite avec piété, c'est-à-dire avec humilité - II a regardé la prière des humbles, et n'a pas méprisé leur supplication -, avec la confiance d'être exaucé - Mais qu'il demande dans la foi, sans hésiter en rien -et selon un ordre juste - Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal. Et quant à cela le Seigneur dit : EN MON NOM, qui est le nom du Sauveur. C'est au nom du Sauveur que l'on demande ce qui se rapporte au salut, et c'est de cette manière qu'on peut obtenir le salut - Il n'est pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés .
La sixième condition, c'est que la prière soit faite en temps opportun ; aussi le Seigneur dit-il : IL VOUS LE DONNERA. Car si on ne reçoit pas, il ne faut pas se décourager aussitôt : ce sera donné certainement, même si c'est différé pour être donné au moment qui convient, afin que notre désir croisse davantage - Les yeux de tous espèrent en toi, et toi, tu leur donnes la nourriture au moment opportun.
La septième condition, c'est qu'on demande pour soi ; c'est pourquoi le Seigneur dit : IL VOUS LE DONNERA. Car parfois on n'est pas exaucé pour d'autres, leur manque de mérite faisant obstacle - Toi donc, ne prie pas pour ce peuple-là. - Même si Moïse et Samuel se tenaient devant moi, mon âme ne se tournerait pas vers ce peuple.
2143. Ici, le Seigneur les exhorte à vivre dans la confiance qui leur a été donnée : il rappelle d'abord leur défaillance passée, puis il les exhorte à progresser à l'avenir [n° 2145].
2144. Leur défaillance passée consiste à n'avoir rien demandé ; aussi dit-il : JUSQU'À PRÉSENT VOUS N'AVEZ RIEN DEMANDÉ EN MON NOM. Mais Matthieu et Luc n'affirment-ils pas au contraire : Il leur donna puissance sur tous les démons, et pour guérir les maladies ? Or cela, les disciples le faisaient en priant : ils ont donc demandé quelque chose au nom du Christ, et d'autant plus qu'ils disaient : Seigneur, en ton nom, même les démons nous sont soumis !
C'est pourquoi on doit dire que la phrase peut s'expliquer de deux manières. Voici la première JUSQU'À PRÉSENT VOUS N'AVEZ RIEN DEMANDÉ, c'est-à-dire rien qui soit quelque chose de grand, EN MON NOM. Car les demandes de guérisons corporelles sont peu de chose en comparaison des grandes choses qui allaient se faire par la prière ; et ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit d'adoption, par qui ils aspireraient aux réalités spirituelles et célestes. Et si vous dites que précédemment, ils ont demandé quelque chose de grand - Seigneur, montre-nous le Père -, précisons qu'ils ne le demandaient pas au Père, dont il est question ici ; mais, confiants seulement dans le Christ homme, ils s'adressaient à lui comme médiateur, pour qu'il leur montre le Père.
Il y a une autre manière d'expliquer la phrase, du fait que le Seigneur avait dit : SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE EN MON NOM ; c'est qu'auparavant, ils n'avaient pas demandé en ce nom, n'ayant pas une parfaite connaissance du nom du Christ.
DEMANDEZ, ET VOUS RECEVREZ, POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE.
2145. Ici, suite à ce qui précède, le Seigneur exhorte ses disciples à progresser à l'avenir, c'est-à-dire à demander - Demandez et il vous sera donné. DEMANDEZ, dis-je, ET VOUS RECEVREZ, à savoir ce que vous demandez, pour que votre joie soit complète - Les soixante-douze s'en retournèrent avec joie, disant : Seigneur, en ton nom, même les démons nous sont soumis ! Et de cette manière, ce qu'il dit : POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE est présenté comme la fin de l'exaucement. Ou bien cela peut être présenté comme la réalité demandée, le sens étant alors : DEMANDEZ ET VOUS RECEVREZ : et demandez, vous dis-je, POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE.
2146. Précisons ici que l'objet de la joie, c'est le bien ardemment désiré. En effet, le désir étant le mouvement de l'appétit vers le bien, et la joie son repos dans ce bien, l'homme est dans la joie lorsqu'il se repose dans le bien désormais possédé, vers lequel se portait son désir. Mais la joie est proportionnée au bien possédé ; et un bien créé ne peut pas nous donner une joie plénière, parce que le désir et l'appétit de l'homme ne s'y reposent pas pleinement. Notre joie sera donc enfin plénière lorsque nous posséderons ce bien dans lequel existent, d'une manière surabondante, tous les biens que nous pouvons désirer. Et ce bien ne peut être que Dieu, lui qui comble de biens notre désir, d'après le psaume. Voilà pourquoi le Seigneur dit : DEMANDEZ POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE, autrement dit, demandez de jouir de Dieu et de la Trinité ; comme le dit Augustin, il n'y a rien de plus grand - Tu m'empliras d'allégresse près de ta face. Et pourquoi cela ? Parce qu'en même temps qu'elle - c'est-à-dire la contemplation de la divine sagesse - me sont venus tous les biens.
La raison de l'intimité promise avec le Père.
2147. Plus haut le Seigneur a promis aux disciples l'accès intime auprès du Père ; il précise maintenant la raison de cette familiarité. Or il y a deux choses qui donnent à l'homme la confiance de faire une demande à quelqu'un et l'intimité [avec lui] : ce sont la connaissance et l'amour. Aussi le Seigneur donne-t-il cette double raison : la première est tirée de la claire connaissance du Père ; la seconde, de son amour spécial [n° 2153].
2148. Le Seigneur rappelle d'abord la connaissance imparfaite que les disciples avaient du Père ; puis il promet la connaissance parfaite.
C'est bien une connaissance imparfaite qu'ils avaient ; aussi le Christ dit-il : CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES. À proprement parler, on appelle « proverbe » ce qui est communément sur la bouche de tous ; ainsi, c'est un proverbe qu'un jeune homme qui suit son chemin, même devenu vieux, ne s'en écartera pas. Mais parce que tout cela est parfois obscur et métaphorique, « proverbe » est parfois pris pour « parabole », où autre chose est ce qui est dit, autre chose ce qui est désigné. Et c'est ainsi que « proverbe » est pris ici pour « parabole », c'est-à-dire « expression parabolique ».
2149. La phrase peut alors avoir quatre sens. En premier lieu, au sens littéral, elle se rapporte à ce qu'il avait dit juste avant. On comprendra donc : Je vous ai dit que jusqu'à présent vous n'avez nen demandé, et que vous demanderez en mon nom, et j'ai parlé pour ainsi dire d'une manière obscure et EN PROVERBES. Mais ELLE VIENT, L'HEURE où, ce que je vous ai dit obscurément, je vous le dirai clairement ; aussi ajoute-t-il : Le Père lui-même vous aime et : Je suis sorti du Père. C'est ainsi que les Apôtres semblent l'avoir compris car, après avoir entendu cela du Seigneur, ils lui disent : Voici à présent que tu parles ouvertement, et ne dis aucun proverbe*.
2150. Au second sens, la phrase CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES se réfère à tout ce qu'on lit sur l'enseignement du Christ dans cet Évangile, tandis que l'affirmation ELLE VIENT, L'HEURE OÙ JE NE VOUS PARLERAI PLUS EN PROVERBES, MAIS OÙ JE VOUS PARLERAI OUVERTEMENT DE MON PÈRE se réfère au temps de la gloire. En effet, c'est parce qu'à présent nous voyons dans un miroir et en énigme, que ce qui nous est dit de Dieu nous est donné en proverbes. Mais, parce que dans la patrie nous verrons face à face, alors nous sera révélé clairement ce qui concerne le Père. Et s'il dit DE MON PÈRE, c'est parce que personne ne peut voir le Père dans une telle gloire si le Fils ne le manifeste - Personne ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Car le Fils est la lumière véritable, par laquelle nous devenons capables de voir le Père - Moi je suis la lumière du monde .
2151. Mais à cette explication s'oppose ce qui suit : EN CE JOUR-LÀ VOUS DEMANDEREZ EN MON NOM. Or nous n'allons rien demander en son nom s'il s'agit du jour de la gloire, où notre désir sera comblé de biens . Aussi le texte a-t-il deux autres sens.
L'un, selon ChrysostomeCES CHOSES-LÀ, c'est-à-dire celles que je vous ai dites maintenant, c'est EN PROVERBES, c'est-à-dire dans un certain enchevêtrement de paroles, que JE VOUS LES AI DITES, sans exprimer totalement ce que vous devez connaître de moi et de mon Père, parce que j'ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Mais ELLE VIENT, L'HEURE, où je serai ressuscité des morts, OÙ JE NE VOUS PARLERAI PLUS EN PROVERBES, c'est-à-dire obscurément et par énigmes, MAIS OÙ JE VOUS PARLERAI OUVERTEMENT DE MON PÈRE. En effet, pendant les quarante jours où il leur est apparu, il leur a enseigné de nombreux mystères, et leur a révélé beaucoup de choses sur lui et son Père ; et comme désormais, croyant fermement, par la foi en la Résurrection, qu'il est le Dieu véritable, ils avaient été élevés à des réalités plus hautes, aussi est-il ajouté : Se faisant voir d'eux pendant quarante jours et leur parlant du royaume de Dieu (...) - II leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures.
2152. L'autre sens est, selon Augustin, que le Seigneur, en disant : CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES, promet qu'il fera d'eux des hommes spirituels. Telle est en effet la différence qu'il y a entre l'homme spirituel et l'homme naturell'homme naturel reçoit les paroles spirituelles comme des proverbes, non pas qu'elles aient été dites de manière proverbiale mais parce que, son esprit n'étant pas assez fort pour s'élever au-dessus des réalités corporelles, elles lui sont obscures - L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu. L'homme spirituel, lui, perçoit ce qui est spirituel comme étant spiritue1. Or les disciples, au commencement, étaient comme des hommes naturels, et ce qui leur était dit était obscur, comme des proverbes ; mais par la suite, une fois rendus spirituels par le Christ et enseignés par l'Esprit Saint, ils saisissaient ouvertement les réalités spirituelles. Voilà pourquoi le Seigneur dit : CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES, autrement dit, elles furent pour vous comme des proverbes. Mais ELLE VIENT, L'HEURE OÙ JE NE VOUS PARLERAI PLUS EN PROVERBES - Et nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire, comme de par l'Esprit du Seigneur.
2153. Voici à présent la deuxième raison d'avoir confiance, qui se prend de l'amour du Père pour les disciples. Le Seigneur montre d'abord l'amour du Père pour eux ; puis l'intimité que le Père a avec le Fils [n° 2160].
L'amour du Père pour les disciples
Le Seigneur commence par rappeler la promesse qu'il leur a faite ; puis il donne la raison de cette promesse [n° 2157].
2154. Au sujet de sa promesse, le Seigneur rappelle d'abord une chose qu'il avait promise. Puis il fait quelque chose d'autre : il leur promet l'assurance pour demander. Il dit donc : EN CE JOUR-LÀ, c'est-à-dire lorsque je vous parlerai ouvertement du Père, VOUS DEMANDEREZ EN MON NOM, car connaissant alors clairement le Père, vous saurez que moi je lui suis coessentiel et que, par moi, vous avez accès auprès de lui. En effet, demander au nom du Christ, c'est espérer avoir par lui accès au Père - Ceux-ci invoquent leurs chars, ceux-là leurs chevaux ; mais nous, nous invoquerons le nom du Seigneur notre Dieu. Or ici le Christ cache qu'il va prier le Père pour eux ; aussi dit-il : ET JE NE VOUS DIS PAS QUE MOI JE PRIERAI LE PÈRE POUR VOUS.
2155. Mais est-ce qu'il ne prie pas pour nous ? Si, au contraire : Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le juste. - Il peut même sauver définitivement ceux qui par lui s'approchent de Dieu.
Et à ce sujet il faut dire en premier lieu, selon Augustin, qu'il dit cela pour exclure l'idée qu'il serait dorénavant comme une personne qui intercède en tant qu'homme. Ainsi, en ce jour-là, quand je vous parlerai ouvertement et que vous demanderez en mon nom, vous connaîtrez que je suis un avec le Père, et que je ne suis pas une personne qui intercède ; mais que, en tant que Dieu, sollicité avec le Père, j'exaucerai.
D'une autre manière, selon Chry-sostome, le Seigneur dit peut-être cela pour que les disciples ne croient pas que, obtenant ce qu'ils demandent par le Fils, ils n'aient donc pas accès immédiat auprès du Père. C'est comme s'il disait : A présent, vous avez recours à moi, pour que j'intercède pour vous ; mais alors, vous aurez une si grande confiance en le Père que vous-mêmes pourrez lui demander en mon nom, sans avoir besoin qu'un autre vous introduise.
2156. Mais les Apôtres n'ont-ils pas eu besoin du Christ homme pour intercéder ? Sinon, même s'il intercédait pour eux, son intercession serait inutile.
Mais il faut dire qu'il n'intercède pas pour eux comme s'ils étaient très loin et incapables d'avoir accès [auprès du Père], mais en rendant leurs prières plus dignes d'être exaucées.
2157. À présent, le Seigneur précise la raison de sa promesse qui est cet amour du Père pour eux. Il montre donc l'amour du Père, puis la preuve de cet amour [n° 2159].
2158. Voici donc ce que dit le Seigneur : JE NE VOUS DIS PAS QUE MOI JE PRIERAI LE PÈRE POUR VOUS - car il semblerait alors qu'il ne vous aime pas - mais de toute manière LE PÈRE LUI-MÊME, qui aime toutes choses, en voulant pour elles le bien de leur nature - Tu aimes en effet tout ce qui est, et tu ne détestes nen de ce que tu as fait -, VOUS AIME, vous les Apôtres et les saints, d'un amour privilégié, en voulant pour vous le bien suprême, c'est-à-dire lui-même - Il a aimé les peuples : tous les saints sont dans sa mainil vous a aimés pour cela - Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.
2159. Le Christ en donne une preuve à partir de deux choses : l'amour des disciples à son égard, et leur foi en lui.
En ce qui concerne l'amour des disciples à son égard, il dit : PARCE QUE VOUS, VOUS M'AVEZ AIMÉ. Ce n'est certes pas une preuve par la cause, puisque, selon la première épître de Jean, ce n'est pas que nous, nous ayons aimé Dieu ; mais c'est lui qui nous a aimés le premier. C'est en fait une preuve par le signe, parce que le fait même que nous aimons Dieu est signe que lui-même nous aime ; car le fait que nous puissions l'aimer provient d'un don de Dieu - La chanté de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. - Celui qui m'aime sera aimé de mon Père.
Quant à la foi, le Seigneur dit : ET VOUS AVEZ CRU QUE JE SUIS SORTI DE DIEU. En effet, sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. Or la foi nous vient de l'amour de Dieu car c'est le don de Dieu, et il n'y a de don qu'en raison de l'amour de celui qui donne. Or croire et aimer le Christ en tant qu'il est sorti de Dieu, c'est un signe suffisamment évident de l'amour de Dieu, car on aime encore plus ce par quoi toute chose existe. Si donc quelqu'un aime le Christ, qui est sorti de Dieu, son amour retourne principalement à Dieu le Père ; mais non pas s'il l'aime en tant qu'il est homme.
La familiarité du Père et du Fils
2160. Parce que le Christ a mentionné qu'il est sorti du Père, il en donne à présent une explication plus manifeste, où il montre son intimité avec le Père : il révèle d'abord qu'il est sorti d'auprès du Père, puis son retour vers le Père [n° 2163].
2161. Or il y a une double procession du Fils à partir du Père : l'une éternelle, l'autre temporelle [n° 2162]. Et il désigne la procession éternelle en disant : JE SUIS SORTI DU PÈRE, ayant été engendré par lui éternellement.
Notons que tout ce qui sort d'une réalité a d'abord été en elle. Or une chose est dans une autre de trois manières : comme le contenu est dans le contenant, comme la partie est dans le tout, ou comme l'accident est dans le sujet et l'effet dans la cause, et selon cela on dira que certaines choses sortent d'autres choses. Mais selon les deux premières manières, ce qui sort est une réalité qui est numériquement identique, comme le vin qui sort du tonneau est le même quant au nombre, et la partie qui sort du tout, identique ; tandis que, selon les deux dernières manières citées, ce qui sort n'est pas une réalité numériquement identique. Or cela, on ne doit pas le dire de Dieu : car puisque Dieu est tout à fait simple, et qu'il n'est pas dans un lieu, si ce n'est métaphoriquement, on ne peut pas dire que le Fils soit en lui comme une partie ou comme un contenu, mais qu'il est en lui par unité d'essence - Moi et le Père nous sommes un. Car toute l'essence du Père est toute l'essence du Fils, et réciproquement ; aussi le Fils n'est-il pas sorti du Père à la manière de ce dont nous avons parlé. En effet, ce qui sort du tout comme une partie en est distinct par l'essence, car la partie sortant du tout devient un être en acte, elle qui était, dans le tout, un être en puissance. De même, ce qui sort du tout qui le contient s'en distingue selon le lieu ; mais le Fils ne sort pas du Père selon le lieu, puisqu'il emplit tout, selon le passage de Jérémie : Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? II n'en sort pas non plus par division, puisque le Père est impartageable ; mais il sort de lui par distinction personnelle. Ainsi donc, par la sortie, en tant qu'elle présuppose l'inhérence, on désigne l'unité d'essence ; et en tant qu'elle suggère un certain processus, on désigne la distinction personnelle - De l'extrémité du ciel, c'est-à-dire de Dieu le Père, il sort. Et encore : Du sein, avant l'aurore, je t'ai engendré*. Dans les réalités corporelles, ce qui sort d'une chose n'est plus en elle, puisqu'il en sort par séparation d'essence ou de lieu. Tandis qu'ici, comme il ne s'agit pas d'une telle sortie, le Fils est sorti de toute éternité du Père d'une manière telle que, cependant, il est en lui de toute éternité ; et ainsi, quand il est en lui, il sort, et quand il sort, il est en lui ; si bien qu'il sort toujours, et qu'il est toujours en lui.
2162. Ici, c'est la procession temporelle que le Seigneur désigne. Or, de même que ce n'est pas selon le lieu qu'il est sorti du Père de toute éternité, de même sa venue dans le monde n'est pas non plus locale : car le Fils étant dans le Père et réciproquement, de même que le Père emplit tout, de même aussi le Fils, et il n'y a rien vers quoi il se meuve localement. On dit donc qu'il est venu dans le monde en tant qu'il a assumé la nature humaine, quant à son corps qui tire son origine du monde, mais non pas en changeant de lieu - Il est venu chez lui} et les siens ne l'ont pas reçu .
2163. Ensuite le Seigneur traite de son retour vers le Père. En premier lieu, il expose son départ du monde : DE NOUVEAU JE QUITTE LE MONDE, mais sans suspendre la providence de son gouvernement, puisqu'en même temps que le Père il gouverne toujours le monde et qu'il est toujours avec les fidèles par le secours de la grâce - Voici que moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. Il quitte donc le monde en se soustrayant au regard terrestre de ceux qui sont du monde.
En second lieu, il expose son retour vers le Père : JE VAIS VERS LE PÈRE, dont il ne s'était jamais séparé. Et il va, en tant qu'il s'est offert au Père en sa Passion - Il s'est offert lui-même à Dieu en hostie d'agréable odeur. De même en tant que, par la Résurrection, il a été comme homme configuré au Père dans l'immortalité - Mais vivant, c'est pour Dieu qu'il vit. Enfin en tant que dans l'Ascension il est monté aux cieux, en quoi il resplendit spécialement de la gloire divine - Or donc le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il siège à la droite de Dieu ; et plus haut : Et maintenant je vais vers celui qui m'a envoyé ; et aucun d'entre vous ne m'interroge : Où vas-tu ?
II – L'EFFET DE L'EXPLICATION SUR LES DISCIPLES
2164. Après avoir exposé les raisons et les paroles données pour consoler les Apôtres, l'Évangéliste montre leur effet sur les disciples : l'attitude des disciples, d'abord, puis leur condition [n° 2169] ; enfin il précise l'intention avec laquelle le Christ leur a parlé auparavant [n° 2173].
La promesse de l'accès intime auprès du Père.
En ce qui concerne cette promesse, le Seigneur affermit d'abord la confiance des Apôtres ; puis il les exhorte à vivre de cette confiance [n° 2143].
D'abord il écarte la nécessité d'une interrogation, puis il leur promet qu'ils seront exaucés [n° 2141].
2136. Selon Augustin, là où dans cette phrase nous avons INTERROGEREZ (rogabitis), les Grecs ont un verbe qui signifie deux choses : « chercher à obtenir » (petere) et « interroger » (interrogare). Aussi peut-on comprendre la phrase de deux manières : « Vous ne chercherez pas à obtenir de moi quoi que ce soit », ou « Vous ne m'interrogerez sur rien ».
Le Seigneur dit donc : EN CE JOUR-LÀ. Quel est ce jour, cela paraît évident à partir de ce qu'il a dit précédemment - Mais de nouveau je vous verrai -, ce qui peut s'entendre de la Résurrection et aussi de la vision dans la gloire [n° 2139].
2137. De la Résurrection, selon Chry-sostomeEN CE JOUR-LÀ, à savoir : quand je serai ressuscité des morts, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, c'est-à-dire vous ne direz pas : Montre-nous le Père, ni rien de ce genre.
À l'encontre de cette interprétation, Augustin objecte qu'après la Résurrection, les disciples disent : Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétabliras le royaume d'Israël ? Et dans l'Évangile de Jean, plus loin, Pierre interroge en disant : Et de lui, qu'en sera-t-ïl ?
Mais en soutenant l'interprétation de Chrysostome, il faut dire que le Seigneur appelle CE JOUR-LÀ non seulement le jour de la Résurrection, mais aussi le jour où les disciples devaient être enseignés par l'Esprit Saint - Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de venté, il vous enseignera la vérité tout entière. Et ainsi, lorsqu'il parle de ce temps-là sans précision, il inclut aussi la venue de l'Esprit Saint ; c'est comme s'il disait : EN CE JOUR-LÀ, c'est-à-dire une fois l'Esprit Saint donné, vous ne m'interrogerez pas, puisque vous saurez tout grâce à l'Esprit Saint - Son onction vous enseigne sur tout.
Pareillement, selon le même auteur, EN CE JOUR de la venue de l'Esprit Saint, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, c'est-à-dire il n'y aura pour vous aucune nécessité de m'interroger.
2138. Mais après la Résurrection, les Apôtres n'ont-ils pas fait de prière au Christ ? On verra que si, puisque l'Apôtre Paul dit : A ce sujet, trois fois j'ai sollicité le Seigneur S c'est-à-dire le Christ.
Voici la réponse : on doit dire que dans le Christ il y avait une double nature : une nature humaine, par laquelle il est médiateur entre Dieu et les hommes, et une nature divine, par laquelle il est un seul Dieu avec le Père. Or, en tant qu'homme, le Christ n'était pas un médiateur tel qu'il ne pourrait jamais nous unir à Dieu, comme les médiateurs qui n'unissent jamais les extrêmes. Il nous unit donc au Père. Or l'union à Dieu le Père et l'union au Christ selon sa nature divine est la même ; aussi dit-il : il ne sera plus nécessaire d'utiliser ma médiation, en tant que je suis homme. Ainsi donc, EN CE JOUR-LÀ VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS comme médiateur, parce que vous aurez par vous-mêmes accès auprès de Dieu ; mais vous me solliciterez comme Dieu. Et quoique le Christ intercède en notre faveur, comme le dit l'Apôtre Paul, l'Église toutefois ne le sollicite pas comme un intercesseur, et c'est pourquoi nous ne disons pas : « Ô Christ, prie pour nous » ; mais l'Église le sollicite en tant qu'il est Dieu, en adhérant à lui comme à Dieu, par l'amour et la foi.
2139. Selon Augustin, il s'agit du jour de la vision de gloire, de la manière suivante : EN CE JOUR-LÀ, quand je vous verrai dans la gloire, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, c'est-à-dire vous ne chercherez pas à obtenir quoi que ce soit, car il ne restera rien à désirer, puisque dans la patrie tous les biens surabondent pour nous - Tu m'empliras d'allégresse près de ta face ; et encore : Je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire . De même, vous ne m'interrogerez sur rien, parce que vous serez comblés de la connaissance de Dieu - Dans ta lumière nous verrons la lumière.
2140. À ces deux interprétations d'Augustin on peut objecter que les saints prient dans la patrie, selon ce passage du livre de Job : Appelle donc, s'il y a quelqu'un pour te répondre, et tourne-toi vers l'un des saints’. Et au second livre des Maccabées, il est dit qu'une personne [du ciel] priait pour son peuple. Et l'on ne peut pas dire qu'un saint prie pour les autres et non pour lui-même, puisque l'Apocalypse dit : Jusques à quand, Seigneur saint et véridique, ne juges-tu pas, et ne venges-tu pas notre sang ?
De même, les saints interrogent. Car ils seront égaux aux anges, d'après Matthieu ; or les anges interrogent, lorsqu'ils disent : Qui est ce roi de gloire ? Et au livre d'Isaïe : Qui est-il donc, celui qui arrive d'Édom ?, c'est selon Denys la voix des anges. Les saints interrogent donc, eux aussi.
Mais il y a une double réponse à l'une et l'autre objection. La première, c'est que le temps de la gloire peut être considéré de deux points de vue : selon le commencement de la gloire, et selon sa consommation plénière. Or le temps du commencement de la gloire va jusqu'au jour du jugement ; car quant à leur âme, les saints ont reçu la gloire, mais ils attendent encore de recevoir quelque chose : pour eux-mêmes, la gloire du corps, et pour les autres, que soit complet le nombre des élus. C'est ainsi que jusqu'au jour du jugement ils peuvent chercher à obtenir et interroger, mais cependant pas en ce qui concerne l'essence de la béatitude. Quant au temps de la gloire pleinement consommée, il vient après le jour du jugement ; après ce jour, il ne reste rien à demander, et rien non plus à connaître, et c'est de ce jour que le Seigneur dit : EN CE JOUR-LÀ, c'est-à-dire au jour de la gloire consommée, vous ne chercherez plus à obtenir quoi que ce soit, vous n'interrogerez plus sur rien.
Quant à ce qui est dit des anges, à savoir qu'ils interrogent, cela est vrai en ce qui concerne les mystères de l'humanité et de l'Incarnation du Christ, mais non en ce qui concerne sa divinité.
2141. Ici le Seigneur leur promet qu'ils seront exaucés : il y a là une continuité avec ce qui précède, continuité qui peut être comprise de deux manières. D'une première manière, selon Chrysostome , cela se réfère au temps de la Résurrection et à la venue de l'Esprit Saint. Comme s'il disait : II est vrai qu'EN CE JOUR de la Résurrection et de l'Esprit Saint, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, et cependant vous aurez mon aide, parce que vous demanderez EN MON NOM, AU PÈRE, auprès de qui vous aurez accès par moi.
D'une autre manière, selon AugustinEN CE JOUR-LÀ, celui de la gloire, VOUS NE M'INTERROGEREZ PLUS SUR RIEN, mais en attendant, tant que vous vivez ensemble le pèlerinage de la misère présente, SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE (...) IL VOUS LE DONNERA. Et en ce sens, SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE ne se réfère pas à CE JOUR-LÀ, mais à ce qui précède ce jour-là.
2142. Or le Seigneur donne sept conditions d'une bonne prière. La première, c'est de demander des biens spirituels, et cela lorsqu'il dit : SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE. Car ce qui est entièrement terrestre, même si c'est en soi quelque chose, n'est rien comparativement aux réalités spirituelles - En comparaison de la sagesse, j'ai tenu les richesses pour rien. - J'ai regardé la terre, et voici qu'elle était vide, une terre de néant. Mais en Matthieu, le Seigneur n'enseigne-t-il pas au contraire à demander des biens temporels - notre pain de chaque jour* ? Mais il faut dire que la demande d'un bien temporel, si elle se réfère à celle d'un bien spirituel, est déjà QUELQUE CHOSE.
La deuxième condition, c'est que la prière soit faite avec persévérance. Aussi le Seigneur dit-il à ce propos : DEMANDEZ, sous-entendu, en persévérant - Il faut prier toujours, et ne jamais se décourager ; et : Priez sans cesse.
La troisième condition, c'est que la prière soit faite dans la concorde ; c'est pourquoi le Seigneur parle au pluriel : SI VOUS DEMANDEZ - Si deux d'entre vous se mettent d'accord sur la terre pour demander quoi que ce soit, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les deux. Aussi est-il impossible, selon la Glose de l'épître aux Romains, que la prière de beaucoup ne soit pas exaucée.
La quatrième condition, c'est que la prière provienne d'un amour filial (ex filiali affectu), quand il dit : AU PÈRE. Car celui qui demande par crainte, ce n'est pas au père qu'il demande, mais au maître de maison ou à l'ennemi - Si donc vous, mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les deux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent ?
La cinquième condition, c'est que la prière soit faite avec piété, c'est-à-dire avec humilité - II a regardé la prière des humbles, et n'a pas méprisé leur supplication -, avec la confiance d'être exaucé - Mais qu'il demande dans la foi, sans hésiter en rien -et selon un ordre juste - Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal. Et quant à cela le Seigneur dit : EN MON NOM, qui est le nom du Sauveur. C'est au nom du Sauveur que l'on demande ce qui se rapporte au salut, et c'est de cette manière qu'on peut obtenir le salut - Il n'est pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés .
La sixième condition, c'est que la prière soit faite en temps opportun ; aussi le Seigneur dit-il : IL VOUS LE DONNERA. Car si on ne reçoit pas, il ne faut pas se décourager aussitôt : ce sera donné certainement, même si c'est différé pour être donné au moment qui convient, afin que notre désir croisse davantage - Les yeux de tous espèrent en toi, et toi, tu leur donnes la nourriture au moment opportun.
La septième condition, c'est qu'on demande pour soi ; c'est pourquoi le Seigneur dit : IL VOUS LE DONNERA. Car parfois on n'est pas exaucé pour d'autres, leur manque de mérite faisant obstacle - Toi donc, ne prie pas pour ce peuple-là. - Même si Moïse et Samuel se tenaient devant moi, mon âme ne se tournerait pas vers ce peuple.
2143. Ici, le Seigneur les exhorte à vivre dans la confiance qui leur a été donnée : il rappelle d'abord leur défaillance passée, puis il les exhorte à progresser à l'avenir [n° 2145].
2144. Leur défaillance passée consiste à n'avoir rien demandé ; aussi dit-il : JUSQU'À PRÉSENT VOUS N'AVEZ RIEN DEMANDÉ EN MON NOM. Mais Matthieu et Luc n'affirment-ils pas au contraire : Il leur donna puissance sur tous les démons, et pour guérir les maladies ? Or cela, les disciples le faisaient en priant : ils ont donc demandé quelque chose au nom du Christ, et d'autant plus qu'ils disaient : Seigneur, en ton nom, même les démons nous sont soumis !
C'est pourquoi on doit dire que la phrase peut s'expliquer de deux manières. Voici la première JUSQU'À PRÉSENT VOUS N'AVEZ RIEN DEMANDÉ, c'est-à-dire rien qui soit quelque chose de grand, EN MON NOM. Car les demandes de guérisons corporelles sont peu de chose en comparaison des grandes choses qui allaient se faire par la prière ; et ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit d'adoption, par qui ils aspireraient aux réalités spirituelles et célestes. Et si vous dites que précédemment, ils ont demandé quelque chose de grand - Seigneur, montre-nous le Père -, précisons qu'ils ne le demandaient pas au Père, dont il est question ici ; mais, confiants seulement dans le Christ homme, ils s'adressaient à lui comme médiateur, pour qu'il leur montre le Père.
Il y a une autre manière d'expliquer la phrase, du fait que le Seigneur avait dit : SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE EN MON NOM ; c'est qu'auparavant, ils n'avaient pas demandé en ce nom, n'ayant pas une parfaite connaissance du nom du Christ.
DEMANDEZ, ET VOUS RECEVREZ, POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE.
2145. Ici, suite à ce qui précède, le Seigneur exhorte ses disciples à progresser à l'avenir, c'est-à-dire à demander - Demandez et il vous sera donné. DEMANDEZ, dis-je, ET VOUS RECEVREZ, à savoir ce que vous demandez, pour que votre joie soit complète - Les soixante-douze s'en retournèrent avec joie, disant : Seigneur, en ton nom, même les démons nous sont soumis ! Et de cette manière, ce qu'il dit : POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE est présenté comme la fin de l'exaucement. Ou bien cela peut être présenté comme la réalité demandée, le sens étant alors : DEMANDEZ ET VOUS RECEVREZ : et demandez, vous dis-je, POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE.
2146. Précisons ici que l'objet de la joie, c'est le bien ardemment désiré. En effet, le désir étant le mouvement de l'appétit vers le bien, et la joie son repos dans ce bien, l'homme est dans la joie lorsqu'il se repose dans le bien désormais possédé, vers lequel se portait son désir. Mais la joie est proportionnée au bien possédé ; et un bien créé ne peut pas nous donner une joie plénière, parce que le désir et l'appétit de l'homme ne s'y reposent pas pleinement. Notre joie sera donc enfin plénière lorsque nous posséderons ce bien dans lequel existent, d'une manière surabondante, tous les biens que nous pouvons désirer. Et ce bien ne peut être que Dieu, lui qui comble de biens notre désir, d'après le psaume. Voilà pourquoi le Seigneur dit : DEMANDEZ POUR QUE VOTRE JOIE SOIT PLÉNIÈRE, autrement dit, demandez de jouir de Dieu et de la Trinité ; comme le dit Augustin, il n'y a rien de plus grand - Tu m'empliras d'allégresse près de ta face. Et pourquoi cela ? Parce qu'en même temps qu'elle - c'est-à-dire la contemplation de la divine sagesse - me sont venus tous les biens.
La raison de l'intimité promise avec le Père.
2147. Plus haut le Seigneur a promis aux disciples l'accès intime auprès du Père ; il précise maintenant la raison de cette familiarité. Or il y a deux choses qui donnent à l'homme la confiance de faire une demande à quelqu'un et l'intimité [avec lui] : ce sont la connaissance et l'amour. Aussi le Seigneur donne-t-il cette double raison : la première est tirée de la claire connaissance du Père ; la seconde, de son amour spécial [n° 2153].
2148. Le Seigneur rappelle d'abord la connaissance imparfaite que les disciples avaient du Père ; puis il promet la connaissance parfaite.
C'est bien une connaissance imparfaite qu'ils avaient ; aussi le Christ dit-il : CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES. À proprement parler, on appelle « proverbe » ce qui est communément sur la bouche de tous ; ainsi, c'est un proverbe qu'un jeune homme qui suit son chemin, même devenu vieux, ne s'en écartera pas. Mais parce que tout cela est parfois obscur et métaphorique, « proverbe » est parfois pris pour « parabole », où autre chose est ce qui est dit, autre chose ce qui est désigné. Et c'est ainsi que « proverbe » est pris ici pour « parabole », c'est-à-dire « expression parabolique ».
2149. La phrase peut alors avoir quatre sens. En premier lieu, au sens littéral, elle se rapporte à ce qu'il avait dit juste avant. On comprendra donc : Je vous ai dit que jusqu'à présent vous n'avez nen demandé, et que vous demanderez en mon nom, et j'ai parlé pour ainsi dire d'une manière obscure et EN PROVERBES. Mais ELLE VIENT, L'HEURE où, ce que je vous ai dit obscurément, je vous le dirai clairement ; aussi ajoute-t-il : Le Père lui-même vous aime et : Je suis sorti du Père. C'est ainsi que les Apôtres semblent l'avoir compris car, après avoir entendu cela du Seigneur, ils lui disent : Voici à présent que tu parles ouvertement, et ne dis aucun proverbe*.
2150. Au second sens, la phrase CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES se réfère à tout ce qu'on lit sur l'enseignement du Christ dans cet Évangile, tandis que l'affirmation ELLE VIENT, L'HEURE OÙ JE NE VOUS PARLERAI PLUS EN PROVERBES, MAIS OÙ JE VOUS PARLERAI OUVERTEMENT DE MON PÈRE se réfère au temps de la gloire. En effet, c'est parce qu'à présent nous voyons dans un miroir et en énigme, que ce qui nous est dit de Dieu nous est donné en proverbes. Mais, parce que dans la patrie nous verrons face à face, alors nous sera révélé clairement ce qui concerne le Père. Et s'il dit DE MON PÈRE, c'est parce que personne ne peut voir le Père dans une telle gloire si le Fils ne le manifeste - Personne ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Car le Fils est la lumière véritable, par laquelle nous devenons capables de voir le Père - Moi je suis la lumière du monde .
2151. Mais à cette explication s'oppose ce qui suit : EN CE JOUR-LÀ VOUS DEMANDEREZ EN MON NOM. Or nous n'allons rien demander en son nom s'il s'agit du jour de la gloire, où notre désir sera comblé de biens . Aussi le texte a-t-il deux autres sens.
L'un, selon ChrysostomeCES CHOSES-LÀ, c'est-à-dire celles que je vous ai dites maintenant, c'est EN PROVERBES, c'est-à-dire dans un certain enchevêtrement de paroles, que JE VOUS LES AI DITES, sans exprimer totalement ce que vous devez connaître de moi et de mon Père, parce que j'ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Mais ELLE VIENT, L'HEURE, où je serai ressuscité des morts, OÙ JE NE VOUS PARLERAI PLUS EN PROVERBES, c'est-à-dire obscurément et par énigmes, MAIS OÙ JE VOUS PARLERAI OUVERTEMENT DE MON PÈRE. En effet, pendant les quarante jours où il leur est apparu, il leur a enseigné de nombreux mystères, et leur a révélé beaucoup de choses sur lui et son Père ; et comme désormais, croyant fermement, par la foi en la Résurrection, qu'il est le Dieu véritable, ils avaient été élevés à des réalités plus hautes, aussi est-il ajouté : Se faisant voir d'eux pendant quarante jours et leur parlant du royaume de Dieu (...) - II leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures.
2152. L'autre sens est, selon Augustin, que le Seigneur, en disant : CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES, promet qu'il fera d'eux des hommes spirituels. Telle est en effet la différence qu'il y a entre l'homme spirituel et l'homme naturell'homme naturel reçoit les paroles spirituelles comme des proverbes, non pas qu'elles aient été dites de manière proverbiale mais parce que, son esprit n'étant pas assez fort pour s'élever au-dessus des réalités corporelles, elles lui sont obscures - L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu. L'homme spirituel, lui, perçoit ce qui est spirituel comme étant spiritue1. Or les disciples, au commencement, étaient comme des hommes naturels, et ce qui leur était dit était obscur, comme des proverbes ; mais par la suite, une fois rendus spirituels par le Christ et enseignés par l'Esprit Saint, ils saisissaient ouvertement les réalités spirituelles. Voilà pourquoi le Seigneur dit : CES CHOSES-LÀ, JE VOUS LES AI DITES EN PROVERBES, autrement dit, elles furent pour vous comme des proverbes. Mais ELLE VIENT, L'HEURE OÙ JE NE VOUS PARLERAI PLUS EN PROVERBES - Et nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire, comme de par l'Esprit du Seigneur.
2153. Voici à présent la deuxième raison d'avoir confiance, qui se prend de l'amour du Père pour les disciples. Le Seigneur montre d'abord l'amour du Père pour eux ; puis l'intimité que le Père a avec le Fils [n° 2160].
L'amour du Père pour les disciples
Le Seigneur commence par rappeler la promesse qu'il leur a faite ; puis il donne la raison de cette promesse [n° 2157].
2154. Au sujet de sa promesse, le Seigneur rappelle d'abord une chose qu'il avait promise. Puis il fait quelque chose d'autre : il leur promet l'assurance pour demander. Il dit donc : EN CE JOUR-LÀ, c'est-à-dire lorsque je vous parlerai ouvertement du Père, VOUS DEMANDEREZ EN MON NOM, car connaissant alors clairement le Père, vous saurez que moi je lui suis coessentiel et que, par moi, vous avez accès auprès de lui. En effet, demander au nom du Christ, c'est espérer avoir par lui accès au Père - Ceux-ci invoquent leurs chars, ceux-là leurs chevaux ; mais nous, nous invoquerons le nom du Seigneur notre Dieu. Or ici le Christ cache qu'il va prier le Père pour eux ; aussi dit-il : ET JE NE VOUS DIS PAS QUE MOI JE PRIERAI LE PÈRE POUR VOUS.
2155. Mais est-ce qu'il ne prie pas pour nous ? Si, au contraire : Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le juste. - Il peut même sauver définitivement ceux qui par lui s'approchent de Dieu.
Et à ce sujet il faut dire en premier lieu, selon Augustin, qu'il dit cela pour exclure l'idée qu'il serait dorénavant comme une personne qui intercède en tant qu'homme. Ainsi, en ce jour-là, quand je vous parlerai ouvertement et que vous demanderez en mon nom, vous connaîtrez que je suis un avec le Père, et que je ne suis pas une personne qui intercède ; mais que, en tant que Dieu, sollicité avec le Père, j'exaucerai.
D'une autre manière, selon Chry-sostome, le Seigneur dit peut-être cela pour que les disciples ne croient pas que, obtenant ce qu'ils demandent par le Fils, ils n'aient donc pas accès immédiat auprès du Père. C'est comme s'il disait : A présent, vous avez recours à moi, pour que j'intercède pour vous ; mais alors, vous aurez une si grande confiance en le Père que vous-mêmes pourrez lui demander en mon nom, sans avoir besoin qu'un autre vous introduise.
2156. Mais les Apôtres n'ont-ils pas eu besoin du Christ homme pour intercéder ? Sinon, même s'il intercédait pour eux, son intercession serait inutile.
Mais il faut dire qu'il n'intercède pas pour eux comme s'ils étaient très loin et incapables d'avoir accès [auprès du Père], mais en rendant leurs prières plus dignes d'être exaucées.
2157. À présent, le Seigneur précise la raison de sa promesse qui est cet amour du Père pour eux. Il montre donc l'amour du Père, puis la preuve de cet amour [n° 2159].
2158. Voici donc ce que dit le Seigneur : JE NE VOUS DIS PAS QUE MOI JE PRIERAI LE PÈRE POUR VOUS - car il semblerait alors qu'il ne vous aime pas - mais de toute manière LE PÈRE LUI-MÊME, qui aime toutes choses, en voulant pour elles le bien de leur nature - Tu aimes en effet tout ce qui est, et tu ne détestes nen de ce que tu as fait -, VOUS AIME, vous les Apôtres et les saints, d'un amour privilégié, en voulant pour vous le bien suprême, c'est-à-dire lui-même - Il a aimé les peuples : tous les saints sont dans sa mainil vous a aimés pour cela - Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.
2159. Le Christ en donne une preuve à partir de deux choses : l'amour des disciples à son égard, et leur foi en lui.
En ce qui concerne l'amour des disciples à son égard, il dit : PARCE QUE VOUS, VOUS M'AVEZ AIMÉ. Ce n'est certes pas une preuve par la cause, puisque, selon la première épître de Jean, ce n'est pas que nous, nous ayons aimé Dieu ; mais c'est lui qui nous a aimés le premier. C'est en fait une preuve par le signe, parce que le fait même que nous aimons Dieu est signe que lui-même nous aime ; car le fait que nous puissions l'aimer provient d'un don de Dieu - La chanté de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. - Celui qui m'aime sera aimé de mon Père.
Quant à la foi, le Seigneur dit : ET VOUS AVEZ CRU QUE JE SUIS SORTI DE DIEU. En effet, sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. Or la foi nous vient de l'amour de Dieu car c'est le don de Dieu, et il n'y a de don qu'en raison de l'amour de celui qui donne. Or croire et aimer le Christ en tant qu'il est sorti de Dieu, c'est un signe suffisamment évident de l'amour de Dieu, car on aime encore plus ce par quoi toute chose existe. Si donc quelqu'un aime le Christ, qui est sorti de Dieu, son amour retourne principalement à Dieu le Père ; mais non pas s'il l'aime en tant qu'il est homme.
La familiarité du Père et du Fils
2160. Parce que le Christ a mentionné qu'il est sorti du Père, il en donne à présent une explication plus manifeste, où il montre son intimité avec le Père : il révèle d'abord qu'il est sorti d'auprès du Père, puis son retour vers le Père [n° 2163].
2161. Or il y a une double procession du Fils à partir du Père : l'une éternelle, l'autre temporelle [n° 2162]. Et il désigne la procession éternelle en disant : JE SUIS SORTI DU PÈRE, ayant été engendré par lui éternellement.
Notons que tout ce qui sort d'une réalité a d'abord été en elle. Or une chose est dans une autre de trois manières : comme le contenu est dans le contenant, comme la partie est dans le tout, ou comme l'accident est dans le sujet et l'effet dans la cause, et selon cela on dira que certaines choses sortent d'autres choses. Mais selon les deux premières manières, ce qui sort est une réalité qui est numériquement identique, comme le vin qui sort du tonneau est le même quant au nombre, et la partie qui sort du tout, identique ; tandis que, selon les deux dernières manières citées, ce qui sort n'est pas une réalité numériquement identique. Or cela, on ne doit pas le dire de Dieu : car puisque Dieu est tout à fait simple, et qu'il n'est pas dans un lieu, si ce n'est métaphoriquement, on ne peut pas dire que le Fils soit en lui comme une partie ou comme un contenu, mais qu'il est en lui par unité d'essence - Moi et le Père nous sommes un. Car toute l'essence du Père est toute l'essence du Fils, et réciproquement ; aussi le Fils n'est-il pas sorti du Père à la manière de ce dont nous avons parlé. En effet, ce qui sort du tout comme une partie en est distinct par l'essence, car la partie sortant du tout devient un être en acte, elle qui était, dans le tout, un être en puissance. De même, ce qui sort du tout qui le contient s'en distingue selon le lieu ; mais le Fils ne sort pas du Père selon le lieu, puisqu'il emplit tout, selon le passage de Jérémie : Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? II n'en sort pas non plus par division, puisque le Père est impartageable ; mais il sort de lui par distinction personnelle. Ainsi donc, par la sortie, en tant qu'elle présuppose l'inhérence, on désigne l'unité d'essence ; et en tant qu'elle suggère un certain processus, on désigne la distinction personnelle - De l'extrémité du ciel, c'est-à-dire de Dieu le Père, il sort. Et encore : Du sein, avant l'aurore, je t'ai engendré*. Dans les réalités corporelles, ce qui sort d'une chose n'est plus en elle, puisqu'il en sort par séparation d'essence ou de lieu. Tandis qu'ici, comme il ne s'agit pas d'une telle sortie, le Fils est sorti de toute éternité du Père d'une manière telle que, cependant, il est en lui de toute éternité ; et ainsi, quand il est en lui, il sort, et quand il sort, il est en lui ; si bien qu'il sort toujours, et qu'il est toujours en lui.
2162. Ici, c'est la procession temporelle que le Seigneur désigne. Or, de même que ce n'est pas selon le lieu qu'il est sorti du Père de toute éternité, de même sa venue dans le monde n'est pas non plus locale : car le Fils étant dans le Père et réciproquement, de même que le Père emplit tout, de même aussi le Fils, et il n'y a rien vers quoi il se meuve localement. On dit donc qu'il est venu dans le monde en tant qu'il a assumé la nature humaine, quant à son corps qui tire son origine du monde, mais non pas en changeant de lieu - Il est venu chez lui} et les siens ne l'ont pas reçu .
2163. Ensuite le Seigneur traite de son retour vers le Père. En premier lieu, il expose son départ du monde : DE NOUVEAU JE QUITTE LE MONDE, mais sans suspendre la providence de son gouvernement, puisqu'en même temps que le Père il gouverne toujours le monde et qu'il est toujours avec les fidèles par le secours de la grâce - Voici que moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. Il quitte donc le monde en se soustrayant au regard terrestre de ceux qui sont du monde.
En second lieu, il expose son retour vers le Père : JE VAIS VERS LE PÈRE, dont il ne s'était jamais séparé. Et il va, en tant qu'il s'est offert au Père en sa Passion - Il s'est offert lui-même à Dieu en hostie d'agréable odeur. De même en tant que, par la Résurrection, il a été comme homme configuré au Père dans l'immortalité - Mais vivant, c'est pour Dieu qu'il vit. Enfin en tant que dans l'Ascension il est monté aux cieux, en quoi il resplendit spécialement de la gloire divine - Or donc le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il siège à la droite de Dieu ; et plus haut : Et maintenant je vais vers celui qui m'a envoyé ; et aucun d'entre vous ne m'interroge : Où vas-tu ?
II – L'EFFET DE L'EXPLICATION SUR LES DISCIPLES
2164. Après avoir exposé les raisons et les paroles données pour consoler les Apôtres, l'Évangéliste montre leur effet sur les disciples : l'attitude des disciples, d'abord, puis leur condition [n° 2169] ; enfin il précise l'intention avec laquelle le Christ leur a parlé auparavant [n° 2173].
Deux
autres avantages infiniment précieux, que procurera aux disciples cette bienheureuse période inaugurée par le
second « un peu de temps », c'est-à-dire par la Pentecôte : une connaissance parfaite de la vérité et la toute-puissance d'intercession. - En ce jour-là. Cf. v. 26, et 14, 20 (avec la note). Au jour où Jésus sera de
nouveau présent aux siens, quoique d'une autre manière. - Vous ne m’interrogerez plus sur rien. Il y a
quelques instants à peine, v. 5, Notre-Seigneur se plaignait de ce qu'aucun de ses apôtres ne songeât à
l'interrompre ; maintenant il affirme tout au contraire qu'il sera inutile de lui poser des questions, car ils
verront alors toutes choses, grâce aux révélations du Paraclet. Cf. v. 13. La meilleure traduction du verbe
grec ερωτησετε est « interrogerez ». Cf. vv. 5 et 19. Le sens de « prier, adresser des requêtes », est possible
en cet endroit ; mais il est moins en harmonie avec le contexte. - En vérité, en vérité... Encore le sceau du
serment sur une solennelle promesse. Cf. v. 20. - Si vous demandez quelque chose à mon Père... Cf. 14, 13 ;
15, 16. Dans le texte grec, le verbe ne peut désigner que la prière. - Il vous le donnera. Quelques manuscrits
(entre autres א, B, C, L), et divers critiques à leur suite (Tischendorf, Tregelles, Westcott) placent les mots en
mon nom à la fin du verset ; ce qui modifie légèrement le sens : Si vous demandez quelque chose à mon Père,
il vous le donnera en mon nom.